Mare Nostrum Corsica 
- L'ex-SNCM en pleine tempête... - 

Acte VI : janvier-mars 2016, des débuts difficiles pour Maritima Ferries (MCM, ex-SNCM) sur fond de blocages, de concurrence contestée d'une nouvelle compagnie, la Corsica Linea et de redéfinition annoncée du service public maritime de la Corse...
Sortie du Méditerranée de Marseille, archives de Jean-Pierre Fabre.

La tension est montée tant à Marseille (photo : archive de Jean-Pierre Fabre illustrant la sortie du Méditerranée) qu'en Corse suite à l'ouverture (contrecarrée) d'une ligne concurrente de la MCM le jour même de la reprise de la compagnie par le groupe Rocca, le 5 janvier 2016.

 Suite de l'article thématique dont la partie précédente est consultable ici : 
- Acte V : juin-décembre 2015,STEF-TFE déjà propriétaire de La Méridionale, entre en lice associé à Baja Ferries, mais finit par se retirer !
La SNCM est finalement attribuée à Patrick Rocca
le 20 novembre et pourrait devenir la MCM !



Corsica Linea : projet porteur d'avenir, revanche des perdants à la reprise de la SNCM ou provocation visant à "couler" la MCM ?

Du 4 janvier au 4 mars 2016, la nouvelle compagnie et La Méridionale ont été concurrencées sur l'axe Marseille-Bastia par un nouvel entrant, Corsica Linea, duo formé des "perdants" de la reprise de la SNCM : Baja Ferries et Corsica Maritima ! En réaction à l'activation annoncée de cette nouvelle ligne concurrente - sous pavillon international danois - l'intersyndicale de l'ex-SNCM a, dans un premier temps, écrit un courrier au préfet de PACA pour dénoncer cette situation. Celle-ci est considéré comme une pure provocation par les personnels de l'ex-SNCM qui vient de connaître un plan social réduisant ses effectifs de plus de 600 salariés et ce, d'autant plus que la ligne concurrente Marseille-Bastia devait être initiée le jour-même de la reprise de l'ex-SNCM par le groupe Rocca ! À l'inverse, les représentants de
Baja Ferries et Corsica Maritima considèrent que leur société, Corsica Linea, fait la démonstration que le trafic marchandises peut fonctionner sans subvention entre Marseille et les ports principaux de l'île (Bastia et Ajaccio) - ce qui n'est pas neutre alors que s'ouvrent les réflexions pour une redéfinition du service public maritime de l'île (voir article dédié). Ils s'étaient engagé en outre à n'embaucher dnas un proche avenir que des personnels résidant en Corse. La CGT des marins de Marseille avait appelé, le 30 décembre 2015, les équipages de La Méridionale et de l'ex-SNCM à cesser le travail pour 24 heures reconductibles depuis le 5 janvier 2016, pour protester notamment contre cette nouvelle concurrence ; cette grève a été reconduite depuis de jour en jour et s'est poursuivie jusqu'au 11 janvier 2016. À noter que MCM est le nom administratif de la nouvelle structure juridique qui a succédé à la SNCM suite à sa reprise par le groupe Rocca, mais son nom commercial, révélé le 21 janvier 2016 est Maritima Ferries.

