Mare Nostrum Corsica 
- La SNCM en pleine tempête... - 

Acte V : juin - décembre 2015, STEF-TFE déjà propriétaire de La Méridionale, entre en lice associé à Baja Ferries, mais finit par se retirer !
La SNCM est finalement attribuée à Patrick Rocca
le 20 novembre et pourrait devenir la MCM !
Le départ du Pascal Paoli de Bastia, en août 2014 ; photo : Romain Roussel.

Le groupe STEF-TFE a su imposer la reprise à zéro du processus de reprise de la SNCM. Associé à Baja Ferries pour les lignes du Maghreb, il faisait figure de grand favori pour impulser un nouvel élan au futur partenaire de La Méridionale. Pour autant, cette offre a été écartée par les administrateurs judiciaires de la SNCM et n'ayant pas obtenu le feu vert de la Commission européenne, finit par se retirer de la course.

 
Suite de l'article thématique dont la partie précédente est consultable ici : 
- Acte IV : mars - juin 2015, le dossier SNCM se complexifie encore avec le rejet de trois offres de reprise suite à l'annulation en première instance de la DSP
et à l'entrée en jeu du groupe STEF-TFE, déjà propriétaire de La Méridionale... -


Le projet de STEF-TFE, dévoilé le 2 septembre, associait d'autres opérateurs du transport routier et maritime dont Baja Ferries pour les lignes du Maghreb !

Suite au rejet des trois projets de reprise de la SNCM par le tribunal de commerce de Marseille prononcé le 10 juin 2015, la procédure a repris à zéro avec un nouvel appel à candidatures qui devaient être examinées le 25 septembre 2015. Quels ont alors été les candidats à formuler une offre ? La piste longtemps considérée comme la plus sérieuse émanait de STEF-TFE, dont le dirigeant, Francis Lemor, s'est exprimé dans une interview à France 3 Corse le 12 juin 2015. Revenant sur les trois offres rejetées sur le tribunal, il indiquait que "aucun de ces projets ne permettait de travailler valablement avec La Méridionale en vue du futur appel d'offres de 2016" et, tordant le cou à certaines rumeurs, que "jamais nous n'avons pu envisager et nous n'envisageons pas plus maintenant la liquidation de la SNCM". Il soulignait que son groupe serait bien au rendez-vous de septembre avec un projet solide. 

Le projet était bâti à l'aide de "deux tours de table distincts", qui auraient mené à deux sociétés différentes, conformément aux pré-requis de l'actuel cahier des charges de la DSP Marseille-Corse, qui prévoit une séparation totale des activités de la délégation de service public des autres activités des compagnies délégataires. Dans ce schéma, qui faisait alors figure de favori pour la reprise, il y aurait donc eu deux compagnies pour remplacer la SNCM :

- l'une pour les lignes de Corse, qui n'auraient plus été desservies que par des cargos mixtes (les quatre actuellement en service : Pascal Paoli, Jean Nicoli, Paglia Orba et Monte d'Oro), Francis Lemor rappelant qu'il avait indiqué de longue date que "les car-ferries n'avaient pas d'avenir sur la Corse" et que les faits lui avaient depuis donné raison... "Nous avons dans nos ambitions le développement du port de Marseille" indiquait-il et, déplorant le recul du port de Marseille au profit de Toulon quant à la desserte des lignes de Corse, ajoutait qu'il "espère que demain nous arriverons à rééquilibrer les choses en faveur de Marseille, c'est le projet !". S'agissant du renouvellement de la flotte, Jean-François Mahé, qui a présenté le projet de STEF au journal Le Marin le 10 septembre 2015, a indiqué que le Monte d'Oro devait être remlacé à l'horizon 2020-2021, mais qu'aucun autre renouvellement n'était programmé dans l'immédiat.

- l'autre pour les lignes du Maghreb, avec deux navires, les Méditerranée et Danielle Casanova. Le journal Le Marin a révélé le 31 août 2015 que Baja Ferries, dirigée par Daniel Berrebi, aurait eu le seul contrôle de cette société et que les deux ferries seraient restés armés sous pavillon français premier registre, contrairement à l'option d'armement sous pavillon communautaire qui prévalait dans les offres précédentes de Baja Ferries faites en juin 2015. Toutefois cette solution aurait pu n'être que temporaire, en attendant la posibilité d'ouverture des lignes du Maghreb au pavillon RIF. Daniel Berrebi aurait confirmé au Marin que, dans son schéma, les deux ferries ne desserviraient plus du tout la Corse, comme c'était encore le cas pour le Danielle Casanova jusqu'à fin août 2015.

Sur les lignes de Corse aussi, le groupe STEF-TFE ne venait vraisemblablement pas seul pour rebâtir un projet de nouvelle SNCM, sans quoi il aurait recréé avec La Méridionale un monopole pour le fret sur les lignes Marseille-Corse, ce qui aurait été anticoncurrentiel. Il comptait "fédérer des acteurs de l'environnement maritime et socioprofessionnel, corse et provençal". Il n'était donc pas exclu, compte tenu de son attachement à associer des transporteurs, qu'ils soient routiers ou du milieu maritime, que Patrick Rocca qui avait déposé l'une des trois offres de reprises rejetées en juin et dont le métier de base est précisément le transport de fret entre le continent et l'île de beauté, soit finalement asocié au tour de table. Toutefois, son nouveau projet déposé début septembre 2015 était distinct de celui de STEF.

