Mare Nostrum Corsica 

La DSP maritime Marseille-Corse attribuée au seul groupement SNCM-CMN
Le Danielle Casanova de la SNCM croisant le Piana de la Méridionale à la sortie du port de Bastia, en août 2013 ; photo : Romain Roussel
Les navires de la SNCM et de CMN-La Méridionale sont désormais assurés de croiser au large des côtes Corses au moins jusqu'en 2023 !


Suite à la définition et au vote par l'Assemblée de Corse des grands axes de la future délégation de service public (DSP) maritime pour la période 2014-2023, un appel d'offres a été lancé en fin d'année 2012 afin de sélectionner la ou les compagnies qui assureront le service. Rappelons que, bien les capacités passagers prévues demeurent supérieures au trafic actuel au départ de Marseille, le cahier des charges met particulièrement l'accent sur le fret et qu'il est également prévu que ne soient plus subventionnés les ferries au départ de Marseille et que soit supprimée l'aide sociale au départ de Toulon et de Nice. Le 24 janvier 2013, les élus territoriaux de la Commission d'appel d'offres se sont réunis pour examiner les propositions remises par les compagnies dix jours plus tôt. Si le contenu détaillé des offres des compagnies n'a pas été révélé à cette occasion, les médias insulaires ont rapporté que les actuels délégataires, à savoir la SNCM et La Méridionale, avaient fait une offre conjointe mais non solidaire (et non une offre solidaire, comme on lit parfois à tort, les deux compagnies demeurant financièrement seules responsables de leurs services respectifs) comme le règlement en prévoit la possibilité et que la Corsica Ferries avait elle aussi fait une offre indépendante. Cela est confirmé par le rapport adopté à l'unanimité par les élus Corses le 7 juin dernier, qui entérine de ne pas attribuer pour le moment la DSP, aucune des offres reçues n'étant acceptable, mais de négocier directement avec les compagnies candidates.

En fait, la négociation se serait uniquement effectuée avec le groupement SNCM-La Méridionale, d'après
le président de l'Office des transports de la Corse, Paul-Marie Bartoli, qui, afin de limiter tout recours juridique pour inégalité de traitement entre compagnies candidates, déclarait alors juste informer la Corsica Ferries par courrier qu'il aurait fallu que la compagnie présente elle aussi une offre à 7 navires entre Marseille et la Corse pour qu'elle puisse être admise à la table des négociations... Un accord ayant finalement été trouvé le 2 juillet 2013 entre le groupement et SNCM-La Méridionale et l'Office des transports, Paul-Marie Bartoli a donc soumis au vote de l'Assemblée de Corse le 6 septembre 2013 le compromis trouvé qui consistait en une enveloppe annuelle de subvention de 96 millions d'euros en moyenne sur l'ensemble de la période 2014-2023, ce montant étant indexé mais ne pouvant dépasser en moyenne 104 millions d'euros par an. Le président du Conseil exécutif, Paul Giacobbi avait toutefois rapidement précisé qu'il restait encore des points à régler et que le rapport de l'Office des transports ne serait pas soumis au vote dès la fin juillet 2013 comme initialement envisagé, d'où le report du vote en septembre. Lors de la session extraordinaire consacrée à la DSP du 6 septembre 2013, les élus se sont donc prononcés en faveur de l'attribution de la DSP au groupement SNCM-CMN sur la base d'un rapport de l'OTC, remis fin août... Si aucun élu n'a finalement voté contre, au risque de provoquer un séisme social au sein des compagnies délégataires sortantes, le rapport n'a pas suscité une pleine adhésion puisqu'on dénombre finalement 27 voix pour sur un total de 51 élus, de nombreux élus s'étant finalement abstenus.