De fait, le premier accostage du Stena Carrier de Corsica Linea, initialement prévu à 6h du matin à Marseille le 5 janvier 2016 en provenance de Bastia (et chargé d'une quarantaine de remorques de denrées périssables) n'a pu avoir lieu avant le 11 janvier en soirée en raison d'un blocage du port phocéen par les personnels de l'ex-SNCM. Ce blocage a suscité de vives réactions sur l'île, Corsica Linea ayant porté plusieurs plaintes : la première d'entre elles a été jugée en référé le vendredi 8 janvier et la CGT de l'ex-SNCM, condamnée à payer 30 000 euros par tentative d'empêchement d'accoster a finalement appelé à la levée du blocage, mais le première escale du navire a encore été retardée de quelques jours à Marseille du fait d'actions individuelles de marins de l'ex-SNCM qui l'ont empêché à plusieurs reprises d'accoster avec des chaloupes du Danielle Casanova... Pour tenter de sortir de cette situation de blocage, l'Office des transports de la Corse avait organisé samedi 9 janvier une table ronde réunissant la MCM ainsi que les partenaires sociaux ; cette réunion devait jeter les bases d'une nouvelle forme de coopération, voire d'une future compagnie régionale corse et mettre fin aux conflits en cours. Malheureusement, si l'activation d'un service minimum - prévu par contrat dans l'actuelle DSP - a pu être décidé samedi (le Jean Nicoli de la MCM devant opérer sur Marseille-Ajaccio et le Girolata de La Méridionale sur Marseille-Bastia), les choses ont été plus compliquées
en pratique... Faute de déblocage immédiat du Stena Carrier, Corsica Linea et ses actionnaires, qui avaient appelé à manifester à Ajaccio devant la préfecture ce même jour en signe de protestation, ont bloqué le départ du Jean Nicoli à Ajaccio samedi 9 ; quant au Girolata, son accostage à Bastia le 10 au matin a été retardé de quelques heures et son appareillage n'a pu avoir lieu comme prévu le 10 au soir ! Exaspérés, les transporteurs corses membres du consortium ont donc mis en action leurs menaces d'opérations "coup de poing" dans l'île et ont assumé à leur tour ce blocage des navires de la MCM et de La Méridionale au motif que la situation n'était pas revenue à la normale à Marseille... En réponse Patrick Rocca a, à son tour, porté plainte contre Corsica Linea pour dénoncer le blocage du Jean Nicoli. Une cellule de crise a été ouverte à la préfecture d'Ajaccio samedi 9 janvier au soir et l'ensemble des navires ont finalement été débloqués le 11 janvier 2016 au soir, date à laquelle la grève à la SNCM et à La Méridionale a finalement été levée.

La situation a donc été bloquée pendant près d'une semaine pour le transport du fret qui n'était plus assuré - de même que le trafic passagers de la Corse - qu'épisodiquement par La Méridionale (sous un format réduit au départ de Marseille lorsque ses navires n'étaient pas bloqués) et par la Corsica Ferries au départ de Toulon, Nice et des ports italiens de Savona et Livorno. De fait, à la demande des transporteurs corses, la Corsica Ferries a doublé ses rotations entre Toulon et Bastia en Mega Express du11 au 13 janvier 2016 afin d'écluser le stock de remorques en souffrance.

 


Une période troublée qui précède la redéfinition du service public maritime de l'île devant entrer en vigueur à l'automne 2016 et qui annoncerait la création d'une compagnie régionale Corse issue d'une possible fusion des différents opérateurs
L'entrée du Corse à Bastia en août 2014 ; photo : Romain Roussel.
La Corse, seul navire de l'ex-SNCM non repris par la MCM n'a plus navigué depuis la saison 2014 et devrait être vendu. 


La grève à la MCM avait initialement aussi été décidée en protestation contre la non signature de la convention de subdélégation de la DSP par La Méridionale, pourtant convenue dès le 3 décembre 2015 (la SNCM ayant été liquidée, la DSP revient par contrat en totalité à La Méridionale, qui ne possède que 3 des 7 navires nécessaires à la desserte totale de l'île et doit donc rétrocéder à un partenaire la desserte à assurer par les 4 autres navires jusqu'à la fin de la DSP en octobre 2016). Rappelée à l'ordre et menacée de poursuites par le nouveau Conseil exécutif de Corse dans un courrier rendu public le 31 décembre 2015, La Méridionale a finalement signé le 7 janvier 2016 la convention avec la nouvelle SNCM... Des échanges ont eu lieu à ce sujet entre d'une part Jean-Félix Acquaviva, jusqu'ici maire de Lozzi, qui a succédé à Paul-Marie Bartoli à la tête de l'Office des transports de la Corse (OTC) et la Commission européenne d'autre part, qui aurait demandé notamment une baisse des subventions par rapport aux montants accordés jusqu'ici sur les lignes Marseille-Corse. Dans une interview à Corse Net Infos du 7 janvier, le nouveau président de l'OTC précisait déjà qu'une fois signé, le contrat de subdélégation déciderait des sommes qui seront allouées à chacun des délégataires pour la période transitoire qui prend le relai de la DSP en vigueur jusqu'ici pour la période allant jusqu'au printemps 2017. Ce contrat transitoire et celui de subdélégation doivent, d'après Jean-Felix Acquaviva, être blindés "réglementairement, juridiquement et financièrement". Cela implique précise-t-il de donner des gages en termes de discontinuité (de fait, hors effet de la grève, la MCM n'était censée débuter son activité que 3 jours après la cessation des rotations de la SNCM), mais aussi, plus étonnant, cela pourrait - sous réserve de confirmation - se traduire par des changements de lignes entre délégataires (il évoque l'exemple dans lequel La Méridionale se substituerait à la MCM sur Marseille-Porto Vecchio tandis qu'on observerait le mouvement inverse sur Marseille-Propriano). Enfin, le gage principal porte sur le montant de la compensation financière à accorder aux compgnie délégataires du service public, sensiblement revue à la baisse : le président de l'OTC évoque une économie possible à négocier de "20 à 30 millions d'euros sur les neuf prochains mois", à comparer à une dépense moyenne de 96 millions d'euros annuels pour la DSP jusqu'alors en vigueur. De fait, l'économie votée fin février par l'Assemblée de Corse atteindrait 26 millions d'euros pour l'année 2016 (voir article dédié). Elle se justifie notamment par le fait que "le groupe Rocca ayant repris la SNCM avec moins de salariés, les charges d'exploitation de la MCM ont forcément baissé" et par la chute des cours des combustibles, le cours du baril de pétrole ayant été divisé par trois en deux ans (des contentieux sont toujours en cours avec les compagnies délégataires sur ce sujet de la prise en compte des coûts du combustible).

