Mare Nostrum Corsica 
- L'Assemblée de Corse a voté de nouvelles OSP maritimes pour les lignes de Marseille, Toulon et Nice suite à leur annulation en justice - 
Détails du Danielle Casanova de la SNCM et du Corsica Victoria de la Corsica Ferries, à Bastia, en août 2013 ; photo : Romain Roussel.
Alors que l'on pouvait croire le débat sur le maritime définitivement clos après l'attribution des lignes Marseille-Corse au groupement SNCM-La Méridionale en septembre 2013, la décision du tribunal administratif de Bastia l'a fait de nouveau rebondir !

L'Assemblée de Corse analyse les causes de l'annulation en justice de sa précédente délibération et définit de nouvelles obligations de service public, plus cohérentes et conformes au droit 


Le tribunal administratif de Bastia avait annulé le jeudi 17 octobre 2013 les obligations de service public (OSP) entre Marseille, Toulon, Nice et la Corse pour la période 2014-2023, suivant ainsi l'avis du rapporteur public, qui deux semaines plus tôt, avait émis un avis négatif sur ces OSP, critiquées à la fois par la Corsica Ferries et par la CGPME de Corse qui avaient saisi la justice suite à leur vote par l'Assemblée de Corse en novembre 2012. Cinq des dix griefs soulevés avaient été retenus, ce qui constituerait un niveau particulièrement élevé et, fait notable, ceux-ci porteraient non seulement sur la forme du vote (les élus auraient voté par groupe et non un à un, comme c'est normalement la règle) mais aussi sur le fond, l'instauration des tarifs minimum votés posant un problème de concurrence (la Corsica Ferries avait notamment argué que cette mesure la contraindrait à relever ses tarifs et à réduire ses capacités, ce qui limiterait la concurrence et reviendrait de fait à protéger les lignes Marseille-Corse desservies uniquement par le groupement SNCM-La Méridionale).

Plus précisément, le Tribunal administratif de Bastia va très loin dans sa critique du système voté par les élus Corses et dans la discrimination qu'il aurait instauré en défaveur de la Corsica Ferries, puisque le communiqué de presse du tribunal du 17 octobre 2013 précise explicitement :
"
Sur le fond, la délibération attaquée prévoyait la mise en place, à compter du 1er janvier 2014, d’un régime d’autorisation préalable, au terme duquel toute compagnie désirant assurer des liaisons entre les ports de Corse et ceux du continent devait soumettre un projet de service et signer avec l’Office des transports de Corse une convention annuelle avant de commencer à opérer. L’instauration de ce régime, plus restrictif que le précédent qui reposait sur un simple régime de déclaration, a été jugée illégale, faute pour la Collectivité territoriale de Corse de prouver que ce durcissement des conditions était rendu nécessaire par l’existence d’un besoin réel de service public résultant de l’insuffisance des services de transports réguliers.
Le pouvoir donné à l’Office des transports de Corse de modifier le programme et de limiter les capacités des compagnies soumises au régime des obligations de service public, qui limite la liberté du commerce et de l’industrie des compagnies concernées, a été censuré comme n’étant encadré par aucun critère objectif.
Le caractère discriminatoire de la réglementation tarifaire arrêtée par la délibération du 9 novembre 2012 a été relevé. Celle-ci avait pour conséquence d’avantager les titulaires de la délégation de service public au détriment des compagnies soumises au régime des obligations de service public et d’exclure toute concurrence par les prix entre les compagnies maritimes.
Enfin, le régime des pénalités prévues en cas de manquement aux obligations de service public a été considéré comme méconnaissant le principe de proportionnalité des peines, dès lors qu’il était prévu qu’une pénalité de deux millions d’euros s’appliquerait quelque que soit la durée et les motifs du manquement."

L'exécutif de Corse n'a finalement pas fait appel de cette décision, contraignant l'Assemblée de Corse à se prononcer de nouveau
dans des délais très courts, le 19 décembre 2013, sur les conditions de cette desserte jusqu'alors régie par l'aide sociale, pour ce qui est des lignes principalement concernées (celles entre Toulon, Nice et la Corse). En effet, les nouvelles règles entrent en vigueur dès le 1erjanvier 2014, concomitamment à la nouvelle délégation de service public sur Marseille.

Le nouveau rapport, voté par les élus Corses le 19 décembre 2013, prend acte de la décision du tribunal administratif et tente de corriger les points qui posaient problème (
au-delà de la prise en compte des aspects liés au droit de la concurrence, la version précédemment votée comportait certaines incohérences : à titre d'exemple, pour le fret, les OSP sur Nice et Toulon définissaient des tarifs minimaux en référence aux tarifs maximaux du transport du fret sur Marseille... ce qui fait que, pris globalement, le nouveau dispositif de continuité territoriale ne définissait que des plafonds tarifaires sur les lignes de Marseille et des planchers tarifaires sur celles de Toulon et Nice).