Il faut dire que le montant de subvention finalement attribué apparaît au-dessus de ce qui avait été envisagé courant juin 2013, même s'il demeure très inférieur aux prétentions initiales du groupement
SNCM-CMN (147 millions par an). Cette décision, jugée juridiquement fragile par plusieurs observateurs - au premier rang desquels, Paul Giacobbi, Président du Conseil exécutif de Corse - au vu des éléments figurant dans le rapport, est d'ores et déjà contestée en justice par la Corsica Ferries, tandis que la CGPME de Corse a également fait entendre ses réserves et que la Commission européenne a, de son propre chef, décidé d'enquêter sur les conditions de cette attribution... En effet, quelques mois plus tôt, l'Autorité de la concurrence - dans un courrier daté du 4 juin 2013 mais dont le contenu n'a été révélé que début juillet - avait déjà attiré l'attention du Conseil exécutif sur le fait que, pour être valide, l'offre du groupement SNCM- La Méridionale devait être rendue divisible et comparée ligne à ligne à celle de la Corsica Ferries, comme le prévoyait le règlement de l'appel d'offres, ce qui n'aurait pas été le cas... 

Le Mega Express Two de la Corsica Ferries longe le Piana de La Méridionale à Bastia, en août 2012 ; photo : Romain Roussel.
Contrairement à ce qui s'était passé lors du précédent appel d'offres en 2006, La Méridionale n'avait cette fois pas présenté d'offre commune avec la Corsica Ferries mais avec la SNCM.



Aucune des offres initiales des compagnies maritimes pour la DSP 2014-2023 ne satisfesait l'Office des transports de la Corse, aucune des offres revues non plus à l'issue de 4 mois de négociations !
Le chantier d'aménagement du môle Sud de Bastia, en avril 2013, avec de gauche à droite le Piana, le Corsica Marina Seconda et le Corse ; photo : Romain Roussel
Une fois encore, le chantier d'attribution de la DSP maritime Marseille-Corse s'est prolongé
et fortement complexifié au fil des mois ...

Le président de l'Office des transports, qui a reçu les soumissionnaires en février 2013 pour examiner leurs offres, avait indiqué que les discussions se poursuivaient avec l'ensemble des compagnies, sans exclusive, mais que les propositions reçues posaient toutes problème. En effet, si rien n'a filtré sur le contenu détaillé des offres initiales, il a été dit que celles-ci ne répondaient pas de manière satisfaisante aux souhaits de la Collectivité territoriale de Corse :

Un rebondissement est intervenu le 14 mai 2013, Paul Giacobbi, président du Conseil exécutif de Corse, déclarant devant l'Assemblée nationale que "la première phase de la procédure d'attribution de la délégation de service public s'achève sans qu'aucun candidat n'ait remis une offre légalement et financièrement acceptable. Je vais donc proposer à l'Assemblée de Corse de constater cette infructuosité et de relancer les négociations avec l'ensemble des candidats". La nouvelle de l'échec de la DSP a été une surprise : d'après les informations recueillies par France 3 Corse le 15 mars 2013 auprès de Paul-Marie Bartoli, il avait pourtant été annoncé qu'un compromis - dont la teneur exacte n'était pas précisée - avait été trouvé entre l'Office des transports et le groupement SNCM / La Méridionale en vue des compensations financières à prévoir dans le cadre de la future délégation (dans un contexte de pression très forte, la SNCM ayant conditionné la construction de ses futurs navires - qui pourrait de surcroît échoir aux chantiers français de Saint Nazaire, actuellement en recherche active de nouvelles commandes - à l'obtention de ladite DSP). En outre, les déclarations du directeur régional de la SNCM courant mai 2013, qui avait précisé que les futurs navires de la compagnie fonctionneraient au gaz et pourraient dès lors économiser 30% des coûts du carburant auraient pu laisser penser que la compagnie aurait pu baisser davantage ses prétentions financières pour que l'offre du groupement puisse passer sous le plafond des 104 millions fixés par la Collectivité territoriale de Corse...

L'Office des transports a rédigé un rapport allant dans le sens des déclarations de Paul Giacobbi, adopté par l'Assemblée de Corse le 7 juin ; ce rapport donne quelques précisions sur les offres finales des différents candidats.

