Mare Nostrum Corsica
1996-2016 : 20 ans de Corsica Ferries à Nice, de concurrence maritime sur Nice-Corse
et, désormais, de nouvelles lignes vers Porto Vecchio et la Sardaigne
La sortie du port de Nice du Mega Express Four de la Corsica Ferries en octobre 2013 ; photo : Romain Roussel
Les Mega Express de la Corsica Ferries se relaient pour assurer la desserte de Nice vers les ports corses de Bastia, Ile Rousse, Calvi, Ajaccio et désormais aussi vers Porto Vecchio et Golfo Aranci en Sardaigne.



Traditionnellement, au moins 4 destinations au départ de Nice, dont le trafic passagers est très orienté vers le port de Bastia...

Avec un trafic de 697 200 passagers vers la Corse en 2015 selon l'Observatoire régional des transports de la Corse (ORTC), le port de Nice se place en deuxième position pour la desserte de l'île, loin derrière Toulon (1 395 000 passagers en 2015) et juste devant Marseille (641 000 passagers) et Livorno (523 000). Quoiqu'en régression ces dernières années, le port azuréen affiche donc d'assez bonnes performances relatives en dépit de ses limites : à l'instar de Bastia, Nice ne peut accueillir qu'exceptionnellement des navires de grande taille comme le Mega Express Three, qui fait plus de 210 mètres de long, et le port, situé en pleine ville, manque de linéaires de quais et est difficilement accessible aux ferries par mauvais temps sous certaines conditions de houle. 

Si son volume global de trafic reste loin de celui du port de Bastia, premier port français de Méditerranée pour le trafic régulier des ferries, avec 2 088 000 passagers en 2015, toujours selon l'ORTC, le port azuréen possède toutefois un avantage géographique important pour la desserte de l'île de beauté : c'est le port français le plus proche des côtes corses (la distance la plus courte, vers Calvi, ne représente que 93 miles nautiques au départ de Nice). Les traversées des ferries entre Nice et la Corse sont donc plus courtes que celles assurées depuis Toulon (en Mega Express de la Corsica Ferries, les traversées les plus courtes sont assurées entre Nice et l'Ile Rousse en seulement 4h05) et, surtout, depuis Marseille. Autre atout, cela permet aussi d'assurer de nombreuses traversées de jour, moins coûteuses pour les passagers qui n'ont pas à financer une cabine et qui permettent aux compagnies d'assurer des rotations accélérées en été (ainsi, les jours de pointe, les Mega Express les plus rapides assurent, à pleine vitesse, jusqu'à 4 traversées par 24h entre Nice et la Corse). Dès lors, historiquement, les traversées niçoises des ferries ont souvent privilégié les destinations les plus proches, celles de et vers la Haute Corse : après Calvi et l'Ile Rousse, le port corse le plus proche est Bastia, situé à environ 124 miles nautiques (soit 5h de traversée en Mega Express), tandis qu'Ajaccio est un peu plus éloigné [1] (132 miles). Ainsi, en 2015, Bastia concentre à lui seul près de la moitié du trafic passagers niçois, loin devant la Balagne (34,1%, en additionnant les trafics des ports voisins de l'Ile Rousse et de Calvi) et Ajaccio (18,9%).

La ligne Nice-Bastia représente à elle seule la moitié du trafic passagers du port azuréen en 2015



Un trafic passagers portuaire qui avait triplé suite à l'arrivée de la Corsica Ferries en 1996 mais qui a pâti depuis de divers aléas
Depuis 1992, le trafic portuaire niçois a alterné des hauts et des bas qui s'expliquent bien

