Mare Nostrum Corsica
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L'Assemblée de Corse a voté de nouvelles OSP maritimes pour les lignes de Marseille, Toulon et Nice suite à leur annulation en justice -
Alors que l'on pouvait croire
le débat sur le maritime définitivement clos après
l'attribution des lignes Marseille-Corse au groupement SNCM-La Méridionale en septembre 2013, la décision du tribunal administratif de Bastia l'a fait de nouveau rebondir !
L'Assemblée
de Corse analyse les causes de l'annulation en justice de sa
précédente délibération
et définit de nouvelles obligations de service public, plus
cohérentes et conformes au droit
Le tribunal
administratif de Bastia avait annulé le jeudi 17 octobre 2013 les
obligations de service public (OSP) entre Marseille, Toulon, Nice et la Corse pour
la période 2014-2023, suivant ainsi l'avis du rapporteur
public, qui deux semaines plus tôt, avait émis un avis
négatif sur ces OSP, critiquées à la fois par la Corsica Ferries et par la CGPME de Corse qui avaient saisi la justice suite à leur vote par l'Assemblée de Corse
en novembre 2012. Cinq des dix griefs soulevés avaient
été retenus, ce qui constituerait un niveau
particulièrement élevé et, fait notable, ceux-ci porteraient non
seulement sur la forme du vote (les élus auraient voté
par groupe et non un à un, comme c'est normalement la
règle) mais aussi sur le fond, l'instauration des tarifs minimum
votés posant un problème de concurrence (la Corsica Ferries
avait notamment argué que cette mesure la contraindrait à
relever ses tarifs et à réduire ses capacités, ce
qui limiterait la concurrence et reviendrait de fait à
protéger les lignes Marseille-Corse desservies uniquement par le
groupement SNCM-La Méridionale).
Plus précisément, le Tribunal administratif de Bastia va
très loin dans sa critique du système voté par les
élus Corses et dans la discrimination qu'il aurait
instauré en défaveur de la Corsica Ferries, puisque le communiqué de presse du tribunal du 17 octobre 2013 précise explicitement :
"Sur
le fond, la délibération attaquée prévoyait
la mise en place, à compter du 1er janvier 2014, d’un
régime d’autorisation préalable, au terme duquel
toute compagnie désirant assurer des liaisons entre les ports de
Corse et ceux du continent devait soumettre un projet de service et
signer avec l’Office des transports de Corse une convention
annuelle avant de commencer à opérer.
L’instauration de ce régime, plus restrictif que le
précédent qui reposait sur un simple régime de
déclaration, a été jugée illégale,
faute pour la Collectivité territoriale de Corse de prouver que
ce durcissement des conditions était rendu nécessaire par
l’existence d’un besoin réel de service public
résultant de l’insuffisance des services de transports
réguliers.
Le pouvoir donné
à l’Office des transports de Corse de modifier le
programme et de limiter les capacités des compagnies soumises au
régime des obligations de service public, qui limite la
liberté du commerce et de l’industrie des compagnies
concernées, a été censuré comme
n’étant encadré par aucun critère objectif.
Le caractère
discriminatoire de la réglementation tarifaire
arrêtée par la délibération du 9 novembre
2012 a été relevé. Celle-ci avait pour
conséquence d’avantager les titulaires de la
délégation de service public au détriment des
compagnies soumises au régime des obligations de service public
et d’exclure toute concurrence par les prix entre les compagnies
maritimes.
Enfin, le régime des
pénalités prévues en cas de manquement aux
obligations de service public a été
considéré comme méconnaissant le principe de
proportionnalité des peines, dès lors qu’il
était prévu qu’une pénalité de deux
millions d’euros s’appliquerait quelque que soit la
durée et les motifs du manquement."
L'exécutif de Corse n'a finalement pas fait appel de cette
décision, contraignant l'Assemblée de Corse à se prononcer de nouveau dans des délais très courts, le 19 décembre 2013, sur les conditions de cette desserte jusqu'alors régie par l'aide sociale, pour ce qui est des lignes principalement concernées (celles entre Toulon, Nice et la Corse). En effet, les nouvelles règles entrent en vigueur dès le 1erjanvier
2014, concomitamment à la nouvelle
délégation de service public sur Marseille.
Le nouveau rapport, voté par les élus Corses le 19 décembre 2013, prend acte de
la décision du tribunal administratif et tente de corriger
les points qui posaient problème (au-delà de la prise en compte des aspects
liés au droit de la concurrence, la version précédemment
votée comportait certaines incohérences : à titre d'exemple, pour le fret, les OSP sur Nice
et Toulon définissaient des tarifs minimaux en
référence aux tarifs maximaux du transport du fret sur
Marseille... ce qui fait que, pris globalement, le nouveau dispositif
de continuité territoriale ne définissait que des
plafonds tarifaires sur les lignes de Marseille et des planchers
tarifaires sur celles de Toulon et Nice).
Plus précisément, le document désormais soumis au vote précise que : "par
conséquent, afin de tirer les enseignements de
l’annulation de la délibération
précédente, il est proposé de mettre en place un
nouveau dispositif d’OSP sur les bases suivantes :
- maintien d’un régime
de déclaration, assorti d’un renforcement du
contrôle de la capacité à prester le service ;
- encadrement précis de la
possibilité donnée à l’Office des Transports
de la Corse de modifier les programmes des compagnies, dans le but de
faciliter le bon fonctionnement des infrastructures portuaires ;
- mise en place d’un régime tarifaire par alignement sur le régime de la délégation de service public applicable aux passagers résidents corses et au fret roulant ;
- mise en place du dispositif d’amendes administratives prévues par l’article L. 5431-3 du Code des Transports et son décret d’application du 21 novembre 2008".
