Mare Nostrum Corsica 
- La SNCM en pleine tempête... - 

Acte II : de juin à octobre 2014, de la prise de fonction d'Olivier Diehl à la fin du moratoire sur le redressement judiciaire de la SNCM

Un camion de le filiale fret EGM de la Corsica Ferries à Bastia, en mai 2014, devant deux navires de la SNCM (Danielle Casanova et Méditerranée) ; photo : Romain Roussel.
La question du transport du fret de et vers la Corse est celle qui a posé le plus de difficultés logistiques lors de la grève de la SNCM de juin-juillet 2014 tant que les navires de La Méridionale n'ont pu accoster à Marseille.

- Suite de l'article thématique dont la première partie est consultable ici : Acte I : décembre 2013 - mai 2014, la gestion de la SNCM par l'équipe de Marc Dufour -

La commande des nouveaux navires de la SNCM devait normalement être confirmée lors d'un conseil de surveillance de la compagnie, d'abod repoussé du 28 avril au 12 mai 2014 "toutes les conditions n'étant pas remplies pour que le conseil de surveillance puisse examiner dès lundi [28 avril] le financement des nouveaux navires" selon l'AFP. Toutefois, il n'en a rien été. Ce conseil s'est tenu dans un climat tendu entre actionnaires, Transdev ayant précédemment tenté en vain (lors d'un précédent conseil de surveillance puis en portant l'affaire en Justice) de faire convoquer une réunion du conseil d'administration de la compagnie afin de révoquer la direction de la compagnie, à commencer par Gérard Couturier, alors président du directoire de la compagnie et est finalement arrivé à reprendre le contrôle de la compagnie en mai. En effet, le conseil de surveillance de la SNCM, réuni le 12 mai 2014, n'a pas reconduit le directoire sortant de la compagnie. Le président du directoire, Marc Dufour, qui était en conflit ouvert avec l'actionnaire majoritaire de la SNCM, Transdev, a donc dû lâcher les rênes de la compagnie. D'après Alta Frequenza qui cite une source syndicale, les quatre représentants des salariés auraient voté pour son maintien et l'Etat (3 voix) se serait abstenu, laissant Transdev (6 voix) décider seul du sort du directoire. Transdev a révélé le 26 mai 2014 le nom de celui qui lui a succédé à l'issue du conseil de surveillance du 28 mai : il s'agit d'Olivier Diehl, spécialiste des transports et ancien de DHL


La nouvelle direction de la SNCM, menée par Olivier Diehl, s'est installée dans un climat houleux sur fond de bras de fer concernant le reversement des sommes exigées par la Commission de Bruxelles et le renouvellement de la flotte...
Le Monte d'Oro à Toulon, en avril 2012 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
Selon le journal Les Echos, l'Etat se serait abstenu de reconduire Marc Dufour et son directoire afin d'éviter "d'être accusé de gestion de fait de la compagnie de ferries marseillaise".


Jean-Marc Janaillac, PDG de Transdev, précise dans un courrier les missions qui ont été assignées à la nouvelle équipe dirigeante de la SNCM : "Olivier Diehl et le nouveau directoire auront pour première mission de faire face aux urgences de court terme, et notamment d'assurer le succès de la saison d'été. Ils procèderont par ailleurs à une analyse lucide de la situation de la compagnie, afin de la doter d'un projet réaliste". Par ailleurs, dans une interview au journal Le Parisien, Jérôme Nanty, actuel numéro deux de Transdev et pressenti comme successeur de Gérard Couturier à la tête du conseil de surveillance de la compagnie d'ici la fin juin 2014, qualifie de "fuite en avant irréaliste" le plan porté jusqu'ici par l'équipe dirgeante sortante et ne s'engage que sur le devenir des lignes de Marseille. Il précise que "notre travail va consister à identifier des solutions industrielles afin d'assurer un avenir pérenne aux activités de la SNCM, en préservant le maximum d'emplois possible".

La tâche des nouveaux dirigeants s'annonce toutefois très difficile. Tout d'abord, le conseil de surveillance devait aussi examiner les comptes 2013 de la compagnie sur lesquels les parties s'opposent : selon Les Echos, l'ancien directoire de la SNCM ne prévoyait de passer des provisions que pour moins de 50 millions d'euros au titre de l'exercice 2013 tandis que les commissaires chargés de certifier les comptes de la compagnie en exigeraient 650 millions ! Transdev, de son côté, aurait déjà anticipé la fin de la SNCM d'ici la fin de l'année 2014 dans ses comptes consolidés 2013 récemment déposés, rapporte le journal Le Marin du 13 juin 2014. Selon cette même source, le rapport comptable prévoierait de "cesser tout financement" pour la SNCM et d'"accompagner toute solution de discontinuité dans le cadre d'une procédure collective adaptée", ce qui pourrait signifier le passage de la société devant le tribunal de commerce... C'est dans ce contexte houleux qu'Olivier Diehl et sa nouvelle équipe1 étaient supposés rassurer les représentants des salariés qu'ils ont rencontré dès leur prise de fonction, de peur qu'un nouveau mouvement social intervienne à l'été 2014 à la SNCM (mouvement qui a finalement débuté à la SNCM le 24 juin, voir plus bas).


Quant à Bruxelles, notons qu'à ce stade, la question - cruciale pour l'avenir de la SNCM - du remboursement éventuel de tout ou partie des 440 millions d'euros réclamés par la Commission n'est toujours pas définitivement réglée, même si 205 millions d'euros ont de nouveau été jugés incompatibles avec les règles du marché commun par la Cour européenne de Justice septembre 2014, rejetant ainsi les pourvois de la SNCM et de l'Etat français contre l'arrêt du Tribunal de l'Union qui condamnait la compagnie à rembourser un peu plus de 220 millions d'aides publiques reçues lors de la privatisation de la compagnie... Le surlendemain du limogeage du directoire de la SNCM, le 14 mai 2014, la Commission avait déjà rappelé à la France qu'elle devait exiger de la compagnie maritime qu'elle lui rembourse ces sommes, mais la négociation se poursuivrait.

