Mare Nostrum
Corsica
Le 23 mars 2012,
l'Assemblée
de Corse
a défini les grands axes du futur service public maritime de
la
Corse... et les a validés le 5 octobre !
Dès
mars 2012, les
orientations adoptées prévoyaient,
qu'à compter de 2014, la délégation de
service public (DSP) serait limitée aux 7 cargos mixtes au
départ de Marseille et que l'aide sociale aux passagers des
lignes de Toulon et de Nice serait supprimée.
Il
n'y aura finalement pas de DSP transitoire et la nouvelle
délégation en vigueur à compter du 1er
janvier 2014 ne subventionnera plus ni les Mega Express de la Corsica Ferries sur
Toulon et Nice, ni les ferries de la SNCM sur Marseille
mais uniquement les cargos mixtes, dont la
capacité sera accrue, au départ de
la cité Phocéenne .
Déjà
avant mars 2012, des
positions souvent antagonistes - et parfois fluctuantes dans le temps -
des différents acteurs du dossier maritime Corse...
Selon l'hebdomadaire Le Marin, Marc Dufour, le
directeur
général de la SNCM (en
remplacement de Gérard
Couturier), avait déclaré en octobre
2011 qu'il croyait savoir que la décision de l'Assemblée de Corse de
choisir son nouveau délégataire
interviendrait "fin 2013
et sans doute pas avant", ce qui aurait impliqué que la
concession de service public sur Marseille-Corse n'aurait finalement
pas été dénoncée avant
l'heure
(l'échéance prévue de la
délégation
actuelle étant fixée au 31 décembre
2013),
contrairement aux souhaits publiquement exprimés courant
2010
par la SNCM
; dès
lors, on pouvait raisonnablement penser que le dispositif d'aide
sociale
sur Toulon et Nice-Corse n'aurait pas non plus
été remis en cause avant
cette date.
Toutefois,
le coup de tonnerre de l'annulation de l'appel
d'offres Marseille-Corse de 2007 intervenu le 7 novembre
2011 a remis totalement en cause ce scénario. Le Figaro
rapporte ainsi que "la Cour a estimé qu'il y avait violation
du
règlement européen sur le cabotage maritime" et
rapport
les propos de Pierre Mattei de la Corsica
Ferries, à l'origine
de cette contestation en justice : "Cela montre que nous
étions
dans notre bon droit et qu'on a subi un préjudice
!»
précise-t-il. Outre le service complémentaire
assuré en périodes de pointe par la SNCM à
l'aide
des ferries Napoléon
Bonaparte
et Danielle
Casanova
(voir
présentation de ce service dans la réponse
à l'idée
fausse n°4), serait dans la
ligne de mire de la justice la «clause
de sauvegarde» incluse dans le contrat de
délégation. Le
Figaro précise en effet que "cette clause
permet en effet aux entreprises délégataires [SNCM et La Méridionale]
de bénéficier d'un complément de
subvention quand
les recettes prévues au contrat ne sont pas au rendez-vous"
et
que "ce supplément est considéré comme
une aide
d'État et plusieurs dizaines de millions d'euros pourraient
devoir être remboursés". Un nouvel appel d'offre
aurait
donc dû être lancé pour un nouveau
contrat
opérationnel le 1er
septembre 2012. «Il va
être très difficile de tenir ce
délai»,
confiait Paul-Marie Bartoli, président de l'OTC,
à
cette même source qui précise également
que, selon
M. Bartoli, cette décision judiciaire devrait permettre
«une remise à plat de l'ensemble du
système de
continuité territoriale, la DSP et son corollaire
étroitement lié, l'aide sociale au
passager».
Dans
ce scénario, les éventuels concurrents de la SNCM pour la future
délégation de service public (initialement
censée débuter le 1er
janvier 2014) auraient alors risqué de ne pas disposer,
cette fois
encore, d'un délai suffisant pour adapter leur flotte
à
cette nouvelle donne du maritime, ce qui aurait
hypothéqué leurs
chances d'être retenus. Pour mémoire, cette
difficulté avait déjà
été
pointée par la Corsica
Ferries
lors du précédent renouvellement des
délégataires, en 2007 : les compagnies ouvrent
leurs
réservations pour la saison d'été
dès le
mois d'octobre de l'année
précédente et il
serait économiquement insoutenable pour celles actuellement
non
délégataires des lignes Marseille-Corse de ne pas
commercialiser les traversées de plusieurs navires en vue
d'une
hypothétique attribution de lignes de service public par la Collectivité
territoriale de Corse quelques mois plus tard à
peine.
