Les lignes maritimes sardes entre K.O. et renouveau ?
Une île jusqu'ici principalement desservie par sa côte Nord Est, plus proche du continent Italien et qui concentre les principaux flux touristiques
Les ports du Nord Sardaigne [1] concentrent
une part très substantielle du trafic : plus de 90% du
total
des lignes continent-Sardaigne en 2012, comme illustré au
graphique ci-dessus, porportion qui est restée quasiment stable
malgré la crise.
Par ordre décroissant du trafic passagers, on compte Olbia,
Porto Torres et
Golfo Aranci (qui n’est autre que l’avant-port
d’Olbia, situé sur la côte
Nord-Est de la Sardaigne, la fameuse Costa Smeralda). Cagliari, chef-lieu de la
Sardaigne et principale agglomération de l’île, mais qui pâtit entre autres
d’un plus grand éloignement du continent, ne vient que très loin derrière, avec
environ 7% de parts de marché en 2012.
À l’instar des évolutions observées sur la Corse,
l’opérateur historique sarde, la Tirrenia
di Navigazione [2],
qui opère pourtant le plus grand nombre de lignes entre l’Italie et la
Sardaigne [3],
a progressivement cédé du terrain face à ses concurrents privés. Au premier
rang de ceux-ci, la Moby Lines, implantée
sur les liaisons continent-Sardaigne depuis 1988 et devenue leader sur ces
lignes dans le courant des années 2000 suite à la mise en service de navires de
grande capacité de type Mega Express
et à l’absorption à l'automne 2006
de la compagnie Lloyd Sardegna, principalement
spécialisée dans le transport du fret. La Moby
dessert la Sardaigne (surtout au départ d’Olbia) depuis les ports continentaux
de Genova, Livorno, Piombino et Civitavecchia.
Mais la concurrence ne se limite pas à la Moby, puisque d’autres opérateurs sont
également implantés sur les lignes sardes, citons :
- depuis 1981, la Sardinia Ferries, qui
dépend du même groupe que la Corsica
Ferries, et qui dessert la Sardaigne au départ de Golfo Aranci,
principalement [4] vers
Livorno ;
- dans les années 1990, Grandi Navi Veloci (GNV),
qui a
développé des lignes entre Genova, Olbia et Porto Torres
- cette dernière ligne est désormais suspendue
depuis la saison 2013 - tout d’abord à
l’aide
de « cruise ferries » de grande capacité
et offrant un niveau élevé
de confort pour les passagers puis, plus récemment, par des
« ferry cruise »,
navires de taille plus réduite qui s’apparentent davantage
à des cargos
mixtes ;
- depuis 2010, Grimaldi Lines du groupe Aponte, qui a ajouté une escale à Porto
Torres au trajet Civitavecchia-Barcelona effectué par ses deux cruise ferries
géants, les Cruise Roma et Cruise Barcelona ;
- en 2011 et 2012 enfin, la Saremar,
ancienne-filiale régionale de la Tirrenia,
est venue aussi concurrencer son ex-maison-mère par ses liaisons saisonnières
Civitavecchia-Olbia (ou Golfo Aranci pendant l’été 2011) et Savona-Porto
Torres. À noter que cette dernière liaison était opérée depuis le terminal de la Corsica Ferries à Vado Ligure. Pour la saison 2013 toutefois, la Saremar ne reprend pas ses liaisons continent Sardaigne et c'est GoinSardinia,
émulation des socioprofessionnels du tourisme de la côte
gallurèse qui prend le relai avec des lignes entre
Civitavecchia, Livorno et Olbia.
Une année 2012 qui a amplifié la chute vertigineuse des trafics déjà enregistrée en 2011 pour le maritime, 2013 sera-t-elle l'année du sursaut ?