Quant au contenu de la future DSP qui entrera en vigueur à compter du printemps 2017, celui-ci devrait être débattu courant 2016 par la nouvelle Assemblée de Corse tout juste élue et dont Jean-Félix Acquaviva mène les travaux préparatoires. Les indications qu'il a communiqué à Corse Net Infos montrent que les options semblent à ce stade assez ouvertes : il y aurait selon lui des "choix à faire sur la construction des futures DSP et OSP, sur le maintien ou non d’une DSP exclusive sur les ports principaux plus rentables ou sur son affectation uniquement aux ports secondaires, sur le choix d’offres ligne par ligne ou d’offres groupées, sur les objectifs de renouvellement de la flotte, sur la tarification…" ; il souhaite "changer de système, revenir sur des fondamentaux et remettre, au cœur du futur contrat, la question des résidents et des entreprises corses".

C'est là que la sujet du conflit actuel sur les ports de Marseille et de Corse rejoint celui de la desserte future de service public de l'île. En effet, toujours selon Jean-Felix Acquaviva, qui appelle à l'apaisement, "le duopole Corsica Maritima / MCM sur les mêmes lignes, dans le système actuel, risque d’être mortifère pour l’une ou l’autre des parties ou pour le système dans son ensemble". Aussi appelle-t-il à "définir une trajectoire politique, juridique, économique et financière pour créer, en fédérant les deux initiatives de Corsica Maritima et du groupe Rocca, un outil commun, à savoir la compagnie corse, à travers un partenariat public/privé" et il ajoute que la Collectivité territoriale de Corse "doit en être partie prenante, à la fois dans la société d'investissmeent et dans la société d'exploitation", allant de ce fait plus loin que dans le projet mené par la précédente mandature, qui avait été présenté à l'initiative de Paul Giacobbi et rejeté par la précédente Assemblée de l'île. Aussi, si les discussions amorcées lors de la table ronde du 9 janvier 2016 aboutissent, pourrait-on assister dans les prochains mois à une rationalisation de la desserte de l'île et à moins de concurrence frontale sur le marché du fret entre Marseille et la Corse. Cette réorganisation pourrait amener à moyen terme à la création d'une compagnie régionale Corse, appelée de longue date de leurs voeux par les partis nationalistes corses et par le syndicat des travailleurs corses (le STC, qui prône quant à lui l'option d'une compagnie publique régionale). Cette création devra néanmoins se faire, rappelle Jean-Felix Acquaviva, dans le respect des "règles de la concurrence avec les autres opérateurs qui resteront sur le marché, comme la CMN et Corsica Ferries". La place de ces deux compagnies sera donc sans doute aussi l'objet de débat : La Méridionale pourrait-elle intégrer elle aussi la future entité corse (en 2006, dans un autre contexte, son PDG avait proposé une entrée de la Collectivité de Corse à son capital) ou resterait-elle indépendante ? Les projets de développement de la Corsica Ferries (qui aurait indiqué pouvoir assurer la desserte passagers des ports secondaires de l'île dans le cadre de la consultation publique de décembre 2015, rapporte Le Marin, et qui ambitionnerait aussi de développer ses lignes entre Corse et Sardaigne) seront-ils compatibles avec les nouvelles orientations des élus insulaires en termes de desserte ? Dans un communiqué en date du 9 janvier 2016, la Collectivité territoriale de Corse appellait en effet, outre à la levée du blocus de la Corsica Linea et à la mise en place d'un service minimum à la MCM et à La Méridionale, à "l'émergence d'une politique de continuité territoriale européenne". Celle-ci pourrait passer par la création de lignes "avec notamment la Sardaigne et la Toscane" afin d'y déployer d'ici fin 2017 "notre nouvelle compagnie" précise Jean-Felix Acquaviva dans le cadre d'un groupement européen transfrontalier (GET), groupement dont l'articulation avec le réseau de lignes de la Corsica Ferries demeure à clarifier.