Pour mémoire, les attributions des lignes de service public
maritime de l'île suédoise de Gotland se font
généralement au moins deux ans à
l'avance pour ne
pas faire entrave aux nouveaux opérateurs potentiels...
France Bleu Frequenza
Mora rapporte que Paul-Marie Bartoli
a déclaré
le 19 novembre 2011 à l'occasion du 3ème
congrès
des maires de Haute-Corse qu'il faudrait 18 mois pour mettre en place
la nouvelle délégation de service public.
L'actuelle DSP
aurait, dans cette hypothèse, été
prorogée de 8 à 10 mois au
delà du 1er
septembre, ce qui aurait porté son
échéance au printemps
ou à l'été 2013. Selon ce
même média, il aurait également
indiqué que les compagnies candidates auraient à
signer un accord
d'entreprise pour éviter toute nouvelle paralysie du trafic
par
des grèves : il projetterait ainsi d'instaurer une
obligation
pour les grévistes de se déclarer 4
à 5
jours avant le début de tout mouvement social. Corse Matin du 20
novembre ajoute qu'était aussi envisagée
l'instauration d'un prix plancher pour les
traversées afin de limiter la pointe touristique en saison. Le journal rapporte
en outre que, contrairement à ce qu'avait pu laisser penser
ses
déclarations antérieures, le Président
de l'Office des
transports
s'était finalement déclaré favorable
au maintien de l'aide sociale au passager
"à condition de rationaliser le dispositif pour qu'il ne
prenne
pas la forme d'une subvention déguisée et qu'il
ne touche
que les publics directement concernés :
étudiants,
seniors, handicapés, famille nombreuses".
Les nouveaux
élus de l'Assemblée
de Corse
auraient décidé du devenir de
ce service public sur la base notamment des
recommandations de la mission menée par le
sénateur Charles Revet au printemps 2010 ; rappelons que le
Président
du Conseil
exécutif de Corse,
Paul Giacobbi, avait alors pris position pour la
suppression du dispositif d'aide sociale qu'il qualifiait de
"critiquable". Dans une interview
parue dans Corse Matin
le 10 septembre 2010, celui-ci déclarait
également
qu'il était "tout à fait probable" que la
nouvelle
délégation de service public maritime inclue
aussi des rotations pour la Corse au départ du port de
Toulon. Cette information avait alors été
qualifiée de "bonne nouvelle" par
le Président de la SNCM,
Gérard Couturier, qui le confiait dans un entretien au
journal le Marin
du 15 octobre 2010. Il souhaitait lui aussi la suppression du
dispositif d'aide sociale, jugé "antinomique" avec la
délégation de service public sur Marseille ;
projet de
suppression que le Directeur général de
la Corsica Ferries,
Pierre Mattei, qualifie a
contrario de "désastreux pour Corsica Ferries".
Interrogé également par Corse Matin, Pierre
Mattei précise en effet que "cela reviendrait à
nous [Corsica Ferries]
évincer de Toulon, un port très bien desservi.
Or, une
délégation de service public (DSP) ne s'envisage
que s'il
y a un besoin de service public à satisfaire, ce qui n'est
pas
le cas" selon lui. Les faits récents semblent lui donner
raison, la SNCM
s'engageant finalement sur Toulon dès février
2012 en dehors du contrat de service public.
Il est vrai que, jusqu'à présent, les
appels d'offres successifs de l'Assemblée
de Corse
ont tous été remportés par la SNCM, en
partenariat
avec La
Méridionale (CMN),
même lorsque la Corsica
Ferries a
présenté des offres financièrement
plus
avantageuses pour la Collectivité, comme ce fut le cas la
dernière fois.
Il n'est donc pas du tout certain que la compagnie aux
bateaux jaunes présente de nouveau des propositions en cas
de
nouvel appel d'offres ; l'éventuelle DSP alors
envisagée sur les lignes
maritimes Toulon-Corse risquant au final d'aboutir à des
coûts plus élevés pour la Collectivité
que
le système actuel d'aide sociale pour des
fréquences de
desserte moindres ! Pour mémoire, on comptait en
2012 jusqu'à 5 allers-retours par jour
entre Toulon et la Corse à des tarifs très
compétitifs et pour un niveau de subvention ne pouvant plus
excéder 9 millions d'euros par an du fait de son
plafonnement ; il était donc difficile de faire
mieux.