Ultime polémique en date sur les sommes dues au titre de la DSP 2007-2013 : l'édition en ligne du journal Le Marin du 29 mai 2014 révèle qu'en marge d'un litige entre la SNCM et la Collectivité territoriale de Corse sur la compensation du surcoût du combustible dans le cadre de la précédente DSP (2007-2013), le tribunal administratif de Bastia pourrait déclarer nulle la précédente délégation (la décision est attendue d'ici la mi-juin 2014) ! Dans ce scénario, le journal précise que la SNCM pourrait engager des discussions avec la CTC pour obtenir réparation des prestations fournies dans le cadre d'un contrat alors déclaré illégal et que ces réparations pourraient en théorie aller jusqu'à 460 millions d'euros (soit la différence entre les 912 millions d'euros que la SNCM aurait engagé sur la période et les 452 millions d'euros qu'elle a reçu sur la période 2007-2013 de l'Office des transports de la Corse), ce qui permettrait de renflouer la compagnie ! Toutefois, il est très improbable que la Collectivité territoriale de Corse, qui n'a pas encore réagi officiellement à ce nouvel élément du dossier, l'entende ainsi... En effet, interrogé sur cette question par R.Roussel pour Mare Nostrum Corsica, Paul Giacobbi, déclare le 11 juin 2014 : "je ne comprends pas en quoi nous aurions le moindre risque financier : 

1. La SNCM est condamnée à nous reverser 220 millions d’euros par la Commission de l’Union européenne.

2. L’annulation de la DSP, si elle intervient, n’entraine aucune forme d’indemnisation au détriment de la CTC.

3. Le « surcoût combustible » est une fantaisie rejetée en référé par le tribunal administratif de Bastia" et il rappelle que "nous avançons par ailleurs sur une SEM permettant d’investir dans le renouvellement de la flotte de service public". 


Alors que s'enlisait le conflit social qui a paralysé 17 jours durant les navires de la SNCM à compter du 24 juin 2014, la continuité territoriale a été assurée par La Méridionale et par la Corsica Ferries, permettant d'éviter l'asphyxie de l'île
L'accostage à Nice du Mega Express Five de la Corsica Ferries en octobre 2013 ; photo : Romain Roussel.
 La Corsica Ferries a absorbé l'essentiel des passagers (
et de leurs véhicules) et La Méridionale une partie importante du fret suite au blocage des navires de la SNCM.


Dès l'éviction du précédent directoire de la compagnie, le délégué CGT Marins de la SNCM, Frédéric Alpozzo avait prévenu : "il faut rapidement que les responsables politiques redressent la barre dans ce dossier, sans quoi la CGT mettra tout en oeuvre d'ici au 30 juin pour faire respecter les engagements et préserver l'emploi". Ainsi, à l'appel de plusieurs syndicats de la compagnie (CGT, CFE-CGC...) à l'exception notable du STC, qui table quant à lui sur la fin prochaine de la SNCM en vue de la création d'une compagnie régionale, un nouveau mouvement de grève reconductible qui paralyse totalement les navires de la SNCM a débuté le 24 juin 2014, le Gouvernement n'ayant pas rassuré sur les perspectives d'avenir de la compagnie (l'entrevue entre une délégation syndicale de la compagnie et le Ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, Arnaud Montebourg le lundi 2 juin 2014 n'a pas permis d'apaiser les tensions). La date choisie correspond à celle initialement prévue pour l'assemblée générale des actionnaires de la compagnie, finalement repoussée au 3 juillet. Entre-temps, les deux conseils de surveillance extraordinaires qui se sont tenus les vendredis 20 et 27 juin 2014 n'ont pas permis d'apaiser les tensions, loin de là, la confirmation de la commande des nouveaux navires n'ayant pas été actée (alors que la lettre d'intention avec les chantiers STX France ne courait que jusqu'au 30 juin) et les représentants syndicaux de la compagnie rapportent que la direction désormais menée par Transdev n'aurait pas de tabou sur le périmètre de la SNCM et aurait, pour la première fois, ouvertement évoqué la possibilité de licenciements. Seul point positif pour la compagnie, Transdev a acté le report d'un an des échéances de trésorerie de la compagnie qui aurait sans cela dû rembourser jusqu'à 127 millions d'euros d'avance de l'Etat (pour 10 millions), de Veolia (pour 14 millions) et de Transdev (pour 103 millions) dès la fin juin 2014 !

Sans attendre l'assemblée générale de la SNCM du 3 juillet, une réunion s'est tenue
à Marseille lundi 30 juin 2014 après-midi entre le secrétaire d'Etat aux transports, Frédéric Cuvillier, et les syndicats grévistes de la SNCM pour tenter de trouver une issue au conflit. La réunion n'a toutefois pas permis d'aboutir à un déblocage de la situation, bien au contraire : les avancées (nomination d'un médiateur, Gilles Bélier, et création d'une mission menée par Louis Gallois en faveur des armateurs français) n'ayant pas été jugées suffisantes, la grève à la SNCM a été reconduite et le Kalliste de La Méridionale bloqué à Marseille par des grévistes de la SNCM, tandis que l'exécutif de Corse a haussé le ton et enjoint l'Etat "de prévenir et d'éviter des atteintes à la liberté de circulation portuaire" a écrit Paul Giacobbi. Les transporteurs étaient quant à eux excédés par le blocage du Kalliste et le déroutement sur Toulon des autres navires de La Méridionale pour leur éviter de subir le même sort...

