Mare Nostrum Corsica 

Avec les nouvelles règles édictées par l'Organisation maritime internationale et le passage de la Méditerranée en zone à basses émissions dès 2025, calculer et réduire l'empreinte carbone des voyages en ferry devient une priorité
Le Mega Andrea de la Corsica Ferries à Bastia et le départ du Pascal Paoli de la Corsica Linea, en mai 2021 ; photo : Romain Roussel
Le Mega Andrea de la Corsica Ferries à Bastia et le départ du Pascal Paoli de la Corsica Linea, en mai 2021 ; photo : Romain Roussel.


Le 78ème Comité de protection du milieu marin de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) a approuvé, le 10 juin 2022, la création d’une zone de contrôle des émissions d’oxydes de soufre et de particules (zone SECA) qui s’étendra sur toute la Méditerranée dès 2025. La création de cette zone entraine l’obligation pour tous les navires qui navigueront en Méditerranée d’utiliser un combustible dont la teneur en soufre ne dépasse pas les 0,1 % en masse, soit un fioul 5 fois moins polluant que la norme internationale jusqu'ici en vigueur en Méditerranée et, plus généralement, dans les zones hors SECA. Elle entrera en vigueur juridiquement en 2024 et sera effective en 2025, une fois achevé le délai légal incompressible prévu par la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL).

Parallèlement, l'Organisation maritime internationale (OMI, plus connue sous son acronyme anglais IMO) s'est donnée des objectifs très ambitieux, en tablant sur la réduction globale de l'intensité carbone des navires de 40 % en 2030 et pour parvenir au final à une réduction de 50% des émissions de la flotte mondiale à l'horizon 2050 (voir l'article thématique dédié à la décarbonation de la flotte mondiale). Dans le but de réduire l'intensité carbone de tous les navires d'au moins 40 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2008, ceux-ci doivent, dès 2023, calculer deux notes : leur indice de rendement énergétique (EEXI, pour Energy Efficiency Design Index), pour déterminer leur efficacité énergétique, et leur indicateur d'intensité carbone opérationnel annuel (CII, pour Carbon Intensity Index) qui aboutit à une notation des navires. Selon le type de navires considérés, l'intensité carbone relie les émissions de gaz à effets de serre (GES) à la quantité de marchandises et/ou au nombre de passagers transportés ainsi qu'à la distance parcourue.

C'est la conjonction de ces deux durcissements de normes qui vont induire des changements majeurs dans la motorisation des ferries dans les prochaines années et qui entraîne déjà des changements dans la manière de les exploiter, en particulier sur les lignes de Corse.


Durcissement en vue des normes environnementales avec les nouvelles mesures de l'OMI en vigueur dès 2023 et le passage de la Méditerranée en zone SECA en 2025 : adaptation des navires des lignes de Corse en vue 
Le départ de Bastia du Jean Nicoli de la Corsica Linea, en août 2022 ; photo : Romain Roussel
Le départ de Bastia du Jean Nicoli de la Corsica Linea, en août 2022 ; photo : Romain Roussel. Après l'avoir déjà doté d'un scrubber en boucle ouverte, la compagnie envisagerait de remotoriser ce navire mixte à l'horizon 2027.



Comment atteindre ces objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

A l’exception du navire A Galeotta armé par Corsica Linea (propulsé pendant un quart de la traversée au GNL près des côtes corses et marseillaises et, pendant les trois quarts restants, au fioul léger à 0,1%), l’ensemble des navires naviguant sur les lignes de Corse sont propulsés au fioul lourd (HFO pour Heavy Fuel Oil). En fonction des choix des armateurs, du prix des combustibles et des disponibilités au soutage, l’approvisionnement en HFO peut être selon les cas soit à faible teneur de soufre (LS pour Low sulfure, soit LSHFO) soit à haute teneur de soufre (HS pour High sulfure, soit HSHFO).

