Mare Nostrum Corsica 

Les révélations du rapport de l’Office des transports de la Corse (OTC) sur les offres des compagnies : consensus ou polémique ?
Le Piana croise le Danielle Casanova à l'entrée du port de Bastia, en août 2013 ; photo : Romain Roussel
Adopté par 27 voix pour sur 51, le rapport de l'OTC a finalement réuni un nombre suffisant d'élus autour de ses propositions. Le nombre conséquent de voix manquantes serait à rapprocher d'une facture de la continuité territoriale - et des tarifs de transport maritime finalement retenus - plus salés qu'attendu lors de la rédaction du cahier des charges !

Le rapport de l'OTC rendu public le 21 août 2013 par France 3 Corse - avant même sa mise en ligne sur le site de l'Assemblée de Corse - et finalement adopté le 6 septembre 2013 par les élus Corses a jugé que "l'offre du groupement constitué par la CMN et la SNCM respecte les objectifs définis par l’Assemblée de Corse, tant au titre des obligations définies par le cahier des charges que du point de vue financier". Il a donc écarté totalement les propositions de la Corsica Ferries, quoiqu'il les juge financièrement très compétitives et qu'il ne formule pas de critique de ces offres sur le plan technique ! Il a également sensiblement revu à la hausse la grille tarifaire pour les usagers (aussi bien pour les touristes que pour les résidents Corses) par rapport à celle votée en annexe du cahier des charges par les élus Corses en octobre 2012.


L’Office des transports
de la Corse préconisait l’attribution de la DSP Marseille-Corse au seul groupement SNCM – La Méridionale, pourtant plus cher sur la période 2014-2023

Comme l’avaient laissé entendre les déclarations successives de Paul-Marie Bartoli, président de l’Office des transports de la Corse (OTC), le rapport de l’OTC soumis au vote de l’Assemblée de Corse et finalement adopté le 6 septembre 2013 préconise l’attribution de la délégation de service public Marseille-Corse au seul groupement SNCM-CMN (La Méridionale). En effet, l’OTC considère que les propositions de la Corsica Ferries, quoique jugée financièrement « très compétitive », ne peuvent être retenues car il appartient au candidat à l’appel d’offres « de définir clairement les lignes sur lesquelles il remet une offre et non de proposer un panel de possibilités alternatives ». Si l’on se fie au rapport, le seul motif de rejet de l’offre de la compagnie aux bateaux jaunes serait donc le fait qu’elle a laissé le choix à la Collectivité de Corse de combiner à sa guise les différentes options qu’elle proposait ! Aussi, ce rapport, sans faire véritablement un consensus unanime, valide les orientations stratégiques décidées à l'été à la SNCM et évite des pertes d'emplois supplémentaires en préservant les intérêts des actuelles compagnies délégataires SNCM et CMN-La Méridionalesur l'ensemble des lignes Marseille-Corse. Pourtant était né un début de polémique, des voix discordantes faisant remarquer qu'une attribution de certaines lignes à la Corsica Ferries, comme Marseille-Porto Vecchio ou Marseille-Propriano par exemple, aurait pu générer des économies supplémentaires sans que l'on puisse objecter de critique sur un plan technique - si l'on se fie au contenu du rapport de l'OTC...

Quoi qu'il en soit, pour la première fois, ce rapport a levé le voile sur les propositions faites par les différentes compagnies et sur les compensations financières demandées année après année jusqu’en 2023 pour chacune des lignes. Mare Nostrum Corsica vous en donne une synthèse et apporte des éléments d’éclairage sur les navires proposés par les différentes compagnies ayant répondu à l’appel d’offres (SNCM, La Méridionale et Corsica Ferries).

 

5 nouveaux navires sont prévus entre 2016 et 2023 dans le courant de la convention, dont 4 à la SNCM


Si le rapport mentionne explicitement les navires qui avaient été proposés par la Corsica Ferries dans ses six propositions alternatives, il ne précise qu'en annexe ceux du groupement SNCM-La Méridionale. Compte tenu de ces éléments [1] et en supposant inchangée dans un premier temps l’affection observée en 2013 sur les différentes lignes de service public entre Marseille et la Corse, il est possible de reconstituer – moyennant quelque hypothèses – ce que pourrait être l’affectation des navires des compagnies délégataires sur la période 2014-2023.