STEF-TFE avait en revanche démenti être à l'initiative de l'autre projet  alternatif annoncé à la veille de la décision du tribunal de commerce de Marseille et associant lui aussi un consortium d'entreprises corses à un opérateur maritime non nommé... De même, par la voix de Francis Lemor, le groupe avait également démenti travailler sur le projet de société d'économie mixte (SEM), défendu de longue date par le président du conseil éxécutif de Corse, Paul Giacobbi, mais finalement rejeté le 17 juillet 2015 par l'Assemblée de Corse, le président de La Méridionale qualifiant cette voie "d'un peu compliquée, ce n'est pas notre projet". À noter que le projet de SEM, qui aurait de fait créé une compagnie maritime régionale pour ce qui est de la propriété des navires (la Collectivité les aurait alors affrétés au vainqueur de l'appel d'offres) a été rejeté en raison notamment de l'opposition non seulement des élus du Front de gauche, hostiles de longue date à un projet n'associant ni l'Etat ni la région PACA, mais aussi des groupes nationalistes qui auraient souhaité une société régionale d'exploitation à part entière dès sa création.


Un calendrier qui a permis à la SNCM de passer la saison 2015 à l'abri des conflits sociaux et à de nouveaux investisseurs, notamment le consortium Corsica Maritima, de préparer une offre de reprise novatrice
L'Excelsior passe devant le Corse, à Bastia en août 2014 ; photo : Romain Roussel.
En attendant la reprise, la SNCM a fonctionné sous un format très réduit pendant la saison 2015, avec plusieurs navires en moins par rapport à 2014 : l'Excelsior et le Corse.

Les 8 entrepreneurs corses du "consortium" ont apporté des précisions à plusieurs occasions. Par courrier du 25 juin, signé de leur porte-parole, Pierre Anchetti, ils annoncent que ce sont finalement 70 entreprises de l'île qui seraient associées à la démarche, sous une forme non précisée à ce stade, avec pour "objectif de finaliser des propositions sérieuses et ambitieuses tant en termes social que de pérennisation économique" dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire en cours. La nouvelle société serait baptisée Corsica Maritima, est-il écrit dans le communiqué. À un "t" près, cela reprend le nom du livre de Charles Finidori sur les transports maritimes de la Corse et celui de l'ex-filiale de la SNCM, Corsica Marittima, qui a desservi les lignes Italie-Corse (principalement Livorno-Bastia) de 1990 à 2003. Pour mener à bien son projet, le consortium disposerait "d'équipes opérationnelles (d'ingénierie juridique, financière et technique)" et "des contacts sérieux avec des partenaires armateurs d'importance sont engagés" précise-t-il. Ces armateurs ne sont pas nommés ; selon France 3 Corse, le consortium serait en contact avec quatre armateurs, dont deux italiens, non précisés (Moby ? GNV ? Grimaldi Lines ?). Réunis à Corte le 29 août 2015 pour présenter leur projet, ces entrepreneurs - qui revendiquent l'équivalent de 1,2 million de mètres linéaires de fret à transporter entre la Corse et le continent, soit plus de la moitié du trafic total - se disent décidés à aller jusqu'au bout de leur démarche. Pierre Anchetti, qui s'exprime au nom du consortium, a ainsi déclaré à Corse Matin ce jour-là que "l'aventure ne s'arrêtera pas avec la décision du tribunal. Avec ou sans la reprise de la SNCM, nous créerons notre propre compagnie hors délégation de service public. Et elle sera alors dévolue prioritairement au transport de marchandises". Plus précisément, le service envisagé se concetrerait essentiellement au moins dans un premier temps sur la desserte de Bastia et d'Ajaccio au départ de Marseille, selon Le Marin du 4 septembre 2015. Si le projet Corsica Maritima était retenu pour reprendre la SNCM, la compagnie desservirait aussi le Maghreb (ouvrant même une ligne sur le Maroc) et passerait commande de 5 nouveaux navires ropax d'ici 2016 pour une mise en service en 2018-2019, selon François Padrona, dirigeant de l'hypermarché Leclerc d'Ajaccio et membre du consortium, qui souhaiterait que la compagnie s'oriente vers des navires propulsés au GNL pour anticiper les futures normes d'émission. Ce projet rappelle donc de ce point de vue celui porté en son temps par Marc Dufour, car il s'agirait d'effectuer des rotations accélérées à l'aide de navires de type Mega Express à forte capacité fret qui tourneraient non-stop à vitesse élevée (environ 24 noeuds) : il s'agirait donc d'un tout nouveau business model pour les lignes Marseille-Corse ! Ce mode de fonctionnement rappelle donc davantage celui de la Corsica Ferries que celui actuellement en vigueur à La Méridionale et à la SNCM dans le cadre de la DSP, où les rotations des navires mixtes se font uniquement de nuit et où les navires passent leurs journées à quai. Toutefois, rien n'est précisé à ce stade sur le mode de financement de ces éventuels nouveaux navires, sans doute très coûteux... 

Par ailleurs, le service envisagé constituerait alors un concurrent direct de La Méridionale et de la future SNCM au cas où Corsica Maritima ne serait pas retenue par le tribunal de commerce de Marseille. En effet, les dirigeants du consortium ont déclaré qu'ils se lanceraient dans le trafic Marseille-Corse quoiqu'il arrive et que si la SNCM ne leur était pas confiée, Corsica Maritima fonctionnerait en affrétant des cargos à d'autres opérateurs, venant ainsi concurrencer de plein fouet les opérateurs historiques du transport de fret sur ces liaisons. 