Pour être tout à fait complets sur les positions
des uns et des autres quant à la
délégation de service public maritime
antérieures à mars 2012, signalons que tant
Paul
Giacobbi que Paul-Marie Bartoli avaient aussi, avant la
décision judiciaire de la Cour admnistrative de Marseille,
fait part
à plusieurs reprises de leurs fortes réserves sur
le dispositif de "service complémentaire", qualifié de
"système anti-économique" puisque l'Office
des transports de la Corse paye ainsi «32
millions avec un remplissage de 35% des ferries » de la SNCM en
périodes de pointe. Par ailleurs, le
Président de l'exécutif de Corse a toujours
été très critique
sur les conditions de privatisation de la SNCM en
2006 (le fonds d'investissement Butler
aurait ainsi "réalisé en un temps record et sans
effort
un bénéfice de 60 millions d'euros" dans
l'opération, rapporte Corse
Matin).
Il a ainsi demandé une Commission d'enquête
parlementaire sur le
sujet afin de "percer à jour cet affaire
dans ses moindres recoins" pointant du doigt le fait qu'"il y a des
choses anormales, peut-être même
illégales, qui ont
été faites avec l'argent de la
République".
Après
des débats infructueux en novembre 2010, le vote de l'Assemblée de Corse
faisant suite aux derniers échanges des 22 et 23 mars
2012 avait permis de dégager des orientations
nouvelles
à une large majorité des suffrages...
Selon
Paul Giacobbi, Président de l'exécutif Corse, les
nouvelles orientations de service public devraient contribuer
à
améliorer le taux de remplissage des navires des
différentes compagnies.
Les débats sur le sujet qui ont eu lieu
à l'Assemblée
de Corse
les 25 et 26 novembre 2010 n'avaient pas permis - loin s'en
faut - de dégager un consensus sur les orientations
futures en matière
de desserte maritime de l'île. Pis encore, le quotidien
insulaire 24 ore a,
depuis, révélé qu'un courrier de la Commission européenne
adressé au Président du Conseil exécutif de
Corse
n'avait pas été porté à la
connaissance des élus de l'Assemblée lors de
ces premiers débats alors qu'il aurait
été transmis dès le 23 novembre
et qu'il mettait fortement en doute la
nécessité d'une délégation
de
service public au départ de Toulon, tout en rappelant qu'il
fallait laisser aux compagnies suffisamment de temps pour
s'adapter à
la nouvelle donne. Dans ces conditions, Camille de Rocca Serra, ancien
Président de l'Assemblée
de Corse, a déclaré dans les
colonnes de 24 ore
que le débat avait été
faussé tout en
rappelant que la DSP n'était "pas le principe, mais
l'exception". C'est dans ce contexte tendu que l'Autorité de la
concurrence, saisie par la CCI du Var, a rendu
le
17 février 2012 un avis qui pointe du doigt le
coût élevé de la
délégation de
service public actuelle assurée au
départ de
Marseille par la SNCM et La
Méridionale
au regard du nombre de traversées effectué et qui
préconise, sinon de la supprimer, du moins d'en limiter le
périmètre au seul service de base et de ne pas y
inclure
le port de Toulon en raison de sa difficile
compatibilité avec les règles
européennes de
libre concurrence (voir page
spéciale sur cet avis). Pour mémoire,
d'après le site Econostrum,
le Président de l'Office
des
transports
déclarait précisément, fin 2010,
envisager une
desserte de la Corse au
départ
de Toulon à l'aide de deux cargos mixtes, qui
seraient
venus s'ajouter aux sept actuellement en service entre
Marseille
et la Corse...
Avant
même les débats sur le service public
maritime, le ton est monté entre
la SNCM et
les élus Corses qui ont appris par la presse que,
dans une lettre de
Gérard Couturier (président du
conseil de surveillance de la SNCM)
datée
du 5 mars 2012 adressée au Président de
l'exécutif Corse, Paul
Giacobbi,
que Veolia transport
proposait de vendre ses 66% de participation dans la SNCM pour un euro
symbolique à la Collectivité
territoriale de Corse. Pointant du doigt la nouvelle DSP
qui se profile, Marc Dufour de la SNCM
a mis la CTC au pied du mur : « Si le cahier des charges
est celui présenté lors de la dernière
session de la CTC, nous savons que nous ne pouvons pas mettre en place
ce plan et qu’il faut licencier 40 % de l’effectif
de l’entreprise. Nous ne pouvons continuer à
cautionner des décisions de réduction de volume
maritime, ni être comptable d’une suppression de
1000 emplois alors qu’il y a d’autres
façons de procéder. Dans ces conditions, nous
rendons les clés », rapporte le
site Corsenetinfos.