Des fréquences minimales et des tarifs maximaux à respecter pour le fret et les résidents Corses, mais plus de tarifs minimaux
Désormais votées par l'Assemblée de Corse, les nouvelles OSP entrent en vigueur dès le 1er janvier 2014 sur les liaisons entre la Corse et le continent, en même temps que la nouvelle DSP maritime.
En clair, les OSP ne portent que sur des « exigences
concernant les ports à desservir, la régularité,
la continuité, la fréquence, la capacité à
prester le service, les tarifs pratiqués et
l’équipage du navire».
- En termes de fréquences, celles exigées (globalement, toutes compagnies confondues) sont les suivantes :
Il
n'y a donc pas de modification notable sur ce point par rapport
aux OSP votées fin 2012 (si ce n'est une rotation hebdomadaire en moins d'exigée sur Toulon) ; les compagnies
délégataires du service public sur Marseille (SNCM et La Méridionale) ne sont logiquement pas tenues de respecter ces OSP en sus des rotations sur Marseille prévues dans le cadre de la DSP.
- En termes de tarifs, en revanche, le document de l'Office des transports de la Corse
rappelle que le précédent régime d'OSP voté
en 2012 avait été déclaré discriminatoire
à deux titres :
- d’une part,
au motif que « la délibération permet aux
compagnies délégataires de fixer elles-mêmes les
tarifs pour les passagers non résidents que devront appliquer
leurs concurrents soumis au régime des OSP » ;
- d’autre part, au motif que
« pour le fret roulant, les dispositions attaquées
placeront les délégataires en situation de pratiquer des
prix systématiquement inférieurs à ceux de ses
concurrents, tout en bénéficiant de subventions publiques
; que cette délibération exclut donc toute concurrence
sur les prix entre les compagnies et favorise exagérément
les délégataires ».
Et le document de l'Office des transports
ajoute, sur un ton un peu hésitant, que : "le juge a
sanctionné uniquement la tarification applicable aux passagers
non résidents et au fret roulant : par conséquent, le
dispositif retenu pour les résidents (tarif unique pour les
résidents en DSP et en OSP) devrait pouvoir être
préservé".
S’agissant du fret roulant,
"compte tenu de l’importance de ce tarif sur le plan
économique, tout alignement entre le tarif DSP et celui des OSP
ne devrait pas être proscrit par principe ; ainsi un dispositif
du même type que celui retenu pour les passagers résidents
semble envisageable". Aussi, est-il envisagé de se caler sur les
tarifs maxima de la DSP Marseille-Corse (42,5 euros le mètre
linéaire, par voyage, avec un tarif identique dans le sens
Corse-continent et dans le sens continent-Corse), avec des
décotes de 10% sur les lignes de Toulon (soit 38,25 euros au
maximum) et de 20% sur les lignes de Nice (soit 34 euros au
maximum) justifiées par "la distance parcourue entre chacun de
ces ports du continent et la Corse".
Ce nouveau système définit donc bien cette fois des
tarifs maximaux pour le fret sur chacune des lignes et non plus
des tarifs maximaux sur certaines et des tarifs minimaux sur d'autres...
S'agissant des tarifs résidents Corses,
la grille tarifaire précédemment établie sur
Marseille demeure valide : 35 euros par voyage pour un passager adulte,
20 euros pour un enfant, de 46 à 56 euros par véhicule
et, s'agissant des installations, 7 euros pour un fauteuil et de 46
à 51 euros pour une cabine, en fonction de ses
caractéristiques (interne ou externe). Ces tarifs, valables pour
l'année 2014 et indexés pour les années
suivantes, s'entendent hors taxes (portuaires, de
sécurité et sur les transports de passagers à
l'entrée et à la sortie de Corse) et suppléments
carburant éventuels.
Il est bien précisé que : "le tarif résident de la
délégation de service public est appliqué, toute
l’année, et ceci sans restriction jusqu’à la
dernière place disponible, intégralement sur le service
avec Marseille, avec une décote de 10% pour Toulon et de 20%
pour Nice " et confirmé que "cette obligation tarifaire ne donne
lieu à aucune compensation financière par
l’autorité organisatrice des transports de desserte de la
Corse". Une fois arrondis à l'euro le plus proche, comme
prévu par le rapport, on aboutit aux tarifs maximaux suivants :
En revanche, pour les passagers non résidents,
le rapport précise que : "un tel adossement [des tarifs des OSP
à ceux de la DSP] semble plus problématique, compte tenu
de la difficulté de pouvoir le rattacher à un besoin
réel de service public, et de la tendance haussière du
trafic maritime touristique de la Corse". Aussi, le rapport ne
prévoit-il plus, contrairement au précédent,
d'encadrement des tarifs pour ces passagers (ni tarifs minimaux, ni
tarifs maximaux donc). Il ouvre néanmoins la porte - sans y
contraindre les compagnies, celles-ci n'étant désormais
plus subventionnées à cet effet comme au temps de l'aide
sociale - à la réinstauration de tarifs sociaux
destinés aux usagers à faibles revenus, "sur
présentation de justificatifs attestant de faibles revenus :
minimas sociaux, retraités, étudiants, chômeurs,
personnes à mobilité réduite, etc.".