L’arrivée progressive de nouveaux opérateurs maritimes sur les lignes sardes depuis le début des années 1980 s’est accompagnée d’un développement très conséquent des trafics passagers jusqu’en 2009-2010. Depuis 2011 en revanche, la chute est vertigineuse : le graphique ci-après à droite illustre la baisse de fréquentation enregistrée mois auprès mois sur les ports du Nord Est de la Sardaigne ; celle-ci s’élève à 23,2% pour 2011 et atteint même 30,0% pour Olbia, le principal port de Sardaigne. Après cette année catastrophique, on aurait pu attendre des résultats plus honorables en 2012. Il n'en a rien été, l'année 2012 amplifiant même, mois après mois, la chute : les résultats ont été encore bien pires puisqu’une nouvelle réduction de 16,5% des trafics passagers maritimes d’Olbia, Golfo Aranci et Porto Torres a été enregistrée sur l'année entière ! Le trafic annuel des ports du Nord Sardaigne sur les lignes régulières (hors croisières) est ainsi passé en deux ans, de 2012 à 2012, de 5,74 à seulement 3,68 million ; à titre de comparaison, le trafic continent-Corse est passé sur la même période de 4,40 à 4,13 million : bien qu'également en légère diminution (-1,6% en 2012 après -4,7% en 2011), il a donc "doublé" le trafic sarde courant 2012 !
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- le développement de l’offre aérienne low-cost
à destination de la Sardaigne, qui concurrencerait durement le mode maritime.
Alors que sur la Corse, le mode aérien est dominé par le maritime
dont les prix avaient jusqu'ici été tirés vers le
bas par l'aide sociale au passager aujourd'hui en instance de disparition (voir article dédié au sujet), sur la Sardaigne, l’aérien a progressivement
grignoté des parts de
marché : il est passé de 38% en 1987 à 49% en
2009 selon l’Autorità Portuale Nord Sardegna.
- le renchérissement des tarifs des
compagnies de ferries sur la Sardaigne – bien réel mais
moins spectaculaire que mis
en avant par certaines associations si l'on raisonne sur des moyennes.
Si les prix ont effectivement significativement augmenté, les
taux de progression
spectaculaires à trois chiffres mis
en avant par une association de consommateurs italienne et fortement
relayés
par les médias sont aussi à rapprocher d’un
phénomène de fin des promotions
exceptionnelles – du type « voiture à 1
euro » - héritées du temps -
encore proche - où le pétrole était relativement
bon marché. Pour autant, l'autorité antitrust
italienne, a finalement infligé des amendes à plusieurs
opérateurs privés pour entente illicite visant à
constituer un cartel pour faire augmenter les prix pendant la saison
2011. Ainsi, la Moby
- qui a fait appel - a-t-elle été condamnée
à l'amende la plus lourde (5,46 millions d'euros) devant GNV (2,37 millions), SNAV (0,23 million) et Marinvest, la holding chapeautant GNV-SNAV (43000 euros) ; en revanche la Corsica-Sardinia Ferries a été disculpée. Au-delà toutefois des pratiques peu concurrentielles de la Moby et de GNV-SNAV,
demeure le diagnostic (qui aurait valu aux compagnies condamnées
une certaine clémence au niveau des amendes,
réduites de 30% par rapport aux montants initialement
calculés, souligne l'autorité antitrust) : les
grandes
difficultés des
compagnies maritimes qui opèrent sur la Sardaigne sont bien
réelles, comme en attestent tristement :
- les suppressions de lignes (par exemple, la SNAV, présente jusqu'en 2010 sur Civitavecchia-Olbia et qui ne dessert plus du tout la Sardaigne, ou encore la Sardinia Ferries - qui a également réduit drastiquement à 1 seul navire sa desserte courant 2012 alors qu'elle en a compté jusqu'à 4 sur la Sardaigne par le passé) et les faillites en série (après Di Maio Lines et Strade Blu, c'est au tour de Armamento Sardo, spécialisée dans le transport du fret entre Olbia et Marina di Carrara, de mettre la clef sous la porte fin 2012) ;
- le creusement
des pertes des opéreteurs en présence, malgré la
forte hausse des tarifs observée : ainsi, l’exemple de GNV
qui a perdu 19 millions d’euros en 2009, puis 38 millions en 2010 et, enfin, 54
millions en 2011 (certes sur un périmètre d’activité plus large intégrant
également la compagnie SNAV [5]) est-il assez
éloquent. Aux dires même des dirigeants de la compagnie,
la Sardaigne n’est
désormais plus au cœur de la stratégie du groupe
qui juge plus porteur de développer ses activités
sur les lignes avec la Sicile et ses autoroutes de la mer entre
l’Italie
continentale, l’Espagne et les pays du Maghreb : fin mai 2012, la
compagnie a d'ailleurs pris
le relai de la COMANAV-COMARIT,
en
cessation d’activité, sur les lignes entre Sète,
Nador et Tanger, au Maroc ; début 2013, elle a annoncé
qu'elle ne desservirait plus la Sardaigne que sur l'axe Genova-Porto
Torres, les liaisons entre Genova et Olbia étant, à leur
tour, suspendues sine die
faute de réservations suffisantes ! En outre la compagnie, qui
prévoit des réductions d'effectifs, tente de se
séparer de plusieurs navires ou de les affréter à
d'autres opérateurs disposant de moyens publics
conséquents leur permettant de faire face à la crise,
comme en témoigne la location jusqu'à l'automne 2014 de l'Excelsior à la SNCM.