Un projet d'absorption de Maritima Ferries (MCM) par Corsica Linea pour constituer le noyau de la future compagnie régionale Corse...
Le départ du Danielle Casanova de Bastia en juillet 2015 ; photo : Romain Roussel
La nouvelle SNCM, Maritima Ferries (MCM) pourrait fusionner avec Corsica Linea, voire même être intrégrée à une nouvelle compagnie régionale Corse comprenant aussi La Méridionale d'ici l'été 2016

Une première table ronde associant notamment, outre la MCM et Corsica Linea, les membres de l'intersyndicale du port de Marseille, s'est tenue à Ajaccio le 13 janvier 2016 à l'initiative de la Collectivité territoriale de Corse afin d'initier les discussions sur ces sujets. Le 25 janvier 2016, on a appris qu'un protocole d'accord avalisant le principe de la création d'une compagnie maritime régionale corse avait été signé sous l'égide de la Collectivité territoriale de Corse entre les représentants de la Corsica Linea, de La Méridionale et deux syndicats (la CFDT Corsica et le STC) ; en revanche Maritima Ferries et la CGT ne seraient pas pour l'heure signataires. La CTC détiendrait au moins 51% du capital de la compagnie régionale envisagée et le pavillon devrait être français de premier registre pour la future compagnie d'exploitation ; par ailleurs, la mise en oeuvre d'un pavillon spécifique corse sera mise à l'étude.

Nouveau rebondissement, lors d'un comité d'entreprise extraordinaire de Maritima Ferries, déjà en difficulté financière suite à la nouvelle concurrence à laquelle elle doit faire face depuis son inauguration, Patrick Rocca a soumis le 27 janvier 2016 un projet de rapprochement avec Corsica Linea dont le contenu précis n'a pas été alors révélé. Dans un communiqué commun de Maritima Ferries et Corsica Maritima daté du même jour, les deux compagnies déclarent souhaiter ainsi "construire une grande compagnie maritime en Méditerranée". Les "deux enjeux majeurs" ainsi identifiés par les deux parties sont "d'assurer la pérennité de la compagnie et des 900 emplois sauvés, dans un contexte de baisse des subventions publiques" et de "répondre aux aspirations de la Collectivité territoriale de Corse, qui a lancé la réflexion sur l'avenir des dessertes maritimes entre la Corse et le continent". Pour être valide, ce projet devra toutefois être validé par le tribunal de commerce de Marseille, en charge du dossier de reprise de l'ex-SNCM. La nouvelle compagnie issue de ce rapprochement qui pourrait naître d'ici l'été prochain aurait vocation à assurer à la fois les liaisons entre Marseille, la Corse, l'Algérie et la Tunisie ; si elle devait se concrétiser rapidement, cela pourrait remettre en cause les mises en service par Corsica Linea de navires concurrents à ceux de Maritima Ferries.