Devant le risque d'asphyxie de l'île à l'orée de la saison d'été, les responsables de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) ont pris les devants. S'agissant de la demande possible de remboursement de plusieurs centaines de millions d'euros à la SNCM dans le cas où la DSP 2007-2013 serait considérée comme nulle, Paul Giacobbi a confirmé le 20 juin 2014 à France 3 Corse les propos déjà tenus le 11 juin dernier à Mare Nostrum Corsica, à savoir qu'il considère ces exigences de la compagnie comme totalement infondées (pour lui elles relèvent "de la médecine, de la psychiatrie"). Il est vrai que dans l'hypothèse où la CTC serait condamnée à reverser pareilles sommes à la SNCM, elle n'aurait certainement plus les moyens de financer la délégation de service public (DSP) actuelle attribuée conjointement à la SNCM et à La Méridionale pour un montant total de près de 1 milliard d'euros de subventions sur l'ensemble de la période
2014-2023. La SNCM risquerait donc de perdre sur un tableau ce qu'elle gagnerait sur l'autre, et ce d'autant plus facilement que les responsables de la CTC ont déjà indiqué qu'ils seraient dans leur bon droit de mettre fin à l'actuelle DSP au vu des paralysies répétées du trafic maritime sur Marseille, trois épisodes de blocage ayant déjà enregistrées depuis début 2014 (un premier conflit de 8 jours avait eu lieu en janvier, un second, de 5 jours, fin mars et le dernier, en juin-juillet, a donc finalement duré 17 jours !). En outre, dans une intervention à l'Assemblée nationale le mercredi 25 juin 2014, Paul Giacobbi s'est ouvertement prononcé pour "une solution de discontinuité devant le tribunal de commerce" solution qui, ajoute-t-il, "peut seule, permettre, par la création d'une société nouvelle, d'annuler le passif des sanctions européennes".  

C'est dans ce contexte houleux entre la SNCM et les responsables de son principal marché que la SNCM a décidé le 21 juin 2014, de bloquer ses réservations sur la Corse pour la période du 24 au 29 juin inclus (le blocage des réservations de la compagnie a esnuite été étendu jusqu'au terme de la grève, le 10 juillet 2014, suite à l'enlisement du mouvement social), les personnes ayant réservé avec la compagnie étant alors invitées par SMS à appeler le 09 95 34 55 72 pour trouver une autre solution de transport. De nouveau, lors de ce conflit à la SNCM, cette solution est venue le plus souvent de la Corsica Ferries, contre laquelle s'est récemment déchaînée une nouvelle tempête médiatique, suite cette fois à l'incident de navigation survenu au Mega Express Five le 31 mai dernier. Ce jour-là, le navire aurait talonné à la sortie du port de l'Ile Rousse, ce qui aurait généré "une brèche de 30 centimètres sur un double-fond vide" et "une trace de 50 mètres" sur la partie immergée de la coque qui n'aurait été découverte que le lendemain, suite à une inspection de sécurité par des plongeurs rapporte au journal Le Marin du 20 juin 2014 Pierre Mattei, le directeur général de la compagnie, qui dénonce une "diabolisation permanente" de sa compagnie (de nombreux médias ayantnotamment rapporté à tort l'incident en parlant d'une brèche non pas de 30 centimètres mais de 50 mètres !) à l'encontre de laquelle une enquête administrative a été ouverte. Les BEA mer italiens et français, chargés de l'enquête, diront si toutes les procédures de sécurité ont bien été respectées, comme l'affirme la compagnie, dont le navire a rapidement été autorisé à reprendre la mer dès le 8 juin au soir, après une réparation d'une semaine dans la cale sèche des chantiers navals de La Spezia en Italie.


En tout état de cause, la confiance dans la fiabilité de la Corsica Ferries ne semble pas mise en doute par cet incident de navigation, la CTC ayant déclaré à France 3 Corse le 21 juin 2014, par la voix de Pierre-Marie Bartoli, président de l'Office des transports de la Corse, que la compagnie aux bateaux jaunes avait été la seule des compagnies desservant la Corse (qui aurait également consulté La Méridionale et Moby Lines) à avoir accepté de mettre à disposition de la Collectivité, moyennant dédommagement, trois navires en cas de blocage à la SNCM. Pierre-Marie Bartoli avait alors affirmé au micro du média corse remercier la Corsica Ferries pour cette "convention temporaire" avec l'Office des transports et ajouté "qu'on ne peut pas laisser la Corse avec un service public amputé".
A noter qu'une telle démarche répond à une attente forte exprimée par les socio-professionnels de l'île, la CGPME Corsica s'étant notamment publiquement prononcée en faveur d'affrètement de navires supplémentaires quelques jours plus tôt en prévision d'un conflit dur à la SNCM... D'après France bleu Corse, c'est finalement La Méridionale qui a passé une convention avec l'OTC pour renforcer ses rotations, vraisemblablement pour éviter aux transporteurs de fret de devoir aller de Marseille jusqu'à Toulon, où opère la Corsica Ferries. Toutefois, s'agissant du trafic passagers, c'est bien la Corsica Ferries qui a pris en charge l'essentiel du report des voyageurs de la SNCM, ses capacités disponibles sur la Corse étant bien supérieures à celles de ses concurrentes. En effet, le renforcement des traversées de La Méridionale est passé essentiellement par le transfert sur Bastia (ou Ajaccio, selon les jours) de quelques traversées prévues initialement sur Propriano ou par le prolongement jusqu'à Propriano de certaines rotations prévues initialement uniquement sur Ajaccio. La compagnie a un temps étudié l'affrètement provisoire d'un navire supplémentaire (sachant que le Scandola est désormais affrété aux Baléares sous pavillon étranger et n'était donc pas immédiatement disponible) mais les tentatives menées en ce sens ont achoppé sur la question du pavillon, préférentiellement français dans le cadre de la DSP... 



Le travail a finalement repris à la SNCM suite à l'instauration d'un "moratoire" jusqu'à la fin de l'année 2014 sur un possible redressement judiciaire mais les problèmes de la compagnie ne sont pas encore réglés pour autant...
Du fait du blocage du port de Marseille, Toulon a accueilli les navires de La Méridionale en sus de ceux de la Corsica Ferries ; ici les Piana et Mega Express Two le 2 juillet 2014 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
Le port de Toulon a été particulièrement sollicité suite au blocage du port de Marseille en juillet 2014, puisqu'il a accueilli temporairement les navires de La Méridionale en sus de ceux de la Corsica Ferries.