S
'agissant des offres revues des compagnies à l'issue du premier round de négociations qui aura duré plus de 4 mois, le rapport de l'Assemblée de Corse du mois de juin ne donne pas de détail sur celle de la Corsica Ferries si ce n'est qu'elle a bien présenté une offre séparée pour chacun des ports Corses concernés par la continuité territoriale sur Marseille mais aussi, comme en 2007, une offre groupée sur les trois ports du Sud (Ajaccio, Propriano, Porto Vecchio), preuve que la compagnie aux bateaux jaunes avait bien l'intention de desservir aussi les ports Corses sur lesquels elle n'est pas actuellement présente. Si le rapport reconnait que le fait de déposer une offre ligne à ligne est licite, il écarte pourtant l'offre de la Corsica Ferries (dont il ne précise, chose surprenante, pas le montant, peut-être pour ne pas en souligner l'écart important avec l'offre du groupement SNCM-La Méridionale ?) "au regard des incertitudes et des risques que présente l'attribution d'une convention de délégation de service public portant sur une seule partie des lignes maritimes desservant les ports de la Corse au départ ou à destination de Marseille". Cet argument a d'ailleurs été interprété par les autorités en charge de la concurrence comme une barrière à l'entrée au sein du marché maritime Marseille-Corse. Et ce d'autant plus que ni dans le cadre des DSP passées, ni dans le cadre des DSP actuelles, La Méridionale et la SNCM ne desservent pas non plus chacune isolément la totalité des lignes... (par exemple, la SNCM est l'unique compagnie à desservir Marseille-Porto Vecchio et seule La Méridionale fait naviguer des navires mixtes toute l'année sur Marseille-Propriano).

Certains observateurs remarquent donc que le rapport
de juin 2013 de l'Assemblée de Corse aurait très bien pu en théorie étudier des solutions mixant les offres des trois compagnies en présence. Toutefois l'offre de la SNCM et de La Méridionaleserait d'après le rapport "globale et indissociable" ce qui empêcherait de fait toute autre compagnie concurrente de se voir attribuer une partie des lignes de la DSP... En juin 2013, cette offre globale avait toutefois été rejetée car trop élevée : le rapport  précisant que le plafond acceptable avait été "fixé à 104 millions d'euros pendant toute la durée de la convention, ce montant pouvant être révisé en cas d'augmentation de la dotation de continuité territoriale." Or, "au global, sur l’ensemble du périmètre de la DSP, l’offre de SNCM-CMN s’établit à 107 millions d'euros par an en moyenne annuelle sur la durée de la DSP, en euros 2013. En outre, le Groupement a supprimé la référence au plafonnement de la contribution pendant toute la durée de la convention à 104 millions d'euros tout en maintenant l'indexation, ce qui aboutira sur 10 ans à des montants nettement plus conséquents." Dès lors, l'offre de la SNCM et de La Méridionale remise en juin 2013 n'était pas non plus acceptable, le plafond ne pouvant être revu à la hausse !

C'est pourquoi, le rapport adopté en juin 2013 par l'Assemblée de Corse a conclu logiquement que "par conséquent, à ce stade, la convention de délégation de service public ne peut être attribuée à aucun des candidats."


Une négociation qui s'est inscrite dans un contexte difficile, à la fois pour les compagnies et pour l'Office des transports de la Corse
Détails des Corsica Victoria de la Corsica Ferries et Pascal Paoli de la SNCM, à Bastia en août 2012 ; photo : Romain Roussel.
Les enjeux du choix effectué par l'Assemblée de Corse sont cruciaux pour l'ensemble des compagnies maritimes desservant la Corse au départ des ports de Marseille, Toulon et Nice.