Pour autant, les liaisons entre Nice et la Corse n'ont pas toujours été en concurrence. Jusqu'en 1995, la SNCM était seule sur ces lignes (principalement avec les ferries Corse et son jumeau Esterel, conçus au début des années 1980 comme des "trains des mers" avec des emménagements sur le modèle des compartiments SNCF, jugés peu confortables) et le trafic passagers tendait à stagner, voire à régresser : en 1995, la compagnie peinait à remplir ses navires même les jours de pointe et n'a transporté cette année-là qu'à peine plus de 303 000 passagers sur Nice-Corse selon l'ORTC. Le renouveau est venu l'année suivante, en 1996, avec l'arrivée de la concurrence de la Corsica Ferries qui a suscité alors une véritable émulation entre les deux compagnies, sur le thème de la vitesse. Annoncés dès la saison 1995, les navires à grande vitesse (NGV) de la Corsica Ferries ont finalement été livrés avec une année de retard par rapport au calendrier prévu (en raison notamment des difficultés rencontrées par le chantier de Pietra Ligure en Italie) et ont finalement été mis en service en juillet 1996 pour le premier d'entre eux, soit quelques mois après le premier NGV de la SNCM, le NGV Asco, suivi la même année par son jumeau, le NGV Aliso. Pour la Corsica Ferries, la première saison de desserte s'est conclue par un peu plus de 56 000 passagers transportés sur Nice par le Corsica Express 2, puis par le Corsica Express 3 (le Sardinia Express, troisième navire de cette série de "triplés", sera mis en service la saison suivante sur la ligne sarde Civitavecchia-Golfo Aranci). 

Cette émulation a permis de multiplier les rotations entre Nice et la Corse, passées soudainement de 2-3 par jour en périodes de pointe à 6 ou 7, et de relancer la destination Balagne : Calvi et l'Ile Rousse étant particulièrement bien placés d'un point de vue gégographique pour cette desserte (voir aussi l'ancien article thématique sur la navigation rapide pour des précisions sur les durées des traversées en NGV et sur leurs limites). Suite à cela, le trafic passagers niçois a dépassé les 600 000 passagers dès 1998, ce qui a représenté un doublement du nombre de voyageurs en seulement trois ans ! En 1999, avec l'ouverture des lignes nationales au cabotage européen, la concurrence s'est intensifiée avec l'ajout sur Nice-Corse de ferries classiques de la Corsica Ferries sous pavillon italien, les premières rotations de la compagnie aux bateaux jaunes étant inaugurées par le Sardinia Regina, dans un premier temps, hors saison : avec cette nouvelle progression de l'offre de transport, le trafic a frôlé cette année-là les 700 000 passagers. La SNCM a aussi accru son offre et fiabilisé sa desserte avec la mise en service en 2000 d'un NGV de plus grande capacité, le NGV Liamone : cette année-là, le port de Nice a frôlé les 800 000 passagers. Enfin, la dernière étape du développement spectaculaire du port niçois a eu lieu en 2002 avec l'instauration par la Collectivité territoriale de Corse de l'aide sociale au passagers et la décision de la Corsica Ferries - bientôt imitée par la SNCM - de déduire intégralement cette aide de 15 euros des tarifs de l'ensemble des personnes éligibles (soit les des deux-tiers de ses passagers, qui pouvaient de ce fait bénéficier de tarifs à partir de 5 euros hors taxes) ; le port azuréen a alors dépassé pour la première fois le cap des 900 000 passagers annuels.

La suite a été moins brillante pour le port de Nice, de plus en plus concurrencé par celui de Toulon et dont l'offre de traversées a ensuite plutôt tendu à se réduire, les hausses des coûts des combustibles impactant particulièrement les NGV, gros consommateurs d'un carburant plus cher que celui utilisé par les ferries classiques et les Mega Express. Avec le retrait progressif de plusieurs NGV et la vente des NGV Asco et NGV Aliso entre l'automne 2004 et le printemps 2005, le trafic niçois a ensuite reflué à peu moins de 750 000 voyageurs annuels en 2005. Une reprise s'est ensuite fait sentir avec la mise en service de nouveaux Mega Express par la Corsica Ferries et le réploiement de ferries jusqu'ici employé sur ses lignes italiennes (le Corsica Serena Seconda jusqu'à sa vente à l'hiver 2010-11 puis le Sardinia Vera) ainsi qu'avec le retour en 2009 de la SNCM sur la ligne phare Nice-Bastia qu'elle avait délaissée à partir du milieu de la décennie 2000 ; l'ensemble de ces dispositions ont permis d'accroître de nouveau les capacités de transport offertes sur le port de Nice, dont le trafic a culminé à 947 100 passagers en 2010. 