Le conseil de surveillance de la SNCM du jeudi 3 juillet 2014 n'a finalement pas permis, faute de quorum (l'Etat actionnaire n'ayant pas participé à la réunion) de nommer Jérôme Nanty à sa présidence en remplacement de Gérard Couturier, pourtant démis de ses fonctions de président du directoire le matin même, ce qui a laissé une vacance de poste au sommet de la SNCM au dixième jour de grève... (la prise de fonction de M. Nanty devrait finalement intervenir lors du prochain conseil de surveillance de la compagnie le 23 juillet). Dans ce contexte, la tension a continué de monter, des incidents ont eu lieu à Porto Vecchio entre grévistes de la SNCM et socio-professionnels de l'île ce même jeudi au soir, ce qui a contraint le Jean Nicoli, jusqu'alors amarré à quai, à quitter le port à vide et à retourner à Marseille (le navire, à la coque taguée d'inscriptions anti-CGT et à la "gloire" des autres compagnies desservant la Corse, a été la cible de projectiles et de fumigènes)... Il en est allé de même, mais plus pacifiquement cette fois, pour le Monte d'Oro qui, sur injonction des socio-professionnels toujours, a quitté le port de l'Ile Rousse le vendredi 4 juillet.
Les socio-professionnels de Corse exigeaient également la "libération" du Kalliste à Marseille, ce qui a donné lieu à une occupation de la préfecture de Bastia ce même jour, à l'issue de laquelle ils ont obtenu des garanties sur la libre circulation des navires aux ports de Toulon et de Brégaillon. 

Interrogé par La Provence, Olivier Diehl, président du directoire de la SNCM, précisait le 4 juillet 2014 : "Il est clair qu'on ne peut continuer de la sorte. Entre les clients qu'il faut rembourser et ceux qui annulent leur traversée, la facture grimpe. De 500 000 euros quotidiennement perdus, nous allons passer au million. C'est anxiogène". Pour lui, pour mettre fin à la grève il fallait "un message fort de l'Etat (...). Les engagements attendus par les personnels ne viendront pas. Il faut dire que ce n'est pas le moment de commander des bateaux, il faut dire qu'il est temps d'arrêter ce conflit, qu'on ne peut pas continuer comme cela". Comme en réponse aux propos du dirigeant de la SNCM, le secrétaire d'Etat aux transports d'alors, Frédéric Cuvillier, affirmait à son tour dans La Provence le samedi 5 juillet 2014 : "Il faudra moderniser la flotte de la SNCM, oui. D'où la mission Gallois. Mais l'entreprise n'est pas en mesure aujourd'hui de passer commande de nouveaux navires. La situation ne le lui permet pas". Et s'agissant des procédures judiciaires en cours avec la Commission européenne, il ajoutait : "si l'on veut échapper aux contentieux, il faut changer l'organisation de la société. Il ne faut pas qu'il y ait une continuité d'activité dans les mêmes conditions. Continuer de la sorte aboutirait à une liquidation dont nous ne voulons pas". Plaidant pour un "plan de redressement maîtrisé", il évoquait pour la première fois ouvertement qu'il allait falloir "financer un plan social solide, notamment pour les départs volontaires". Même propos pour le Premier ministre, Manuel Valls, qui interpellé à l'Assemblée nationale le mercredi 9 juillet a déclaré que l'avenir de la SNCM passait par une restructuration dans le cadre d'un redressement judiciaire.
Cette perspective, rejetée par la plupart des syndicats de la compagnie, apparaît d'autant plus probable que le jeudi 4 septembre 2014, la Cour de Justice de l'Union européenne a rejeté "les pourvois de la SNCM et de l'Etat français" et confirmé "l’annulation partielle de la décision par laquelle la Commission a approuvé les différentes mesures prises par la France en faveur de la SNCM". La Cour a ainsi reprécisé que les sommes versées à la compagnie lors de sa privatisation en 2006 (la cession de la SNCM par la CGMF à un prix négatif de 158 millions d’euros - c'est-à-dire sa recapitalisation - , l'apport supplémentaire en capital par la CGMF d’un montant de 8,75 millions d’euros et, enfin, une avance en compte courant pour un montant de 38,5 millions d’euros visant à financer "un éventuel plan social mis en place par les repreneurs") constitueraient des aides d'Etat et devraient donc être remboursées, ce qui confirme ainsi un premier arrêt du Tribunal en date du 11 septembre 2012.

Toutefois, cette perspective ne devrait pas intervenir avant novembre 2014 : à la suite de la proposition des élus marseillais en date du lundi 7 juillet 2014 d'instaurer un moratoire d'au moins quatre mois sur un redressement judiciaire de la SNCM en échange de la fin de la fin de la grève des salariés de la compagnie maritime, les différentes parties sont finalement parvenues à un accord. Après deux journées entières de négociation, la CGT a accepté une reprise du travail qui intervenue dans la journée du 10 juillet. Tout en jugeant dans une interview à France 3 Corse que "toutes les initiatives sont bonnes" et qu'il "ne sait pas ce que c'est qu'un moratoire en matière de tribunal de commerce. Personne ne sait ce que ça veut dire, eux [les élus marseillais] non plus d'ailleurs", Paul Giacobbi notamment avait mis la pression deux jours auparavant pour tenter d'arracher la fin du conflit en menaçant de ne plus rien payer "à hauteur de 200 millions d'euros, sur la DSP (...) si demain matin [8 juillet] cette situation n'est pas réglée". Les différentes parties devraient se retrouver à l'automne (normalement en septembre et en tout état de cause avant le 31 octobre 2014) sous l'égide du médiateur pour faire un point d'étape sur le plan industriel à privilégier pour la SNCM qui aurait perdu plus de 10 millions d'euros au cours du conflit social de juin-juillet, annulation ou remboursement de 90000 passagers et retenues financières de l'Office des transports de la Corse pour service public non effectué comprises, selon Pierre-André Giovannini, son directeur régional pour la Corse. Outre le moratoire jusqu'à fin octobre 2014, la trésorerie de la SNCM serait assurée jusqu'à la fin de l'année 2014, les grévistes ayant obtenu que la prime d'assurance de 60 millions d'euros versée suite à l'accident du Napoléon Bonaparte puisse servir aux dépenses courantes de la compagnie. La holding chapeautant l'actuel actionnaire majoritaire, Veolia, considère toujours pour sa part par la voix de son PDG Antoine Frérot que "nous [SNCM] avons bloqué les économies marseillaise et Corse pour sauver des dessertes entre Toulon et le Maghreb qui sont structurellement déficitaires. L'important est de sauver la seule liaison entre le continent [comprendre Marseille] et la Corse" et ajoute dans une interview à BFM Business du 10 juillet 2014 que : "constituer une nouvelle société est la seule solution pour infliger les amendes infligées par Bruxelles". Et Transdev d'ajouter que ce moratoire risque au final de limiter les possibilités financières de la compagnie d'indemniser ses salariés lors du probable plan social à venir... Condamnation encore plus ferme de Paul Giacobbi qui, tout en critiquant très vertement l'attitude de l'Etat en amont et durant le conflit social à la SNCM et lui demandant réparation pour n'avoir pas cherché à rétablir l'ordre public à Marseille, affirme à l'Assemblée de Corse le 17 juillet 2014 : « Ça va recommencer ! C’est reculer pour mieux sauter ! Le moratoire ne sert à rien. C’est une farce sinistre ! J’ose espérer que l’Etat va s’organiser différemment pour respecter la liberté de circulation ». Selon lui, la SNCM ne serait pas condamnée (et serait même "indispensable") à la triple condition que l'on s'oriente vers une discontinuité de l'entreprise, une restructuration poussée et un renouvellement de la flotte, mais pas selon les plans initiaux prévus par la précédente équipe dirigeante de la compagnie maritime : « le plan Dufour est une folie ! Il n’est pas finançable. La Caisse des dépôts ne veut pas payer et elle a raison ! » affirme-t-il à cette même tribune.