Plus encore que ces phénomènes liés à l’offre aérienne et aux tarifs du maritime déjà mis en avant depuis 2011, c’est sans doute plus généralement la récession économique qui touche un nombre croissant de pays européens depuis la crise Grecque de 2008 qui pèse fortement sur le tourisme et explique cette nouvelle chute. Une enquête de la fédération hôtelière italienne montrait ainsi qu’en 2012, six Italiens sur dix ne devraient pas partir en vacances. Ainsi, ils seraient 6,2 millions de moins à être partis en congés cette année-là (27 millions en 2012 contre 33,2 millions l’année précédente selon cette même source), ce qui constitue une baisse historique.
Sans doute le mode maritime est-il aussi plus particulièrement
touché car la hausse du prix des carburants incite les vacanciers à un usage
plus modéré de leur véhicule et donc à moins recourir aux services des
compagnies de ferries. En 2012, s’y ajoutent les effets induits par la forte
réduction des capacités et des fréquences de desserte de la part des compagnies
maritimes (moins d’offre tendant à déprimer la demande), nouvelle preuve des réelles
difficultés rencontrées par les opérateurs de ferries, contraintes de réduire
drastiquement leurs services. Ainsi, la Moby,
pourtant leader du transport passagers sur les lignes sardes, avait-elle
fortement revu à la baisse sa programmation en 2012 par rapport
à celle proposée les années
précédentes. Cela passe à la fois par un
raccourcissement des périodes de desserte (la ligne au
départ de Genova vers Olbia qui était desservie à
l'année est désormais suspendue en basse saison depuis
l'hiver 2011-2012) et par une réduction du nombre de
traversées opérées en saison. Par exemple, sur la
ligne Livorno-Olbia, la Moby est passée en 2012 de 3 à 2 départs par jour en pleine saison et ce, alors même que la Sardinia Ferries a également retiré un navire sur la ligne Livorno-Golfo Aranci
en concurrence directe avec cette dernière ! Des
réductions de capacité très significatives,
passant par le retrait de plusieurs navires, ont aussi
été observées sur les axes Genova-Porto Torres et
Civitavecchia-Olbia pendant la saison 2012.
C’est ainsi qu’on est passé en deux ans à peine d’une situation où les différentes compagnies luttaient pour disposer de postes à quai supplémentaires dans les ports d’Olbia et Golfo Aranci – dans ces deux ports, les espaces disponibles aux heures de pointe étaient insuffisants pour répondre à la demande des opérateurs de ferries – à une situation de surabondance d’offre, et de réduction drastique des fréquences et de la taille des flottes des compagnies. La Moby a ainsi créé la surprise en se séparant dès l’hiver 2011-2012 de l’un de ses fleurons, le Moby Freedom, ce qui n’est pas non plus sans conséquence sur les lignes de Corse (ses capacités sur la ligne Genova-Bastia s’en trouvant fortement réduites, voir article spécifique). Pour la saison 2013, les compagnies rescapées de la vague de faillite ont toutefois mis sur un programme plus volontariste : la Moby est ainsi remontée de 2 à 3 départs par jour sur Livorno-Olbia, suite à l'affrètement d'un cargo mixte supplémentaire, tandis que la Sardinia Ferries a également programmé en dernière minute le Sardinia Vera, essentiellement pour le transport du fret là aussi, en renfort du Mega Express Three sur Livorno-Golfo Aranci. Cela suffira-t-il à endiguer la baisse globale des trafics maritimes ? Rien n'est encore sûr...
