Mare Nostrum Corsica
Précisions sur la DSP transitoire Marseille-Corse 2016-2017
attribuée à Corsica Linea et à La Méridionale

Départ de Bastia du Pascal Paoli en juillet 2016 ; photo : Romain Roussel
À l'instar des autres navires mixtes de Corsica Linea, le Pascal Paoli continuera de desservir sa ligne (en l'occurrence Marseille-Bastia) au moins jusqu'à fin septembre 2017 ; photo : Romain Roussel.


Pas de changement notable dans les lignes maritimes entre Marseille et la Corse ni dans les navires affectés à la desserte

L'Assemblée de Corse a adopté à l'unanimité le 30 septembre 2016 le rapport de l'Office des transports de la Corse (OTC) qui attribue de la délégation de service public provisoire (DSP) au groupement Corsica Linea / La Méridionale pour la période d'un an courant du... 1er octobre 2016 - c'est-à-dire le lendemain de la décision ! - à fin septembre 2017. Il s'agit d'un vote sans surprise, le rapport n'ayant pas prévu d'alternative, la proposition concurrente de la Corsica Ferries n'ayant pas abouti et n'étant même pas décrite dans le rapport. Il n'est donc pas possible de présenter une comparaison des offres comme l'avait fait Mare Nostrum Corsica dans un article thématique spécifique lors de l'attribution de la DSP 2014-2023 au groupement SNCM / La Méridionale, DSP finalement annulée en justice... La réponse des opérateurs Corsica Linea / La Méridionale à ce nouvel appel d'offres reprend les principaux ingrédients en termes de desserte que ceux mis en oeuvre lors la précédente DSP annulée en justice, les fréquences et les navires affectés à la desserte étant similaires comme décrit au tableau suivant :


Source : rapport "délégation du service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent", 30 septembre 2016

À noter que l'examen des propositions au sein du rapport s'effectue ligne à ligne et non de manière globale. Le rapport précise en outre que s'agissant de la ligne Marseille-Porto Vecchio, "les services peuvent se faire un jour sur deux en alternance avec Propriano dans une logique d'amélioration de la desserte du sud de la Corse". Il est donc conseillé - mais non pas imposé par le cahier des charges - aux compagnies maritimes Corsica Linea / La Méridionale de ne pas desservir les mêmes soirs dans le même sens les lignes Marseille-Propriano et Porto Vecchio, ce qui était un reproche adressé de longue date aux précédentes DSP. Cette préoccupation l'est toutefois partiellement - certains jours uniquement - dans les horaires d'hiver 2016-17 des compagnies commercialisés jusqu'à fin mars 2017. Toutefois, la programmation estivale 2017 des compagnies délégataires du service public ne prend pas en compte cette préconisation et continuent de privilégier des départs simultanés pour les deux ports du sud. 



Des tarifs maximaux revus à la baisse, pour le fret et pour les passagers résidant en Corse

En termes de tarifs, des plafonds contraignants s'appliquent comme annoncé il y a quelques mois déjà aux opérateurs délégataires du service public sur Marseille. Toutefois, ces contraintes tarifaires sont définies de manière différente à celles jusqu'ici en vigueur dans le cadre de la DSP Marseille-Corse 2014-2023 et également légèrement différente de celle envisagée dans les rapports adoptés jusqu'en avril 2016. En effet, le rapport adopté le 30 septembre 2016 prévoit pendant la période transitoire d'un an :

- des tarifs passagers maximaux, applicables aux seuls résidents corses (et aux étudiants scolarisés sur le continent dont les parents résident en Corse), généralement abaissés : 35 euros par passager (comme dans la grille en vigueur jusqu'ici, voir article thématique dédié), 45 à 49 euros par cabine (au lieu de 46 à 51 euros précédemment) et 44 à 54 euros par voiture accompagnée (contre 46 à 56 euros jusqu'alors).

- un "tarif résident contraint" plus avantageux (une réduction de 30% serait appliquée aux plafonds précédents) serait mis en place pour les résidents corses réservant au départ de l'île un billet ni modifiable ni remboursable au moins 45 jours avant la date du départ et pour une durée maximale de séjour de 7 jours sur le continent ; cet avantage serait mis en place pour un nombre de billets représentant au moins 30% de la capacité du navire ;