Pour respecter la limite maximale d'émissions de soufre (de 0,5% en Méditerranée jusqu'en 2024 puis de 0,1% à compter de 2025), les navires qui emploient du HSHFO doivent être équipés de scrubbers (système de lavage des gaz d’échappement). Le principe de fonctionnement des scrubbers peut être en boucle ouverte (rejet des résidus de lavage à la mer, ce qui est très contesté par plusieurs organisations écologistes, dont U Levante en Corse, car cela est susceptible d'avoir un effet acidifiant nuisible à la faune et à la flore marine) ou en boucle fermée (ce qui contraint à un débarquement à terre des résidus de lavage à la mer). Depuis le 1er janvier 2022, les rejets dans le milieu marin d'effluents provenant des systèmes de réduction des émissions fonctionnant en boucle ouverte sont interdits à moins de 3 miles marins de la terre la plus proche dans les eaux sous juridiction française. Toutefois, la Corsica Linea a obtenu un dérogation de plusieurs années (jusqu'au 1er janvier 2026 au plus tard) pour pouvoir continuer à utiliser ses scrubbers en boucle ouverte au large des côtes corses et marseillaise dans l'attente de la formation de ses personnels à ces technologies. Du fait de l'utilisation de ces scrubbers, les navires de la Corsica Linea qui en sont équipés (à ce jour les A Nepita, Jean Nicoli et Vizzavona, et d'ici fin 2025, également les Pascal Paoli et Paglia Orba selon les projets de la compagnies communiqués à la Collectivité de Corse) peuvent continuer à utiliser un fioul nettement plus chargé en soufre (jusqu'à 3,5%) tout en respectant les normes d'émissions de GES dans l'air. Aussi, la plupart des organisations écologiques préconisent soit d'utiliser directement des fiouls plus légers (comme le fait par exemple la Corsica Ferries), soit la mise en oeuvre de technologies plus respectueuses de l'environnement, comme les systèmes d'épuration des fumées testés avec succès sur le Piana de La Méridionale depuis 2019 et validés en septembre 2022, qui permettent d'éliminer la quasi-totalité des oxydes de soufre, mais aussi la plupart des particules fines produites par ses moteurs.

Concernant les limites d'émission des oxydes d'azote (NOx), les prescriptions relatives au contrôle des émissions de NOx s'appliquent à l'ensemble des ferries, puisqu'ils concernent les moteurs diesel marins installés d'une puissance de sortie supérieure à 130 kW (hormis ceux utilisés uniquement en cas d'urgence, quel que soit le tonnage du navire), dans les mêmes zones que les zones SECA.

Toutefois, la valeur maximale d'émission en NOx d'un moteur diesel marin dépend de la date de première mise en service du navire, avec trois niveaux d'application notés de I à III, du moins contraignant au plus exigeant. Comme rappelé dans les annexes du rapport de l'Office des transports de la Corse de décembre 2022 : "La plupart des moteurs du niveau I ont été certifiés conformes à la version antérieure de 1997 du Code technique sur les NOx et les certificats délivrés demeurent encore valables pendant la durée de vie desdits moteurs. Le niveau II s’applique à partir du 1er janvier 2011 et le niveau III s’applique à partir du 1er janvier 2016. Jusqu’au niveau II, un réglage des moteurs installés au neuvage permet d’atteindre les niveaux requis. À partir du niveau III, l’installation du système de traitement des gaz d’échappement SCR (Selective Catalyctic Reduction) s’impose."

Sur les lignes de Corse, l’ensemble des navires proposés ayant été mis en service avant 2016 (à l’exception du A Galeotta), l’installation d'un SCR n’est pas nécessaire, sauf en cas de remotorisation ou d’une démarche volontaire de l’armateur. Cela a été le cas par exemple pour le Vizzavona de la Corsica Linea, exploité préalablement en mer Baltique où les armateurs ont engagé de manière volontariste, très largement en amont des échéances réglementaires, des travaux d’amélioration des performances environnementales de leurs navires.

Le même type de problématique se retrouve concernant les filtres à particules. La résolution MEPC.340 (77) du 26 novembre 2021 de l'OMI a introduit de nouvelles recommandations pour les systèmes d'épuration des gaz d'échappement. Quoique cette résolution ne soit pas encore contraignante à ce jour, certains armateurs ont néanmoins déjà engagé des travaux pour installer des filtres à particules, en particulier sur les navires non équipés de scrubbers (ce dispositif faisant déjà partiellement office de filtre). Ainsi, dès son rachat par la Corsica Ferries en 2021le Mega Regina (ex-Mariella de la compagnie finlandaise Viking Line) était équipé d'un tel filtre à particules, revendiquant un abaissement de 60% des émissions de NOx du navire.