Une nouvelle fois, la négociation intervenue entre début juin et début juillet 2013 s'est inscrite dans un contexte tendu, que ce soit sur le plan social ou sur le plan financier. S'agissant des compagnies tout d'abord, les délégataires actuels du service public maritime (la SNCM et La Méridionale) auraient vu leur activité réduite par rapport à la situation actuelle si jamais elles n'avaient finalement pas été en position d'être reconduites sur l'ensemble du périmètre de la desserte. La SNCM avait toutefois donné des gages de sa solidité en indiquant d'ores et déjà publiquement par la voie de sa direction que les ferries au départ de Marseille (le Danielle Casanova et le Napoléon Bonaparte ou son remplaçant, ce navire étant indisponible suite à son accident) continueraient à naviguer au-delà de 2014, même sans subvention (propos finalement partiellement contredits par le plan industriel de la compagnie adopté fin juin 2013, qui a entériné une réduction de la flotte de 9 à 8 navires dès 2014). On ignore toutefois si ces engagements étaient à rapprocher du fait que la compagnie aurait, dans le cadre de sa proposition initiale, demandé pour la future DSP un montant plus élevé de subventions que celui actuellement dévolu aux seuls cargos mixtes. Par ailleurs,
les incertitudes sur son futur actionnariat étaient facteur d'inquiétudes pour les syndicats, mais également pour les élus locaux et notamment ceux de la Collectivité territoriale de Corse qui doivent engager un contrat de service public de dix ans avec un partenaire qu'ils espèrent fiable et durable. Dans ce contexte tendu, les syndicats de la SNCM et de La Méridionale avaient appellé à une grève reconductible à compter du 27 juin 2013 afin de réclamer la tenue d'un véritable plan industriel pour la SNCM (soit deux jours avant le début du Tour de France cycliste qui débutait en Corse cette année mais dont la Corsica Ferries était seule transporteur officiel) et pour empêcher que l'actionnariat de la compagnie soit modifié avant l'attribution de la DSP. Les syndicats ayant eu gain de cause et reçu des assurances du Ministre des transports sur l'avenir de la flotte (annonce de 2 commandes de navires neufs et de 2 autres en 2016), la grève n'a finalement pas eu lieu. À noter que, contrairement à la SNCMLa Méridionale n'envisagerait quant à elle pas de renouveler sa flotte avant la fin de la nouvelle convention, en 2023 : Mer et Marine rapporte ainsi que les projets de renouvellement du Kalliste auraient été différés de 2020 à 2023 par la compagnie, comme le lui permet le règlement de la nouvelle DSP qui autorise les bateaux à naviguer jusqu'à un âge de 30 ans dans le cadre de la délégation de service public, contre 20 ans auparavant.

S'agissant de la Corsica Ferries, la décision de la Collectivité territoriale de Corse, même en sa défaveur, lui donne désormais
plus de visibilité afin de bâtir une nouvelle stratégie de redéploiement de sa flotte, dans un contexte de disparition de l'aide sociale, synonyme d'une disparition totale de financement publics pour la compagnie aux bateaux jaunes dès 2014. Pierre Mattei, le PDG de la Corsica Ferries a néanmoins indiqué en novembre 2013 qu'il avait porté en justice la question de l'attribution de la DSP entre Marseille et la Corse, les compensations financières convenues entre ses concurrents et l'Office des transports ayant atteint des niveaux qu'il juge excessifs au regard des spécifications du cahier des charges (soit "plus de 75 millions d'euros" par an précisait-il) et sa compagnie ayant été écartée pour de mauvais motifs...

Pour cette attribution, les élus Corses ayant déclaré infructeuse la première phase de l'appel d'offres en juin 2013 et décidé de suivre les propositions du rapport,
un nouveau mode de négociation avec les compagnies a été mis en place : une négociation de gré à gré avec deux des compagnies ayant répondu à l'appel d'offres, à savoir la SNCM et La Méridionale. Un élargissement du champ des opérateurs de service public à la Corsica Ferries a été écarté, de même que la solution repoussoir plus radicale de suppression totale de la DSP au profit d'obligations de service public généralisées à l'ensemble des ports continentaux français participant à la desserte de la Corse : Nice, Toulon et Marseille.