En parallèle, les socio-professionnels de Corse avaient mené des actions pour appeler l'attention sur leur situation, ce qui a donné lieu à des débordements le mercredi 9 juillet (déversement de fruits devant la préfecture de Haute-Corse et saccage des locaux de la SNCM à Bastia, sur le fronton desquels les manifestants avaient même inscrit un rageur "La Corse ne veut plus de la SNCM"...). Regroupés pour certains d'entre eux au sein du collectif Kalliste (en référence au navire de La Méridionale immobilisé par des marins de la SNCM dont le blocus a finalement être levé le 10 juillet), ils ont obtenu une réunion avec le Premier ministre le jeudi 10 juillet après-midi à Paris au cours de laquelle ils ont obtenu diverses mesures de compensation pour leurs entreprises (allègement ou étalement de charges sociales notamment).
Avant ce déblocage de la situation à Marseille, La Méridionale (qui a fait, à titre exceptionnel, naviguer ses navires aussi de jour) et la Corsica Ferries ont assuré des rotations supplémentaires sur les lignes entre le continent et la Corse afin d'écouler le flux des voyageurs et le fret à destination de l'île de beauté (quatre allers-retours de la compagnie aux bateaux jaunes ont ainsi été assurés mardi 8 juillet entre Toulon et Ajaccio au lieu de deux prévus initialement tandis que le Sardinia Vera a temporairement dépêché en renfort sur le ligne Nice-Ile Rousse)...

Au final, on en saura donc plus d'ici fin octobre 2014 sur le nouveau cap de la compagnie. D'après le journal du dimanche du 13 juillet 2014, c'est le tribunal de commerce qui aura vraisemblablement le dernier mot pour départager les différentes offres de reprise (Baja Ferries et les offres portées respectivement par Christian Garin et par la Collectivité territoriale de Corse avec peut-être d'autres partenaires).
En tout état de cause, "au bout du compte, le repreneur devra décrocher l'agrément de la Collectivité territoriale [de Corse]" rappelle Paul Giacobbi, son président, selon cette même source. Il a précisé sa pensée le 17 juillet 2014 à l'Assemblée de Corse en martelant que « le renouvellement de la flotte ne se fera qu’à notre initiative et selon notre propriété. [...] Les experts de l'Etat et les deux grandes banques consultées ont dit : le seul moyen de renouveler la flotte de la SNCM est de passer par une société d’économie mixte (SEM) ou une société publique locale (SPL) » de telle sorte qu'au terme du contrat actuel de délégation de service public qui lie la SNCM à la Collectivité de Corse jusque fin 2023, la flotte de service public appartienne à cette dernière ; « nous n’accepterons pas d’autre solution ! » indique-t-il. Sa préférence irait à une SPL qui permettrait une exploitation en régie qui pourrait être constituée de « 2, 3 ou peut-être même de 4 navires, cela dépendra des coûts, ceux annoncés dans le plan Dufour sont extravagants ». Outre le volet social (le nombre de départs à négocier sera très probablement significativement supérieur aux 500 initialement prévus), le Journal du dimanche rappelle que si l'on suit la voie préconisée par l'exécutif de Corse, "la principale difficulté sera sans doute de trouver une entreprise prête à reprendre la desserte, sans avoir la possession des bateaux qui restent les seuls actifs de l'entreprise". Et il révèle que, selon Antoine Orsini, président de la Commission des finances de l'Assemblée de Corse, "La Méridionale, déjà partenaire de la SNCM, pourrait relever ce défi"...




La SNCM intéresserait désormais près d'une dizaine de nouveaux investisseurs, dont Baja Ferries 
Détails des ferries Danielle Casanova et Méditerranée, à quai à Bastia en mai 2014 ; photo : Romain Roussel
En cas de reprise de la SNCM par sa compagnie, Baja Ferries, son PDG Daniel Berrebi, ne souhaite pas commander des bateaux neufs mais développer la desserte du Maghreb au départ de Marseille mais aussi de Sète ; le remplacement d'unités comme le Jean Nicoli, peu adapté aux dimensions des ports Corses, pourrait être envisagé. 