Source : hypothèses Mare Nostrum Corsica (pour les dates de renouvellement des navires) et rapport de l’OTC (pour les navires nommés)

Pour la SNCM et La Méridionale, l’affectation des navires proposée au tableau ci-dessus repose sur l’hypothèse que les ruptures de série dans les dépenses d’investissements par ligne contenues dans la proposition du groupement correspond à l’entrée en fonction des différents navires de nouvelle génération [2]. Si l’on se fie à ces hypothèses, les entrées en service prévisionnelles des différents navires interviendraient donc, pour la SNCM, en cours d’année 2016 sur la ligne Marseille-Bastia, début 2017 sur la ligne Marseille-Ajaccio, courant 2017 sur la ligne Marseille-Porto Vecchio et début 2018 sur la ligne Marseille-Ile Rousse ; pour la Méridionale, courant 2023 sur la ligne Marseille-Propriano. Toutefois, il s’agirait là des hypothèses de travail ayant servi à établir les besoins de subventions au titre de l’investissement et non pas du calendrier effectif de livraison des navires, encore inconnu à ce stade, les quatre nouveaux navires de la SNCM n’ayant pas encore été commandés (et le remplacement du Kalliste de la Méridionale sur la ligne de Propriano ne devant intervenir qu’en fin de concession). D’ailleurs, le rapport de l’OTC prévoit qu’en cas de retard dans la livraison des navires, les pénalités de retard dues par les chantiers constructeurs lui seraient reversées à titre de compensation !

À noter que la Corsica Ferries n’ayant pas candidaté simultanément sur l’ensemble des lignes, dans le tableau précédent, les mêmes navires peuvent apparaître sur différentes destinations ; pour autant chacune de ses propositions de la compagnie à tête de maure prise isolément était cohérente en termes d’affectation des différents navires. Contrairement à la critique de l’offre de la compagnie plusieurs fois relayée par les médias, il était même visiblement envisagé de proposer d’affecter sur Marseille-Ile Rousse le Strada Corsa (finalement affrété par la Moby Lines pour l'été 2013, suite à l'incendie dont a été victime l'un de ses navires dédiés au fret, le Massimo M., puis vendu à la compagnie mexicaine Baja Ferries, qui avait déjà acquis le Monte Cinto de la SNCM en 2011) en sus d'un Mega Express, sans doute afin d’acheminer sur cette ligne les matériaux dangereux (qui nécessitent un pont ouvert). Mais peut-être s’agit-il là d’une amélioration de l’offre initiale de la compagnie proposée dans le courant du dernier round de négociations en juin 2013…

Une comparaison des montants de subventions demandés qui tournait pourtant à l’avantage de la Corsica Ferries sur la quasi-totalité des lignes sur lesquelles elle candidatait
Le départ du Mega Express Two de la Corsica Ferries, vu des hauteurs de la ville, en juillet 2013 (au premier plan, le sommet de l'église St Jean) ; photo : Romain Roussel
Sur chacune des lignes de Marseille sur laquelle elle postulait, la Corsica Ferries avait proposé des navires de type Mega Express qui allient vitesse, modernité et grande capacité passagers mais dont le rapport de l'OTC omet de noter que la capacité fret se serait révélée insuffisante sur les lignes Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio au regard du cahier des charges et conforme aux spécifications demandées sur les autres lignes.

Sans en préciser la grille de lecture (chose étonnante s’agissant d’un rapport soumis aux élus pour examen), le rapport de l’OTC donne le détail des 6 propositions alternatives de la Corsica Ferries pour ce qui est des compensations financières demandées année après année jusqu’en 2023 (cette dernière année étant tronquée à 10 mois, pour une raison non explicitée). Ce tableau est retranscrit ci-dessous et la compensation moyenne sur l’ensemble de la période 2014-2022 a été ajoutée par Mare Nostrum Corsica comme suit.