Par ailleurs, d'autres contentieux étaient alors en cours :
- à l'été 2012, la Commission européenne
s'est prononcée de manière très
critique sur les conditions de privatisation de la SNCM fin
2005, certains observateurs craignent que la compagnie ne doive
rembourser une partie des quelques 275 millions d'euros de fonds
publics reçus de l'Etat par la SNCM lors de son
processus de
privatisation ;
- la presse insulaire rapporte que la SNCM
réclamait à la Collectivité
territoriale de Corse
une indemnité pouvant aller jusqu'à 100 millions
d'euros
en dédommagement de la rupture qu'on anticipait alors de la
délégation de service public qui devait
normalement
courir jusqu'à fin 2013 (pour autant, rappelons que la SNCM
avait elle-même publiquement appelé de ses voeux
la
dénonciation de la convention en cours par voie de presse
courant 2011 mais espérait alors sans doute une
redéfinition de ses axes plus favorable à ses
projets...). Aucun accord amiable n'ayant pu être
trouvé
avec la SNCM,
la justice a été saisie par la Collectivité
territoriale de Corse (CTC) mais le Conseil d'Etat ayant
finalement cassé le jugement de la Cour admnistrative de Marseille,
la procédure devrait finalement
s'éteindre, la
rupture de la DSP 2007-2013 n'étant finalement pas
prononcée.
Au vu de ces éléments et des craintes que
suscitent pour
la SNCM la
redéfinition de la délégation de
service public, l'actionnaire principal de la compagnie, Veolia,
aurait manifesté son intention de faire jouer la clause
résolutoire prévue dans le contrat de
privatisation de la
compagnie pour s'en désengager de manière
anticipée (rappelons que le groupe Veolia
a, plus généralement, annoncé son
intention de se
désengager de son activité transport d'ici deux
ans).
Des pressions que Paul Giacobbi n’aurait pas
appréciées, selon le site Corsenetinfos, et qu’il
aurait durement condamnées : «Ce n'est pas
sérieux. La responsabilité d'un entrepreneur
n'est pas de
dire qu'il s'en va, au prétexte que les choses ne vont pas
bien,
mais au contraire d'assumer. Gérard Couturier n'est pas
qualifié pour proposer cette vente. La
Collectivité ne
saurait accepter ce genre de plaisanterie qu'après un
inventaire
très approfondi ».
De
fait, lors des séances de
l'Assemblée
de Corse
des 22 et 23 mars 2012 sur l'avenir de
la desserte maritime de l'île, c'est bien des orientations
nouvelles qui ont été
entérinées à
une large majorité :
- le
service complémentaire devrait être
supprimé : cette décision pemettrait
à elle seule à la CTC d'économiser
environ 33 millions euros par an de subventions versées
à la seule SNCM
pour la desserte des ferries Napoléon
Bonaparte et Danielle
Casanova
l'été et en périodes de pointe. Cela
constituerait
une remise à plat du système actuel
(décrit
à cette page
spéciale), dénoncée par la SNCM
et par plusieurs de ses syndicats qui y voient une menace forte sur les
emplois de ces navires.
- le
service de
base par cargos mixtes serait confirmé et le coût
du
transport de marchandises de et vers Marseille abaissé
: les sept cargos mixtes de la SNCM
et de la Méridionale seraient
confirmés et effectueraient 23 rotations par semaine et par
sens (7 sur Marseille-Bastia, autant sur Marseille-Ajaccio et 3 depuis
Marseille vers chacun des ports de Propriano, Porto Vecchio et Ile
Rousse). La capacité minimale de transport
exigée serait, dans chaque sens, de 410 000
passagers par an et de 1,6 million de mètres
linéaires de
fret (suite à amendement, le texte initial
prévoyait une
capacité de 1,4 million, plus proche des niveaux connus
jusqu'ici), l'objectif affiché étant de parvenir
à
une
réduction d'au moins 30% - pour atteindre 1000 euros - du
coût des transports de remorques entre le port
Phocéen et
la Corse.
- la
durée de la DSP sur Marseille-Corse serait
allongée à 12 ans
: alors que les DSP précédentes ne duraient que
de 5
à 7 ans, le projet s'est porté sur une
période
plus longue pour sécuriser l'horizon du futur
délégataire et lui permettre d'amortir ses navires
sur une plus longue durée. La nouvelle convention aurait
ainsi pu
courir de début 2014 à fin 2025.
