Accords de Kyoto :
agir, enfin !
La
Croix - 16 février 2005
La
semaine qui s’ouvre voit l’entrée en vigueur des fameux accords
de Kyoto sur le climat et la réduction des gaz à effet de serre.
Il faut se réjouir de cet évènement, même s’il est partiel - les
Etats-Unis ne les ont pas ratifiés - et tardif, puisque 8 ans se
sont écoulés depuis leur signature. La question des changements
climatiques, dus pour la première fois à l’action de l’homme,
est déterminante pour notre planète.
Chaque
jour augmente le volume de gaz à effet de serre et aggrave une
situation potentiellement irréversible et incontrôlable. A court
terme, ce sont les plus faibles, qui, comme d’habitude, risquent
de souffrir le plus des perturbations climatiques, de
l’élévation du niveau des eaux ou de la désertification. A moyen
terme, l’avenir même de l’espèce humaine pourrait être en jeu.
Malgré
de belles paroles et des textes comportant souvent de bonnes
intentions, la communauté internationale a du mal à se
mobiliser. L’Europe elle-même, pourtant en pointe dans les
négociations internationales, risque de ne pas respecter les
réductions chiffrées à l’horizon 2010 qu’elle a pourtant
proposées. L’harmonisation de la fiscalité énergétique est en
panne, le transport de fret par route voit sa part augmenter par
rapport au chemin de fer ou au fluvial. La mise en place d’un
marché des droits à polluer s’effectue selon des modalités
minimales.
Même
situation en France. L’écart est énorme entre les déclarations
de J. Chirac et les actes, avec par exemple la diminution du
budget du ministère de l’écologie, notre rang de dernier de la
classe pour la transposition des directives européennes ou
encore le retard de notre pays pour les énergies renouvelables
ou la protection de la nature et des espèces.
L’important est d’agir. C’est pourquoi je propose quatre mesures
fortes, pouvant être mises en œuvre immédiatement.
1
Le rétablissement d’une véritable ligne budgétaire pour le
développement des transports en commun en site propre. L’enjeu
des tramways dans les agglomérations est considérable, à la fois
contre les gaz à effet de serre, pour la qualité de l’air et un
partage de la voirie qui laisse plus de place aux modes « doux »
de circulation. Le gouvernement a supprimé l’an passé les
subventions à ces opérations, il semble vouloir cette année les
limiter à quelques villes dirigées par la droite. Je demande que
soit rétabli un dispositif financier efficace.
2
Il faut lancer un programme pour réduire les charges de
chauffage des ménages. Leur rythme d’évolution est beaucoup trop
rapide, ce qui représente de lourdes dépenses. Avec des élus du
Nord-Pas de calais, j’ai proposé d’établir une couverture
énergie universelle. Je suggère un autre volet, aussi
indispensable, consistant à aider fortement les organismes de
logement social à mieux isoler les logements, avec en
contrepartie un engagement de modérer les hausses de charge. Une
telle mesure peut être décidée immédiatement.
3
Il est indispensable d’accroître fortement les moyens de la
recherche pour les technologies propres et les énergies
renouvelables. La France est en retard dans plusieurs de ces
domaines, avec des budgets qui diminuent. Il y a urgence à
renverser la tendance.
4
Je propose que la France annonce dès maintenant qu’elle
n’acceptera pas, pour la suite de Kyoto après 2010, d’abandonner
ce qui fait l’originalité de ces accords : des engagements
quantitatifs contraignants de réduction des émissions. La
tentation existe d’y renoncer. Toute ambiguïté sur ce point
risque de nous coûter très cher à l’avenir. Il est indispensable
d’indiquer clairement ce qui serait pour nous inacceptable.
Ces
quatre mesures précises s’inscrivent dans le projet de
social-écologie que je souhaite pour notre pays. Elles peuvent
être rapidement mises en œuvre. Elles impliquent qu’on ne limite
plus à de beaux discours. Des décisions, c’est ce qui importe
aujourd’hui. Elles sont autrement décisives que le ping-pong des
petites phrases dominicales auquel se résume trop souvent la
politique.
Laurent FABIUS |