D'après le journal Le Marin, il était initialement envisagé que le rapprochement des deux compagnies se fasse en deux temps : tout d'abord la cession de 49% des parts de Maritima Ferries à Corsica Linea, ce qui permettrait de respecter les engagements pris par Patrick Rocca auprès du tribunal de commerce de Marseille lors de la reprise de la SNCM. Puis, dans un deuxième temps, le consortium Corsica Maritima deviendrait alors majoritaire au sein de la nouvelle SNCM et le groupe Rocca un
actionnaire parmi d'autres de la compagnie. Cela pourrait poser toutefois des problèmes d'ordre juridique mais pourrait expliquer que suite à leurs arrêts techniques, les Monte d'Oro et Méditerranée n'arborent à ce jour qu'une livrée blanche et pas encore les nouvelles couleurs de Maritima Ferries : celles-ci pourraient en effet disparaître dans les prochains mois au profit de celles (rouges ?) de Corsica Linea !

Il semble désormais possible que dans le cadre de ce rapprochement, Daniel Berrebi soit finalement chargé du développement des lignes du Maghreb de la nouvelle entité, mais on ignore encore ce qu'il devrait advenir à moyen terme des nouveaux fréteurs purs Corsica Linea Unu et Corsica Linea Dui (voir page des 
navires) qui pourraient devenir surnuméraires, à moins qu'ils ne correspondent aux nouvelles caractéristiques de la délégation de service public des ports secondaires de Corse qui devraient être révélées et votées par l'Assemblée de Corse en mars prochain... La ligne Marseille-Ajaccio n'a finalement pas été ouverte par Corsica Linea début février comme prévu initialement. C'est finalement le Corsica Linea Dui, plus rapide et plus moderne que le Corsica Linea Unu et initialement prévu pour la ligne d'Ajaccio, qui a pris le relai du Stena Carrier sur Marseille-Bastia le 12 février 2016... Ces substitutions de navires sont intervenues dans un climat de nouveau très tendu : les Pascal Paoli et Jean Nicoli ont été bloqués par des marins STC inquiets de MCM-Maritima Ferries à Bastia et à Ajaccio, respectivement du 11 et du 12 jusqu'au 13 février (le blocage a été levé suite à des garanties obtenues quant à la création d'une compagnie régionale), tandis que le débarquement du Corsica Linea Dui de Corsica Linea a été retardé de plusieurs heures lors de sa première escale bastiaise le 13 février (le navire a remplacé le Stena Carrier, rendu à son propriétaire, le groupe suédois Stena Line). Quoi qu'il en soit, le rapprochement éventuel de ces compagnies et les discussions en vue de définir le périmètre de la nouvelle DSP Marseille-Corse se feront en tout état de cause sous l'oeil attentif de la Commission européenne, qui a déjà rappelé à l'ordre la MCM pour l'utilisation de l'ex-site internet de la SNCM et de son réseau d'agences ce qui aurait nui à la "discontinuité" (de fait le site SNCM est désormais désactivé depuis ce rappel à l'ordre et il renvoie au nouveau site de Maritima Ferries ainsi qu'à ceux de ses concurrents !). 



...qui devra recevoir l'aval de la justice, tandis que le tribunal de commerce de Marseille a contraint la Corsica Linea à cesser immédiatement de concurrencer Maritima Ferries (MCM, ex-SNCM) depuis le 1er mars 2016 !
Le Monte d'Oro de l'ex-SNCM à Toulon, en octobre 2014 ; photo : Jean-Pierre Fabre.
Avec la décision de justice rendue le 1er mars 2016, les cargos mixtes de La Méridionale et de l'ex-SNCM (ici, le Monte d'Oro sur cette photo de Jean-Pierre Fabre d'octobre 2014) sont de nouveau seuls sur les lignes Marseille-Corse. Corsica Linea a fait de la résistance pendant 3 jours mais a finalement passé des accords avec l
e STC marins le 3 mars 2016 et avec la MCM le 4 mars au sujet de son périmètre d'activité !