Source : rapport de l’OTC 

 

Selon toute vraisemblance, la proposition « Nord Corse » correspond à la ligne Marseille-Bastia, celles baptisées « Sud Corse » à la ligne Marseille-Ajaccio et « Grand Sud Corse » aux trois lignes de Marseille vers Ajaccio, Propriano et Porto Vecchio (c’est en effet ainsi que la Corsica Ferries avait dénommé une offre similaire dans sa réponse à l’appel d’offres de 2007). Sur cette proposition la plus large la Corsica Ferries (mobilisant 4 navires de type Mega Express) demandait ainsi un montant de subvention annuel allant de 19,8 millions d’euros en début de période à près de 22 millions en fin de période, soit une moyenne annuelle d’environ 21 millions.

Pour leur part, la SNCM (avec 4 navires mixtes) et CMN-La Méridionale (avec 3 navires mixtes) demandaient en moyenne respectivement 57,5 millions et 38,5 millions de subventions sur la période 2014-2023, comme détaillé par ligne au tableau suivant.


Source : rapport de l’OTC 

 

Il est à noter que, comme dans le cadre de la DSP 2007-2013, l’offre du groupement SNCM-CMN couvre quant à elle l’ensemble du périmètre au départ de Marseille et que si la présence de La Méridionale sur Porto Vecchio n’est qu’exceptionnelle (la ligne est habituellement assurée par la SNCM, avec le Jean Nicoli en saison), il est néanmoins prévu un montant (modeste) de subventions à ce titre.

Sur ces bases, le rapport de l’Office des transports ne dresse aucune comparaison, puisqu’il exclut d’emblée la proposition de la Corsica Ferries au motif que « la position adoptée par la Corsica Ferries place la Collectivité dans la position de devoir procéder à un choix à la place du candidat des lignes sur lesquelles ce dernier se positionne : en proposant des offres sur chaque ligne et plusieurs combinaisons possibles, tout en indiquant ne pas pouvoir assurer simultanément toutes les liaisons, le candidat ne permet pas à la Collectivité de connaître la ou les lignes sur lesquelles il se positionne. En effet, cela reviendrait lors de l’analyse des offres ligne par ligne à devoir exclure certaines lignes ou combinaisons uniquement en fonction d’un ordre arbitraire d’examen ». Il ne fait en revanche aucune critique de fond de l'offre faite par la Corsica Ferries en termes de navires, qui avait été jugée techniquement recevable lors des phases précédentes de l'appel d'offres. Quoique la capacité fret des Mega Express actuels soit inférieure à celle des cargos mixtes classiques et trop faible pour les lignes Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio au regard des exigences demandées, elle serait semble-t-il en ligne avec le cahier des charges pour les dessertes des lignes Marseille-Propriano, Marseille-Ile Rousse et Marseille-Porto Vecchio.

Il est possible, sur la base des éléments du dossier, de dresser une comparaison année après année et en moyenne sur la période ligne par ligne (pour l’année 2023, incomplète dans la proposition Corsica Ferries, ont été repris les montants 2022 de la compagnie conventionnellement majorés de 3% par Mare Nostrum Corsica pour les besoins du calcul).


Source : calculs Mare Nostrum Corsica sur la base du rapport de l’OTC

Les écarts de demandes de subventions de la part des compagnies constatés sont très variables d’une destination à l’autre : la Corsica Ferries aurait été plus chère de 2% sur Marseille-Ile Rousse (sans doute du fait de la nécessité de doubler le Mega Express Two par le Strada Corsapour le transport des matières dangereuses) mais sensiblement moins chère sur les autres lignes : l’écart va de moins 19% sur Marseille-Propriano à -58% sur Marseille-Porto Vecchio et à -77% sur Marseille-Ajaccio, l’option groupée dite « Grand Sud Corse » (Marseille-Ajaccio, Propriano et Porto Vecchio) de la Corsica Ferries ressortant à -63% - soit en moyenne 35,3 millions d’euros de demandes de subventions en moins par an - que celle du groupement SNCM-La Méridionale !  