Une autre possibilité, qui aurait consisté à relancer un nouvel appel d'offres, a également été écartée. Si cela avait été le cas, il aurait fallu sans doute prolonger la délégation de service public 2007-2013 jusque courant 2014 - et vraisemblablement aussi l'aide sociale sur Toulon et Nice - au-delà du 1er janvier 2014, ce qui aurait posé de manière plus aiguë la question de la prorogation du service complémentaire sur Marseille-Corse, désormais déclaré contraire au principe de libre concurrence par la Commission de Bruxelles et que les élus corses s'étaient engagés à supprimer...
En tout état de cause, Paul Giacobbi a attiré l'attention de l'Etat sur la situation de la SNCM, ajoutant que "s'agissant de la SNCM, une offre légale et raisonnable n'est possible que dans le cadre d'une restructuration de l'entreprise sur la base d'un projet industriel sérieux qui permettra d'affecter quatre navires mixtes au service public de la Corse et de trouver une autre vocation au reste de la flotte" et que "notre Collectivité n'exclut pas d'intervenir dans le renouvellement de la flotte par le biais d'une société d'économie mixte". Certains observateurs y voient les prémices d'une future compagnie régionale...

Pour sécuriser le processus d'attribution de la délégation de service public et éviter un trop grand retard dans son attribution, deux amendements au rapport ont été adopté le 7 juin :
- le premier prévoyait que le Conseil exécutif de Corse rende compte à l'Assemblée de Corse "du déroulement et du contenu de la négociation "avant le 27 juillet au plus tôt et si possible délibérera à cette date ou au plus tard fin septembre", ce qui permettra aux
compagnies d'ouvrir normalement les réservations pour la saison estivale 2014 à l'automne 2013 ;
- le second entendait "plafonner la contribution financière forfaitaire à un montant accceptable économiquement justifié et conformes aux intérêts de la Corse", si aucun chiffre n'était alors précisé, des élus de l'opposition de droite ont alors mentionné une somme annuelle plus proche de 90 millions d'euros que des 104 millions inscrits dans le rapport initial. Cet ordre de grandeur de 90 millions, qui permettrait de sécuriser les financements de l'Office des transports compte tenu des sommes consacrées par ailleurs à l'aérien et de celles qui pourraient être attribuées au ferroviaire, apparaissait plus en ligne avec la réduction du périmètre de la DSP à 7 navires mixtes prévue par le cahier des charges. Il a toutefois été finalement dépassé, l'accord final portant sur 96 millions en moyenne annuelle (voir article spécifique sur le
rapport de l'OTC) !



En 2010, les subventions de la SNCM ont progressé alors que ses obligations de service public avaient déjà été réduites. Dans le nouveau schéma de DSP à 7 navires mixtes, cette compagnie, la plus dispendieuse, a dû faire un effort d'ajustement important sur le montant de la subvention, dans un contexte budgétaire tendu pour la Collectivité de Corse.


Si le montant final de la compensation financière avait dû s'établir dans une fourchette allant de 90 à 104 millions d'euros, une répartition proportionnelle entre les deux compagnies délégataires au prorata du nombre de navires (4 pour l'une, sans doute la SNCM, 3 pour l'autre, vraisemblablement la CMN) aurait aboutit à une fourchette de subventions annuelles de 51 à 60 millions de subventions annuelles pour la compagnie à 4 navires et de 38 à 45 millions d'euros annuels pour la compagnie à 3 navires. C'est sans doute pourquoi dans les débats de juin 2013, la SNCM (86 millions de subventions annuelles en 2010, certes pour 4 navires mixtes mais aussi 2 ferries en période de pointe) apparaissait comme nettement plus dispendieuse que la CMN, qui a consommé un peu moins de 29 millions d'euros de subventions en 2010 pour 3 navires mixtes, ce qui laissait à cette dernière une marge de négociation bien plus importante par rapport au plafond supposé...
 
