Lac via té pli red mé pli belIsmard Nilusmass a 80 ans. C'est au quartier Glotin au GrosMorne que nous l'avons rencontré. Marié en 1948, aujourd'hui veuf, il a eu 19 enfants avec sa femme. 16 sont vivants. Sur sa terrasse, l'homme jette un regard sur sa vie passée et s'inquiète de l'évolution de notre société "J'ai travaillé tant que je pouvais dans la canne, dans la banane. A l'usine Soudon, au Galion, à Tibault et dans diverses autres usines de la Martinique. Ma femme était revendeuse de légumes. Elle partait tous les matins 100 kg sur la tête. Nous avons trimé dur pour élever tous nos enfants. C'est comme si j'avais 160 ans. Pourquoi ? Parce que la journée je travaillais pour le békè, la nuit pour ma famille. Il n'y avait pas l'eau courante, l'électricité comme maintenant. Il fallait aller laver à la rivière. Pour éclairer notre petite case, nous faisions des flambeaux avec des nuds de bambous, les lampions étaient confectionnés avec des boîtes de lait concentré sucré. "La via té pli raid mé pli bel". On se comprenait, se soutenait. Quand on n'avait pas de quoi acheter à manger, il y avait toujours un voisin qui vous tendait un morceau de pain ou de morue.De nos jours, c'est chacun pour soi et pour un "Mesié, Mesdam, bonjou" on s'engueule.
|
|
La Famille martiniquaise :« Du cabrouet au Boeing...»Fruit d'un métissage, Marie-Alice- Jaccoulet, avocate, jette un regard original à la fois personnel et professionnel sur la famille martiniquaise. Un sujet qu'elle connaît bien : elle a été élevée avec 15 frères et surs. «.J'ai vu évoluer la famille, et surtout la femme de manière spectaculaire. Avant la mère se sacrifiait beaucoup pour ses enfants. Je revois encore ma grand-mère maternelle Anatolie qui était une maîtresse-femme. Comme ma mère, l'éducation des enfants était capitale. Au fil du temps, j'ai vu la femme martiniquaise évoluer dans la modernité. C'est en soi une bonne chose. La famille martiniquaise à l'instar de la société Martiniquaise est passée rapidement du "cabrouet au Boeing". Cette évolution rapide nous a surpris. Les femmes se sont engouffrées dans ce changement et cela a provoqué une évolution considérable de la famille. On constate maintenant qu'elles sont beaucoup moins présentes à côté de leurs enfants.
J'entendais souvent ma grand-mère dire : "tété pa jenmem tro lou pou lestomak". La femme martiniquaise s'est battue pour permettre à ses enfants de s'imposer par le savoir, l'éducation. Parce qu'on n'avait pas la fortune, on n'avait pas les terres, il fallait lutter pour avoir de l'instruction, cette seconde liberté pour reprendre l'expression de Gaston Monerville. L'égalité, on ne pouvait l'avoir que par le travail. Aujourd'hui, il y a un déplacement, un basculement des valeurs traditionnelles. Ce n'est plus l'éducation, ni la notion de dignité par le travail qui prévaut, mais l'argent. L'on veut avoir le matériel à tout prix, par n'importe quel moyen. On trouve de nos jours des mères qui permettent à leurs enfants de valoriser ce proverbe créole "débouya pa péché". cela m'interpelle et m'amène à dire aux femmes «attention, permettez aux pères d'être davantage présents de participer à l'éducation des enfants». De la même manière que l'on est deux pour faire un enfant, il faut ^être deux pour l'élever. L'enfant a besoin de ses deux béquilles : le père et la mère, pour avancer dans la vie jusqu'à l'âge adulte. Aujourd'hui, la famille martiniquaise ne permet pas à l'enfant de devenir un adulte car lorsque les parents sont absents du fait de l'évolution sociale, l'éducation en pâtit. La modernité a tué la famille martiniquaise. La Martinique du XXème siècle a produit des grands hommes. Va-t-elle en produire autant le siècle prochain ? La question est posée. |
« Gran case et ti case» Hérité directement de l'esclavage, le système de la plantation a maintenu après 1848, sur l'habitation, la franche séparation de la famille des ouvriers agricoles noirs et des planteurs békés.Une dichotomie ancrée dans l'inconscient et l'imaginaire collectif antillais et que la modernité est loin d'avoir gommée. Le foisonnement et la popularité des proverbes s'y rapportant en sont la meilleure preuve. "Bèf béké an kan'n béké"... |