- pour le fret, le tarif du mètre linéaire serait ramené à un maximum de 40 euros (contre environ 45 euros jusqu'alors) et un tarif réduit de moitié (20 euros le mètre linéaire) s'appliquerait désormais à la fois "aux productions agricoles agroalimentaires et aux produits manufacturés ou industriels" au départ de Corse (dit tarif export) et aux "matières premières à destination de la Corse et destinées à être transformées en Corse, à la condition que l'acquéreur n'en soit pas le consommateur final" (dit tarif matières premières). Le nouveau dispositif va plus loin encore dans l'abaissement des tarifs du fret, puisqu'il prévoit un tarif encore plus réduit, de 15 euros par mètre linéaire (dit tarif export plus) pour le "transport de marchandises élaborées en Corse à partir de matières premières produites et transformées en Corse certifiées par un organisme compétent". À noter que pour le fret roulant, le passage du premier conducteur est compris dans ces tarifs ;

- pour les voitures de commerce (c'est-à-dire de moins de 2 mètres de hauteur), le nouveau dispositif introduit également des plafonds. Ceux-ci dépendent de la longueur du véhicule : un tarif de 146 euros est prévu pour ceux de moins de 4 mètres, 160 euros entre 4 et 4,5 mètres et 175 euros pour ceux au-delà de cette dimension (ces tarifs sont exprimés hors frais de dossier...).

Aucun encadrement tarifaire n'est en revanche prévu pour les tarifs passagers et cabines des voyageurs ne résidant pas en Corse, pour lesquels les tarifs pratiqués sont généralement sensiblement supérieurs.


Des capacités passagers et fret proches de celles de la précédente DSP et bien supérieures aux minima requis

À noter que l'adoption du rapport met fin au contentieux larvé entre l'OTC et les compagnies maritimes délégataires de service public sur la propriété des navires, puisqu'il reconnaît finalement que : "les navires ne sont ni des biens de retour, ni des biens de reprise, sous réserve du rachat de deux navires, acté au titre de la délégation de service public de 2013". La Collectivité de Corse renonce donc ainsi à réclamer la propriété des autres navires du groupement Corsica Linea / La Méridionale que ceux qui lui ont été cédé à compter de la fin de la DSP transitoire 2016-2017, à savoir les Monte d'Oro et Paglia Orba.

Enfin, s'il donne globalement un satisfecit aux navires de Corsica Linea / La Méridionale en termes d'efficacité énergétique (avec toutefois un bémol pour les plus puissants d'entre eux, affectés à la desserte de Bastia), le rapport pointe une limite de l'offre retenue, à savoir que : "le Groupement ne fait pas d'effort particulier dans son offre finale pour rassurer la collectivité en cas de grève et exposer les moyens mis en oeuvre et l'organisation pour limiter l'impact pour les passagers".

En termes de capacités requises, il est notable de constater qu'aussi bien pour les passagers que pour le fret, le cahier des charges de la nouvelle DSP transitoire impose des capacités bien plus réduites que celles de la DSP 2014-2023 précédente (décrite en détail en son temps dans cette page spéciale), au global de l'ordre de -69% pour les passagers et de -60% pour le fret, comme détaillé aux tableaux ci-dessous aux colonnes présentant l'évolution (1)/(2)

Toutefois, le programme des compagnies attributaires étant calqué sur le précédent en vigueur, les capacités offertes sont bien supérieures à ces minima requis, aussi bien pour les passagers que pour le fret : les colonnes (3) montrent que les capacités offertes atteignent ainsi près de 1,39 million de passagers annuels (pour 363 600 exigés), soit 3,82 fois plus et 4,51 millions de mètres linéaire de fret, pour 1,28 million requis, soit 3,52 fois plus ; les ratios détaillés par ligne rapportant les capacités proposées à celles requises sont présentés en détail dans les colonnes ratio (3)/(1)

De fait, les capacités proposées par le groupement Corsica Linea / La Méridionale semblent davantage se rapprocher de celles précédemment exigées par la DSP 2014-2023 annulée en justice, comme illustré par les ratios (3)/(2) calculés de manière similaire en rapportant les capacités offertes par le groupement à celles requises dans le cadre de la précédente DSP : ceux-ci atteignent 1,19 au global pour les passagers et 1,39 pour le fret.

Une autre comparaison est possible : celle des capacités proposées par le groupement Corsica Linea / La Méridionale avec les trafics passagers et fret effectivement réalisés sur les lignes Marseille-Corse pour la dernière année complète disponible à la parution de ce rapport, à savoir 2015. Les ratios ainsi obtenus, figurés aux colonnes ratio (3)/(4), varient en moyenne de 2,17 pour les passagers à 3,07 pour le fret. À noter qu'il est normal que les capacités proposées excèdent celles constatées, du fait de la présence d'importantes variations saisonnières des trafics (été versus hiver) et de l'existence d'un sens généralement plus chargé que l'autre selon les jours (week-ends...) et les périodes considérées (vacances scolaires...). Toutefois, les variations de ces ratios d'un port à l'autre semblent importantes, avec en particulier des valeurs particulièrement élevées sur le port d'Ile Rousse en matière de passagers et d'Ile Rousse, Propriano et Porto Vecchio en matière de fret, ratios élevés qui peuvent laisser craindre la présence de surcapacités en termes d'offre de transport.