Ces projets de rapprochement ont toutefois recontré plusieurs osbtacles. Ceux-ci ne sont finalement pas du fait du groupe Rocca :
les administrateurs judiciaires de la SNCM avaient assigné Patrick Rocca en justice, car son groupe ne s'était pas encore porté acquéreur des navires de l'ex-SNCM ; c'est finalement le cas depuis le 16 février a-t-on appris le 18 ; ce point de contestation d'un éventuel rapprochement en lien avec la question de la propriété des navires a donc été levé. En revanche, les candidats malheureux à la reprise de la SNCM, dont Corsica Maritima, s'étaient engagés par écrit, en novembre 2014, c'est-à-dire quelques semaines après la mise de la compagnie en liquidation judiciaire, à ne pas faire concurrence à la nouvelle compagnie dans les 6 mois suivant sa reprise. Or, la Corsica Linea, associant Corsica Maritima et Baja Ferries, a lancé sa ligne fret Marseille-Bastia le jour même du lancement de la nouvelle MCM-Maritima Ferries ! Aussi, les administrateurs judiciaires de la SNCM et le comité d'entreprise de la MCM ont-ils demandé des comptes à Corsica Linea : l'affaire a été jugée le 18 février 2016 et le verdict finalement rendu le 1er mars 2016 : il condamne la Corsica Linea à cesser immédiatement toute concurrence avec la MCM, sous peine d'une astreinte de 150 000 euros par traversée ! Pour cette même raison, Corsica Linea ne peut non plus lancer de nouvelle ligne entre Marseille et Ajaccio, comme envisagé initialement.

De fait, le Corsica Linea Dui a quand même continué ses rotations pendant 3 jours en dépit de cette injonction : il a quitté le port de Bastia le
1er mars 2016 au soir pour Marseille avec son chargement de remorques initialement prévu et a poursuivi ses liaisons jusqu'au 4 mars au matin ! Toutefois, suite à un accord trouvé avec Patrick Rocca, son service est suspendu, au moins temporairement. Corsica Lineane pourrait en théorie réactiver son service qu'à partir du 20 mai 2016 (date de l'extinction de la clause de non concurrence de 6 mois) ; en tout état de cause, la compagnie a fait appel de cette décision, même si cet appel n'est pas suspensif... En effet, Corsica Linea estime notamment, selon son avocat Maurice Lantourne interviewé par Alta Frequenza, que "la clause qui nous est opposée est illégale" et que "on ne peut pas interdire à un repreneur d'exercer une concurrence", clause qui serait d'autant plus injuste qu'elle n'aurait en fait pas été signée selon lui par les autres candidats à la reprise de la SNCM... On ignore en revanche si le comité d'entreprise de l'ex-SNCM demandera ou pas réparation pour le préjudice commercial subi depuis début janvier (en janvier, l'ex-SNCM a perdu 37% de son trafic fret sur Marseille-Corse - du fait de cette concurrence et d'une grève - et La Méridionale, 10%, selon l'ORTC), compte tenu de la poursuite des tractations quant au rapprochement des deux compagnies !

Officiellement, la récente décision judiciaire ne compromettrait pas la tentative de rapprochement en cours entre les deux armateurs rivaux, aux dires même de Patrick Rocca
qui a déclaré, suite au jugement du 1er mars, dans un message adressé aux salariés de la MCM, que cette décision judiciaire "s'inscrit néanmoins dans le respect de la procédure décidée au tribunal de commerce, conforte le processus en cours et permettra au rapprochement, lorsque celui-ci pourra être validé, de s'opérer sur des bases clarifiées"... cela pourrait-il signifier qu'il ne cèdera finalement peut-être pas l'intégralité de la MCM au consortium Corsica Maritima ? Pour mémoire, quelques jours plus tôt, le 17 février 2016, le conseil d'administration de la MCM-Maritima Ferries avait examiné le projet d'une cession totale des parts de la société à sa concurrente Corsica Maritima, qui aurait alors pris le contrôle de la MCM dans ce schéma. Il serait aussi envisagé que la marque Maritima Ferries disparaisse des navires de l'ex-SNCM (que la Collectivité de Corse souhaite récupérer au titre des "biens de retour", ceux-ci ayant été financés par les subventions de la SNCM au fil des années) au profit de Corsica Linea et que son siège soit transféré de Marseille à Ajaccio. Toutefois, le procureur du tribunal de commerce de Marseille, qui n'a pas encore été officiellement saisi de ce projet de recomposition du capital, a d'ores et déjà déclaré qu'il s'opposerait à la fois à la prise de contrôle de la MCM par Corsica Maritima et au transfert du siège de la compagnie de Marseille à Ajaccio (car ces deux actes remettraient en cause la décision de justice rendue en novembre 2015 et remettraient en cause la crédibilité du tribunal). Le transfert du siège social de la future entité à Ajaccio, tel que souhaité par Corsica Linea, pourrait toutefois ne pas s'accompagner d'un transfert des services administratifs de la compagnie, sans doute dans un souci d'apaisement avec les personnels actuellement employés à Marseille. Se plaçant dans l'hypothèse où ce schéma de rapprochement serait finalement validé, le groupe Rocca a d'ores et déjà obtenu en contrepartie le fait d'intégrer le consortium Corsica Maritima, dont il est devenu actionnaire le 25 février 2016 au même titre que les 14 autres principaux actionnaires de Corsica Linea (qui détiennent au total 90% des parts de Corsica Linea, les 10% restants se répartissant entre 130 actionnaires minoritaires)...