L'arrivée du NGV Liamone II à Bastia en provenance de Nice, en avril 2010 ; photo : Romain Roussel
Le NGV Liamone II, affrété par la SNCM pendant la saison 2010, a été le dernier navire de ce type en service sur les lignes Nice-Corse.


L'année 2010 marque une vraie charnière pour les liaisons maritimes entre Nice et la Corse :

- S'agissant de la SNCM, le retour sur Nice-Bastia en 2009, qui avait connu un vrai succès commercial cette année-là, s'était confirmé en 2010 avec la mise en place de rotations supplémentaires. En effet, en sus des deux rotations hebdomadaires du car-ferry Corse programmées durant l'été 2009 (les samedis et dimanches), ce sont trois autres rotations hebdomadaires en NGV sur Nice-Bastia qui avaient été assurées pendant la saison 2010. Le NGV employé n'était alors plus le NGV Liamone (c'est-à-dire le NGV 3) qui avait navigué sur les lignes Corses de 2000 à 2009 mais par le NGV Liamone II. Ce NGV 4, en provenance de Grèce (où il naviguait sous le nom d'Aeolos Kenteris I pour la compagnie NEL Lines, qui opère sur les lignes inter-îles grecques) était un bateau construit par les mêmes chantiers que les précédents NGV de la SNCM. De plus petite taille que le NGV Liamone (119 mètres de long et 15,7 mètres de large contre 134 mètres de long et 19,8 mètres de large) avec une capacité unitaire un peu moindre (210 voitures contre 250) et naviguant moins vite (29 noeuds annonçait le site web de la SNCM, contre 42 noeuds pour l'ex-NGV Liamone à vitesse maximale), il n'aurait toutefois pas donné satisfaction à la SNCM qui l'a rendu à l'issue de la saison 2010 à sa compagnie d'origine. Son affrètement n'a donc pas été renouvelé en 2011 (sans pour autant que la SNCM remette en service sur les lignes Nice-Corse le premier NGV Liamone, trop gourmand en carburant, et finalement vendu), décision qui a été à l'origine d'un conflit social très dur à la compagnie, dont les navires sont tous restés bloqués à quai entre le 31 janvier et le 18 mars 2011 ! ;

- Surtout, à Nice, depuis 2010, les horaires des bateaux sont strictement encadrés afin de minimiser les nuisances sonores pour les riverains, le port étant situé au coeur de la vieille ville. Ainsi, le matin, les navires ne peuvent en théorie arriver avant 6h du matin, ni repartir avant 7h ; le soir, ils ne peuvent arriver après 22h30, ni repartir après minuit, ce qui fait très juste en termes d'horaires pour des ferries faisant un aller-retour dans la journée depuis Nice vers Bastia ou Ajaccio. Depuis 2011, les autorités portuaires niçoises sont allées encore plus loin en réduisant drastiquement le nombre d'autorisations d'escales de navires (à 300 pour juillet-août), ce qui a entraîné mécaniquement une réduction sensible de la desserte de la Corsica Ferries et de la SNCM et donc le retrait de deux navires des lignes de Corse (les Corsica Serena Seconda et NGV Liamone II) ;

- Enfin, l'aide sociale au passager transporté de la Collectivité territoriale de Corse a été réduite (de 15 à 12 euros par passage) sur les lignes Nice-Corse et son montant annuel plafonné à un niveau inférieur à compter de 2010, ce qui a provoqué une hausse des tarifs à partir de 2011, les compagnies ne pouvant assumer seules ce surcoût dans un contexte marqué alors par un nouvelle hausse des coûts du carburant.