Enfin, parmi les autres nouvelles de l'été, si la perspective d'une retenue des subventions de la SNCM s'est éloignée, tout du moins du fait de la Collectivité de Corse, qui a voté le 17 juillet 2015 la poursuite du versement au titre de la DSP jusqu'en septembre 2015, la principale incertitude est longtemps demeurée l'attitude à venir de la Commission européenne, que le président de l'exécutif de Corse a rencontré le 16 juin pour évoquer le dossier des subventions et du futur appel d'offres pour la DSP Marseille-Corse. En effet, la DG concurrence de la Commission européenne s'était montrée menaçante, intimant à la France de trancher la situation de la SNCM avant l'été, ce qui ne sera pas le cas. De fait, le tribunal de Luxembourg a finalement condamné la France au motif que les versements à la SNCM jugés indus se sont poursuivi mais pourrait ne pas infliger d'amende si la situation de la SNCM se réglait rapidement. Par ailleurs, la Commission a rappelé que la notion de discontinuité - synonyme d'effacement de l'ardoise des aides indûment perçues par la SNCM - n'était pas automatiquement valable quel que soit le schéma de redressement présenté en septembre... 

Parallèlement, les débats sur le maritime dans le cadre de l'Assemblée de Corse des 16 et 17 juillet dernier ont permis d'entériner a priori les grands principes du prochain cahier des charges de service public, similaire à celui de la DSP 2014-2023, prématurément annulée. Sa validation doit toutefois encore être effectuée par l'Assemblée de Corse lors d'une prochaine session. Pour mémoire, la DSP envisagée pourrait prévoir la desserte de la Corse par 7 navires mixtes au départ de Marseille (deux vers Bastia, deux vers Ajaccio, un vers chacun des ports "secondaires" de l'Ile Rousse, Propriano et Porto Vecchio) et courrait sur 8 années à compter d'octobre 2016, de manière à coïncider peu ou prou avec celle qui vient d'être annulée en justice... Si des offres pourront être présentées de manière groupée (ce sera vraisemblablement le cas entre La Méridionale et la future SNCM) au printemps 2016, l'attribution de la desserte, d'ici septembre 2016, devrait cette fois se faire ligne à ligne en vue de satisfaire les exigences de transparence exigées par l'Union européenne. Toutefois, des rebondissements sont encore possibles tant sur le contenu de la DSP (celui-ci ne sera définitivement voté qu'après les élections territoriales de décembre prochain et sera donc le cas échéant revu par la nouvelle majorité éventuelle sortie des urnes et ce d'autant plus probablement que dans l'hypothèse où il emporterait la SNCM, le consortium Corsica Maritima souhaite que ce cahier des charges soit revu en profondeur avec moins de subventions et une desserte allégée des "ports secondaires") que sur son calendrier...


Le tribunal de commerce de Marseille devait examiner les 4 offres de reprise de la SNCM le 25 septembre 2015 alors que certains repreneurs potentiels menaçaient de s'opposer en justice
Départ du Piana et arrivée du Danielle Casanova à Bastia, en août 2015 ; photo : Romain Roussel
La future SNCM sera-t-elle partenaire de La Méridionale, comme souhaité par le groupe STEF-TFE, ou sera-t-elle concurrente en cas de reprise par le groupe Rocca ou par Corsica Maritima ?

Plus d'un mois avant la date de clôture de l'appel d'offres, le conseil d'administration de la SNCM du dimanche 26 juillet 2015 avait révélé que de nouveaux armateurs souhaitaient déposer une proposition de reprise de la compagnie. En plus des trois groupes déjà intéressés dont les offres avaient été rejetées en juin (Baja Ferries, Med Partners et Rocca) et des deux autres sociétés qui se sont positionnées dans la foulée (le groupe STEF - propriétaire de La Méridionale - et le consortium d'entrepreneurs Corsica Maritima) figuraient aussi quatre nouveaux entrants dans le dossier : le voyagiste Corsica Tours, le groupe tunisien d'Alessandro, spécialisé dans le fret maritime et qui représente notamment dans ce pays l'italien GNV - et deux importants armateurs grecs : le groupe Attica Holdings (propriétaire des compagnies Superfast Ferries et Blue Star Ferries) et la compagnie Anek Lines, qui opèrent entre Italie et Grèce et sur les lignes intérieures helléniques. 

Pourtant, à la date de remise des dossiers, seules 4 offres ont finalement été remises :

- Le projet commun STEF-Baja Ferries, évoqué plus haut. Selon Le Marin, les deux sociétés distinctes proposaient de reprendre les actifs de la compagnie pour respectivement 10 et 5 millions d'euros, pour les 4 cargos mixtes sur la Corse et les 2 ferries sur le Maghreb. Ce prix apparaissait très bas à plusieurs observateurs au vu de la valeur réelle des navires de la SNCM estimée au total à environ 300 millions d'euros. Le nombre d'emplois en CDI repris n'aurait pas été plus élevé que celui proposé en juin 2015 par Baja Ferries, puisqu'il atteignait au total environ 740 selon cette même source (535 sur la Corse et 190 sur le Maghreb plus 15 pour l'agence de voyage Aliso) ; selon Jean-François Mahé, il y aurait également eu 360 CDD d'engagés en tout sur les 4 mois de la saison estivale, toutes destinations confondues. Sans surprise, Daniel Berrebi aurait alors contrôlé la société dédiée au Maghreb sous le nom de France Ferries. Si STEF affichait ne pas avoir le contrôle de l'entreprise opérant sur la Corse, il aurait possèdé directement 40% des parts et son dirigeant (Francis Lemor) et deux de ses ex-dirigeants (Jean-Charles Fromage et Gérard Groffe) auraient détenu selon Le Marin en leur nom propre au total 34% des 40% restants au sein de la société UniMed, soit plus de 13% du capital. Au total donc, La Méridionale, son dirigeant et ses ex-dirigeants auraient détenu plus de 53% des parts de la nouvelle société. Les entrepreneurs espèraient néanmoins que l'opération puisse obtenir l'aval de la Commission de Bruxelles, la société UniMed comptant pour principaux actionnaires d'autres armateurs français (Patrick Molis, dirigeant de la Compagnie maritime nantaise, pour 30% des parts, Daniel Guilbert, ancien de la CGM, pour 25% et Marfret, pour 10%). Enfin, outre les 40% de parts détenues par La Méridionale et les 40% d'UniMed, les 20% restants de la nouvelle branche Corse de la SNCM seraient revenus à quatre transporteurs routiers corses, dont le nom n'a pas été révélé publiquement.