- la
DSP ne serait
pas étendue aux lignes Toulon-Corse et l'aide sociale sur
les
lignes Toulon-Corse et Nice-Corse serait supprimée
:
dès la fin de la DSP actuelle sur Marseille-Corse, l'aide
sociale servant à financer les tarifs réduits
dont
bénéficient les passagers de la Corsica Ferries et
de la SNCM
des lignes entre Toulon, Nice et la Corse serait abrogée
(alors
qu'elle devait en théorie courir jusque fin 2013, son
envelope
annuelle étant limitée à 16 millions
d'euros par
an, répartis au prorata des passagers transportés
par ces
compagnies sur ces lignes, soit près de 14 millions d'euros
pour
la première et 2 millions d'euros pour la seconde). Ce
serait
donc la fin des tarifs réduits pratiqués sur ces
lignes
par l'ensemble des compagnies depuis 2002 ; la mise en place d'un tarif
résident pour aider les voyages des Corses vers le continent
serait toutefois à l'étude mais les contours de
ce
dispositif n'étaient alors pas connus. Le risque de retour
au
monopole d'une seule compagnie, celle qui aurait
été
reconnue délégataire de la DSP, est en revanche
écarté du fait de la non extension de la
délégation de service public au port de Toulon.
- la
faisabilité de la création d'une compagnie
régionale maritime serait étudiée.
Le rapport
qui a été adopté propose la
constitution d'une
commission spéciale qui étudiera la
création d'une
compagnie maritime régionale, idée
portée de
longue date par les groupes nationalistes et autonomistes. Pour autant,
le rapport en question se montre assez négatif sur la
question,
puisqu'il identifie d'ores et déjà d'importantes
difficultés dans sa mise en oeuvre pratique. Par ailleurs,
la
création d'une société
d'économie mixte
locale supposerait que des collectivités
détiennent
au moins 50 % du capital à côté d'un ou
plusieurs
partenaires privés, ce qui n'emporterait pas
l'adhésion
du président de la région PACA rapporte le
quotidien la Provence.
Le
schéma acté les 22 et 23 mars derniers
prévoyait qu'une partie des sommes ainsi
économisées par la CTC serait
redéployée vers le transport maritime de fret sur
Marseille (les subventions de la SNCM et
à la
Méridionale
progresseraient donc à ce titre mais en échange
d'une
baisse du tarif de transport des marchandises), tandis qu'une
autre partie serait consacrée à
l'aérien
(à titre d'exemple, les subventions accordées
à Air France
pour la desserte Orly-Corse progresseraient de plus de 11 millions
d'euros par an) et le reste devant a
priori profiter au réseau ferré de
l'île.
Au total, seule la
Méridionale -
souvent citée comme modèle par
l'exécutif de Corse
- sortirait à terme confortée par ces
décisions,
puisque ses dessertes et leurs subventions seraient
confirmées,
que le transport de fret sur ses navires serait rendu plus attractif et
qu'elle pourrait bénéficier, certes à
la marge,
d'un report des passagers des rotations de ferries potentiellement
supprimées sur Marseille. La situation serait plus difficile
tant pour la SNCM
que pour la Corsica
Ferries,
ces dernières devant se passer d'une partie importante de
leurs
subventions actuelles. Quant au report des passagers
transportés jusqu'alors sur les ferries de et vers
Marseille, tout
dépendra de la capacité de la SNCM
à développer ses lignes en dehors des obligations
de
service public : si le risque avancé dans la presse de
suppression de deux ferries apparaît maximaliste, la
suppression
du service complémentaire pourrait pousser la SNCM à se
redéployer en partie vers d'autres lignes en
Méditerranée
et/ou à intensifier ses dessertes par exemple de et vers
Toulon. Dans ce dernier cas, le report des passagers en saison ne se
ferait que très partiellement sur les lignes de la Corsica Ferries
sur Toulon et Nice, qui devraient quant à elles
pâtir
substantiellement de la suppression des tarifs réduits
permis
jusqu'ici par l'aide sociale. Au final, si le scénario d'un
"krach touristique" n'est pas totalement à exclure, surtout
dans
le contexte économique actuel, c'est peut-être
vers les lignes italiennes
que cette restriction globale des subventions au transport maritime
pourrait, à terme, conduire les passagers qui
décideraient, malgré le
renchérissement des prix,
de partir en Corse...
S'écartant
des orientations votées en mars, l'exécutif de Corse a
présenté au vote le 28 septembre 2012 un cahier
des
charges laissant ouverte la possibilité d'englober le port
de Toulon dans
le périmètre de la future
délégation de
service public maritime ! Cette option a été
rejetée par les élus le 5 octobre.
La Corsica Ferries a
argué du fait que son avenir aurait fortement
été
compromis si la compagnie avait été contrainte
de renoncer au port de Toulon sur lequel elle emploie 4 de ses 6
navires de classe Mega.
