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 Faut-il tourner la page de mai 68 ?

 

Par Henri WEBER, Député européen

 

La France est le premier producteur mondial de boucs émissaires et parmi ceux-ci la "Révolution de mai 68" occupe une place de choix. On lui impute notamment , les dégâts de la permissivité : le "joli mois de mai" serait responsable de la précarisation du couple, de la désagrégation de la famille, de la démission des pères, du spleen des superwomen, de l'anxiété des individus privés de croyances et de repères. Cette déréliction des personnes expliquerait la montée de la toxicomanie, l'explosion de la délinquance, la décomposition de l'Ecole et de l'Université...

  

La France est le premier producteur mondial de boucs émissaires et parmi ceux-ci la "Révolution de mai 68" occupe une place de choix. On lui impute notamment , les dégâts de la permissivité : le "joli mois de mai" serait responsable de la précarisation du couple, de la désagrégation de la famille, de la démission des pères, du spleen des superwomen, de l'anxiété des individus privés de croyances et de repères. Cette déréliction des personnes expliquerait la montée de la toxicomanie, l'explosion de la délinquance, la décomposition de l'Ecole et de l'Université...

 

Ces critiques procèdent du vieux sophisme : consécution = conséquence, "après quoi, donc, à cause de quoi ?".

 

En réalité attribuer à des événements vieux de trente ans une notable partie de nos malheurs présents n'est pas très sérieux. Quelques faits majeurs sont survenus depuis 1968, qui ont produit leurs propres effets dévastateurs : l'irruption du chômage de masse et du travail précaire, par exemple; l'effondrement de l'utopie marxiste, qui a ouvert, à gauche, une crise de l'"avenir"; le changement de nature de l'immigration, avec les loi sur le regroupement familial; la massification des lycées et de l'Université, avec la seconde révolution scolaire.

 

On ne peut pas non plus imputer à Mai 68 l'avènement de l'individualisme égoïste. Le mouvement d'affirmation et d'autonomisation des individus, face à la Tradition et à la Hiérarchie, est constitutif de la modernité occidentale depuis au moins la Renaissance, et les événements de Mai 68 ne constituent qu'un moment de ce long processus. Encore, l'individualisme de Mai était-il révolutionnaire et "Prométhéen", et non "Tocquevillien" et égoïste. Les enfants de Mai 68 voulaient substituer un ordre meilleur à l'ordre injuste des choses, ils ne voulaient pas à eux-mêmes leurs propres fins.

 

Le soulèvement mondial de la jeunesse qui culmina, en France, en mai-juin 1968, fut un grand mouvement démocratique, dirigé contre toutes les formes autoritaires d'exercice du pouvoir (patronal, mandarinal, patriarcal, bureaucratique,..) et contre toutes les formes abusives de discriminations (entre les classes, les "genres", les races, les préférences sexuelles,...). Il fut un grand mouvement hédoniste et communautaire, romantique et messianique.

 

Comme tout grand mouvement social, il fut hétérogène, bigarré et passablement délirant. Mais la France lui doit de grandes conquêtes sociales, sociétales et politiques. Tourner la page de Mai 68, sans doute. Mais ni plus, ni moins que celles de 1936 ou de 1945 : en en conservant la ferveur et l'inspiration.

 

L'Express 31.01.05