En tout état de cause, un règlement des contentieux européens favorable à la SNCM constituerait une condition sine qua non pour que des repreneurs potentiels reformulent une proposition de reprise de la compagnie : rappelons que Christian Garin, l'ancien président d'Armateurs de France et du port de Marseille, associé au groupe norvégien SIEM en avait fait une exigence et cette piste avait de nouveau été relancée par le journal Les Echos du 24 avril 2014, qui révélait que le groupe norvégien était très intéressé par la SNCM à condition que les contentieux européens soient réglés (ce pourquoi, l'actuel actionnaire majoritaire, Transdev, aurait saisi l'Etat dès le 10 avril 2014). Dans ce cas, le groupe SIEM était même prêt à financer non pas 4 mais 7 nouveaux navires pour la SNCM, tous identiques, sur ses fonds propres, ce qui aurait apporté une solution heureuse à l'épineuse question de leur financement, posée depuis plusieurs mois. Ces engagements, conditionnels au règlement du contentieux européen, avaient même été confirmés par le groupe SIEM à la rédaction de France bleu Corse RCFM. Par ailleurs, en début d'année 2014, Christian Garin avait également demandé que soient financées les pertes prévisionnelles des prochains exercices de la SNCM et s'agissant du plan de relance de la compagnie, il avait précisé que le format envisagé était de "8 navires, plus ou moins 1". Les récentes déclarations publiées dans Les Echos laissaient donc penser qu'on s'acheminait par une reprise des parts de Transdev par SIEM et, à terme, vers une flotte homogène de la SNCM comportant 7 navires totalement interchangeables. Les liaisons envisagées n'auraient pas concerné uniquement la Corse, qualifiée de "socle de conquête", mais tout le bassin Méditerranéen. Toutefois, au surlendemain de la non reconduction du directoire de la SNCM, le groupe SIEM a officiellement retiré son offre de reprise le 14 mai 2014, précisant que "il n'y a aucune clarté concernant ce que Transdevet les actionnaires veulent faire de la compagnie" et ajoutant, dans sa déclaration à l'AFP par la voix de son PDG Eystein Eriksud, "nous nous sommes retirés et nous avons fait passer le message. C'est fini". Réel retrait ou posture, on devrait en savoir plus d'ici la fin juillet 2014.

D'après le journal Les Echos, le secrétariat d'Etat aux transports aurait expliqué dans un communiqué qu'il "continuera à oeuvrer pour créer les conditions de la préservation de l'emploi et des activités de la SNCM, fondé sur un projet industriel viable". De fait, selon le site Marsactu, les scénarios de relance de la compagnie actuellement privilégiés par l'Etat ne seraient pas celui de la SEM défendu par le président du Conseil exécutif de Corse, Paul Giacobbi.  Selon ce site, qui déclare reprendre les propos d’un participant du conseil de surveillance du 12 mai sous couvert d'anonymat,  « après la présentation des sept scénarios, le conseil a écarté ceux qui ne pouvaient entrer dans le cadre de la DSP. C'était notamment le cas des scénarios se basant sur la création d'une société d'économie mixte ou d'une société publique locale avec les collectivités territoriales. Le conseil a donné mandat au directoire pour trouver des investisseurs permettant de mettre en oeuvre les deux scénarios qui respectent à la fois le plan long terme et la délégation de service public".  

A moins que SIEM industries ne revienne finalement dans le jeu malgré sa déclaration de retrait, ce qui serait en fait loin d'être exclu (surtout si l'on se fie au précédent de la Connex - ancien nom de la filiale de Veolia qui avait finalement repris la SNCM en 2006 après avoir déclaré ne plus être intéressé au vu des turpitudes du dossier...), on pouvait croire qu'il serait très difficile, dans la situation actuelle de la compagnie, de trouver des investisseurs intéressés par sa reprise. Pourtant, on a appris le 27 mai 2014 par l'intermédiaire de l'AFP que la société Baja Ferries serait sur les rangs. Il s'agit d'une compagnie dont le siège social se situe au Mexique et qui est présidée par un français, Daniel Berrebi, la compagnie étant propriété de l'armement français Unishipping. Cette compagnie opère actuellement des navires mixtes au Mexique dans le golfe de Californie (lignes La Paz- Mazatlan et La Paz-Topolobampo) ; son chiffre d'affaires avoisinerait 150 millions de dollars, ce qui représente à peu près 110 millions d'euros, rapporte l'AFP. Elle n'est pas inconnue de la SNCM puisqu'elle avait racheté en 2011 le cargo mixte Monte Cinto (renommé dans un premier temps Mazatlan Star, le navire désormais revendu naviguerait au Chili sous le nom d'Eden, rapporte Le Marin). Rappelons que c'est également Baja Ferries qui avait racheté en 2013 le Strada Corsa de l'ex-filiale fret de la Corsica Ferries, StradeBlu, et l'avait renommé La Paz Star.