- Le nouveau projet de Patrick Rocca, qui reprendrait les six mêmes navires - pour un montant nettement plus bas, avoisinant 3,7 millions d'euros - et serait socialement améliorée par rapport à son offre de juin. C'est l'une des offres qui reprendrait le plus d'emplois (873 en tout, d'après Corse Matin qui s'est procuré le rapport des administrateurs judiciaires de la compagnie). La fusion de ce projet avec l'offre commune de STEF et Baja Ferries, longtemps évoquée mais finalement retirée, n'a finalement pas eu lieu

- Le projet du consortium Corsica Maritima - désormais appelé aussi CM Holding - reprendrait quant à lui la SNCM dans sa globalité, Corse et Maghreb, pour un prix avoisinant 18 millions d'euros (5 millions d'euros d'apports et près de 13 millions de produits de cessions) et finalement non plus 619 mais environ 800 salariés. 6 des 7 navires de la SNCM (tous sauf le Corse) seraient repris et le consortium à confirmé que s'il était retenu, il ouvrirait aussi une nouvelle ligne vers le Maroc et passerait commande de 5 navires de type Mega Express à forte capacité fret d'ici 2016, pour effectuer un service accéléré sur le modèle de ce qui se pratique notamment entre la Grèce et l'Italie. Comme l'indique François Padrona, l'un des membres fondateurs de Corsica Maritima, à Corse Matin le 11 septembre 2015 "si notre offre est refusée, nous avons un plan B. Nos remorques n'iront pas sur les bateaux d'un autre repreneur" ce qui mettrait à mal l'équilibre économique de la DSP si elle était attribuée à d'autres repreneurs... Enfin, ce projet a reçu un soutien - moral - inattendu, celui de Jean-Marc Roué, le président de Brittany Ferries, qui s'est déclaré convaincu par ce projet et prêt à devenir "membre d'honneur" du futur conseil d'administration de Corsica Maritima.

- Le nouveau projet de Christian Garin, dénommé Ferry de France, est le plus mystérieux. D'après Le Marin du 15 septembre, il était initialement envisagé qu'il s'appuie non pas sur l'italien Grimaldi Ferries, longtemps pressenti, mais sur le groupe italo-suisse MSC, propriétaire notamment de GNV et de SNAV. 5 navires auraient alors été exploités par la nouvelle société et 2, le Corse et le Méditerranée, affrétés pendant au moins deux ans par GNV sous ses propres couleurs ; un partenariat avec GNV aurait été établi pour développer les lignes du Maghreb. Finalement, Corse Matin du 28 octoibre 2015 a révélé que la dernière mlouture du projet de Christian Garin ne reprendrait finalement comme les autres que 6 des 7 navires (le Corse étant exclu) et s'appuierait finalement sur un groupe grec, Arista Shipping, dirigé par la famille de l'armateur de Superfast Ferries. Dans sa dernière mouture, le nombre de salariés repris aurait un peu été revu à la hausse (878 au lieu de 818) ; le montant financier de la reprise envisagée avoisinerait 12 millions d'euros...

Dans ce contexte, des conflits juridiques, notamment entre repreneurs potentiels, étaient à craindre. François Padrona avait déclaré au journal Le Marin début septembre 2015 que si c'était l'offre de STEF qui était finalement choisie, le consortium lancerait aussi une procédure en justice pour contester cette attribution en raison de la position dominante que cela créerait pour le transport du fret sur la Corse. Consciente de ce risque, STEF avait déclaré, par la voix de Jean-François Mahé (qui devait diriger la société UniMed chargée de piloter la branche corse de la future SNCM si le projet STEF-Baja Ferries l'avait emporté) qu'elle avait saisi l'Autorité de la concurrence le 9 septembre 2015 pour obtenir son feu vert et qu'il espérait une réponse rapide de sa part... L'Autorité de la concurrence française ne s'était toutefois pas prononcée sur le schéma STEF-Baja Ferries avant l'audience du tribunal du 25 septembre et se serait finalement montrée très réservée alors qu'en revanche, l'Assemblée de Corse, réunie les 17 et 18 septembre derniers avait d'ores et déjà autorisé La Méridionale à subdéléguer la partie de la DSP jusqu'ici attribuée à la SNCM à son futur repreneur... Parallèlement à cette démarche, la CGT de la SNCM a déposé une plainte contre X pour démontrer que la gestion de la compagnie aurait été organisée pour conduire à la mise en liquidation judiciaire ; la recevabilité de cette plainte devrait être examinée le 14 octobre.



Coups de théâtre les 24 et 25 septembre 2015 : les administrateurs judiciaires de la SNCM recommandent d'écarter deux des offres, dont celle du duo STEF-Baja Ferries mais le tribunal de commerce de Marseille reporte alors son audience !
 Danielle Casanova et Piana à Bastia, en juillet 2015 ; photo : Romain Roussel
Le modèle
des navires mixtes naviguant de nuit, incarné par La Méridionale s'imposera-t-il à la future SNCM sur Marseille-Corse ou la desserte sera-t-elle accélérée grâce à des navires rapides à plus forte capacité passagers, comme souhaité par le consortium Corsica Maritima ?