 

Le rapport de l’OTC a abouti à une répartition un peu différente du montant de subventions en faveur du groupement SNCM-CMN sans en modifier le montant moyen et prévu des tarifs plus élevés que ceux adoptés en octobre 2012

Pour autant, le montant moyen de compensation demandé par le groupement SNCM-La Méridionale (96 millions d’euros par an au total) est jugé acceptable et pourra même être revu à la hausse si nécessaire dans la limite d’un plafond - non indexable - de 104 millions d’euros [3]. Certes, comme le précise l’OTC, les actuelles compagnies délégataires ont fait des efforts par rapport à leur proposition d’origine puisque « l’offre initiale du Groupement prévoyait, au titre de la contribution à l’exploitation, une participation d’environ 148 M€ par an ».

Par rapport aux dépenses de l'actuelle concession, cela permettrait une économie pour l’Office des transports de la Corse de 14 M€ en moyenne par an à compter de 2014 [4] (le projet de budget inclurait pour les lignes Marseille-Corse une dépense prévisionnelle de 110 M€ au titre de l’année 2013 selon la Commission européenne [5]) ; mais l’essentiel de l’économie proviendra de la suppression du dispositif d’aide sociale dès 2014 (16 M€ environ par an), qui bénéficie en grande partie à la Corsica Ferries. Au total, c'est jusqu'à 30 millions d'euros par an - dans l'hypothèse la plus optimiste - que la Collectivité de Corse devrait économiser sur l'enveloppe de continuité territoriale maritime à compter de 2014 (14 millions sur Marseille, 16 millions sur Nice et Toulon), comme illustré au graphique ci-dessous.

Un peu plus de la moitié des économies réalisées par la Collectivité de Corse sur l'enveloppe de continuité territoriale maritime pendant la période 2014-23 se ferait sur les lignes de Toulon et Nice
Les économies sur le champ de la DSP Marseille-Corse représenteraient un peu moins de la moitié du total économisé sur l'enveloppe de continuité territoriale maritime.

La baisse de demande de compensation financière de la part des compagnies SNCM et La Méridionale s'est toutefois pas faite sans contreparties au niveau tarifaire par rapport au cahier des charges initialement voté par les élus, précisées à l'annexe 16 relative à la grille tarifaire de la convention des lignes maritimes Marseille-Corse :

- les tarifs du fret seront finalement moins réduits que prévus (hors indexation, ils passeront à 85 euros du mètre linéaire, contre 75 euros initialement prévus) ;

- les tarifs maxima des résidents ont également été revus à la hausse par rapport au projet initial : ainsi, un aller-retour piéton au départ de Corse coûterait, hors indexation, jusqu'à 70 euros par adulte (contre 56 euros initialement envisagés dans le projet de DSP 2014-2023 voté en octobre 2012, soit un écart de 25%), avec une voiture, il faudrait ajouter, selon sa longueur, entre 92 et 112 euros maximum pour un aller-retour au lieu des 78 euros envisagés (tous les tarifs mentionnés sont exprimés hors indexation, hors taxe régionale et droits de port et hors surcoût combustible éventuel) ;

- la grille des tarifs non résidents a aussi été redessinée à la hausse par rapport au projet voté par les élus en octobre 2012 : ainsi, le passager piéton pourrait coûter jusqu'à 69 euros hors taxes par trajet (au lieu des 42 euros prévus initialement, soit 64% d'écart) mais ne saurait coûter moins de 18 euros par voyage, même en cas de promotion, les tarifs étant désormais encadrés. Pour les véhicules en revanche, l'augmentation par rapport aux tarifs prévus initialement pour la future convention est minime, puisqu'ils atteindront au maximum, selon la longueur du véhicule, de 129 à 156 euros par voyage au lieu d'une fourchette de 127 à 151 euros (là encore, tous les tarifs mentionnés sont exprimés hors indexation, hors taxe régionale et droits de port et hors surcoût combustible éventuel). Par ailleurs, c'en est a priori fini des promotions du type "voiture à 1 euro hors taxes", le règlement du nouveau service public de continuité territoriale prévoyant des tarifs minima également pour les voitures des particuliers (23 à 28 euros hors taxes par trajet, selon la longueur du véhicule) et précisant bien que les promotions de type Prima Corsa devront désormais se faire à des tarifs "compris entre le prix minima et le prix maxima".