Soulignons enfin qu'il n’existe à ce jour aucune contrainte réglementaire imposant aux navires de disposer d’un branchement électrique à quai. Cela s'explique sans doute par le fait que la plupart des ports de commerces ne sont pas encore équipés de ces dispositifs (en particulier, aucun des ports de Corse ne l'est) ou ne seraient pas en mesure de délivrer les puissances électriques nécessaires pour que les navires de commerce puissent réaliser leurs opérations commerciales. Néanmoins, le port de Marseille a été pionnier en la matière il y a plusieurs années déjà, ce qui a permis dès 2017 aux navires de La Méridionale, tout d'abord, puis de la Corsica Linea en 2019 de s'équiper de tels dispositifs. Désormais, le port de Toulon et les navires de la Corsica Ferries finalisent aussi ces équipements qui devraient entrer en service dans les prochains mois pour les premiers navires adaptés. Le port de Nice devrait suivre d'ici quelques années, en attendant les ports Corses, pour lesquels ces travaux ne sont pas encore engagés et qui pourraient aussi nécessiter par ailleurs une adaptation des moyens de production électrique de l'île...
 

Quelles adaptations des navires possibles et envisagées, notamment dans le cadre de la délégation de service public (DSP) Marseille-Corse 2023-29 ?

Si les différents armateurs présents sur les lignes de Corse ont chacun leur plan d'adaptation de flotte qui ne font pas nécessairement l'objet de communications publiques, les annexes du rapport de l'Office des transports de la Corse de décembre 2022 donnent quelques exemples de pistes concrètes envisagées ou écartées par les compagnies délégataires de service public sur Marseille-Corse pour la période 2023-2029.
Ainsi, s'agissant des pistes d'amélioration considérées par la Corsica Linea pour les prochaines années, l'hypothèse d'une utilisation de bio-carburant est jugée génératrices de "coûts élevés", l'utilisation du méthanol poser des "difficultés du mode de production" mais d'autres pistes sont aussi considérées, comme l'optimisation hydrodynamique de la carène et des hélices, l'installation de systèmes de récupération de chaleur, la remotorisation de certains navires ou la mise en service d'un deuxième cargo mixte propulsé au GNL ou encore l'installation de systèmes et d'équipements de traitement des émissions.

 
Ces évolutions ne concerneraient pas toute la flotte, mais seulement certains navires et de manière progressive. Elles sont résumées au tableau ci-après, pour celles évoquées dans le rapport :


Source : infographie Mare Nostrum Corsica d'après l'annexe 1 du rapport de l'OTC adopté lors de la session des 20-21 décembre 2022.
Nota : il s'agit là de montants indicatifs communiqués par les compagnies à l'OTC, sous réserve de révisions (en particulier, concernant La Méridionale, ces projets sont antérieurs au changement de direction de la compagnie, intervenu début 2023, et à sa cession par le groupe STEF à CMA CGM). Il est indiqué 
"n.d." lorsque le coût de ces adaptations n'est pas précisé ; pour mémoire, le navire neuf A Galeotta de la Corsica Linea mis en service début 2023 et propulsé par de manière duale GNL-fioul aurait coûté environ 150 M€ à construire aux chantiers Visentini de Porto Viro.


Par ailleurs, au-delà de ces mesures annoncées concernant les navires sous DSP naviguant de et vers Marseille, sur les autres lignes de Corse, la Corsica Ferries a d'ores et déjà pris un certain nombre d'options et mène aussi une réflexion pour le moyen-long terme.
Par exemple, la Corsica Ferries utilise depuis janvier 2020 un carburant plus léger que celui exigé par la réglementation (0,1% de soufre, contre 0,5% en vigueur jusqu'à fin 2024, ce qui préfigure déjà le futur taux qui sera généralisé en 2025 à l'ensemble de la zone SECA) aux abords des ports de Toulon et de Nice et lors des escales à quai dans ces ports. Outre l'adaptation en cours de ses navires pour le branchement électrique à quai, elle a réduit significativement depuis 2019 le nombre de ses escales et la vitesse en service de ses navires (ainsi, la durée de référence d'une traversée Bastia-Nice est récemment passée d'une fourchette de durée de 5h30 / 7h à 7h / 8h30 environ). Pour continuer à transporter un nombre équivalent de passagers, elle emploie des navires de plus grande taille (les Mega Regina et Mega Victoria remplaçant depuis 2021 et 2023 les Sardinia Regina et Corsica Victoria) afin de réduire ses émissions de gaz à effet de serre globales. Elle étudie aussi le passage à des carburants alternatifs comme le méthanol pour ses navires les plus rapides de type Mega Express les plus consommateurs de carburant et, sur le long terme, réfléchit également à des cargos susceptibles d'utiliser la propulsion à voile, technologie en cours de développement par la société Neoline qui reliera dès 2025 la France à l'Amérique en cargo à voile, amenant ainsi une réduction des émissions de 80% de GES...