Son dirigeant déclare qu'il "veut sauver la SNCM" dont il souhaite faire "le leader mondial du ferry" tout en reconnaissant qu'avec les actionnaires actuel de la compagnie, ils essaient "de déterminer le périmètre de la nouvelle société, c'est une tâche difficile". L'AFP rapporte que Daniel Berrebi réfuterait tout démantèlement de la compagnie ce que redoutent toujours les syndicats de la SNCM, qui l'ont fait savoir dans une lettre ouverte au Secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, Frédéric Cuvillier, datée du 22 mai 2014. Le repreneur potentiel se fait plus précis quant à son projet industriel pour la SNCM dans une interview au journal La Provence du 31 mai 2014. Evoquant une flotte cible à six navires pour la SNCM (contre huit actuellement), Daniel Berrebi rappelle que : "la SNCM a deux activités : la desserte de la Corse et du Maghreb. Le développement ne viendra pas de la première. L'avenir, c'est la desserte de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc". Il précise : "il faut garder la Corse et la délégation de service public, mais moi, je crois dans le Maghreb", ce qui laisse penser que la compagnie se concentrerait sur la seule DSP au départ de Corse (quatre navires) et que deux autres navires seraient déployés sur les lignes du Maghreb sur lesquelles de nouvelles lignes seraient inaugurées par la compagnie à destination du Maroc. Ce point a été précisé début septembre 2014, puisque Daniel Berrebi a alors suggéré que le Danielle Casanova pourrait être affecté aux lignes d'Algérie et de Tunisie au départ de Marseille tandis que le Méditerranée inaugurerait un nouveau service vers le Maroc au départ du port de Sète (ou opère seulement l'italien Grandi Navi Veloci, vers le Maroc également). Si le pavillon des navires resterait français, Daniel Berrebi souhaiterait voir modifier la réglementation afin de pouvoir utiliser le pavillon du RIF sur ces lignes. Sur les lignes continent-Corse, il continuerait d'opérer les cargos mixtes actuels (à l'exception peut-être du Jean Nicoli, qui pose des difficultés dans plusieurs ports de Corse en raison de sa longueur et pourrait être remplacé par un navire acquis sur le marché de l'occasion) sous pavillon Français premier registre. Il apparaît très optimiste sur la question des contentieux européens de la compagnie et indiquait même dès juillet : "l'Etat a trouvé la solution. Il la négocie avec le commissaire européen Almunia [le commissaire à la concurrence d'alors, désormais remplacé]. On va vers un compromis, c'est certain". En revanche, il rappelle "un problème de sureffectif" de la SNCM en ajoutant "on va garder une grande partie du personnel fixe, ce n'est pas finalisé" mais met en garde contre une grève dure qui compromettrait la saison touristique : "il faut passer l'été dans le calme et travailler dans la sérénité. S'ils mettent le feu, alors ce sera fini pour Marseille". Enfin, il repousse la question du renouvellement de la flotte et remet clairement en cause la préférence accordée jusqu'alors aux chantiers STX de Saint Nazaire et concrétisée par la lettre d'intention signée par l'équipe dirigeante sortante de la SNCM et qui courait jusqu'au 30 juin : "je ne dis pas qu'on n'en achètera jamais. Mais en tout cas, pas avant d'avoir redressé la barre. Et si on achète, on regardera aussi d'autres chantiers. Il ne faut pas se précipiter". En tout état de cause, la commande aux chantiers STX semble très mal partie, les représentants de l'Etat et de Transdev n'ayant pas participé au vote sur la prolongation de la lettre d'intention lors du conseil de surveillance de la SNCM du 27 juin, celle-ci est désormais caduque !

Plusieurs autres pistes alternatives seraient également à l'étude pour la reprise de la SNCM, puisque la compagnie intéresserait en tout une dizaine d'investisseur potentiels, a précisé Olivier Diehl le 16 septembre 2014, la plupart souhaitant garder l'ananymat à ce stade. Le journal Le Marin révélait dès son édition en ligne du 27 mai 2014 qu'un autre candidat que Baja Ferries se serait manifesté. Il s'agirait d'investisseurs réunis autour de Christian Garin, qui avait déjà été à l'initiative de l'offre de reprise de la SNCM par le groupe SIEM industries l'an dernier. Ceux-ci devaient déposer une offre ferme avant la fin du mois de juillet 2014, mais celle-ci n'a pas été révélée. Elle pourrait potentiellement être plus ambitieuse que celle portée par Baja Ferries, puisque serait envisagé le renouvellement des navires de la compagnie avec "en préparation un véritable projet industriel avec le périmètre le plus large possible" ; ce projet - qui demeure encore virtuel à ce stade, n'ayant pas été dévoilé publiquement à ce jour - s'inscrirait "dans l'esprit du plan de long terme porté jusqu'alors par Marc Dufour" indiquait Christian Garin au journal Le Marin du 6 juin 2014. Si cela reste à confirmer, ce projet pourrait comporter la commande d'un maximum de sept navires neufs propulsés au GNL, ce qui semblerait a priori compatible avec de récentes déclarations de Paul Giacobbi devant l'Assemblée nationale qui n'a cessé de réaffirmer la nécessité pour la SNCM de renouveler sa flotte, tant pour des raisons juridiques (la DSP 2014-2023 le prévoit par contrat) qu'écologiques, et ne serait finalement pas opposé à l'entrée au capital de la compagnie de nouveaux investisseurs privés dans l'hypothèse où ceux-ci seraient les opérateurs d'une SEM ou d'une SPL (société publique locale) propriétaire des navires. Si cet obstacle était franchi, il restera aussi à la nouvelle délégation de service public (DSP) Marseille-Corse à surmonter à l'avenir des obstacles judiciaires. Les "chances de survie" de la DSP remportée en 2013 par la SNCM et La Méridionale seraient, selon Paul Giacobbi cité par Corse Matin du 2 juin 2014, "très moyennes pour ne pas dire faibles" car "il est très difficile d'obéir strictement à des règles juridiques européennes qui varient constamment" précise-t-il....

En attendant le choix du repreneur et la décision quant à un éventuel redressement judiciaire de la SNCM, la situation reste tendue entre syndicats de la compagnie, direction et l'Etat. Si la médiation se poursuit (une ultime rencontre est encore programmée le 28 octobre 2014), la direction aurait confirmé lors du conseil de la SNCM du 16 septembre 2014 que l'on s'orienterait vers une flotte dont le périmètre serait conditionné à l'issue de la négociation de l'Etat avec la Commission de Bruxelles. Olivier Diehl a ainsi déclaré à France 3 Corse à l'issue de ce conseil que cette négociation "doit nous donner sur quel périmètre on peut exercer l'ensemble des activités bénéficiaires de la SNCM si elle est correctement retravaillée"
. De fait, interrogé par Le Monde, le cabinet d'Alain Vidalies a confirmé depuis qu'il ne fait "plus de doute aujourd'hui que seul un plan de redressement pour construire une nouvelle SNCM peut permettre de mettre fin aux contentieux européens". A l'inverse, Frédéric Alpozzo, leader CGT de la compagnie, juge toujours "inacceptable" l'option du redressement judiciaire et n'exclut pas un nouveau conflit social pour défendre notamment un périmètre large et éviter "plus d'un millier de licenciements".En attendant, l'affrètement de l' Excelsior s'achève (le navire sera rendu à son propriétaire, la compagnie italienne Grandi Navi Veloci, fin septembre 2014) et le Corse serait mis en vente. Dès lors, la flotte de la compagnie pourrait passer, en l'absence de nouvel affrètement, de 8 à 6 unités, ce qui va au-delà de la réduction de flotte initialement programmée et serait compatible avec le schéma de flotte défendu par le PDG de Baja Ferries...

