Cet article présente le plan industriel pour la SNCM tel qu'il
avait été défini en juin 2013 par l'équipe
dirigeante de la compagnie, alors dirigée par Marc Dufour.
Celui-ci ainsi que son équipe ont
finalement été remplacés en juin 2014 par
l'équipe d'Olivier Diehl, à la demande de l'actionnaire
majoritaire d'alors, Transdev, du groupe Veolia.
Dès lors, le plan stratégique
présenté ci-après est devenu obsolète
et n'est rappelé que pour mémoire.
Le
plan adopté en juin 2013 faisait la synthèse de deux projets
discutés depuis avril entre les actionnaires de la compagnie
Après
plusieurs annonces parfois contradictoires depuis le début 2013, deux
projets ont servi de base à l'élaboration du plan industriel validé le 20 juin 2013 au conseil de surveillance de la SNCM.
Le premier, déjà discuté le 17 avril 2013,
prévoyait un fort renouvellement de flotte avec la commande d'au
moins 4 nouveaux navires, de grande capacité (1700 passagers et 2500 mètres linéaires de fret) et propulsés au gaz. Dans ce schéma de flotte, que nous appellerons ici "plan A" :
- les lignes Marseille-Corse auraient été desservies
par deux ferries
en sus des quatre cargos mixtes selon un schéma analogue
à celui prévalant jusque fin 2013 dans lequel le service
de base se double d'un service complémentaire de ferries en
périodes de pointe (quoique ce service de pointe
n'eut désormais plus été subventionné
dès 2014) ;
- les lignes du Maghreb (Marseille-Alger et Marseille-Tunis) auraient
été maintenues, de même que celles entre Nice et la Corse et entre
Toulon et Bastia (quoique cette dernière ligne au moins
accuserait un déficit d'exploitation important selon la CGT).
Ce "plan A", dérivé d'une étude de marché diligentée par la SNCM au cabinet PriceWaterhouseCoopers
aurait mené à terme à une flotte de 8 navires, contre
9 jusqu'en 2013, mais avec des rotations accélérées
(un aller-retour par tranche de 24 heures sur Marseille-Corse en saison
au lieu d'un aller simple actuellement). Outre les quatre navires
neufs, les quatre autres navires conservés par la compagnie
auraient été les Pascal Paoli, Jean Nicoli, Paglia Orba et Danielle Casanova.
Ce plan était nettement plus ambitieux qu'un plan alternatif, dit
"plan B" ou "plan de continuité", qui se serait 'inspiré d'une
étude confiée par l'actionnaire principal de la SNCM, Veolia, au cabinet Alix Partners et dévoilé le 22 mai 2013 qui prévoyait quant à lui :
- la suppression de la desserte de Marseille-Corse hors DSP - assurée jusqu'en 2012 par les ferries Danielle Casanova et Napoléon Bonaparte
- avec, pour conséquence dès 2014, la vente dès
l'hiver 2013-2014 des ferries Méditerranée et Corse, sans
remplacement ;
- l'arrêt de la ligne Toulon-Bastia et la fin des
traversées "triangulaires" entre le continent et la Corse,
notamment sur Nice ;
- la commande de deux navires neufs (au lieu de quatre).
Ce plan B se serait traduit, selon les syndicats de la SNCM,
par le départ de 160 sédentaires et de 400 navigants
et par l'absence de renégociation d'un pacte social au sein
de la compagnie. Dans ce schéma, la flotte SNCM
serait descendue à 7 navires dès 2014 puis à 6
dès 2015 avec une baisse importante du nombre de
traversées et des parts de marchés de la compagnie entre
la Corse et le continent Français qui auraient pu
s'établir à environ 15% à l'horizon 2015-2016,
soit près de moitié moins qu'auparavant.
Le plan prévoyait 415 départs volontaires dès 2014 avec maintien de 8 navires et de toutes les lignes de la compagnie qui aurait pu prendre le nom de Via Corsa sur les lignes de Corse !
Le plan finalement adopté lors du conseil de
surveillance de la SNCM du 20 juin 2013 avait été présenté en commun par Veolia et l'Etat actionnaire (qui détiennent en direct respectivement 66% et 25% des parts de la SNCM). Il s'agissait d'un projet de changement de grande ampleur qui mixait les plans A et B présentés précédemment.