Un nouveau coup de tonnerre est intervenu le 24 septembre 2015 dans le dossier de reprise de la SNCM quelques heures avant que le comité d'entreprise de la SNCM renvoie dos à dos l'ensemble des repreneurs en émettant un avis négatif à l'unanimité sur l'ensemble des offres ! Les administrateurs judiciaires de la compagnie maritime préconisaient, dans un rapport dont les conclusions avaient été rendues publiques à la veille de l'audience du tribunal de commerce de Marseille, de rejeter deux des offres de reprise de la compagnie, dont celle du duo STEF-Baja Ferries considérée jusqu'alors comme favorite par de nombreux observateurs du dossier. Plus précisément, l'offre STEF-Baja Ferries, en dépit de sa plus grande solidité financière, serait à écarter en raison de problème juridiques complexes liés à la scission en deux de la société (point très conesté par les syndicats de la compagnie), l'une pour les lignes de Corse, l'autre pour le Maghreb. Cette piste comporterait, selon les administrateurs, trop de risques de contentieux aux prud'hommes. Par ailleurs, le risque d'instauration d'un quasi-monopole pour le transport du fret entre Marseille et la Corse entre les deux sociétés issues du groupe STEF, qui détient déjà La Méridionale, a sans doute également joué sur cette appréciation. L'autre offre que les administrateurs judiciaires souhaitaient alors écarter était, sans surprise, celle de Ferry de France (Christian Garin), alors très peu précisée et justifiée et qui ne semblait alors pas "en mesure de justifier d'aucun financement à la mesure de ses ambitions" rapportait Le Monde.

Si le tribunal de commerce de Marseille avait suivi cet avis, ne seraient resteré en lice que les deux projets concurrents 100% Corses, à savoir ceux de Rocca et de Corsica Maritima, ce dernier confirmant ses déclarations récentes selon lesquelles il se lancerait dans le transport de fret entre Marseille et la Corse quelle que soit la décision du tribunal... Dans ce cas, naîtrait donc une seconde compagnie privée Corse, après la Corsica Ferries.

En parallèle, plusieurs syndicats souhaitaient obtenir un nouveau délai de la part de ce tribunal pour que l'Assemblée de Corse puisse valider définitivement le cahier des charges de la future DSP qui commencera en octobre 2016 afin de clarifier l'horizon des repreneurs en amont du changement d'équipe dirigeante. De fait, le tribunal de commerce de Marseille leur a partiellement donné raison : il devait examiner les offres le 25 septembre mais, second coup de tonnerre, a finalement différé ce jour-là son audience au 14 octobre. Ce report a été justifié par la volonté de lui laisser le temps d'examiner plus en détail les offres, que plusieurs syndicats de la compagnie ont d'ores et déjà publiquement considéré comme non recevables en dépit des améliorations apportées... 
 
Trois des quatre nouvelles offres, à l'exception de celle de STEF et Baja Ferries, ont par ailleurs obtenu le feu vert de la Commission européenne le 24 septembre. Le report de la décision du tribunal de Marseille pouvait aussi être interprété comme la dernière chance laissée à STEF et Baja Ferries de revoir leur projet de manière à ce qu'il puisse également passer cet obstacle... 



Nouveau rebondissement le 9 octobre 2015, STEF-TFE renonce définitivement à la SNCM :
Baja Ferries, le groupe Rocca, Corsica Maritima et Ferries de France alors encore en course ! 
Détail du Méditerranée, à Bastia, en août 2014 ; photo : Romain Roussel
Le ferry Méditerranée desservira-t-il exclusivement les lignes Marseille-Maghreb en 2016 comme ce fut déjà le cas en 2015 ?


Alors que le groupe Corsica Maritima voit s'accumuler les nouveaux soutiens (après le président de Brittany Ferries, la Fédération corse de l'hôtellerie de plein air ou encore son nouvel associé Stéphane Baudry, qui dirige l'entreprise de transport Ciblex Express) et multiplie les déclarations publiques pour promouvoir son offre et, qu'à l'inverse, deux des autres candidats à la reprise (Patrick Rocca et Christian Garin) se réservent pour l'audience décisive du tribunal de commerce de Marseille, qui devrait finalement avoir lieu le 4 novemlbre 2015, le groupe STEF-TFE a finalement décidé de jeter l'éponge le 9 octobre !