Comme
révélé par la radio France Bleu Corse Frequenza Mora
le 24 juin 2012, un rapport préparé
par l'Office des
transports de la Corse au nom du Conseil exécutif de
Corse
a été présenté aux
élus territoriaux
le 6 juillet dernier. Contre toute attente au vu des
délibérations de l'Assemblée de Corse
du 23 mars dernier, celui-ci suggèrait que la future
délégation de service public maritime (DSP)
englobe les
lignes Toulon-Corse en sus des lignes Marseille-Corse dans le
périmètre de la future
délégation de
service public maritime. Ce choix s'appuiyait sur un courrier de
l'ancien Ministre des transports, Thierry Mariani, à la Collectivité
territoriale de Corse,
qui lui aurait suggéré de procéder
ainsi... bien
que cela ne corresponde ni aux délibérations des
élus Corses de mars dernier, ni aux conclusions
de l'avis de l'Autorité
de la concurrence !
Il
semblait donc alors que les attentes de la SNCM -
qui annonçait jusqu'à 800
pertes d'emploi en cas de suppression du service
complémentaire sur Marseille
des ferries Napoléon Bonaparte et Danielle
Casanova
sans mise en
service "compensatoire" de deux navires mixtes
supplémentaires
sur
Toulon - aient, cette fois encore, été entendues.
Rappelons
aussi que, cet été, le climat social
était
particulièrement tendu à la SNCM,
un nouvel épisode de grève ayant
été observé le 15 juin 2012 pour
exiger que
l'ensemble des navires effectuant les liaisons continent-Corse arborent
le
pavillon français - donc également ceux de la Corsica
Ferries, qui
naviguent sous pavillon italien, comme l'y autorise actuellement la
législation
communautaire. Dans une interview au quotidien insulaire Corse
Matin, le
PDG de la Corsica Ferries, Pierre Mattei,
déclarait le 14 juin 2012
que si tel était le cas : "la France ferait une entorse
majeure à la
liberté de circulation, cela remettrait en cause les
fondements même de
l'Union. Mais si vous voulez que nous prenions cette
hypothèse, alors Corsica
Ferries disparaîtrait du continent
français. C'est le but recherché, non
?" et il ajoutait que "ce que veut la CGT des marins, c'est nous
rayer de la carte de France et envoyer nos salariés et nos
marins au chômage.
Qu'elle ait au moins le courage de le dire clairement."
La préoccupation de l'emploi apparaît donc majeure
à la fois à la
SNCM et
à la Corsica
Ferries (qui annonçait
en réponse un risque de perte de 500 emplois en
cas de retrait de ses navires de type Mega de Toulon) ce
qui a rendu très difficile à l'Assemblée de Corse
de trouver une position équilibrée permettant de
concilier à la fois les intérêts de
l'île et
ceux des compagnies maritimes et de leurs salariés
respectifs.
En effet, en cas d'intégration du port de Toulon dans le
périmètre de la future
délégation de
service public et d'adjudication du marché à la SNCM (le PDG de la Corsica Ferries, déjà
écartée du marché Marseille-Corse en
2007, "ne pense pas" que la Collectivité
territoriale de Corse souhaite que sa compagnie
réponde au nouvel appel d'offres), la Corsica Ferries
soulignait qu'elle risquait de disparaître du port Varois,
l'adjudication des
lignes au délégataire étant exclusive.
Le
précédent des lignes Marseille-Corse montre
qu'aucune
compagnie maritime ne semble économiquement pouvoir se
risquer,
sans subvention, à concurrencer les actuels
délégataires du service public. Notons que l'exécutif de Corse
justifiait sa proposition par une volonté de plus grande
régulation du marché et de baisse des prix du
fret pour
les transporteurs, en arguant du fait que l'extension à
Toulon
n'aurait porté que sur deux navires et aurait
été centrée sur le
transport des marchandises. Rappelons toutefois que la SNCM
avait annoncé vouloir dans un proche avenir effectuer des
aller-retours Toulon-Corse de jour en plus de ses voyages de nuit et
venir ainsi directement concurrencer, avec des navires plus rapides que
l'Ile de
Beauté ou le Corse, les Mega Express
de la Corsica Ferries pour le transport des passagers sur ces lignes.
L'argument d'une DSP dédié au seul fret sur
Toulon
apparaissait d'autant moins crédible que la SNCM
venait de lancer un appel d'offres international pour la
construction de
quatre navires neufs (plus quatre autres en option) et que
ces navires
auraient, en sus d''une capacité de 2300 à 2600
mètres linéaires de marchandises, une
capacité
passagers bien supérieure à celle des cargos
mixtes
actuels1 :
1400 à 1600 passagers serait la cible
envisagée, d'après le journal le Marin
du 6 juillet 2012, ce qui vient confirmer l'ordre de grandeur d'environ
1500 passagers comme dimensionnement des futurs cargos mixtes de la
compagnie évoqué dans de
précédentes
interviews des dirigeants de la SNCM.
