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Guerre de 14-18 : impôt du sang

Ce sont des Antilles à bout de souffle qui abordent la Première Guerre mondiale. Pendant quatre années, 25 000 soldats créoles ou résidant aux Antilles furent incorporés dans les armées de la République et presque la totalité débarquèrent en Europe. Comme toutes les troupes venues des quatre coins de l'Empire, les militaires venus des Antilles participèrent à toutes les batailles et offensive, comme celle de la Marne en 1914, en Artois et en Champagne en 1915, sur la Somme en 1916, dans !'Aisne en 1917, dans la prise du fort de Douaumont qui marqua un tournant dans la bataille, de Verdun ainsi que dans la défense de Reims en mai-juin 1918. Leurs sacrifices furent particulièrement cruels : près de 2500 soldats originaires des Antilles ont trouvé la mort ou furent portés disparu dans la boue des tranchées. Après cette hécatombe, le gouvernement donne satisfaction aux cadres politiques assoiffés d'égalité qui réclame l'instauration du service militaires obligatoire dans les colonies. Et puis cette paix douloureuse s'accompagnera d'une prospérité, relative grâce au rhum dont la demande et les prix se sont accrus pendant le conflit.

EN GUADELOUPE

Sur 6603 originaires de la Guadeloupe et dirigés sur la métropole, 1027 ont trouvé au front une mort glorieuse. Manquait-il d'allant ce Bonaldir du 2° régiment de marche d'Afrique, cité en ces termes à l'Armée d'Orient: "sautant d'une tranchée, cloue un Turc par terre, et, par son attitude résolue, contraint cinq ennemis à se rendre".

EN MARTINIQUE

En Martinique, après la guerre, on est fier des 700 citations individuelles méritées par les combattants martiniquais. Voici l'une d'entre elle, dédiée à un certain joseph Carolus: "au corps expéditionnaire des Dardanelles depuis le 12 niai 1915, a pris part à toutes les affaires, a toujours fait preuve de la plus grande énergie. Le 22 mai, est resté 30 heures entre la ligne française et la ligne turque, au milieu de ses chefs et camarades morts, et a ramené son caporal grièvement blessé".

MORTENOL défend Paris assiégé

Camille Motenol, a une statue à l'entrée du Port de Pointe à Pitre

Le capitaine de vaisseau Sosthène Héliodore MORTENOL, né en 1859 à Pointe-à-pitre, s'est illustré durant la Première Guerre mondiale. " Officier supérieur du plus grand mérite, à son poste jour et nuit pour veiller sur Paris, assure ses fonctions avec un rare dévouement et une compétence assurée " , expose sa citation quand, en récompense de ses services, il est nommé, en 1921, commandeur de la Légion d'Honneur. Fils d'André MORTENOL et Julienne Toussaint, modestes Pointois, le jeune Camille se montre d'emblée brillant mathématicien. Après d'excellentes études secondaires en Guadeloupe puis à Bordeaux, il réussit le concours de Polytechnique et choisit la carrière d'officier de marine. En 1914, MORTENOL est âgé de 55 ans quand il est choisi par le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, pour le seconder dans la défense de la capitale française. Gallieni avait pu apprécier le dévouement de MORTENOL quand ils servaient ensemble à Madagascar. MORTENOL est donc, dès 1915, directeur du service d'aviation maritime du camp retranché de Paris. Il a la responsabilité de défendre Paris contre les attaques de l'aviation ennemie. Avec l'aide d'un service de renseignement éprouvé et d'énormes projecteurs de nuit, en particulier celui du Mont Valérien qui domine la capitale, il déjoue les attaques aériennes.

C'est un héros de guerre guadeloupéen dont le souvenir est resté marqué, sinon dans la mémoire du peuple français parfois oublieux de ses grands hommes, du moins dans celui des antillais. On commémore chaque année le souvenir de Camille MORTENOL dont la statue a été érigée récemment sur les quais de Pointe à Pitre.