Comme cela pouvait être pressenti au vu de la composition du capital d'UniMed qui devait reprendre la partie Corse des activités de la SNCM dans le schéma porté par STEF, ce projet n'aurait pas, malgré les efforts déployés par le groupe frigorifique, reçu l'aval de la Commission de Bruxelles. Celle-ci n'aurait pas reconnu la discontinuité économique du schéma et réclamerait toujours le remboursement des 440 millions d'euros d'aides jugées illicites, ce qui le condamnait inexorablement. En outre, Le Marin rapporte que même l'Autorité de la concurrence française se serait montrée très réservée quant à ce schéma, son président Bruno Lasserre précisant dans un courrier en date du 24 septembre qu'elle pouvait "imposer des remèdes, voire interdire l'opération" si celle-ci portait "atteinte à la concurrence". Dès lors, les conditions de sécurité minimale de l'opération sur les plans juridique et financier n'étaient plus réunies pour STEF, qui dans un communiqué de presse en date du 9 octobre, indiquait que : "les demandes de l’
Autorité française de la concurrence et de la Commission européenne ne permettent pas en l’état à Stef de devenir l’actionnaire de référence de la future compagnie dédiée aux activités Corse et donc d’en garantir la pérennité " et ajoutait que dans ce contexte ils ne pouvaient "maintenir leur offre de reprise des activités Corse" de la SNCM. Ce retrait du groupe STEF de la partie Corse du projet de reprise de la SNCM condamnait par ricochet aussi le partenariat STEF-Baja Ferries dans lequel cette dernière compagnie prévoyait de reprendre les seules lignes du Maghreb de la SNCM, les deux offres ayant été présentées début septembre au tribunal de commerce comme "indissociables". Toutefois, Daniel Berrebi n'aurait pas renoncé à développer ses activités sur les lignes du Maghreb à l'aide des ferries Danielle Casanova et Méditerranée et aurait finalement remis une nouvelle offre en solo pour la reprise de l'ensemble des dessertes de la Corse et du Maghreb de la SNCM, sachant que sur la Corse, La Méridionale lui subdéléguerait, précise-t-il, l'actuelle fraction du service public de la SNCM ! Il a pour ce faire demandé et obtenu un "nouveau et bref délai d'amélioration des offres" pour la finaliser. Selon Corse Matin du 28 octobre 2015, il reprendrait au total finalement non plus 750 mais 852 salariés en CDI, maintiendrait le pavillon français sur l'ensemble des lignes, reprendrait les acquis sociaux et débourserait au total 15,2 millions d'euros dans l'opération de reprise. En sus de la trésorerie de Baja Ferries (29 millions d'euros), le financement de l'opération reposerait sur des ressources additionnelles de 50 millions de dollars (soit environ 44 millions d'euros) obtenues "auprès de financeurs externes" non précisés, rapporte Le Marin. Le principal atout de Daniel Berrebi par rapport à ses concurrents est, annonce-t-il, son expérience d'armateur.

À ce stade de la procédure et à quelques jours de l'audience - en théorie - décisive du tribunal de commerce de Marseille du 4 novembre, le groupe Rocca, est d'après le rapport des administrateurs judiciaires, la seule offre qui ne séparerait pas la SNCM et ses salariés entre diverses sociétés, ce à quoi pourraient être sensibles les syndicats de la SNCM (à l'inverse par exemple de l'offre de Baja Ferries dans laquelle chaque navire serait porté par une société distincte). L'atout principal de Corsica Maritima, qui ne cesse d'affirmer qu'elle se lancera coûte que coûte (au besoin avec deux cargos affrétés si son offre n'est pas retenue), serait le plus grand soutien d'un nombre croissant d'entrepreneurs corses et de la population corse (comme l'a confirmé un sondage publié par Corse Matin le 24 octobre, qui place les deux offres corses loin devant les autres). Corsica Maritima ferait dès lors figure de challenger très sérieux. Selon le site WK-Transport-Logistique, le consortium Corsica Maritima-CM Holding aurait encore précisé les contours de son offre début octobre : selon son nouvel associé Stéphane Baudry, celle-ci consisterait à rapatrier de Toulon à Marseille les 180 000 tonnes de fret jusqu'ici transportées par ses entrepreneurs-actionnaires sur les navires de la Corsica Ferries et à générer 200 000 mètres de fret supplémentaires pour Corsica Maritima, sans doute en grignotant une partie du trafic actuel de La Méridionale ! Stéphane Baudry plaide également pour une révision complète du cahier des charges de la future DSP Marseille-Corse, un renforcement des obligations de service public (vraisemblablement pour assurer une protection suffisante aux armateurs présents à l'année sur les lignes de Corse), la levée de la condition relative à l'âge des navires (actuellement, 25 ans maximum en début de convention). En outre, il serait prêt à négocier une nette diminution des subventions annuelles par rapport à celles perçues aujourd'hui par la SNCM (de 56 millions d'euros par an en moyenne sur l'horizon de la DSP, celles-ci pourraient passer à 30 millions annuels) en échange d'une diminution de la fréquence de desserte des ports secondaires de l'île (à ce jour, Ile Rousse et Porto Vecchio pour la SNCM, Propriano pour La Méridionale, chacun desservi trois fois par semaine) en moyenne et en haute saison. Pour autant, il n'aurait eu à ce stade "aucun contact formel avec les rédacteurs du cahier des charges de la DSP" rapporte WK Transport Logistique.


Le tribunal de commerce de Marseille a finalement tranché le 20 novembre 2015 en faveur de l'offre de reprise de Patrick Rocca ; le 4, le procureur, les juges commissaires et la représentante des AGS s'étaient prononcés en sa faveur 
Le départ du Corse de Bastia en juillet 2014 ; en arrière-plan, le Pascal Paoli (photo : Romain Roussel)
Le Corse, désarmé à Marseille depuis l'automne 2014, serait le seul navire de la SNCM à ne pas être repris par le nouveau propriétaire de la compagnie.