Le renouvellement des
quatre navires semblait alors acquis, pour un coût unitaire proche de 140 à 150 millions d'euros ; on ignorait toutefois si
le montage financier aurait dû associer, outre les organismes bancaires, les
régions Corse et/ou PACA, même si cette perspective était régulièrement avancée. La commande des navires se serait effectuée en deux temps : 2 navires neufs
auraient été commandés à court terme pour une mise en service
respectivement en 2016 et en 2017 (le projet initial de la compagnie
prévoyait une mise en service du premier navire dès la
saison 2015) et 2 autres en 2018 "en fonction de l'évolution des
résultats de la compagnie" précisait Marc Dufour,
alors président du directoire de la compagnie, dans une interview
à Corse Matin du 21 juin 2013.
Celui-ci ajoutait que "l'ensemble du réseau de la compagnie a été préservé", aussi, la SNCM
devait-elle continue à desservir 5 ports Corses au départ du
continent, depuis Marseille, Toulon et Nice. Dans ce schéma, le
risque de voir un seul opérateur privé sur l'une ou
l'autre des lignes continent-Corse était donc écarté.
Pour son activité de desserte de la Corse dans le cadre de la
délégation de service public, il était envisagé que la SNCM prenne le nom commercial de Via Corsa (alors celui du tour opérateur et de la boutique de
produits corses de la compagnie), révèlait Marc Dufour, qui
confiait par ailleurs au journal Les Echos
du 23 juin 2014 que les marchés du
Maghreb représentaient quant à eux "une cible
privilégiée pour de futurs développements". Il
se serait agi là d'une vraie révolution également sur
le plan marketing, le nom SNCM étant présent sur les lignes de Corse depuis 1976 !
La flotte est néanmoins ramenée à 8
navires dès 2014 -
contre 9 auparavant. D'après les
médias insulaires, ce plan se serait traduit par la
suppression
de 515 postes sur les 1 400 que
comptait la compagnie jusqu'en 2013, dont 415 dès 2014 puis
100
entre 2017 et 2019 ; au vu des effectifs dont on évoquait la
suppression, il s'est confirmé que le navire retiré des
lignes en 2014 était bien un car-ferry de grande taille l'El Venizelos (chacun des équipages des gros ferries de la SNCM
serait d'environ 150
personnes, contre seulement 65 pour ceux des futurs navires dont la
construction était prévue alors). En effet, les
actionnaires de la compagnie
précisaient qu'ils ont "souhaité que le calendrier
initial
soit accéléré dans sa mise en oeuvre afin
d'obtenir plus rapidement les gains de productivité
nécessaires à la pérennité de l'entreprise"
et de permettre en particulier à la SNCM
de (co-)remporter la
délégation de service public des lignes Marseille-Corse,
ce qui s'est effectivement produit en septembre 2013. Outre les
suppressions d'emplois, étaient également prévues des
mesures drastiques portant sur la productivité "avec une
réduction du nombre de jours de compensation pour le personnel
navigant, qui devaient se traduire par un mois de travail de plus pour
le même salaire", précisait Les Echos, soit des gains de productivité estimés à environ +25%.
À
noter que si le plan a été fraîchement accueilli
à Marseille, le président du Conseil exécutif de Corse,
Paul Giacobbi, s'était en revanche publiquement félicité de
son adoption, se déclarant "très agréablement
surpris", jugeant "que c'est un moment historique pour la SNCM" et que dans pareilles circonstances,
qu'il n'y ait aucun licenciement "c'est
inespéré et c'est remarquable". Même si des
garanties avaient
été données par les actionnaires (il n'y aurait
eu aucun licenciement sec mais des
départs volontaires ou anticipés et des non
remplacements de CDD), les syndicats de la
compagnie espéraient un plan plus fourni mais n'ont pas fait
grève contre ce plan comme redouté fin juin 2013 mais
à l'inverse, pour en réclamer l'application, début
janvier 2014 (voir article thématique La SNCM en pleine tempête) !
Au terme de ce plan industriel, à l'été 2018, la SNCM aurait pu ne plus compter que des navires mixtes, à l'exception du Danielle Casanova !
Selon le site Marsactu, ce plan de renouvellement de flotte de la SNCM prévoyait notamment que le Danielle Casanova navigue dès 2015 de manière exclusive sur les lignes du Maghreb et que le Méditerranée sorte de flotte une fois mis en service le quatrième nouveau navire de la série, au printemps 2018.
