Le 5 octobre 2012, l'Assemblée de Corse
a confirmé d'importantes capacités fret pour le
service public de l'axe Marseille-Corse
Comme Mare Nostrum
Corsica l'a déjà illustré
dans un précédent article thématique,
la définition des principaux
axes de la nouvelle desserte de service public maritime de la Corse a fait l'objet de
nombreux revirements en amont du vote de l'Assemblée de Corse
intervenu le 5 octobre 2012. Et ce, jusqu'à la
dernière
séance de débats, qui a
finalement précisé suite à un
amendement
déposé par le Conseil exécutif de
Corse que les
capacités fret minimales annuelles de 1,6 million de
mètres linéaires entre
Marseille et la Corse précisées dans les
documents
techniques annexés au projet de la future convention
devaient en
fait s'entendre comme des capacités minimales à
respecter
dans chaque sens, les portant ainsi à 3,2
millions de mètres linéaires dans le cadre de la
nouvelle délégation de service public (DSP)
maritime en
vigueur du 1er janvier 2014 au 31
décembre 2023. Il
est à noter que le niveau finalement adopté,
quoique
proche de celui en vigueur jusqu'alors dans le cadre de la DSP
précédente (2007-2013), est très
significativement
supérieur à celui initialement
préconisé
par le rapport de la Mission
d'assistance et de conseil sur la desserte maritime Corse-continent
diligenté par la Collectivité
territoriale de Corse
et rendu public le 27 février 2012 qui précisait
que "au
regard de l'étude des besoins, les
caractéristiques du
futur périmètre du service de desserte maritime
dont les
modalités d'organisation relèvent de la CTC"
étaient de 1,4 million de mètres
linéaires annuels.
Le
tableau suivant montre que les capacités fret par rotation
sont
strictement identiques à celles qui prévalaient
dans le cadre
de la précédente période pour
les
ports de Porto Vecchio, Propriano et Ile Rousse (le port de Calvi n'est
mentionné ici que de manière purement indicative,
car en
pratique les rotations s'effectuent sur Ile Rousse, sauf
imprévu). Elles sont en moyenne un peu
supérieures
à celles qui prévalaient jusqu'alors sur les
ports de
Bastia et d'Ajaccio et définies désormais de
manière invariable quelle que soit la période de
l'année considérée, alors
qu'auparavant, les
capacités étaient modulées
à la hausse
pendant la saison estivale (par exemple, sur Bastia, chaque navire doit
transporter au moins 2000 mètres linéaires de
fret toute
l'année, tandis que dans la DSP 2007-2013, la
capacité
minimale exigée variait de 1800 mètres
linéaires
la majeure partie de l'année à 2400
mètres linéaires en saison).
À noter qu'il
est fait ici l'hypothèse que ce sont des navires mixtes qui
assureraient la septième rotation hebdomadaire de service
public
entre Marseille, Bastia et Ajaccio prévue toute
l'année
par le volet passagers de la DSP, car en fait la DSP fret n'en
prévoit que six par semaine sur ces deux ports.
Faute de
retenir cette hypothèse, le calcul ci-dessous ne permettrait
pas
d'atteindre le niveau minimal total de 3,2 millions de
mètres
linéaires sur la Corse dans le cas où les
capacités des navires en service seraient justes
calées
sur les minima exigés.
Source : calculs Mare
Nostrum Corsica sur la base du document voté le
5 octobre 2012.
Une rapide comparaison de la
capacité
annuelle exigée dans le cadre de la future DSP Marseille
Corse
2014-2023 aux trafics effectivement constatés sur ces lignes
en
2011 (dernière année complète connue
au moment du
vote des élus de l'Assemblée
de Corse)
montre que les capacités annuelles minimales
votées
demeurent, selon le port Corse considéré, de 1,8
à
2,5 fois supérieures au trafic annuel effectivement
constaté en 2011. Ainsi, pour le port de Porto Vecchio, la
capacité fret minimale qui est exigée atteint 312
000
mètres linéaires environ, contre un peu plus de
126 000
effectivement transportés en 2011.
Source : calculs Mare Nostrum Corsica
sur la base du document voté le 5 octobre 2012 et
données de trafic de l'Observatoire régional
des transports de la Corse (ORTC).
Plusieurs facteurs tendent
à justifier
que soit retenu un écart significatif entre le trafic
constaté et les capacités minimales
exigées :
- le trafic fret ne se répartit pas
nécessairement de
manière parfaitement homogène sur
l'année0
ou d'un jour de la semaine
à l'autre et il faut
prévoir de la marge pour absorber les remorques en
période de pointe ;
- il ne faut pas raisonner de manière "statique"
sur la
seule année 2011, les trafics fret de la Corse augmentent
régulièrement et, au vu de la durée
importante la
convention qui va jusqu'en 2023 inclus, il est nécessaire
d'anticiper cette croissance future des trafics ;
- enfin, il convient de garder en mémoire que la
volonté affichée de l'Assemblée de Corse
qui a présidé aux votes des 5 octobre et 9
novembre 2012
a été de promouvoir le transport du fret au
départ
de Marseille via
un
abaissement très significatif de ses tarifs de transport,
désormais alignés sur ceux des lignes
Toulon-Corse (75
euros le mètre linéaire pour un aller-retour). Il
est
aussi précisé en annexe du document
voté que "ces
tarifs pourront faire l’objet d’une
réduction qui ne
pourra pas excéder 10 %", ils ne pourront donc
être
inférieurs à 67,5 euros du mètre
linéaire
pour un aller-retour, ce qui aura des conséquences
inflationnistes en dehors des lignes de Marseille puisque la Corsica Ferries
pratique fin 2012 entre Toulon et la Corse un tarif promotionnel
à 59,8 euros ! C'est pourquoi, la compagnie aux bateaux
jaunes a
annoncé à WK
transport-logistique
son intention de mener une action en justice afin de faire
déclarer illégale cette disposition
prévoyant des
tarifs plancher, qu'elle juge protectionniste.