La Moby rafle la mise à l’issue du processus de privatisation de la Tirrenia qui s’est achevé à l’été 2012 mais la marque à la baleine bleue tendrait à s'effacer devant l'ex-compagnie publique en vue d'une possible fusion évoquée pour 2014
Le Sharden, filant 29 noeuds, est l'un des cinq navires de type Mega Express propriété de la Tirrenia. Inauguré en 2005, sa capacité record de 1085 voitures et 3000 passagers
en fait, avec son jumeau le Nuraghes, l'un des plus gros navires de ce type au monde (avec le Tanit de Tunisia Ferries).
La réorganisation de la flotte de la Moby ne devrait pas s’arrêter à la vente du Moby Freedom et de certaines de ses unités fdédiées au fret, de nouvelles rationalisations
étant à l'étude maintenant que la Tirrenia
a rejoint l’orbite du groupe. En effet, au terme d’un processus de
privatisation qui a pris quatre ans et subi de nombreux rebondissements, l’acte
de cession de la compagnie publique à la Compagnia
italiana di navigazione (CIN) a été signé le 19 juillet 2012. Cette
« compagnie italienne de navigation », conduite par un administrateur
délégué, Ettore Morace, est en fait largement dominée par la Moby Lines, qui en détient 40% des
parts, le reste étant morcelé entre divers fonds d’investissement (Clessidra 35%, Gip 15% et Shipping
Investments 10%).
Comme pour la privatisation de la SNCM il y a quelques années, la cession de la Tirrenia s’accompagne de conditions que plusieurs observateurs
s’accordent à trouver très avantageuses. Si la compagnie est tenue de reprendre les
1600 salariés du groupe – couverts par une « clause sociale »
garantissant leur emploi pour deux ans – elle n’hérite par exemple pas des
navires de type NGV, qui ont été liquidés préalablement après plusieurs années
d’inactivité. Elle reprend ainsi une flotte de près d'une vingtaine de navires – dont 5 Mega
Express modernes de grande capacité en propre (voir photo du Sharden ci-dessus qui compte un jumeau, le Nuraghes) et 2 affrétés – des participations dans diverses
sociétés du secteur maritime et se voit garantir des subventions annuelles de
72,6 millions d’euros par an jusqu’en 2020 (soit 576 millions d’euros au total)
en contrepartie notamment du maintien de la continuité territoriale vers la
Sardaigne et la Sicile (au minimum 55 rotations hebdomadaires). Quant au coût
d’acquisition de la société, qui atteint 380 millions d’euros au total, son paiement est
divisé en plusieurs tranches, pour faciliter l’opération : 200 millions dès la
reprise de la compagnie (dont 190 millions seraient financé par le consortium
bancaire Unicredit – Intesa Sanpaolo)
et 180 millions payé ultérieurement en plusieurs vagues successives.
À noter que le schéma précédent de reprise de la Tirrenia avait été retoqué par les
autorités garantes de la concurrence car il associait, en sus de la Moby, deux autres opérateurs majeurs des
lignes sardes, à savoir les groupes Aponte
(GNV-SNAV) et Grimaldi Holding (Grimaldi Lines) et risquait
donc d’aboutir à un quasi-monopole privé sur les lignes sardes (seule la Corsica – Sardinia Ferries demeurant en
dehors de l’opération ainsi que, fait notable, la région Sardaigne). Le schéma
actuel a été approuvé par la Commission
européenne,
moyennant quelques ajustements qui visent à éviter la
constitution d'un monopole sur certaines routes. Ainsi, sur
la ligne Genova-Porto Torres sur
laquelle opère déjà la Tirrenia, la Moby
a-t-elle dû renoncer à son accord de "partage de codes" qui
prévoyait une commercialisation commune de ses traversées
avec celles de GNV-SNAV
et a dû se désengager totalement de cette liaison qu'elle
ne dessert plus pour la saison 2013. Toutefois, la Moby peut compter
sur le report des passagers de GNV
qui a fermé sa ligne Genova-Olbia tandis qu'elle même
prévoit opportunément de doubler le nombre de rotations
les jours de pointe en saison, opérées par les Moby Otta et Moby Drea (voir photo ci-dessus). À l'inverse, suite au retrait imposé de la Moby et à la disparition de la Saremar de la ligne Savona-Porto Torres, GNV
a vu deux de ses concurrents disparaître de l'axe Genova-Porto
Torres sur laquelle elle n'est plus en concurrence qu'avec la Tirrenia en 2013 ! De même, en 2013, suite au retrait successif de tous ses concurrents, la Moby n'est plus en compétition qu'avec la Tirrenia-CIN,
qui dépend du même groupe, sur l'axe Civitavecchia-Olbia
qui est pourtant un axe majeur de la desserte maritime sarde en termes
de nombre de passagers transportés ! Aussi, s'il n'y a plus d'accord de "partage de codes" entre les compagnies Moby, GNV-SNAV et Tirrenia-CIN,
certains observateurs du dossier font remarquer qu'il semble y avoir de
fait une certaine répartition des lignes entre ces
opérateurs. La Commission européenne aurait d'ailleurs ouvert une enquête sur les conditions de privatisation de la Tirrenia, pour vérifier si elles sont bien conformes aux règles communautaires de la concurrence...