Si des zones d'ombre demeuraient quant aux détails de ce plan d'entreprise de la SNCM, le site internet Marsactu en a révélé plusieurs aspects dans l'article Les secrets du plan de sauvetage de la SNCM paru le 13 janvier 2014. Ces révélations portent en particulier sur les points suivants :
- Les économies à réaliser par la compagnie (17 millions par an espérés au total) :
en plus des économies sur les équipages, celles-ci
auraient porté aussi sur la manutention (notamment sur le port de
Marseille) pour 1,2 million d'euros et sur le carburant pour 3,5
millions d'euros, notamment en diversifiant ses
approvisionnements : Fos serait ainsi mis en concurrence avec
Barcelona, Genova ou des ports algériens. S'agissant des
coûts du combustible, le rapport de la compagnie cité par Marsactu préciserait que les difficultés à tenir les horaires coûteraient cher à la SNCM
: "l'analyse de la ponctualité met en évidence le fait
que 33% des navires partent avec plus de 10 minutes de retard ce qui
génère un surcoût carburant estimé à
2,1 millions d'euros".
- Le financement des nouveaux navires
: ceux-ci auraient pu être propriété non pas de la
compagnie mais d'un pool bancaire à définir (le rapport
évoquait la Banque populaire caisse d'épargne
mais, au vu des annonces faites début janvier 2014 par le Ministre
des transports d'alors, Frédéric Cuvillier, ce serait
plutôt la Banque publique d'investissement et la Caisse des dépôts et consignations qui auraient dû être en première ligne) qui les auraient loués à la SNCM. Cette solution aurait présenté l'avantage d'éviter à la SNCM
d'avoir à supporter directement les lourds coûts
d'investissement, évalués de 140 à 150 millions
d'euros par navire. Selon Marsactu,
les tableaux financiers d'alors indiqueraient que les navires pourraient
être loués chacun pour environ 31 000 euros par jour.
Toutefois cette solution se serait progressivement révélée plus coûteuse au
fur et à mesure de l'entrée en service des nouveaux
navires, puisque d'un coût initial de 7 millions d'euros par an
en 2016, elle serait revenue finalement en année pleine, à
partir de 2019, à 45 millions d'euros par an à la
compagnie une fois les quatres nouveaux navires affrétés.
Par ailleurs, cette solution aurait pu risquer d'être
perçue par Bruxelles comme une aide publique illicite à
la compagnie, c'est pourquoi la création d'une
société dédiée - par ailleurs
prévue par le cahier des charges de la nouvelle DSP
2014-2023 - était à l'étude.
- Le calendrier de remplacement des navires de la flotte SNCM par les futures unités fonctionnant au GNL : du fait des remplacements successifs par des navires mixtes, la SNCM n'aurait plus dû compter en 2018 qu'un seul car-ferry, le Danielle Casanova, qui pourrait exclusivement naviguer sur les lignes entre Marseille, Alger et Tunis dès la saison 2015 selon Marsactu ! Selon cette même source, après la sortie de flotte de l'Ile de Beauté début 2013 et le non remplacement de l'El Venizelos
à l'automne 2013 n'auraient progressivement plus
été employés non plus la plupart des autres ferries de la flotte :
le Napoléon Bonaparte et son remplaçant l'Excelsior d'ici la fin de la saison 2015, le Corse d'ici la fin 2016 et le Méditerranée d'ici le printemps 2018 ! Par ailleurs, le cargo mixte doyen de la flotte SNCM, le Monte d'Oro, serait aussi sorti de la flotte SNCM fin 2017.
Si cet échéancier avait été respecté, tout se serait passé comme si :
- le premier nouveau navire mixte remplaçait, à compter de la saison 2016, le Napoléon Bonaparte, l'Excelsior ou le remplaçant de celui-ci (le contrat d'affrètement de l'Excelsior s'achevant à l'issue de la saison 2014, la SNCM
aurait pu souhaiter affréter un autre navire à la place de
ce dernier pour la seule saison d'été 2015 afin de ne pas
avoir à acquitter l'affrètement d'un navire inutile
pendant la basse saison 2014-2015) ;
- le deuxième nouveau navire mixte remplaçait, à compter de début 2017, le Corse ;
- le troisième nouveau navire mixte remplaçait, à compter de début 2018, le Monte d'Oro ;
- le quatrième nouveau navire mixte remplaçait, à compter de la saison 2018, le Méditerranée.
Notons qu'il s'agit là de remplacements "numériques" et
non "ligne à ligne", chaque nouvelle entrée en service
induisant "en cascade" un redéploiement des autres navires de la
SNCM entre les différentes lignes desservies par la compagnie.
Quel que soit le plan industriel qui sera finalement appliqué à la SNCM, l'avenir de la compagnie semble se dessiner sous forme d'un partenarait renforcé avec La Méridionale, seule compagnie dont le modèle industriel est sorti renforcé des délibérations de l'Assemblée de Corse lors des débats de la DSP 2014-2023.