Si Camille MORTENOL est le plus connu de ses hommes qui ont embrassé la carrière militaire et se sont illustrés entre 1914 et 1918, il convient de ne pas oublier le Basse-Terrien Charles Lanzerac, général commandant la 5ème armée. Il a remporté la première victoire Française, à Guise, avant de connaître une disgrâce qualifiée d'injustifiée, ce qui lui a valut d'être réhabilité et nommé grand officier de la légion d'Honneur en 1917. En 1924, c'est le Ministre de la guerre lui-même, le Général Nallet qui le faisait grand-croix de la légion d'Honneur.

   Autre héros de la grande guerre, un "vieux blanc" de la Guadeloupe, Camille Daucourt, né à Basse-Terre en 1893. Il quitte sa famille et se fait mobiliser en France. Ce jeune créole participe à la bataille de Verdun. Plusieurs fois cité, décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire. Il va se marier en France. Il décédera en 1990...âgé de plus de cent ans. Combien seront-ils aussi vaillants à prendre part à la guerre et venant de Guadeloupe? 6603, dont 1027 ne reviendront jamais.

Le Martiniquais Pierre REJON à l'escadrille des Coqs

Né à Trinité en 1895, Pierre REJON poursuivait ses études d'ingénieur à l'école des Arts et Métiers de Paris, lorsque la guerre éclata. Engagé volontaire dès le début des hostilités, il combattit avec le 33ème Régiment d'Infanterie avant d'être affecté dans l'aéronautique militaire, où il servit à l'escadrille des Coqs. Sorti indemne de la guerre, il trouva la mort le 15 août 1920 en Guyane. Voici l'extrait de l'ordre général numéro 640 du 20 septembre 1918, portant citation à l'ordre de l'Armée de Pierre REJON "Pilote d'un courage à toute épreuve. Le 10 août, au cours d'une mission à basse altitude, à 12 km dans les lignes ennemies, a engagé un combat très dur contre des adversaires supérieur en nombre et abattu un avion allemand". Le journal "La France coloniale", reprenant ce texte dans son édition du 23 novembre 1918, précise que Pierre REJON en était ainsi à sa quatrième victoire "sans compter sept autres appareils fortement touchés, désemparés qui ont été obligés d'atterrir dans les lignes ennemies". Précisons pour la petite histoire que tous les avions avec lesquels il volait s'appelait " Zazo", du surnom de sa petite sœur, Isadie. Pierre REJON obtint la médaille militaire et fut décoré de la Croix de guerre française avec palme. La croix de guerre belge lui fut également décerné.

Halte au racisme

Des militaires noirs, blessés de guerre des contingents coloniaux, dont un Guadeloupéen, Atilce, venaient d'être victimes, à Saint-Nazaire, d'actes racistes. Des officiers américains les avaient frappés. Le 25 juillet 1919, Achille René-Boisneuf et Gratien Candace, députés de la Guadeloupe, mais aussi Georges Boussenat, député de la Réunion, font voter à l'unanimité l'ordre du jour suivant : " La Chambre, fidèle aux principes immortels qui ont inspiré la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, réprouvant et condamnant tout préjugé de confession, de caste et de race, affirme et proclame l'absolue égalité de tous les hommes, sans distinction d'origine et de couleur, au bénéfice et à la protection de toutes les lois du pays. Elle compte sur le Gouvernement pour imposer à tous le respect de ses lois et, en particulier, pour poursuivre avec l'énergie nécessaire toutes les sanctions que peuvent comporter les infractions à la loi pénale, commises sur le territoire national, quels qu'en soient les auteurs ou les victimes de ces infractions, et passe à l'ordre du jour. "

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L'exception des Indiens de la Guadeloupe

Les Indiens établis en Guadeloupe depuis 1848, ne seront citoyens français qu'à par tir de 1925, grâce notamment à l'action d'Henri Sidamnarom. En 1914, ils ont donc été exemptés de conscription... sauf à être volontaires. Ils ressortaient des dispositions de l'article 8, alinéas 3 et 4 du Code civil d'alors qui reconnaissait la qualité de citoyens français aux enfants étrangers nés en territoire français, appliquées aux ressortissants descendants d'hindous résidant dans les colonies, mais rendues effectives qu'à partir de l'année 1914. En conséquence de quoi, les descendants d'Hindous devaient aller voir le maire de leur commune, à charge pour celui-ci d'adresser un certificat au bureau de recrutement, attestant que l'intéressé ne doit pas être incorporé

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