Aussi, malgré les démentis de l'exécutif de Corse,
le projet d'extension de la DSP à Toulon à l'aide
de deux
navires mixtes et son attribution probable à la SNCM aurait pu
provoquer un séisme sans précédent au
sein
de la compagnie aux bateaux jaunes qui doit
déjà
faire face (comme la Moby
Lines) à l'effondrement du marché
sarde, sur lequel elle ne peut désormais plus
aligner qu'un seul navire au vu des surcapacités
observées. Dans ce scénario, le risque d'un
retour au monopole maritime de la SNCM
sur les lignes de Corse aurait été
élevé... C'est
dans ce contexte extrêmement tendu que se sont
positionnés les
différents acteurs politiques et économiques
insulaires, la proposition
d'élargissement de la DSP à Toulon, soutenue par
l'aile la plus à gauche de
l'Assemblée
de Corse,
ayant rencontré soit un accueil parfois très
réservé de la part des autres élus de
la
majorité, soit une forte opposition de la
quasi-unanimité
des autres membres de l'Assemblée. Les trois chambres de
commerce et d'industrie de Corse, celle du Var ainsi que la plupart des
acteurs de la filière touristique et du monde
économique
se sont également prononcés contre ce projet.
Le vote sur la question n'est finalement pas intervenu comme
prévu dès le
mois de juillet, ni le 28 septembre, mais le 5 octobre 2012, la session
de l'Assemblée
de Corse
de fin septembre ayant été suspendue suite au
tollé suscité par le projet de rapport sur le
transports
maritimes, jugé par de nombreux élus
imprécis ou
trop éloigné des options retenues en mars de
cette
année. Cela n'a pas été trop
préjudiciable
en termes de délais, la DSP 2007-2013 sur
Marseille-Corse n'ayant, coup de théâtre,
finalement pas été annulée
puisque le Conseil
d'Etat a suivi les conclusions du
rapporteur public. Celui-ci avait estimé, le 2 juillet 2012,
"que la carence de l'initiative privée n'est pas la
condition sine
qua non
de la mise en place d'une DSP" et que la DSP actuelle, comprenant donc
les deux ferries de la SNCM
affectés
au service complémentaire, pouvait se
poursuivre jusqu'à son terme normal, c'est-à-dire
jusqu'au 31 décembre 2013. Il n'était
dès lors plus
nécessaire de définir une DSP transitoire, sur
laquelle l'Office
des transports de la Corse, la SNCM et la
Méridionale
n'avaient justement pas réussi à se
mettre d'accord ;
dès lors, l'aide sociale sur Toulon et Nice devrait
elle
aussi perdurer jusqu'à cette même date.
À noter que les travaux sur la nouvelle DSP maritime
Marseille-Corse se sont déroulés dans un contexte
d'autant plus tendu qu'ils se sont tenus sous l'oeil attentif de
Bruxelles qui, suite à une plainte
de la Corsica Ferries,
a annoncé fin juin 2012 l'ouverture d'une
enquête
approfondie « en vue de déterminer si les
compensations
reçues par la SNCM
et la CMN
pour la desserte des lignes maritimes entre la Corse et Marseille sont
conformes aux règles de l'Union Européenne
en matière d'aide d'État ». En
effet, la Commission
européenne
dit « avoir des doutes sur la nécessité
et la
proportionnalité de l'obligation de service public ainsi que
sur
le mécanisme de compensation » et doute
que les
paramètres du mécanisme de compensation aient
été fixés au préalable
d'une manière
objective et transparente. La Commission
requiert également des informations
complémentaires
relatives aux compensations réellement payées aux
co-délégataires, afin d'évaluer si les
entreprises
n'ont bénéficié d'aucune
surcompensation et si le
bénéfice qui leur a été
alloué a
été correctement établi. Enfin, la Commission
examinera si la procédure de sélection
était
susceptible d'assurer une concurrence réelle et suffisante
permettant de sélectionner le candidat capable de fournir
les
services en cause au moindre coût pour la
collectivité
». Il est à noter que cette enquête est
distincte de la décision du tribunal de l'Union européenne
qui
a annulé mardi 11 septembre 2012 une décision de
la Commission de
Bruxelles qui avait validé des aides
accordées par la France à la SNCM en 2002 (76
M€), puis lors de sa privatisation en 2006 (recapitalisaiton
pour un montant de 158 millions d'euros, apport
supplémentaire en capital par la CGMF de 8,75 millions
d'euros
et une avance en compte courant pour 38,5 millions d'euros visant
à financer un éventuel plan social). Si cela
n'entraîne aucune conséquence
immédiate, la SNCM,
qui va faire appel de la décision, encourt au final le
risque
qu'une partie de ces sommes soit requalifiée en aides d'Etat
et
doive par conséquent être remboursée.