Outre l'aval - très hypothétique - de la justice sur cette fusion, restent aussi à lever de nombreuses clauses suspensives, ce qui supposerait notamment d'obtenir l'accord de la Commission européenne et de l'autorité de la concurrence (qui ne s'y opposeraient pas à ce stade, même si Bruxelles pourrait par ailleurs exiger une inversion de la répartition des opérateurs
de la DSP entre La Méridionale et la MCM sur les ports de Propriano et de Porto Vecchio pour valider définitivement la discontinuité à l'ex-SNCM) mais aussi des salariés (ce qui semble plus mal engagé, l'intersyndicale, hormis le STC, semblant à ce stade hostile à ce rapprochement, en raison notamment de nouvelles craintes pour l'emploi qu'il suscite). Enfin, dernier obstacle au cas où ce rapprochement serait malgré tout conclu, l'armateur grec Arista (qui avait déposé une offre de reprise en association avec Christian Garin) aurait demandé à être de nouveau entendu par le tribunal de commerce de Marseille, considérant que le plan de reprise par le groupe Rocca aurait été dévoyé et estimant pouvoir en prendre le relai en rachetant 100% des parts de la MCM !

Tous ces rebondissements interviennent alors que la Collectivité territoriale de Corse encourage toujours activement la constitution d'un groupe insulaire issu du rapprochement des différents acteurs du fret insulaire et dans lequel la CTC serait l'actionnaire majoritaire. Un nouveau pas dans le sens d'un apaisement des tensions entre les compagnies MCM et Corsica Linea a en tout cas été franchi le 3 mars 2016, avec l'accord passé par le STC marins avec Corsica Linea, qui prévoit "de définir un périmètre d'activité concernant l'exploitation du navire Corsica Linea Dui dans un cadre d'intérêt collectif". Cet accord, présenté en détail à la presse le 4 mars, prévoit un redéploiement de ce navire dans un premier temps en renfort sur les lignes du Maghreb à la place de la ligne Marseille-Bastia "une fois la fusion intervenue entre MCM et Corsica Maritima". Ce navire serait alors "adjoint à la flotte déjà constituée et naviguant ce jour sous les couleurs de MCM", ce qui ne permet pas de conclure à ce stade que la marque MCM-Maritima Ferries disparaîtrait en cas de rapprochement des deux opérateurs. Dans un second temps, le Corsica Linea Dui" pourra être redéployé vers toute autre nouvelle ligne hors DSP historique, notamment dans l'arc de la Méditerranée occidentale au départ de la Corse"
précise Le Marin, qui s'est procuré le texte de l'accord. De fait, ce cargo a été affrété par la compagnie tunisienne de navigation et dessert pour l'heure la Tunisie au départ de Marseille. Une incertitude resterait encore à lever quant à son futur pavillon, l'accord prévoyant que le navire naviguerait "sous pavillon français premier registre" si la francisation du pavillon est possible, et sinon, "conformément aux critères standards existants en la matière au sein de MCM", ce qui laisse une marge d'interprétation possible...




Le même Monte d'Oro que sur la photo précédente mais dans une livrée devenue anonyme (photo prise par Jean-Pierre Fabre à l'Ile Rousse, en avril 2016).
Le navire ne revêtira la livrée Corsica Linea qu'après la saison estivale 2016.


La suite de l'article thématique est consultable ici : 
- Acte VII : depuis avril 2016, la MCM (ex-SNCM) vire au rouge et passe sous le contrôle de Corsica Linea !


 Les photos présentées sur cette page sont la propriété de leur auteur (Romain Roussel) et ne sont pas libres de droits
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