Mare Nostrum Corsica 

L'Ile Rousse, bientôt plate-forme portuaire unique de la Balagne ?
Vue générale du port de l'Ile Rousse en avril 2010, avec l'arrivée du Mega Express Four de la Corsica Ferries et, à quai,  le NGV Liamone II, alors affrété par la SNCM ; photo : Romain Roussel.
Quoique leur trafic demeure bien moindre que ceux de Bastia ou d'Ajaccio, les ports balanins ont pour atout leur proximité du continent, propice aux rotations accélérées des navires en été. 

 
La Balagne, micro-région de Corse, compte deux ports de commerce : Calvi, un des ports historiques de l'île, et, depuis le développement d'infrastructures à compter du début des années 1970, l'Ile Rousse. Si, en comparaison des ports de Bastia ou d'Ajaccio, les ports balanins ne traitent qu'un trafic passagers et fret assez modeste, celui-ci a connu un réel essor depuis le milieu des années 1990. En effet, cette période a coïncidé avec la mise en service en 1996 des premiers navires à grande vitesse (NGV), qui a permis une véritable renaissance du port de Calvi, alors quasiment déserté par les ferries, et a accompagné le développement de celui de l'Ile Rousse. Suite au retrait progressif de ces NGV, frappés de plein fouet par la hausse vertigineuse des carburants depuis le milieu des années 2000, la fréquence des rotations assurées de et vers ces ports a connu un net infléchissement. Plus récemment, avec la poursuite de la croissance des flux touristiques de l'île, on a assisté à un retour de car-ferries et notamment au développement de rotations des Mega Express de la Corsica Ferries avec Toulon, qui ont permis de diversifier un trafic passagers saisonnier, traditionnellement très concentré sur Nice et, secondairement, sur Savona, en Ligurie (Italie).

Avec environ 550 000 passagers en 2012, le trafic des ports de Balagne dépasse ainsi le cap des 500 000 passagers annuels depuis trois ans, ce qui rapporté aux quelques 4,1 millions recensés pour l'ensemble des ports de Corse avec le continent selon l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC), représente 
un peu moins de 14% du total. Le trafic fret, désormais exclusivement assurés au départ de l'Ile Rousse, sauf phénomène exceptionnel, demeure selon cette même source le plus faible des ports de Corse : avec à peine plus de 83 000 mètres linéaires par an (sur plus de 2 millions de mètres linéaires de et vers le seul continent Français) il atteint à peine 4% du trafic marchandises total de la continuité territoriale. À noter toutefois que le port de commerce de l'Ile Rousse présente la particularité d'être le seul de Corse à admettre le trafic de marchandises dangereuses de classe 1 dite "matières et objets explosibles".


Un phénomène de transfert des flux de passagers et fret de Calvi vers l'Ile Rousse qui va s'amplifiant : vers la disparition prochaine des ferries à Calvi ?

Si l'Ile Rousse voit son trafic passagers se développer, Calvi, qui avait déjà failli disparaître avant la mise en service des NGV, périclite de nouveau.
Le port de commerce l'Ile Rousse, qui avait vu son trafic baisser à seulement 100 000 passagers par an au milieu des années 1990, a fortement rebondi depuis, puisqu'il dépasse désormais les 400 000 passagers annuels et concentrera bientôt la quasi-totalité du trafic maritime de la Balagne.


Si le trafic passagers tend à progresser de nouveau depuis quelques années, on note une érosion certaine des parts de marché du port de Calvi au profit de celui de l'Ile Rousse. De fait, non seulement la continuité territoriale n'est quasiment plus assurée entre Marseille et la Balagne que depuis l'Ile Rousse (le port de Calvi ne permettant pas un déchargement des camions dans de bonnes conditions, en raison notamment d'une rampe d'accès peu accessible par temps humide), mais l'accueil des ferries et d'un nombre important de véhicules posent également problème. En effet, le port de Calvi, situé sur un site classé, se prête peu à des aménagements portuaires lourds qui permettraient de construire des parkings de grande taille et d'accueillir des navires dont la longueur va croissant. Dès lors, les navires de plus de 170 mètres n'y accostent que de moins en moins souvent en saison, car les ferries stationnent trop près de la sortie du port de plaisance ; par ailleurs, bien qu'en projet il y a quelques années, la gare maritime de Calvi n'a finalement jamais été construite, ce qui rend assez spartiates les conditions d'accueil des passagers ! À l'inverse, le port de l'Ile Rousse a vu ses aménagements progressivement se développer et dispose désormais d'une gare maritime moderne et de deux postes à quai. Au final, alors qu'en 2002, près de 56% des passagers maritimes de Balagne débarquaient ou embarquaient à Calvi selon les données de l'ORTC, en 2012, cette part ne dépassait plus 30% !