Parmi les symboles fort de la nouvelle Tirrenia - annoncé par Vincenzo Onorato, PDG de la Moby Lines, en personne – figure en tête de liste la relance des lignes sardes au départ du port de Cagliari, dont on a vu qu’il n’occupait plus qu’une place très secondaire sur l’île. Aussi, la compagnie a-t-elle affrété dès la fin juillet 2012 deux navires rapides modernes et de de grande capacité, les Europa Palace et Olympia Palace à la compagnie grecque Minoan Lines [6], renommés pour l’occasion Amsicora et Bonaria. Ces navires, dont les noms ont été choisis en hommage à la Sardaigne, assurent désormais la desserte nocturne Civitavecchia-Cagliari à la place de navires plus anciens de type Strade Romane comme le Nomentana qui ont quitté depuis peu la flotte de la Tirrenia.
Pourtant, toutes les nouveautés voulues par le PDG de la Moby n'ont pu voir le jour, ce qui serait, selon certains observatuers, la preuve de dissensions entre les nouveaux actionnaires de la CIN. Ainsi, Vincenzo Onorato avait-il annoncé pour octobre 2012 le passage du Moby Tommy de la flotte Moby à la flotte CIN – navire rapide gros consommateur de carburant dont la Moby essayait de se séparer depuis plusieurs mois déjà - pour assurer la desserte entre Napoli et Cagliari. Le navire avait même été repeint à cet effet dans une livrée inédite superposant les couleurs "Moby-Tirrenia" pendant l'hiver 2012-2013 mais n'a pourtant jamais navigué pour le compte de l'ex-compagnie publique ! Il a finalement retrouvé ses couleurs Moby et navigue entre Civitavecchia et Olbia pendant la saison 2013. N'a pas non plus été encore donné de date pour l'ouverture de la ligne Genova-Livorno-Cagliari, également annoncée à terme comme un projet de relance du port de Cagliari... Relance qui apparaît comme de plus en plus incertaine, la région sarde souhaitant récupérer le pouvoir d'allocation de l'enveloppe de continuité territoriale actuellement dévolue à la Tirrenia-CIN, ce que la compagnie ne serait semble-t-il prête à accepter qu'en échange d'une révision à la baisse de ses obligations de service public (et, corrélativement, de ses effectifs).
Par le rachat de la Tirrenia-CIN, il semble que le PDG de la Moby Lines ait avant tout visé une optique de concentration du secteur italien des ferries : rappelons qu'en parallèle, la même Moby Lines s'est portée acquéreuse de son prioncipal concurrent, la Toremar, sur les lignes Italie-Ile d'Elbe sur lesquelles les deux compagnies sont désormais de fait en quasi-monopole (plus précisément, en monopole d'octobre à avril et en position fortement dominante en saison, voir l'article thématique). Si la compagnie à la baleine bleue a réduit un peu sa présence sous ses propres couleurs, elle viserait en fait une fusion avec la Tirrenia en théorie "d'ici avril 2014", comme l'a laissé entendre à plusieurs reprises aux médias italiens Vincenzo Onorato. Selon lui, ce serait le seul moyen réaliste d'abaisser les coûts et même la condition sine qua non du financement par les banques du rachat de la Tirrenia par le groupe Moby ! De nouvelles réductions d'effectifs et du nombre de navires en circulation dans les eaux italiennes sont donc à craindre à assez brève échéance...
GoinSardinia, nouvel opérateur des lignes continent-Sardaigne, au cœur de la guerre des prix et de la desserte que se livrent les compagnies
Quels enseignements de l’expérience sarde pour les lignes de Corse ?