Il est à noter que si
le trafic fret de la Corse ne se répartit pas
uniformément selon le sens considéré
en termes de tonnage (les
"importations" de la Corse sont nettement plus importantes que ses
"exportations" selon l'INSEE),
ce raisonnement n'est plus valable en termes de nombre de
mètres
linéaires transportés, ce qui ne justifie pas de
prévoir également une marge à ce
titre pour absorber le trafic dans le sens de pointe.
Surtout, l'ampleur de l'écart entre la capacité
fret
exigée et celle effectivement transportée
interroge : même
si les
lignes Marseille-Corse absorbaient dès 2014
l'intégralité du fret jusqu'ici
transporté sur la
Corse depuis Marseille, Toulon et Nice, il resterait encore une marge
annuelle de plus de 1,2 million de mètres
linéaires, soit
presque autant que le 1,48 million de mètres
linéaires
transporté entre Marseille et la Corse en 2011 !
Exprimé
autrement, le trafic fret entre Marseille et la Corse pourrait en
théorie être multiplié par 2,2 sans que
ne soit
atteinte la capacité fret minimale requise, il faut donc
souhaiter que l'abaissement des tarifs de transport des marchandises
induise un fort développement du secteur, de peur
que ne
s'accroissent les surcapacités du secteur maritime en
matière de fret.
Les
capacités passagers minimales exigées sont
sensiblement
revues à la baisse mais demeurent bien
supérieures au
trafic maritime constaté jusqu'ici entre Marseille et la
Corse
Les
médias se sont largement
fait l'écho du chiffre de 410 000 passagers annuels de
capacité minimale entre Marseille et la Corse
indiqué
dans le document voté par l'Assemblée
de Corse
le 5 octobre 2012 pour la nouvelle
délégation de service public (DSP) maritime en
vigueur à compter de janvier 2014. Pour la même
raison que
celle évoquée précédemment
pour le fret, il
s'agit là encore
finalement d'une capacité de transport exprimée
dans
chaque sens, ce
qui devrait de facto porter
au total la capacité minimale de transport
annoncée sur Marseille-Corse à 820 000 passagers
annuels.
Pour autant, le projet de convention de service public mentionne en
fait précisément des capacités
passagers minimales
à respecter, telles que rappelées au tableau
suivant, qui
portent en réalité la capacité
minimale
exigée dans le cadre de la DSP à 1,17 million de
passagers annuels. Cette estimation résulte de la
simple application de la capacité standard de 500
passagers
exigée par rotation (sauf sur Marseille-Ile Rousse,
où
cette capacité n'est que de 275 passagers par
rotation hors
périodes de pointe) au nombre minimum de rotations
exigé
tout au long de l'année.
Source : calculs Mare Nostrum Corsica
sur la base du document voté le 5 octobre 2012. * On ne
considère ici que le trafic passagers
régulier des
navires mixtes, mais pour la période 2007-2013, un important
supplément de capacités en ferries
était
exigé sur les lignes Marseille-Bastia, Marseille-Ajaccio et
Marseille-Propriano en périodes de pointe.
Rappelons que parallèlement à la fin
du dispositif d'aide sociale au départ de Toulon
et de Nice, l'Assemblée
de Corse
a décidé le 5 octobre 2012 la fin du
subventionnement du
service complémentaire par car-ferry entre Marseille et la
Corse
à compter de 2014. Celui-ci
bénéficiait jusqu'ici
à la seule SNCM
et était assuré par les cruise-ferries Danielle Casanova
et
Napoléon
Bonaparte.
On ignore à ce stade si, pour absorber les flux touristiques
en
périodes de pointe, la compagnie maintiendra
à
l'avenir sans
subvention une
desserte estivale en ferry sur Marseille en sus des navires mixtes,
comme elle le fait déjà en 2013 avec les navires Méditerranée
et Corse
sur les lignes entre Toulon, Nice et la Corse (jusqu'en 2012, le Méditerranée
effectuait
aussi une traversée Marseille-Porto
Vecchio hebdomadaire en été en sus du cahier des
charges de service public).
Dans l'incertitude, si l'on se place ici dans l'hypothèse
minimaliste selon laquelle seuls les sept cargos mixtes qui assurent
jusqu'en 2013 la continuité territoriale continueraient de
naviguer entre Marseille et la Corse, on aboutit
approximativement à une capacité de
transport
annuelle de l'ordre 1,69 million de passagers1.
Même dans cette hypothèse basse, cette
capacité de
transport demeure bien supérieure à celle
exigée
par la convention, qui est en fait de 1,17 million, comme
illustré plus haut, et plus encore aux besoins de service
public
tels qu'ils avaient été estimés dans le rapport du 27 février 2012 de la Mission d'assistance et de
conseil sur la desserte maritime Corse-continent
diligenté par la Collectivité
territoriale de Corse, qui les évaluait à
seulement 410 000 passagers annuels. Le tableau suivant montre que pour
chacune
des lignes, à l'exception notable des deux plus
fréquentées (Marseille-Ajaccio et
Marseille-Bastia), les
capacités exigées demeurent significativement
supérieures à la fréquentation
observée sur
ces axes en 2011.