Les grandes lignes de la dernière mouture du rapport des administrateurs judiciaires de la SNCM ont été révélées par Corse Matin le 28 octobre 2015. Outre le nouveau cadrage de l'offre de Christian Garin présentée plus haut, le rapport des administrateurs ne proposerait plus désormais d'exclure aucune des quatre offres en présence compte tenu des améliorations apportées et ne permettrait plus de désigner de favori évident. Il soulignerait toutefois le fait que : "toutes les offres en présence continuent de présenter des défauts importants", parmi lesquels "la relative faiblesse des ressources financières dont ils peuvent justifier avec certitude, la séparation en sociétés diverses des salariés et des navires" dans trois cas sur quatre ainsi que "la faiblesse des prix de cession et bien sûr, plus fondamentalement, le volet social". C'est sans doute cette raison qui a amené la région PACA a écrire au tribunal de commerce de Marseille à la veille de l'audience du 28 octobre qui aurait dû être décisive, pour proposer que cette collectivité ainsi que d'autres (la Corse et d'autres non précisées) puissent entrer au capital de la SNCM auprès "d'un opérateur industriel sérieux" non nommé et sur le périmètre social et industriel le plus large possible. Cette proposition tardive, après près d'un an de procédure de redressement judiciaire et à deux mois d'élections régionales, a été diversement accueillie, notamment en Corse et aurait pu donner lieu à un report plus conséquent de l'audience décisionnelle du tribunal de commerce. Celle-ci n'a finalement été reportée une nouvelle fois que d'une semaine, du 28 octobre au 4 novembre 2015, en raison de la grève des barreaux français et le tribunal n'entendrait pas procéder à un nouveau report, d'après son président Gérard Richelme qui affirmait alors dans un entretien à La Provence du 29 octobre qu'il "ne recommencera pas".

De fait, les candidats ont bien été auditionnés le 4 novembre. Le procureur aurait émis de fortes réserves sur les propositions de Ferry de France (Christian Garin) qui comporterait trop de "zones d'ombre" et de Corsica Maritima, qui serait selon lui trop difficile à gérer avec 130 partenaires. Sa préférence allait vers la proposition de reprise de Patrick Rocca, selon lui "la plus sérieuse", proposition en faveur de laquelle s'étaient aussi prononcés les juges commissaires et la représentante des AGS, le régime de garantie des salaires. D'après WK Transport Logistique, cette proposition prévoierait notamment d'ouvrir 25% du capital de la future société, baptisée MCM, aux cadres de la SNCM, tandis que les salariés dans leur ensemble se verraient distribuer 10% des actions gratuitement. Le verdict du tribunal, souverain, est tombé le 20 novembre à 13h30 et a confirmé le choix de Patrick Rocca ; dans ce cas, la reprise de la compagnie devrait être effective au bout de 45 jours, soit au tout début 2016 !

En attendant cette date, les derniers jours de la SNCM devraient être mouvementés. Alors que Paul Giacobbi, le président du conseil exécutif de Corse, avait annoncé que le cahier des charges définitif de la future DSP ne serait pas être révélé avant le choix du repreneur (ses grandes lignes avaient déjà été approuvées par les élus il y a quelques mois), les syndicats de la compagnie avaient exigé des garanties supplémentaires sur son contenu. En particulier, Frédéric Alpozzo, représentant de la CGT à la SNCM, avait déclaré qu'il y a "le risque que la future délégation de service public soit différente ou qu'on en sorte" et avait menacé de nouvelles actions en cas de décision du tribunal qu'il juge prématurée en l'état du dossier : "si le tribunal choisit, alors on créera le conflit. Un repreneur, oui, mais on veut savoir où on va" déclarait-il à La Provence du 29 octobre...
De fait, l'intersyndicale de la SNCM a déposé et confirmé son préavis de grève de 24 heures reconductibles pour le 21 novembre 2015, lendemain du rendu de la décision du tribunal de commerce de Marseille

Par ailleurs, la Commission européenne travaillerait en partenariat avec les autorités françaises pour la rédaction de ce nouveau cahier des charges, ce qui pourrait expliquer que sa mouture définitive n'ait pas encore été dévoilée... celle-ci aurait dû l'être dès le 7 novembre 2015 si le projet avait été approuvé entre-temps en l'état par la Commission, avait annoncé Paul Giacobbi en marge des Assises de la mer, une réunion à Bruxelles à ce sujet s'étant déroulée le vendredi 6 novembre. Toutefois, si aucune annonce n'avait été faite alors à ce sujet, la Commission exigerait, selon France 3 Corse, outre une attribution ligne à ligne, une baisse des compensations financières versées aux compagnies délégataires (96 millions d'euros par an actuellement, bénéficiant pour environ 56 millions à la SNCM et 40 millions à La Méridionale). Concession à la Commission de Bruxelles, l'Office des transports de la Corse a ouvert une consultation publique jusqu'au 15 décembre 2015 où chacun peut s'exprimer sur les orientations souhaitables de la desserte maritime de la Corse et dans le cadre de laquelle les opérateurs maritimes peuvent faire des propositions quant à l'organisation de cette desserte. Posture ou réelle interrogation de fond, le rapport de l'OTC annonçant cette consultation évoque même ouvertement pour la première fois des pistes autres que la DSP, comme les obligations de service public généralisées, dans le cadre desquelles il pourrait soit ne pas y avoir de soutien financier, soit un soutien partagé au prorata du trafic des opérateurs présents sur ces lignes (les OSP généralisées pourraient ainsi en théorie se substituer à la DSP sur tout ou partie des lignes Marseille-Corse, même si l'actuel exécutif de Corse a déjà affirmé sa préférence pour une DSP similaire à la précédente). Le débat serait toutefois partiellement orienté, le rapport excluant d'emblée la suppression de la desserte des ports secondaires de Corse (Porto Vecchio, Ile Rousse et Propriano - dont le président de l'OTC est aussi le maire) au motif que cela créerait des difficultés de transport routier en Corse, en dépit du très faible volume de marchandises transportés sur ces ports (Ajaccio et Bastia concentrant à eux seuls 87% du fret de continuité territoriale, selon ce même rapport). Nul doute que les compagnies telles que la Corsica Ferries ou la Corsica Maritima, qui plaident pour une remise à plat des conditions de la desserte maritime de la Corse, se saisiront de cette tribune pour faire valoir leurs positions... 