Capable de filer à 30 noeuds et plus gros navire de la compagnie, le Mega Express Three est, depuis sa mise en service en 2004, le fer de lance de la Corsica-Sardinia Ferries
sur ses lignes sardes, au départ de Livorno. La compagnie
aux bateaux jaunes est le seul opérateur privé sur ces
lignes à ne pas avoir été reconnu coupable
d'entente pour faire augmenter les prix.
[1] Les
ports du Nord Sardaigne sont regroupés au sein d’une entité, l'Autorità portuale Nord Sardegna, contrôlée depuis plusieurs années déjà par la Moby Linesqui
est devenu depuis le milieu des années 2000 le premier
opérateur de ferries sur
les lignes sardes en nombre de passagers transportés. Pour cette
analyse des trafics 2012, on néglige les trafics du port
d'Arbatax, habituellement peu élevés (à peine
50 000 passagers en 2009, avant la crise) et non encore publiés
à la date d'actualisation de cet article.
[2] La
compagnie, fondée fin 1936,
a son siège à Napoli (Naples, en Campanie). C’était jusqu’à sa privatisation
récente l’opérateur public des lignes sardes (l’équivalent italien de la SNCM donc, qui a également été
privatisée fin 2005), dépendant du groupe Fintecna.
[3] La Tirrenia relie le plus grand nombre de
ports sardes (Olbia, Porto Torres, mais aussi Arbatax et Cagliari) à divers
ports continentaux (Genova, mais aussi Civitavecchia et Napoli). À noter que, fret mis à part,
l’ex-compagnie publique ne dessert plus de longue date le port de Livorno – sur
lequel la Corsica – Sardinia Ferries
et la Moby sont solidement implantées
- , qu’elle reliait encore à Olbia (ainsi qu’à Bastia) jusqu’au milieu des
années 1970. Par ailleurs, la Tirrenia
relie également la Sicile au continent italien depuis les ports
de Palermo, Trapani ainsi que Catania pour le fret.
[4] La
liaison Civitavecchia-Golfo Aranci a été suspendue en 2012 pour une durée
indéterminée en raison de la crise du secteur. À sa création, la Sardinia Ferries a pris le relai de la Trans Tirreno Express sur la ligne
Livorno-Olbia, dont elle a repris un navire qu’elle a exploité jusqu’à sa vente
en 2006, le Sardinia Nova.
Le port de
Golfo Aranci a été substitué par la compagnie aux
bateaux jaunes à celui d’Olbia en 1990 en raison de sa
plus
grande proximité du continent et de ses coûts
d’escale plus réduits.
[5] Du fait
de cette intégration des deux compagnies passées en 2011 sous le contrôle du
même groupe (Marinvest, lui-même
dépendant du groupe Aponte qui
contrôle aussi les croisières MSC), le
chiffre d’affaires de GNV est passé
de 282 millions en 2010 à 365 millions en 2011. À noter que ce rapprochement de
GNV et SNAV s’est traduit par une stricte rationalisation des lignes, la SNAV s’étant
retirée en 2011 de la desserte entre Civitavecchia et Olbia sur laquelle elle
était entrée en 2008 avec deux ferries de grande capacité (les SNAV Lazio et SNAV Toscana),
désormais affectés aux lignes siciliennes de la
compagnie. La liaison Civitavecchia-Olbia du groupe a été effectuée en 2012 par le SNAV Toscana (qui assurait en 2010 des escales estivales hebdomadaires avec Porto Vecchio) sous la marque commerciale GNV-SNAV avant de totalement disparaître en 2013, laissant la Moby et la Tirrenia-CIN, qui dépendant du même groupe, seules en lice !
[6]
Construits aux chantiers italiens Fincantieri
de Sestri Ponente
en 2001, ces deux
navires de 214 mètres de long capables de filer à plus de
29 nœuds disposent de 190
cabines et 108 fauteuils et peuvent embarquer soit 730 voitures, soit
110
voitures et 123 semi-remorques de fret ; leur vitesse commerciale sur
Civitavecchia-Cagliari est toutefois moindre (22 à 23 noeuds).
À noter que la compagnie Minoan Lines utilisait jusqu’à présent
ces navires sur la ligne italo-grecque Venise-Patras, désormais fermée en
raison de la crise, et que cette compagnie est contrôlée par le groupe Grimaldi Holding, qui n’aura donc finalement
pas tout perdu lors de l’opération de privatisation de la Tirrenia.
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