Mare Nostrum Corsica 

Idée fausse l'aide sociale sur Toulon et Nice-Corse ne profitait qu'aux compagnies maritimes, non à leurs passagers, et ne contribuait au développement du trafic qu'en haute saison.

Le Mega Smeralda, navire amiral de la Corsica Ferries, profite désormais aussi aux voyageurs des lignes Toulon-Corse et Nice-Corse
C'est hors saison, pendant l'hiver 2008-2009, que le Mega Smeralda est arrivé sur les lignes
de la Corsica Ferries régies par l'aide sociale.

Cette assertion d'inefficacité du système d'aide sociale au passager, qui a abouti à la fin du système en 2014, était pourtant battue en brèche par une mise en perspective sur plusieurs années des chiffres des trafics passagers publiés par l'Observatoire régional des transports de la Corse. Mare Nostrum Corsica propose ici une analyse comparative réalisée en 2009 et menée sur deux périodes : entre 2001 et 2006, soit juste avant et quatre ans après la mise en place de l'aide sociale au passager transporté, instaurée début 2002. Pour des précisions sur ce qu'était le système de l'aide sociale au passager, voir le bref rappel. Il est à noter que le choix des années 2001 et 2006 pour mener l'étude n'introduit pas de biais susceptible de fausser la comparaison, le constat du développement du trafic passagers maritime permis par l'aide sociale apparaît au contraire robuste. Ainsi, à titre d'exemple, une comparaison qui serait effectuée en référence aux années 2000 et aux résultats de l'année 2007 aurait donné des tendances similaires, aussi bien pour les lignes de Toulon et Nice vers la Corse que pour celles de Marseille.


L'aide sociale maritime corse a profité véritablement aux passagers transportés sur les lignes de Toulon et de Nice

Sitôt mise en place début 2002, l'aide sociale a permis une diminution effective et significative des tarifs des compagnies maritimes sur les lignes reliant Toulon et Nice à la Corse. La Corsica Ferries a été la première compagnie à répercuter intégralement à la baisse la subvention de 15 euros par passager sur ses tarifs, suivie quelques semaines plus tard par la SNCM, qui s'est alignée sous la pression de la concurrence. Il était facilement vérifiable que la subvention versée au titre de l'aide sociale bénéficiait non pas directement aux compagnies elles-mêmes mais, conformément à son objectif, effectivement à leurs passagers (dans la limite de deux tiers des voyageurs qui empruntaient ces lignes). En effet, la grille tarifaire standard de la Corsica Ferries n'avait pas connu de choc à la hausse pendant près d'une décennie : en 2001, la traversée Toulon-Corse en tarif normal était facturée à partir de 119 francs hors taxes (soit 18,14 euros), soit l'équivalent des 20 euros facturés jusqu'en 2010, compte tenu de l'inflation. Avec un tarif réduit à 5 euros, la baisse du tarif passagers hors taxes a atteint dans ce cas 75% pour les passagers sociaux. 

De même, il était aussi aisé de vérifier que, sur la même période, les autres prestations facturées par les compagnies (cabines, voitures) n'avaient pas subi de hausse en contrecoup de l'instauration de ces tarifs réduits pour les passagers. C'est plutôt l'inverse qui s'est produit : jusqu'en 2007, c'est-à-dire avant la très forte remontée des cours du pétrole, les réductions proposées par les compagnies pour le transport des véhicules se sont multipliées. Ainsi, la Corsica Ferries a-t-elle proposé des passages promotionnels à 1 € hors taxes pour la voiture ainsi que des remises sur les autres prestations, ce qui n'était pas le cas quelques années plus tôt, et la SNCM a développé également ses avantages tarifaires (par exemple, des traversées pour deux adultes et une voiture avec jusqu'à 55% de réduction).

Enfin, puisque cette subvention d'aide sociale était liée au passager lui-même, le montant versé par l'Assemblée territoriale de Corse était directement proportionnel au nombre de passagers transportés, ce qui évitait tout risque de "thésaurisation" éventuelle de ces sommes par les compagnies.

L'aide sociale a permis un fort développement des flux de transport maritimes de la Corse, surtout hors saison

L'Observatoire régional des transports de la Corse définit la saison comme étant la période allant de début mai à fin septembre. Par opposition, la période hors saison va de janvier à avril et d'octobre à décembre inclus. En se fondant sur cette distinction, voici comment ont évolué les flux de transport maritime entre le continent et la Corse de 2001 à 2006 sur les trois "grands marchés" :
- Marseille-Corse, où les traversées étaient soumises aux obligations de service public assurées par la SNCM et la CMN ;
- Toulon et Nice-Corse, où les traversées, assurées par la Corsica Ferries et la SNCM (ainsi que par la Moby Lines d'avril 2010 à février 2011), étaient soumises au régime de l'aide sociale au passager transporté ;
- Italie - Corse, où les traversées étaient régies par la seule loi du marché et assurées principalement par la Corsica Ferries et la Moby Lines.