Finalement, le montant de subvention voté par 
l'Assemblée de Corse en septembre 2013 se répartit en 57,5 millions pour la SNCM en 2014 et 38,5 millions pour La Méridionale. Si, par rapport à la situation actuelle, la subvention de la première compagnie baisse tandis que celle de la seconde augmente, la répartition n'est semble-t-il pas strictement effectuée au prorata du nombre de navires employés dans le cadre de la DSP et ce, à l'avantage de la SNCM. En effet, une répartition aux 4/7èmes pour la SNCM et aux 3/7èmes pour La Méridionale aurait conduit, pour l'année 2014, à des subventions respectives d'un peu moins de 55 millions pour la SNCM et d'un peu plus de 41 millions pour La Méridionale. Ce montant serait ensuite indexé sur le "coût de la vie" jusqu'au terme de la convention en 2023 et susceptible de révision à la hausse ou à la baisse en cas de variation des cours des combustibles sans que cette somme puisse toutefois excéder 104 millions d'euros par an en moyenne sur l'ensemble de la période 2014-2023. À titre d'illustration, si l'indice d'indexation retenu devait être de 1,75% par an (soit un niveau proche de l'indice général des prix en France), le montant annuel de subvention atteindrait 112 millions en 2023 et le montant annuel moyen frôlerait précisément les 104 millions sur la période 2014-2023.


Rappelons par ailleurs qu'au-delà de la polémique sur la demande de remboursement de 220 millions d'euros de subventions jugées indues par la Commission européenne au titre du service complémentaire des ferries lors des périodes de pointe sur la période 2007-2013, le dénouement en cours de plusieurs autres contentieux
devrait permettre de donner aux compagnies et à leurs usagers une plus grande visibilité sur les futurs tarifs des transports maritimes et sur l'organisation future de la deserte maritime de la Corse :
  • un différend judiciaire oppose toujours la SNCM et La Méridionale d'une part et l'Office des transports d'autre part au sujet des compensations à accorder aux compagnies suite à la hausse du cours des combustibles. Lors de la privatisation de la SNCM aurait été négociée une clause très favorable à la compagnie prévoyant que 90% du surcoût éventuel en cas de hausse du cours du pétrole serait supporté par la Collectivité terroriale de Corse via une hausse des subventions accordées aux délégataires de service public. Cette clause, renégociée lors de la revoyure intervenue fin 2009, fait l'objet d'un contentieux, les délégataires SNCM et La Méridionale réclamant 40 millions d'euros à l'Office des transports de la Corse à ce titre pour les années 2011 et 2012 selon France 3 Corse. Or, l'Office des transports, qui serait déjà en déficit de 20 millions fin 2012 indépendamment de cela et qui aurait, selon son président, présenté au Gouvernement une demande de rallonge financière pour boucler son budget, s'y oppose1. À noter que l'attente par la SNCM d'une compensation financière au titre de la hausse de ces coûts du combustible a permis à la compagnie de mener une politique commerciale très agressive depuis 2011 et de reconquérir des parts de marché tandis que, dans le même temps, les autres compagnies de ferries naviguant en Méditerranée n'avaient d'autre choix que de relever significativement leurs tarifs pour faire face à ce surcoût. À l'avenir, il est normalement prévu dans le cadre de la convention 2014-2023 - si elle est finalement mise en oeuvre - que les futures hausses éventuelles du coût des soutes seront assumées par le ou les délégataires, via un ajustement automatique à la hausse des tarifs. 
  • un autre différend a opposé quant à lui la CGPME de Corse et la Corsica Ferries d'une part à la Collectivité territoriale de Corse, les plaignants reprochant à la Collectivité d'avoir prévu l'instauration de tarifs plancher pour le transport du fret au départ de Toulon qui se seraient tarduits par une hausse importante des tarifs du transport de marchandises depuis le port varois à compter de 2014 (le plancher envisagé était en effet fixé à 75 euros du mètre linéaire, soit un niveau significativement supérieur au prix d'appel de 2013 qui avoisinait 60 euros). Les plaignants considéraient en effet qu'il s'agissait là d'une mesure protectionniste visant à protéger les délégataires du service maritime au départ de Marseille (SNCM et La Méridionale) au détriment de l'intérêt commun. La justice leur a finalement donné raison et de nouvelles obligations de service public, plus cohérentes, ont finalement été votées par l'Assemblée de Corse fin décembre 2013 ;
  • enfin, rappelons qu'une enquête approfondie menée par la Commission de Bruxelles a conclu que les aides reçues par la SNCM (en sus de la subvention de continuité territoriale) dans le cadre de son processus de privatisation à compter de fin 2005 pour un montant total qui serait supérieur à 200 millions d'euros constitueraient des aides d'Etat, illicites au regard du droit européen. La SNCM a toutefois fait appel de cette décision qui sera jugée par la Cour de Justice de Luxembourg. Parallèlement à cette démarche, Paul Giacobbi a dirigé, de début juin à décembre 2013, une Commission d'enquête parlementaire pour clarifier les conditions de la privatisation de la SNCM (rappelons que le fonds d'investissement Butler Capital Partners avait revendu au groupe Veolia ses parts de la SNCM pour 73 millions d'euros en 2008 alors qu'elle les avait acquises trois ans plus tôt pour seulement 13 millions). Cette Commission d'enquête a conclu que l'opération de privatisation avait été une gabegie financière (plus de 400 millions d'euros d'argent public dépensé pour revenir au final à une situation critique de la compagnie quelques année plus tard).