L'OMI impose un resserrement progressif mais drastique des contraintes d'efficacité énergétique des navires neufs, mais aussi et surtout de ceux déjà en service
Les Sardinia Vera et Mega Express Two de la Corsica Ferries à Bastia, en août 2022 ; photo : Romain Roussel.
Les Sardinia Vera et Mega Express Two de la Corsica Ferries à Bastia, en août 2022 ; photo : Romain Roussel.


Des indices d'efficacité énergétique requis par l'OMI qui seront de plus en plus exigeants au fil des années et nécessiteront des adaptations des navires

Comme expliqué en détail sur le site de l'OMI, les modifications apportées à l'annexe VI de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) sont entrées en vigueur le 1er novembre 2022. Élaborées dans le cadre de la stratégie initiale de l'OMI concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant des navires, adoptée en 2018, ces modifications techniques et opérationnelles exigent que les navires améliorent leur rendement énergétique à court terme et réduisent ainsi leurs émissions de gaz à effet de serre. Aussi, depuis le 1er janvier 2023, il est fait l'obligation à tout armateur de calculer l'indice de rendement énergétique de tous leurs navires existants (EEXI) afin de mesurer leur rendement énergétique et de commencer la collecte de données pour la déclaration de leur indicateur d'intensité carbone (CII), qui servira d'indicateur opérationnel annuel afin d'aboutir à une notation des navires en vue de la réduction progressive de leurs émissions de GES.


L'indice EEDI rend compte de l'efficacité énergétique des navires neufs, calculée lors de leur conception

Ces deux nouveaux indices, EEXI et CII, s'ajoutent à l'indice déjà existant EEDI (Energy Efficiency Design Index) qui n'est calculé que pour les navires neufs. Pour mémoire, cet indice EEDI s’applique aux navires neufs d’une jauge supérieure à 400. La valeur d’EEDI atteinte par le navire doit être inférieure à une valeur de référence, définie en fonction du type de navire en fonction de son année de construction. L’EEDI évalue ainsi la capacité d’un navire à transporter sa cargaison (ou ses passagers) en utilisant le minimum de combustible. La valeur EEDI requise évolue en fonction du type et de la capacité de transport du navire. Cette valeur évolue également dans le temps : à titre d'illustration, à partir du 1er janvier 2025, la valeur d'
EEDI requise pour les navires de type RoPax comme les ferries deviendra ainsi plus contraignante.

L'indice EEXI traduit l'efficacité énergétique des navires déjà existants 

Miroir de l'indice EEDI dont il reprend à l'identique les bases de calcul techniques, l’indice EEXI s’applique quant à lui aux navires déjà existants d’une jauge supérieure à 400, à compter du 1er janvier 2023. Il s'applique dès lors rétrospectivement à l'ensemble des navires, dont les ferries, y compris ceux qui n'avaient pas été construits initialement dans une optique d'efficacité énergétique. La valeur d’EEXI atteinte par le navire doit être inférieure à une valeur de référence, sur le même principe que l’EEDI. Pour chaque catégorie de navires, la valeur de référence de l’EEXI est calculée à partir de la valeur de référence de l’EEDI. Contrairement à l’EEDI, il n’est en revanche pas prévu de durcissement des contraintes pour l’EEXI en 2025. 

L'indice CII, calculé chaque année, traduit l'importance des émissions de GES de chaque navire au regard de sa charge et de la distance qu'il a effectivement parcourue dans l'année

Contrairement aux indices EEDI et EEXI qui sont calculés une fois, afin d’évaluer les performances environnementales théoriques d’un navire, l’index CII est calculé tous les ans sur la base des consommations et distances parcourues effectivement par le navire. À l'instar de l'EEDI et de l'EEXI, le CII est exprimé en CO2
émis par mile nautique, rapporté à la taille du navire (au numérateur figurent la consommation annuelle de carburant multipliée par un facteur rendant compte des émissions de CO2 relatives au type de carburant utilisé ; au dénominateur, la distance parcourue en une année multipliée par un facteur de charge du navire). Cet indice concerne les navires de jauge brute supérieure à 5 000 (ce qui concerne en pratique tous les ferries) et son calcul est obligatoire dès 2023.