Le conseil de surveillance qui s'est te
nu le 25 septembre dernier aurait confirmé la dégradation des finances de la SNCM, rapporte le quotidien Le Monde qui rapporte des propos d'Olivier Diehl selon lequel "la saison touristique a été mauvaise et les caisses sont vides" en dépit du versement par l'Etat début septembre de la dernière tranche d'aide exceptionnelle de 10 millions d'euros promise fin 2013. De fait, l'Observatoire régional des transports de la Corse confirme la chute vertigineuse des trafics passagers de la SNCM, qui a perdu cet été de très nombreux passagers, au-delà même de la période du conflit qui a paralysé les navires de la compagnie du 24 juin au 10 juillet : la compagnie maritime enregistre ainsi une chute de 48% en juin, de 58% en juillet, de 31% en août et de 36% en septembre ! Sur l'ensemble de la saison touristique (de début mai à fin septembre), la SNCM a ainsi transporté entre la Corse et le continent seulement 488 000 passagers environ en 2014 contre 800 000 en 2013, toujours selon l'ORTC. En conséquence de quoi, Le Monde confirme que la direction de la compagnie aurait bien demandé à utiliser une partie (22,5 millions sur 57,1 millions) de la prime d'assurance versée par Axa suite à l'accident du Napoléon Bonaparte (prime dont 13 millions auraient par ailleurs déjà été alloués au financement du plan de départ volontaire de 500 personnes entériné par l'ancienne direction) afin d'assurer la survie de la compagnie jusqu'à la date de la fin du moratoire sur le redressement judiciaire, le 31 octobre 2014. Sauf ultime rebondissement toujours possible, cette perspective apparaît comme de plus en plus probable, compte tenu du fait que, d'après cette même source, la direction de la SNCM aurait également annoncé lors de ce conseil de surveillance du 25 septembre, que la compagnie allait demander l'ouverture d'une procédure de conciliation (information confirmée par le nouveau secrétariat d'Etat aux transports d'Alain Vidalies). Cela pourrait en fait au final conduire à préparer le dépôt de bilan de la compagnie, contre lequel plusieurs syndicats de la compagnie ont écrit une lettre ouverte au secrétaire d'Etat aux transports dans l'espoir d'infléchir la position de l'Etat lors de la réunion de conciliation du 28 octobre.

Cette réunion n'a finalement pas été décisive pour l'avenir de la SNCM, les différentes parties prenantes s'étant séparées sur un constat de persistance des divergences et ayant convenu de se retrouver le 18 novembre 2014, à l'initiative du médiateur, Gilles Bélier, ce qu'a violemment critiqué Paul Giacobbi, interviewé le 30 octobre par France Bleu Corse, selon qui il n'y a plus un jour à perdre ni de faux espoirs à avoir et que l'urgence est de déposer le bilan de la compagnie afin d'éviter une liquidation judiciaire. De fait, le moratoire sur le redressement judiciaire n'a pas été prolongé jusqu'à cette date, l'actionnaire majoritaire Transdev ayant déclaré à l'issue de la réunion du 28 octobre 2014 qu'il ne se sentait "en aucun cas lié par la prologation de la médiation" et indiquant que "chaque jour qui passe (...) compromet un peu plus les chances de trouver un repreneur et de préserver le maximum d'activité et d'emplois". Selon Olivier Diehl, interviewé par France info le 29 octobre, Transdev et Veolia devraient réclamer dès le lundi 3 novembre 2014 à la SNCM le remboursement de respectivement 103 et 14 millions d'euros d'avances de trésorerie accordées depuis 2013. La compagnie ne disposant pas de cette somme, cela précipiterait le dépôt de bilan de la SNCM. L'option du redressement judiciaire aurait donc à ce stade "une probabilité forte dans un proche avenir", comme l'a confirmé
Alain Vidalies le 28 octobre à l'Assemblée nationale. Le secrétaire d'Etat aux transports a également rappelé à cette occasion que "chacun (actionnaires, salariés, collectivités locales) doit être mobilisé pour une reprise avec maintien de la DSP et la sauvegarde d'un maximum d'emplois", maintien qui ferait l'objet de négociations avec la Commission européenne et qui n'aurait semble-t-il rien d'automatique en cas de discontinuité juridique de la SNCM. Selon Olivier Diehl, il faut s'orienter vers un "plan social exemplaire" afin de "sauver 800 à 1000 emplois" à la SNCM ce qui constituerait, selon lui, "l'objectif le plus vertueux" que pourrait se donner la compagnie. En attendant les prochaines échéances à venir, la SNCM réunissait un comité d'entreprise le mercredi 29 octobre qui a échoppé ; un conseil de surveillance extraordinaire de la compagnie s'est tenu  en urgence le vendredi 31 octobre à la demande des organisations syndicales de la compagnie et a confirmé les perspectives du dépôt de bilan imminent.


 
L'Excelsior et le Corse de la SNCM à Bastia, en août 2014 ; photo : Romain Roussel
Après l'Excelsior, le Corse est le deuxième navire de la SNCM qui devrait sortir de la flotte de la compagnie à l'issue de la saison 2014 si les projets de la direction de la compagnie se concrétisaient.


- La suite de cet article thématique est consultable ici : Acte III : novembre 2014 - mars 2015, la SNCM en redressement judiciaire et en quête de repreneurs -
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1 Aux côtés d'Olivier Diehl, président du directoire, la nouvelle équipe dirigeante de la SNCM s'est constituée peu à peu. Depuis la mi-juin 2014, elle comprend notamment Guillaume de Feydeau (directeur général adjoint en remplacement de Jean-Marie Vignes, secrétaire général, qui quitte la compagnie) et Giancarlo Tantardini, directeur général, responsable notamment de Erik Lacoste, directeur de la flotte, et de Franck Sammut, directeur de l'exploitation.


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