L'avenir de la future MCM - qui pourrait devenir le nouveau nom de la SNCM version Rocca (plusieurs possibilités circulent MCM ou CMM pour Compagnie maritime méridionale - ou méditerranéenne - notamment, mais n'ont pas encore été confirmées par le nouveau repreneur) - demeure donc à construire dans un climat social tendu (583 salariés ne seraient pas repris sur les 1400 de la compagnie, en revanche l'actuelle équipe dirigeante d'Olivier Diehl resterait en place) et dans un contexte économique complexe. Prévoyant - au vu de la séance du tribunal de commerce de Marseille du 4 novembre 2015 qui lui avait été défavorable - qu'elle ne serait vraisemblablement pas désignée comme repreneur de la SNCM, la Corsica Maritima aurait d'ores et déjà pris des contacts avec le port de Toulon - et non pas de Marseille, comme initialement envisagé - en vue de desservir les ports Corses d'Ajaccio et de Bastia avec deux cargos - mixtes ou non - à compter de début 2016, rapporte WK Transport Logistique. La nouvelle compagnie et La Méridionale vont donc devoir affronter une concurrence accrue sur le fret dès début 2016 ; en outre, la concurrence se renforce aussi en matière de transport de passagers, la Moby Lines arrivant avec une ligne Nice-Bastia dès juin 2016 !  

La grève des navires de la SNCM, entamée dès le 20 novembre au soir (la veille du préavis), a finalement été levée le 3 décembre 2015. Le STC, qui avait rejoint en cours de route le mouvement de grève a été le premier à cesser le mouvement le 2 décembre au vu des importantes avancées obtenues : dès le 1er décembre, le plan social de la compagnie a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux (il prévoit comme prévu 583 suppressions de postes, des discussions seraient encore en cours pour éviter au maximum les licenciements, les personnels touchés devraient être fixés d'ici le 10 décembre) et la Commissaire européenne à la concurrence, Magrethe Vestager, a envoyé une lettre au Ministre français en charge des transports, Alain Vidalies, pour lui confirmer que la reprise avalisée par le tribunal de commerce de Marseille définit bien "les conditions permettant de constater une discontinuité économique entre la SNCM et le repreneur des actifs en cause", à savoir le groupe Rocca. Autrement dit, le repreneur n'aura pas à acquitter les 440 millions d'aides jugées trop perçues ni leurs intérêts. En outre, un accord pour la subdélégation de la DSP par La Méridionale à la future SNCM (condition sine qua nonpour que la nouvelle compagnie puisse percevoir des subventions pour le service assuré par ses 4 cargos mixtes entre Marseille et la Corse jusqu'a fin septembre 2016) a été trouvé le 2 décembre 2015 sous l'égide de l'Office des transports de la Corse ; la subdélégation prendrait effet dès le 5 janvier 2016. On ignore à ce stade si le contentieux entre les deux compagnies concernant le contrôle du système de réservation commun aux deux compagnies, actuellement - et historiquement - piloté par la SNCM mais revendiqué par La Méridionale aurait ou non été trouvé... Avant cette levée de grève, les marins CGT grévistes de la SNCM bloquaient à quai à Marseille depuis début décembre les navires Girolata et Kalliste de La Méridionale. Dans cette attente de la levée de ce blocage, le trafic de La Méridionale n'était plus assuré que par le Piana entre Bastia et Toulon-Brégaillon, comme illustré ci-dessous, afin d'éviter d'être bloqué à son tour. Par ailleurs, après le Sardinia Vera la semaine dernière, c'était désormais au tour des Mega Express Four et Mega Express Five de la Corsica Ferries d'effectuer des rotations supplémentaires pour absorber le trafic fret en souffrance (le trafic passagers de la Corsica Ferries a par ailleurs été normalement assuré sur l'ensemble de ses lignes). 

La Corsica Maritima, avait réuni le 1er décembre 2015 son conseil d'administration pour étudier l'opportunité de faire éventuellement appel du jugement du tribunal de commerce de Marseillequi l'a écartée de la reprise ; aucune déclaration n'avait été faite à l'issue de ce conseil. Finalement, on a appris le jeudi 10 décembre 2015 que la décision d'attribution de la SNCM au groupe Rocca avait bel et bien été contestée en justice. Il s'agirait d'une procédure judiciaire dite de "tierce opposition" (qui ne peut être déposée directement par l'un des candidats malheureux à la reprise mais par un tiers intéressé, comme par exemple un transporteur routier concurrent qui s'estimerait lésé dans son activité par la reprise de la compagnie par le groupe Rocca). Le tribunal de commerce de Marseille devait statuer sur la recevabilité de ce recours le 17 décembre mais a finalement repoussé son audience au 19 janvier prochain ce qui laisse au groupe Rocca le temps de reprendre la SNCM (le recours n'étant pas suspensif, la nouvelle SNCM devant être effective dès le 5 janvier 2016) ; s'il juge cette requête recevable, le feuilleton judiciaire de reprise de la SNCM pourrait donc ne pas s'achever comme prévu début janvier 2016...

Suite à l'article :
- Acte VI : depuis janvier 2016, des débuts difficiles pour Maritima Ferries (MCM, ex-SNCM) sur fond de blocages, de concurrence contestée d'une nouvelle compagnie,
la Corsica Linea, et de redéfinition annoncée du service public maritime de la Corse -



Port du Bregaillon, le 1er décembre 2015 ; photo : Jean-Pierre Fabre
Dérouté sur Toulon pour échapper au blocage subis par les deux autres navires de La Méridionale, le Piana a accosté début décembre au port de Brégaillon, à proximité de l'Un Marmara qui relie le port varois à la Turquie ; photo : Jean-Pierre Fabre.





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