L'ensemble de ces décisions, aggravées par la suppression totale du dispositif d'aide sociale au passager transporté à compter de 2014 et les difficultés croissantes rencontrées par la SNCM ont conduit à une réduction de l'offre de transport et du nombre de passagers transportés sur Nice, dont le trafic est repassé sous les 750 000 voyageurs annuels en 2014. Placée alors en redressement judiciaire, la SNCM a pris la décision historique de se retirer totalement du port de Nice à compter du printemps 2015, pour la première fois depuis sa création en 1976 ! Les capacités supplémentaires mises en oeuvre au dernier moment par la Corsica Ferries pendant l'été (par redéploiement notamment du Corsica Marina Seconda depuis ses lignes italiennes, puis du Sardinia Vera au mois d'août suite à l'achat du Mega Andrea) ne sont pas tout à fait parvenues à maintenir le trafic
total du port, retombé donc à un peu moins de 700 000 passagers en 2015, soit un niveau quasi-identique à celui enregistré en 1999 ! 


À partir de l'été 2016, la concurrence renaît sur le port de Nice et deux nouvelles destinations sont proposées
 
Le Corsica Marina Seconda à la manoeuvre à Nice, en août 2015 ; photo : Romain Roussel Photomontage du Sardinia Regina en août 2015 (photo : Romain Roussel) et de l'image de synthèse du Mega Express Six (source : Corsica Ferries).
En attendant la mise en service du nouveau Pascal Lota en 2017 (en haut à droite, en médaillon), la Corsica Ferries déploie des ferries classiques comme le Corsica Marina Seconda ou le Sardinia Regina en renfort de ses navires rapides sur Nice, vers la Corse (Bastia, Calvi, Ile Rousse, Ajaccio et maintenant aussi Porto Vecchio) ainsi que vers la Sardaigne (Golfo Aranci).


L'année 2016 s'annonce toutefois comme celle du renouveau pour le port de Nice. Tout d'abord, la concurrence y est de retour à partir de juin 2016 avec la mise en service d'un ferry par la Moby Lines, le Moby Zazà, acquis pour l'occasion. Ce navire est programmé exclusivement sur la liaison Nice-Bastia, en traversée de nuit dans le sens de plus grande affluence (c'est-à-dire jusqu'à la mi-août dans le sens continent-Corse et à partir de cette date et jusqu'à la fin de l'été dans le sens Corse-continent). Compte tenu des obligations de service public qui régissent cette ligne (non subventionnée), la Moby Lines est tenue d'assurer au moins une rotation par semaine en hiver. Son arrivée à Nice, déjà annoncée en 2009 mais non concrétisée alors, devrait redynamiser l'axe Nice-Corse (la compagnie attendrait 200 000 voyageurs sur cette ligne pour sa première année d'exploitation) et contribuer aussi à renforcer la prédominance du port de Bastia.

Enfin, de nouvelles destinations s'offrent aussi aux voyageurs maritimes de et vers Nice à compter également de juin 2016, avec la création par la Corsica Ferries de la nouvelle ligne NIce-Porto Vecchio-Golfo Aranci qui donne deux nouveaux débouchés au port, l'un pour le Sud Est de la Corse, l'autre pour le Nord Est de la Sardaigne. Plusieurs navires de la compagnie aux bateaux jaunes sont programmés sur ces nouvelles liaisons pendant l'été 2016, mais c'est le Corsica Victoria qui assure l'essentiel des traversées. Ces lignes pourraient être renforcées à l'horizon 2017 avec l'entrée en flotte d'un nouveau navire rapide de grande capacité, le sixième Mega Express de la Corsica Ferries, qui devrait finalement être nommé Pascal Lota.

Aussi, 20 années après le débarquement des premiers bateaux jaunes sur le port de Nice et en attendant un possible retour à l'avenir de la compagnie qui a succédé à la SNCM, le port azuréen peut-il au vu de ces nouveautés, envisager l'avenir avec une confiance retrouvée.

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Note :
[1] Depuis Toulon et Marseille, c'est l'inverse, le port d'Ajaccio est plus proche que celui de Bastia (par exemple, la distance Ajaccio-Toulon n'est que de 142 miles, soit à peine plus que vers Nice, tandis que Bastia-Toulon fait 176 miles) et, corrélativement, le trafic d'Ajaccio avec Marseille et Toulon est généralement supérieur ou égal à celui de Bastia.


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