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Sans voix après la mort d'Eugène Mona" Mona, c'était le jouet personnel de chaque Martiniquais, personne ne pensait qu'on pouvait le perdre ". (Pierre-Louis Michalon, ami et musicien d'Eugène Mona) Le samedi 21 septembre 1991, à l'âge de 48 ans disparaissait brutalement, Eugène Mona. La Martinique semblait ce jour-là, avoir perdu la voix. Né Georges Nilécam, " le chanteur aux pieds nus ", " l'homme à la flûte de bambou ", est sans doute, l'artiste qui, en cette fin de siècle a le plus imprégné le peuple martiniquais. Pierre-Louis Michalon, 47 ans, un des ses amis de jeunesse, qui l'a accompagné pendant toute sa carrière, comme choriste et joueur de Tanbou di bass, nous livre quelques témoignages sur la puissance artistique et physique de celui que l'on surnommait dans sa jeunesse au Marigot " Solo > , " bilo " ou encore " De Gaulle ". " I TOUJOU TE KA MACHE EPI AN TOUTOUNE BANBOU > " La première fois que je l'ai vu, c'était près du cinéma Rex au Marigot. Les jeunes s'y rassemblaient. Je savais qu'il travaillait chez un béké comme apprenti ébéniste. A l'époque j'avais un " Solex ". Je l'ai abordé en lui demandant : " Ou sé jan koté ? " Il m'a répondu ." Man sé jan tou patou.. "je lui ai payé un sandwich au saucisson et une carte de cinéma. A la MJC, nous avions un petit groupe de danses traditionnelles <, LesAlizés >, formé notamment de Marccau Chéry et Félix Fleury et que Mme Marie- Flore Renard dirigeait. Quand Mana est arrivé le premier jour, elle lui a demandé : " Qu'est-ce que tu sais faire ? >,. II n'a rien dit et puis, il s'est mis à chanter. Mme Renard était estomaquée. Elle lui a donné quelques cours et puis l'a adressé à Mme Aubéry pour des cours de flûte et de chant. Il avait toujours " un toutoune boubou , (flûte en bambou), avec lui. Quelque temps après, Mona avait laissé l'ébénisterie pour travailler sur l'habitation où il a découvert la souffrance et la misère de la banane. Il continuait à jouer avec des amis connue Mano Versin, Paul Rastocle, Jean Lauretta, Emilien Darsia... Alors que Marceau et moi, on préférait courir les filles, il m'arrêta un jour sur le terrain et Il me dit : " Frero, (il m'appelait par ce prénom) non ka joué Bammbou Hôtel samdi, fok zot là .' ". Le samedi nous partîmes du Marigot pour les Trois Ilets en Solex. C'est la première fois, que j'ai véritablement joué avec le groupe...
" C'est notre héritage "Agée de 38 ans, Julie a passé toute son enfance au Marigot, puis plusieurs années à Paris avant de revenir dans sa commune natale, se souvient de ce "mâl boug". Je devais avoir 10 ans quand je le vis la première fois chez mes parents. L'intonation de sa voix et son rire m'impressionnait Je les entendais .s'entraîner chez M. Lauretta, mais cela ne m'inspirait pas à grand-chose. J'ai été vraiment marquée par le chanteur quand j'ai été le voir bien plus tard dans une salle à Paris en juin 1983. J'étais fière et je ne pensais pas que le Marigot pouvait avoir un artiste de cette trempe. Après le spectacle j'ai été me faire reconnaître Il était dehors, en plein hiver avec une petite chemise en cocotiers… Je crois que sa mort a créé le vide. participé aux différentes commémorations et depuis 1996 nous travaillons au service culturel de la commune, au projet d'un mémorial et d'un festival de la flûte. Beaucoup ont dit qu'on ne l'avait pas assez reconnu de son vivant. Mais je crois que c'est à la postérité de donner toute sa dimension à un artiste. C'est à nous aujourd'hui de transmettre ce patrimoine et cet héritage. En ce sens, je ne me lasse pas d'écouter" Boï brilé tout y est". |
" UN ENVOYE DE DIEU " Je crois que Mona était un homme que Dieu a envoyé pour le peuple martiniquais. Beaucoup, ne comprenaient pas ses paroles et se contentaient de prendre la vibration. Aujourd'hui, ils retournent aux paroles. Au début Mona n'a jamais été un spirituel qui priait tout le temps. Moi, au contraire, je le traînais à la messe. Et puis à un moment, il s'est décidé à chercher si Dieu existe ? Il est passé par plusieurs expériences religieuses et au plus fort moment de sa popularité, il a choisi le rastafarisme. II en est revenu quand les gendarmes ont découvert 60 pieds de cannabis qu'on avait déposé devant chez lui. Il a été dégoûté par ce complot. Le lendemain, c'est moi qui lui ai rasé sa tête en lui disant : " Si ou rasta, Ce an têt ou sa yé, sé pa an locks ! " II est resté deux mois avec un bakoua vissé sur sa tête. " FOK OU RED EPI KO'W! " Rien ne lui faisait rien. Il est né avec tout son corps tanné. I1 prenait un tison avec sa main. A la montagne alors que j'avais un pull, il enlevait sa chemise pour chanter. Quand nous mangions un plat, il en prenait trois. Des fois, alors qu'il y avait des lits, il ouvrait une serviette sur le ciment et il se couchait. Au début du groupe, avant l'entraînement de musique, il nous faisait faire des tours de pistes sur le terrain de football. Quand on s'arrêtait, il continuait encore trois tours. Quand il voyait qu'on le regardait, il disait simplement : " FOK OU RED EPI KO'W! "
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