Plus précisément,
le document désormais soumis au vote précise que : "par conséquent, afin de tirer les enseignements de l’annulation de la délibération précédente, il est proposé de mettre en place un nouveau dispositif d’OSP sur les bases suivantes :
- maintien d’un régime de déclaration, assorti d’un renforcement du contrôle de la capacité à prester le service ;
- encadrement précis de la possibilité donnée à l’Office des Transports de la Corse de modifier les programmes des compagnies, dans le but de faciliter le bon fonctionnement des infrastructures portuaires ;
- mise en place d’un régime tarifaire par alignement sur le régime de la délégation de service public applicable aux passagers résidents corses et au fret roulant ;
- mise en place du dispositif d’amendes administratives prévues par l’article L. 5431-3 du Code des Transports et son décret d’application du 21 novembre 2008".


Des fréquences minimales et des tarifs maximaux à respecter pour le fret et les résidents Corses, mais plus de tarifs minimaux 
Le Mega Express Two de la Corsica Ferries et le Méditerranée de la SNCM à quai, à Bastia, en octobre 2013 ; photo : Romain Roussel.

Désormais votées par l'Assemblée de Corse, les nouvelles OSP entrent en vigueur dès le 1er janvier 2014 sur les liaisons entre la Corse et le continent, en même temps que la nouvelle DSP maritime.


En clair, les OSP ne portent que sur des « exigences concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à prester le service, les tarifs pratiqués et l’équipage du navire».
        Il n'y a donc pas de modification notable sur ce point par rapport aux OSP votées fin 2012 (si ce n'est une rotation hebdomadaire en moins d'exigée sur Toulon) ; les compagnies délégataires du service public sur Marseille (SNCM et La Méridionale) ne sont logiquement pas tenues de respecter ces OSP en sus des rotations sur Marseille prévues dans le cadre de la DSP.
Et le document de l'Office des transports ajoute, sur un ton un peu hésitant, que : "le juge a sanctionné uniquement la tarification applicable aux passagers non résidents et au fret roulant : par conséquent, le dispositif retenu pour les résidents (tarif unique pour les résidents en DSP et en OSP) devrait pouvoir être préservé".

S’agissant du fret roulant, "compte tenu de l’importance de ce tarif sur le plan économique, tout alignement entre le tarif DSP et celui des OSP ne devrait pas être proscrit par principe ; ainsi un dispositif du même type que celui retenu pour les passagers résidents semble envisageable". Aussi, est-il envisagé de se caler sur les tarifs maxima de la DSP Marseille-Corse (42,5 euros le mètre linéaire, par voyage, avec un tarif identique dans le sens Corse-continent et dans le sens continent-Corse), avec des décotes de 10% sur les lignes de Toulon (soit 38,25 euros au maximum) et de 20% sur les lignes de Nice (soit 34 euros au maximum) justifiées par "la distance parcourue entre chacun de ces ports du continent et la Corse".

Ce nouveau système définit donc bien cette fois des tarifs maximaux pour le fret sur chacune des lignes et non plus des tarifs maximaux sur certaines et des tarifs minimaux sur d'autres...

S'agissant des tarifs résidents Corses, la grille tarifaire précédemment établie sur Marseille demeure valide : 35 euros par voyage pour un passager adulte, 20 euros pour un enfant, de 46 à 56 euros par véhicule et, s'agissant des installations, 7 euros pour un fauteuil et de 46 à 51 euros pour une cabine, en fonction de ses caractéristiques (interne ou externe). Ces tarifs, valables pour l'année 2014 et indexés pour les années suivantes, s'entendent hors taxes (portuaires, de sécurité et sur les transports de passagers à l'entrée et à la sortie de Corse) et suppléments carburant éventuels.

Il est bien précisé que : "le tarif résident de la délégation de service public est appliqué, toute l’année, et ceci sans restriction jusqu’à la dernière place disponible, intégralement sur le service avec Marseille, avec une décote de 10% pour Toulon et de 20% pour Nice " et confirmé que "cette obligation tarifaire ne donne lieu à aucune compensation financière par l’autorité organisatrice des transports de desserte de la Corse". Une fois arrondis à l'euro le plus proche, comme prévu par le rapport, on aboutit aux tarifs maximaux suivants :



En revanche, pour les passagers non résidents, le rapport précise que : "un tel adossement [des tarifs des OSP à ceux de la DSP] semble plus problématique, compte tenu de la difficulté de pouvoir le rattacher à un besoin réel de service public, et de la tendance haussière du trafic maritime touristique de la Corse". Aussi, le rapport ne prévoit-il plus, contrairement au précédent, d'encadrement des tarifs pour ces passagers (ni tarifs minimaux, ni tarifs maximaux donc). Il ouvre néanmoins la porte - sans y contraindre les compagnies, celles-ci n'étant désormais plus subventionnées à cet effet comme au temps de l'aide sociale - à la réinstauration de tarifs sociaux destinés aux usagers à faibles revenus, "sur présentation de justificatifs attestant de faibles revenus : minimas sociaux, retraités, étudiants, chômeurs, personnes à mobilité réduite, etc.".


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