Concrètement, cela signifie que le premier rapport annuel sera achevé en 2023 et que les premières notes seront attribuées en 2024. En fonction du résultat, le navire se verra attribuer une note A, B, C, D ou E (A étant la meilleure, E la moins bonne) qui lui servira de score de référence
. Le niveau de performance atteint n'a pas nécessairement vocation à être rendu public par l'armateur, mais sera enregistré dans une "déclaration de conformité" qui sera précisée dans le Plan de gestion du rendement énergétique du navire (SEEMP, pour Ship Energy Efficiency Management Plan), également requis par l'OMI.

La note minimale du CII à atteindre est
. Si un navire se voit attribuer la note pendant 3 années consécutives ou bien la note ou , un plan d’action devra être soumis à l’administration du pavillon du navire afin de présenter les mesures correctives dans le but d’atteindre a minima la note . Une amélioration continue et mesurée de manière fiable de l'intensité carbone opérationnelle du navire étant visée, le CII opérationnel annuel réel obtenu devra être documenté et vérifié par rapport au CII opérationnel annuel requis dans le SEEMP. Cela permettra de déterminer la note relative à l'intensité carbone opérationnelle.

Les valeurs limites du CII pour atteindre une note donnée deviendront de plus en plus contraignantes au cours du temps, suivant un rythme déjà connu, ce qui mettra la pression sur les armateurs pour qu'ils adaptent leur navires tout en leur donnant de la visibilité sur les niveaux d'exigence requis. Ainsi, la diminution annuelle de la valeur des émissions requises, par rapport à sa valeur de 2019, pour atteindre l’indice C qui joue un rôle clef dans le plan de gestion de l'efficacité énergétique, est de 5% en 2023, 7% en 2024, 9% en 2025, 11% en 2026 et ces valeurs continueront d'être abaissées les années suivantes selon un rythme qui reste à fixer.

Sur les lignes de Corse, le rapport de l'OTC adopté les 20 et 21 décembre 2022 prévoit bien un suivi de cet indice pour les compagnies délégataires de service public (Corsica Linea et La Méridionale) pendant la période 20213-2029, selon des modalités qui restent toutefois à préciser (il est seulement précisé "il importera de contrôler l’évolution de l’indice en cours d’exécution de la DSP"). À noter également que les annexes de ce rapport indiquent les valeurs des indices EEDI (à l'exception de celui du A Galeotta, manquant) et CII des seuls navires de la Corsica Linea, mesurés à une date qui n'est pas spécifiée.

Ainsi, à titre indicatif, pour la Corsica Linea :
les indices EEDI les plus bas (donc les meilleurs) seraient ceux des A Nepita (25,4), Pascal Paoli (25,6) et Vizzavona (28), qui devancent le Jean Nicoli (29,8) et surtout les Danielle Casanova (31,8), Paglia Orba et Méditerranée (32,5) et Monte d'Oro (36,7) ;
- les indices CII les plus bas (donc les meilleurs également) seraient ceux du A Galeotta (11, lorsque propulsé au GNL), Pascal Paoli (14,9), Paglia Orba (16) et Danielle Casanova (16,9), devant les Vizzavona (17,4), Monte d'Oro (18,4), A Nepita (19,2), Jean Nicoli (19,6) et Méditerranée (21,1). Il n'est toutefois pas précisé à quelle note, de A à E, ces différentes valeurs d'émissions correspondraient.

Le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l'OMI doit examiner l'efficacité de la mise en œuvre des prescriptions relatives au CII et à l'EEXI au plus tard le 1er janvier 2026 et élaborer et adopter d'autres modifications si nécessaire. Des adaptations du dispositif des CII et de la notation des navires sont donc prévisibles à moyen terme.



Il est déjà possible de calculer l'empreinte environnentale de son voyage en ferry pour la Corse et de la comparer à celle d'un voyage en avion
L'arrivée du Mega Express Four de la Corsica Ferries à Bastia, en mai 2021 ; photo : Romain Roussel
L'arrivée du Mega Express Four à Bastia, en mai 2021 (à l'arrière plan, l'île de Capraïa) ; photo : Romain Roussel. C'est ce navire de la Corsica Ferries qui a servi d'étalon au site Bon pote pour son estimation des émissions de dioxyde de carbone des voyages en ferry.