Par ailleurs, la subvention n’est plus la seule variable d’ajustement en cas de dérive des coûts puisque « s’agissant de la gestion des coûts de carburant, la collectivité a proposé de faire évoluer le dispositif initialement proposé en prévoyant de porter le dispositif de report du coût carburant sur les tarifs à hauteur de 40% contre 15% précédemment ». Les tarifs des compagnies délégataires mentionnés plus hauts pourront donc être sensiblement revus à la hausse en cas de nouvelles hausses des cours des combustibles !

Comme précisé au tableau suivant, l’OTC propose juste un aménagement du calendrier de versement des subventions, avec moins de subventions que demandé par les compagnies en début de convention (de 2014 à 2016) et davantage en 2016-2017 afin de lisser son effort financier.


Source : rapport de l’OTC (moyenne et présentation Mare Nostrum Corsica).

Selon l’OTC, cette approche « apporte une garantie supplémentaire pour la Collectivité sur le respect par les compagnies de leurs engagements : le versement de la contribution étant minoré par rapport au besoin réel les trois premières années, les compagnies devront dès la première année veiller à optimiser au mieux leurs coûts de fonctionnement pour supporter l’impact du décalage de paiement en résultant. 


Une offre passagers des compagnies financée par la convention bien supérieure aux 410 000 passagers annuels votés par les élus Corses : sur les seules lignes de Marseille, celle-ci devrait atteindre 1 377 000 passagers en 2014 puis jusqu'à 2 534 000 passagers dès 2017 !

Enfin, notons que l’offre de services évoquée dans le projet de convention ressort au minimum à « 410 000 passagers annuels soit 34 000 passagers mensuels » et « 1 600 000 mètres linéaires annuels soit 133 333 mètres linéaires mensuels » pour le fret. Si ces montants sont conformes à ceux annoncés dans le projet d’appel d’offres, ils sont, pour les passagers, très sensiblement inférieurs à ceux qui figuraient dans l’annexe technique détaillée publiée octobre 2012 (1 170 000 passagers, voir article spécifique sur le sujet) dont certains observateurs s'interrogent sur le fait qu'elle aurait pu jouer un rôle dissuasif pour certains candidats potentiels susceptibles d'être intéressés par le marché continent-Corse... 

Par ailleurs, la SNCM a déjà annoncé publiquement qu'elle proposerait une offre quantitativement bien supérieure au départ de Marseille, notamment pour les passagers, au risque de prêter le flanc à la critique sur le thème "les coûts pour la Collectivité de Corse auraient pu être plus bas si la compagnie s'en était tenue strictement aux spécifications du cahier des charges voté par les élus"... De fait, d'après l'annexe 3 régissant la future convention de service public avec le groupement SNCM-CMN prévoit que les compagnies délégataires devraient offrir non pas 410 000 mais 1 377 404 places pour les passagers dès 2014 et 2 534 000 places dès 2017, une fois les premiers nouveaux navires de la SNCM mis en service (soit plus de six fois le niveau minimum requis !). À elle seule, la SNCM verrait sa capacité prévisionnelle de transport par navires mixtes entre Marseille et la Corse passer de 811 404 passagers en 2014 à 1 956 000 passagers en 2017 ! À titre de comparaison, le nombre de passagers transportés entre Marseille et la Corse, SNCM et CMN confondues, plafonne à 1 062 651 personnes en 2012 selon l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC), navires mxites et ferries confondus.


Le départ du Moby Corse de Bastia pour Genova, en juillet 2013 ; photo : Romain Roussel
D'autres compagnies, comme la Moby Lines - qui avait éphémèrement desservi la ligne Toulon-Bastia en 2010/2011 - auraient-elles pu être intéressées par l'appel d'offres Marseille-Corse si les spécifications techniques exigées s'en étaient tenues aux 410 000 passagers annuels comme dans le rapport final de l'OTC ?