Les lignes maritimes régies par l'aide sociale au passagers (Toulon et Nice-Corse) se sont spectaculairement développées hors saison entre 2001 et 2006

La comparaison de 2001 à 2006 montre que le seul de ces trois grands axes à s'être significativement développé depuis 2001 était celui soumis au régime de l'aide sociale, principalement en raison du véritable boom des lignes entre Toulon et la Corse. La progression globale sur les lignes de Toulon et de Nice atteint en effet 40,8 % sur la période, contre 5,2 % sur Marseille-Corse ; on observe une régression de 4,8 % sur les liaisons entre le continent italien et la Corse. Ce premier constat tend à montrer au demeurant que le développement des lignes sur Toulon et Nice assurées principalement par la Corsica Ferries ne se serait pas fait au détriment des lignes de service public maritime entre Marseille et la Corse - qui ont continué de progresser - mais qu'il aurait plutôt pesé sur les lignes Italie-Corse, sur lesquelles les tarifs réduits ne s'appliquaient pas...

Le développement des lignes maritimes régies par l'aide sociale au passager (Toulon et Nice-Corse) a été le plus fort depuis 2001 mais les lignes de Marseille ont néanmoins globalement continué à progresser

Un examen plus en détail des flux en saison et hors saison montre que, contrairement à une idée reçue, l'aide sociale avait été particulièrement bénéfique à la croissance des flux de transport en période creuse. Alors que le nombre de passagers transportés par la voie maritime a progressé de 32,3 % en saison de 2001 à 2006 entre Toulon, Nice et la Corse, la progression hors saison est beaucoup plus spectaculaire : +81,0%. Cette évolution est à relier principalement aux efforts soutenus de la Corsica Ferries pour développer les échanges hors saison. En effet, sur les lignes reliant la Corse à Toulon et Nice, la Corsica Ferries allait bien au-delà de l'obligation de service public qui lui était faite jusque fin 2013 (assurer au moins une rotation par semaine sur ces différentes liaisons) ; en particulier, les traversées entre Toulon et Bastia en Mega Express sont rapidement devenues quotidiennes toute l'année. À elle seule, la Corsica Ferries assurait ainsi la quasi-totalité des obligations de service public sur ces lignes, la SNCM ne maintenant qu'un lien hebdomadaire sur Nice au plus creux de la saison.

À l'inverse de l'évolution précédente, il est à noter que sur la période 2001-2006, les flux de transports subventionnés à l'année sur Marseille-Corse semblent s'être plutôt recentrés sur la pleine saison, la plus rentable pour les compagnies : les trafics progressent de 10,6 % en saison mais reculent de 4,7 % hors saison.


Qu'est-ce que l'aide sociale au passager proposée de début 2002 à fin 2013 sur les lignes maritimes entre Toulon, Nice et la Corse ?

Du 1er janvier 2002 et jusqu'au 31 décembre 2013, date de sa suppression, l'Assemblée territoriale de Corse avait mis en place un système grâce auquel les passagers de toutes les compagnies qui s'étaient engagées à desservir la Corse toute l'année au départ des ports de Toulon et de Nice, pouvaient bénéficier de tarifs réduits. Jusqu'en 2009, cette réduction atteignait 15 € par personne et par traversée, soit une part substantielle du prix du billet : jusqu'à 75% du prix hors taxes alors proposé par la Corsica Ferries (le tarif le plus bas de la compagnie était ainsi ramené à 5 € hors taxes pour un passager). Dans un souci d'économie, avant de la supprimer fin 2013, la Collectivité territoriale de Corse avait ramené son montant unitaire à 12 € à compter de 2010 et la somme globale distribuée à ce titre avait alors été plafonnée à 16 millions d'euros par an. Elle concernait les passagers dits sociaux des lignes Toulon-Corse et Nice-Corse ou vice-versa de la Corsica Ferries et de la SNCM et ce, quelle que soit la période de l'année au cours de laquelle s'effectuait le voyage.

Plus précisément, les personnes concernées par cet avantage tarifaire étaient les jeunes (moins de 25 ans), les étudiants (moins de 27 ans), les seniors (plus de 60 ans), les familles (un ou deux parents voyageant avec au moins un enfant mineur), les personnes handicapées ou invalides et leur accompagnateur éventuel et les résidents corses (ces réductions n'étaient accordées que sur présentation de pièces justificatives). À noter que ce n'est que depuis 2002 que les résidents corses bénéficient d'une réduction du tarif passagers sur ces lignes, et ce, quelle que soit la compagnie choisie par les voyageurs.

Par ailleurs, dans le cadre de la délégation de service public 2007-2013 de et vers Marseille, la SNCM et La Méridionale accordaient également un tarif réduit aux passagers dits sociaux. Les résidents corses naviguant sur les lignes Marseille-Corse bénéficiaient en outre de réductions sur les véhicules et, à certaines périodes, sur les installations pour un aller-retour au départ d'un port insulaire. Contrairement à l'aide sociale, la pérennité des tarifs résidents sur les lignes maritimes de Corse, depuis Marseille, Toulon et Nice, a été confirmée par la Collectivité territoriale de Corse au moins jusque fin 2023.



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