Sources des deux tableaux : calculs Mare Nostrum Corsica d'après les données des rapports "délégation du service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent", 30 septembre 2016 et précédents pour les capacités exigées et de l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC) s'agissant des données de trafics passagers et fret de l'année 2015.



Une compensation financière qui atteint au total 78 millions d'euros par an pour La Méridionale et Corsica Linea

En termes de compensations financières demandées par le groupement Corsica Linea / La Méridionale, celles-ci sont sensiblement revues à la baisse par rapport à celles précédemment exigées dans le cadre de la DSP 2014-2023 annulée, la délégation transitoire prenant acte notamment de la restructuration de l'ex-SNCM et de la forte baisse du coût des combustibles intervenue depuis 2013. Aussi, comme illustré au tableau suivant, la compensation finale demandée par les opérateurs s'établirait à 78,0 millions d'euros pour la période d'un an allant d'octobre 2016 à septembre 2017, contre 87,2 millions initialement exigés avant négociation et près de 96,0 millions d'euros annuels en moyenne sur la période 2014-23 négociés dans le cadre de la précédente DSP (soit -18,7% au global). Le rapport ne permet toutefois pas d'établir la comparaison avec les montants renégociés début 2016 pour la période janvier-septembre 2016, ceux-ci n'étant pas rappelés...


Sources : calculs Mare Nostrum Corsica d'après les données des rapports "délégation du service public de transport maritime de passagers et de marchandises entre la Corse et le continent", 30 septembre 2016 et précédents. La répartition par ligne des 96 millions annuels de la DSP 2014-2023 est indicative, la précédente DSP ayant fait l'objet d'une attribution globale, le tableau ne fait que reprendre la ventilation des 96 millions alloués dans le schéma initialement présenté par la SNCM et La Méridionale en 2013.

Le départ du Girolata de Marseille, en juin 2016 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
De même que les autres navires mixtes de La Méridionale, le Girolata continuera de desservir sa ligne (Marseille-Ajaccio à titre principal) au moins jusqu'à fin septembre 2017 ; photo : Jean-Pierre Fabre.


Une procédure plus transparente que lors des précédentes DSP qui ont conduit la CTC à être condamnée en première instance à verser plus de 84 millions d'euros de dédommagements à la Corsica Ferries

L'attribution de la DSP 2016-2017 s'est voulue plus transparente que les précédentes, en respectant à la fois le principe d'une attribution ligne à ligne et celui d'une plus grande équité entre les candidats potentiels, ce qui lui a valu de ne pas être attaquée en justice. À l'inverse, les DSP précédentes avaient été très critiquées de ce point de vue et avaient conduit à des actions en justice de la Corsica Ferries, qui s'estimait injustement écartée et lésée par le subventionnement du service complémentaire assuré l'été par les ferries de la SNCM (les Napoléon Bonaparte - remplacé par l'Excelsior en 2013 - et Danielle Casanova). Le 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné en première instance la Collectivité territoriale de Corse (CTC) à verser à la Corsica Ferries des sommes de plus de 84,3 millions d'euros et de 369 500 euros au titre respectivement des DSP 2007-2013 et 2014-2023. La première de ces condamnations correspond au préjudice subi par la Corsica Ferries au titre du service complémentaire assuré par la SNCM de 2007 à 2013 (pour un montant de subvention annuel de plus de 30 millions d'euros - en sus de la subvention accordée à l'année pour la transport des passagers et du fret en cargos mixtes - soit plus de 180 millions sur la période), dont l'illégalité a définitivement été reconnue par le tribunal administratif de Marseille le 6 avril 2016. Le tribunal a ainsi validé la méthode de calcul de la compagnie aux bateaux jaunes qui réclamait un montant à peine supérieur (88,2 millions d'euros). La seconde correspond à l'indemnisation des frais dépensés en vain par la Corsica Ferries lors de la procédure d'attribution de la DSP 2014-2023 dont elle avait prématurément été écartée. Le président de l'Office des transports de la Corse, Jean-Félix Acquaviva, avait indiqué il y a quelques semaines à la radio Corse Alta Frequenza que la CTC ne pourrait acquitter de telles sommes, tout du moins en un seul exercice budgétaire, et ferait appel de cette décision de justice si elle était confirmée, ce qui a donc été le cas... De nouveaux épisodes judiciaires sont donc prévisibles.


Livorno, août 2014 ; photo : Romain Roussel
La manoeuvre d'accostage du Mega Express Three de la Corsica Ferries à Livorno, en août 2014. Photo : Romain Roussel.


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