Une nouvelle organisation de la desserte qui n'a finalement pas permis d'obtenir en 2014 une meilleure répartion des rotations de cargos mixtes vers le Sud Corse


À noter qu'en dépit d'une subvention totale de près de 1 milliard d'euros sur dix ans dans le cadre de la DSP Marseille-Corse 2014-2023, l'
Office des transports de la Corse n'a visiblement pas obtenu des compagnies délégataires SNCM et La Méridionale qu'elles alternent un jour sur deux les traversées vers les ports de Porto Vecchio et Propriano. Paul-Marie Bartoli avait pourtant indiqué publiquement à plusieurs reprises que cela devait faire partie des axes importants d'amélioration de la desserte qui avaient été demandés par la Collectivité de Corse lors des négociations de la nouvelle délégation de service public. En effet, ce sujet était identifié comme l'un des points faibles de la précédente convention de service public, cette concentration de la desserte fret de l'extrême Sud sur trois jours de la semaine aurait été un frein pour l'économie du Sud de l'île. Les navires mixtes étaient - et sont donc toujours, en 2014 dans le cadre de la nouvelle DSP - "concentrés" sur certaines journées de la semaine et totalement absents les autres jours, comme illustré au schéma ci-dessous...



Contrairement à ce qui était espéré, la répartition de la desserte de l'extrême Sud demeure en 2014 concentrée sur les seuls lundis, mercredis et vendredis dans le sens continent-Corse.
Schéma Mare Nostrum Corsica, d'après les horaires 2014 des compagnies. Le cercle rouge barré indique une absence de départ de navire mixte dans le sens continent-Corse, considéré ici à titre d'exemple. Seuls sont prises ici en compte les dessertes en navires mixtes, le port de Porto Vecchio bénéficiant en saison d'une rotation de ferry le samedi soir depuis Toulon. A noter toutefois que dans la programmation finalement retenue par La Méridionale, le port de Propriano a bénéficié - uniquement en saison - d'un quatrième toucher hebdomadaire depuis Marseille les samedis soirs ainsi que de quelques escales épisodiques de ferries de la SNCM.





[1] Le rapport donne un échéancier annuel très détaillé par ligne et par compagnie des demandes de subvention au titre des différents motifs (investissement, fonctionnement) et  précise en outre, comme annoncé, que « le délégataire doit recourir au « cargo roulier mixte » dont l'âge doit être inférieur ou égal à 25 ans (date de livraison du navire par le chantier naval de construction) à la date de signature de la convention et ne pas dépasser 30 ans pendant la durée de la convention ». En outre, il mentionne explicitement le fait que « la SNCM s’engage en outre dans la mise en œuvre d’une flotte renouvelée avec 4 navires RoPax de façon échelonnée entre 2016 et 2018 ».

[2] En effet, si l’entrée en service des nouveaux navires alimentés au gaz naturel liquéfié (GNL) permettrait en général de réduire le besoin de subvention, elle se traduirait par une hausse des besoins au titre de la ligne investissement (du fait de l’amortissement des bateaux) et par une réduction des besoins liés au fonctionnement (ce type de propulsion étant réputé plus économique).

[3] Au-delà de ce plafond, « les compagnies prendront le surplus éventuel à leur charge, ce qui les contraint à trouver sur la durée de la convention des pistes d’optimisation de leurs coûts ». À l’inverse, il est prévu que cette somme puisse évoluer à la baisse « en répercussion d’une éventuelle baisse de la dotation de  continuité territoriale ». Le rapport précise que « en cas de baisse de celle-ci, et dans une limite de 3%, la contribution à l’exploitation est réduite proportionnellement. Au-delà et après rencontre entre les parties pour envisager les adaptations des services, la Collectivité pourra résilier la convention pour un motif d’intérêt général ».

[4] Montant obtenu par différence entre la contribution moyenne estimée au titre du service public Marseille-Corse en 2013 (110 millions d’euros) et le montant moyen de subvention prévu dans le cadre de la DSP Marseille-Corse 2014-2023 (96 millions d’euros, hors indexation). Cette économie pourrait toutefois être moindre si le montant final de subvention devait, en pratique, finalement s’approcher du plafond de 104 millions d’euros…

[5] Plus précisément, la Commission européenne précise dans son courrier à l’Exécutif de Corse rendu public début juillet 2013 que "ce projet inclut une proposition de vote de deux compensations financières au profit de la SNCM et de la CMN d'un montant respectif de 78 014 930 € et 32 627 141 €, sans qu'il soit clair quelle quote-part relève des compensations relevant du service de base ou de celles relevant du service complémentaire".


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