Au final, le cahier des charges adopté le 5 octobre 2012 par
les élus2
de l'Assemblée
de Corse est finalement assez proche des orientations
annoncées en mars, schématiquement, à
compter du 1er janvier 2014 :
- la
subvention du service complémentaire des ferries au
départ de Marseille en périodes de
pointe est
effectivement supprimée ;
- le
service de
base assuré par sept cargos mixtes
est confirmé et le coût du
transport de marchandises de et vers Marseille significativement
abaissé ;
- la
durée de la DSP sur Marseille-Corse est finalement
allongée à 10 ans
(et
non 12 ans, comme initialement envisagé), sous
réserve
que cette durée soit jugée conforme aux
règles
européennes ;
- le
projet d'extension de la DSP aux lignes Toulon-Corse est
abandonné, le
président du Conseil
exécutif,
Paul Giacobbi, ayant finalement reconnu début octobre 2012
qu'il
n'était pas possible de mettre en évidence une
insuffisance de desserte de la Corse au départ du port de
Toulon
au vu de l'importance des moyens navals employés
à
l'année sur cet axe ;
- la suppression de l'aide sociale sur les
lignes Toulon-Corse et Nice-Corse est entérinée,
en
remplacement, un tarif résident plus avantageux pour les
insulaires est instauré ;
- l'étude
de la faisabilité de la création d'une compagnie
régionale maritime aura été
menée et la propriété des
navires de la DSP pourrait revenir à la Collectivité
territoriale de Corse en cas de désengagement
d'une des sociétés
délégataires ;
-
l'âge maximal des navires employés dans le cadre
de la DSP est porté à 30 ans,
contre 25 ans proposés dans le rapport soumis au vote par
l'exécutif le 28 septembre ; jusqu'ici c'est un
âge
maximal de 20 ans - appréciés cette fois en
début
de convention - qui avait été retenu dans le
cadre des
DSP 2002-2007 et 2007-2013 (les conséquences possibles de ce
changement de règle sont présentées
à titre
purement indicatif dans ce tableau)
;
- la
proposition d'un "service social et solidaire", visant à
éviter les conflits sociaux, est retenue à la place de
la notion de service
minimum garanti,
initialement proposée dans le rapport soumis au vote mais
qui
avait été jugée par de nombreux
élus comme
une atteinte au droit de grève. Ce nouveau service
prévoit qu'en cas de grève des navires, au plus
15% des
rotations normalement prévues (soit un navire sur sept)
puissent
continuer à être assurées afin de
transporter au
moins les résidents corses, les passagers dits prioritaires
(par
exemple, les personnes devant voyager pour raison médicale)
et
les marchandises de première nécessité.
Reste donc à
la Collectivité
territoriale de Corse
à définir début novembre les
obligations de service public qui entreront
en vigueur en 2014 sur les lignes conventionnées (mais plus
subventionnées donc) de Toulon et de Nice et à
lancer, sur
les bases entérinées le 5 octobre,
l'appel d'offres pour les lignes Marseille-Corse. Le calendrier
envisagé est le suivant : l'appel à candidatures
serait
publié dans la presse spécialisée
courant novembre
2012 pour une ouverture des plis des compagnies
soumissionnaires en janvier 2013 et une attribution du
marché de la DSP envisagée d'ici la fin mai 2013
si tout se
déroule normalement...
Le Piana constituera
très certainement le fer de lance de La Méridionale
dans le cadre de sa réponse à l'appel d'offres
des lignes Marseille-Corse pour la période 2014-2023.
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Note
:
1
À l'exception notable du Jean
Nicoli, qui peut transporter jusqu'à 1500
passagers, les cargos mixtes actuels de la SNCM et de la Méridionale
ont une capacité maximale près de deux
à trois
fois inférieure. Ainsi, les autres cargos mixtes de la SNCM peuvent
embarquer au plus 550 passagers tandis que ceux de la Méridionale
peuvent accueilir de 500 à 750 passagers.
2 Le
rapport a été adopté par 26 voix
pour, issues de divers groupes parlementaires, de gauche comme de
droite (Groupe des radicaux, socialistes, démocrates, Gauche
Républicaine, Groupe
Rassembler pour la Corse). Il y a eu 19 abstentions (Femu a Corsica,
Corsica
Libera, Corse social démocrate) et 6 voix contre (Front de
gauche).
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