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de nouveaux rebondissements sont encore possibles dans les prochaines semaines ou les prochains mois... Enfin, il faut noter que cette grande agitation sur les lignes de Corse coïncide avec une certaine agitation également sur les lignes maritimes sardes, la privatisation de l'ex-compagnie publique (la Tirrenia, devenue CIN - Compagnia Italiana di Navigazione) intervenue à l'été 2012 au bénéfice de la Moby Lines créant également des remous : après avoir assuré des rotations pendant deux saisons (2011 et 2012), la compagnie régionale SaReMarportée par la région Sarde pour concurrencer les armateurs privés a été contrainte de cesser ses activités puis de rembourser 10 millions d'euros d'aides publiques. Le flambeau a touetfois été repris dès l'été 2013 par une compagnie montée à l'initiative des socio-professionnels
locaux du tourisme. La nouvelle compagnie, baptisée GoinSardinia, exploite depuis en saison, de juin à fin septembre, un ferry affrété à une compagnie grecque - le Kriti I, pendant l'été 2013 puis le El Venizelos, jusqu'alors loué par la SNCM, pendant l'été 2014en alternance sur les lignes Livorno et Civitavecchia-Olbia et Arbatax.

Le Corse et le Pascal Paoli à quai, à Bastia, en mai 2013
La question du nouveau service public maritime de la Corse a été indissociable de celle de la nouvelle organisation de la SNCM

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Note :

[1] Dans sa réponse du 14 mars 2013 à la question orale de M. Antoine Orsini, Paul-Marie Bartoli précise que les difficultés financières de l'Office des transports de la Corse proviennent du gel depuis 2009 de la dotation de continuité territoriale versée par l'Etat et indique que, de ce fait, l'équilibre est impossible. S'agissant du différend avec les compagnies délégataires, il indique que "nous sommes engagés dans un contentieux auprès du tribunal administratif de Bastia à l'initiative de la SNCM qui considère que l'Office doit payer le surcoût combustible pour l'année 2011. Cette position néglige le contenu de l'article 7.3 de l'actuelle convention de DSP qui prévoit des mesures alternatives pour financer le surcoût combustibles telles que la hausse des tarifs. La participation de l'OTC n'a aucune automaticité contractuelle et c'est le sens de notre défense auprès du tribunal administratif de Bastia".


Les photos présentées sur ce site sont la propriété de leur auteur  et ne sont pas libres de droits

- Retour au sommaire des articles thématiques ou à la page principale de Mare Nostrum Corsica - Haut de page