Comme annoncé dès la fin 2012 par Mare Nostrum Corsica
au vu de la programmation des compagnies en présence, ce phénomène s'est encore sensiblement s'amplifié en 2013. Quoique la Corsica Ferries et SNCM aient reprogrammé à Calvi certaines traversées de plus qu'en 2012 respectivement vers Savona et vers Nice, le ripage de la programmation niçoise de la Corsica Ferries de Calvi vers l'Ile Rousse a, comme attendu, fortement joué en 2013 en faveur de ce dernier port, pour ce qui est du trafic passagers : sur les neuf premiers mois de l'année, Calvi chute de plus de 55% avec seulement 73 000 passagers, tandis qu'Ile Rousse progresse de près de 17%, avec environ 433 000 passagers, de source ORTC. En effet, la Corsica Ferries a remplacé sur ses liaisons Nice-Balagne le Sardinia Regina par le Mega Express Two, plus rapide et de plus grande capacité, mettant ainsi la Balagne à moins de 4h du continent français (ce qui a constitué la liaison maritime la plus courte sur la Corse en 2013) et pour les raisons évoquées plus haut, l'accostage régulier des navires de cette taille n'est qu'épisodique à Calvi en saison. Le trafic passagers 2013 du port de Calvi a ainsi été ramené à ses plus bas niveaux du milieu des années 1990 et il certain que la baisse se poursuivra et s'amplifiera encore en 2014 avec la fin de l'aide sociale aux passagers transportés sur la ligne de Nice (qui constitue la première destination au départ de la Balagne) et la nouvelle programmation prévue par les compagnies. Ainsi, la Corsica Ferries a prévu de ramener de trois à un seul départ par semaine sa programmation calvaise en saison de et vers Savona tandis que la SNCM a tout simplement supprimé l'ensemble de ses escales sur ce port (en 2013, le Corse assurait en saison une rotation hebdomadaire de Calvi vers Nice) ! Le trafic 2014 du port de Calvi devrait donc être symbolique et il est désormais envisageable que 2014 soit la dernière année de Calvi en tant que port de commerce...



Le départ du NGV Liamone de la SNCM (actuel Taimin Star de la compagnie taïwanaise Strait Express), vu depuis la jetée du port de Calvi, en avril 2007 ; photo : Romain Roussel.
Le sort du port de commerce de Calvi, pourtant le plus proche du continent français mais qui ne dispose que d'un seul poste à quai de longueur modeste, serait-il déjà scellé ?


Faute de perspective réaliste de retour des navires à grande vitesse de petite taille à moyen terme (voir page sur les liaisons à grande vitesse) et en l'absence de réelle mobilisation en faveur de son port de commerce, il est vraisemblable que, sous peu, Calvi sera spécialisé dans la seule plaisance et ne disposera plus de lignes de ferries régulières ni même saisonnières. En outre, les infrastructures du port de Calvi le rendent a priori peu adapté à l'accueil de navires de croisière, bien plus longs encore que les ferries, pour ce qui est de la plupart des unités récentes. À noter que ces orientations de fond, ni même plus généralement la question de la desserte des ports Corses dits secondaires, n'a curieusement fait l'objet d'aucune discussion à l'Assemblée de Corse lors des débats structurants de l'automne 2012 sur la politique régionale des transports maritimes.

La perspective d'une disparition du port de commerce de Calvi à moyen terme au profit de la seule plate-forme portuaire de l'Ile Rousse semble d'autant plus réaliste que, dans le même temps, ce dernier port projette de se doter d'infrastructures plus performantes. Selon l'objectif affiché par la CCI de la Haute-Corse, celles-ci visent à lui permettre "de faire face dans des conditions garanties de sécurité et de qualité du service, aux enjeux de son développement".


Le projet de développement du port de l'Ile Rousse devrait lui conférer un rôle accru
Présentation des cinq volets d'amélioration du port de commerce de l'Ile Rousse soumis à concertation publique durant l'été 2012.
Source : Dossier de concertation publique - plan de développement du port de Commerce de l'Ile Rousse, juin 2012.


Un plan de développement du port de commerce de l'Ile Rousse a ainsi été soumis à la concertation publique durant l'été 2012. Celui-ci comporte "un volet de travaux terrestres et un volet de travaux maritimes, destinés à conforter, moderniser et élever le potentiel de l'infrastructure" dont le coût prévisionnel
s'élève respectivement à 2,35 millions et 7,50 millions d'euros. Cinq points principaux devraient contribuer à y améliorer sensiblement l'accueil des navires, encore parfois jugé difficile par mauvais temps, et de leurs véhicules. Selon le document rendu public, les principaux aménagements envisagés sont ceux figurés au schéma précédent :

La concertation publique s'est achevée en juillet 2012. Suite à cette phase, la Chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Corse a dressé un bilan de cette concertation qui a abouti à confirmer la nécessité de moderniser le port d'Ile Rousse, comme projeté. Les travaux devraient s'étaler sur .trois années et être financés à 70% par le plan exceptionnel d'investissement (PEI) de la Corse.

La manoeuvre de départ du port de l'Ile Rousse du Mega Express un jour de vent en juillet 2007 ; photo : Michel R. Esser.
Une fois réalisés les travaux prévus dans le plan de développement, le port de commerce de l'Ile Rousse devrait accueillir dans de meilleures conditions les ferries de grande capacité, comme ici le Mega Express de la Corsica Ferriespar gros temps.


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