Sans attendre la parution éventuelle des premiers indices CII officiels en 2024, il est déjà possible à chacun d'avoir une idée des émissions de gaz à effets de serre de son voyage en ferry. Tout d'abord, les compagnies proposent de plus en plus souvent une estimation de ces émissions en fonction des caractéristiques du voyage (ligne choisie, nombre de passagers, présence d'une voiture ou non...) ; c'est par exemple le cas de la Corsica Ferries lors du processus de réservation. Depuis fin 2011, la compagnie aux bateaux jaunes fait d'ailleurs planter des arbres au Pérou (et plus récemment, propose aussi de participer à des projets agroforestiers en Corse) pour tendre à compenser les émissions de ses navires, sur la base des dons volontaires faits à cet effet par ses passagers, comme le font aussi différentes compagnies aériennes. Toutefois, comme toute compensation carbone, celle-ci joue un rôle à terme, une fois que les arbres ont grandi et sont en capacité d'absorber effectivement le CO2, tandis que l'émission de CO2 d'un voyage et immédiate, quel que soit le mode de transport considéré. Aussi, est-il important de connaître et de pouvoir modérer autant que possible ses émissions de CO2 à la source.

Outre les données d'émissions de CO2 calculées par les compagnies maritimes (et aériennes), plusieurs sites français et étrangers se proposent de simuler ces émissions en fonction des caractéristiques de votre voyage ou bien de classer les navires plus ou moins émetteurs de CO2 selon des critères qu'ils ont savamment mis au point. À noter que ces classements ne rendent a priori pas compte des autres types de GES émis, mais se focalisent donc sur le plus commun d'entre eux, le dioxyde de carbone.

Jusque récemment, le site anglais GreenFerries, aujourd'hui disparu, permettait de faire ce type de simulations et de comparer les émissions de CO2 des ferries avec l'avion. Les résultats étaient présentés par ligne, navire et par compagnie, ce qui permettait notamment de couvrir les lignes maritimes de Corse. Les ferries étaient classés sur une échelle de A à E, A étant la meilleure note et E la moins bonne. Selon ce site, les notes A et B correspondaient à des scores d'émissions plus bas que ceux d'un voyage en avion ou que ceux d'un trajet d'une distance équivalente en voiture avec deux passagers à bord. Le classement établi reposait sur une année donnée (2019 en l'occurence) et tenait compte de la distance parcourue par le navire, de sa vitesse et de son niveau moyen de remplissage. Les résultats obtenus, aujourd'hui disparus, n'ont pas été présentés ici car il s'agissait de classements moins fiables et moins exigeants que ceux calculés pour les CII et qu'ils pouvaient prêter à caution compte tenu notamment des résultats auxquels ils aboutissaient, qui semblaient en particulier très défavorables aux navires mixtes. Ainsi, selon les classements autrefois établis par le site Green Ferries, les navires mixtes desservant la Corse (hormis le nouveau A Galeotta, qui ne figure pas dans ce classement du fait de sa mise en service récente) avaient une note comprise entre B et D ; à l'inverse, les navires de la Corsica Ferries, principalement dédiés au trafic des passagers et de leurs véhicules, étaient classés A.


Il reste toutefois la possibilité sur le site français Bon pote de calculer en 1 minute à peine son empreinte carbone en fonction de ses ports de départ et d'arrivée et des horaires de sa traversée (qui conditionnent la vitesse du navire et donc ses émissions de GES) et de la comparer aux émissions d'un avion, lorsque la comparaison a un sens bien sûr ! Un des avantages de ce site, bien documenté et qui précise les limites méthodologiques des calculs effectués (variabilité en fonction du navire, imputation théorique des volumes occupés, répartition de la consommation du navire entre passagers, véhicules et fret...), est qu'il prend justement pour référence pour ses calculs un navire desservant la Corse, puisqu'il s'agit du Mega Express Four de la Corsica Ferries.

Au vu des conséquences majeures qu'aura la transition écologique sur l'organisation des transports maritimes de la Corse et sur les navires assurant ces dessertes, nul doute que Mare Nostrum Corsica reviendra sur ce sujet à l'avenir...
 

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