Eugène PHILIPPS Auteur alsacien adresse e-mail : ephil@noos.fr --> retour page d'accueil <-- | |||||
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* L'Alsace... "une république de l'esprit"? | |||||
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Longtemps méconnu
en Alsace: | |||||
* En 1902, René Schickele - il avait à peine 19 ans - lança une revue d'avant-garde devenue célèbre: "Der Stürmer" (rien à voir évidemment avec la feuille antisémite nazie du même titre et qui parut de 1923 à 1945). L'existence du "Stürmer" de René Schickele fut éphémère. La revue dut cesser sa parution avant d'avoir pu fêter son premier anniversaire. Si, malgré cela, "Der Stürmer" occupe une place exceptionnelle dans l'histoire culturelle de l'Alsace, c'est que René Schickele et ses jeunes amis, par-delà les contingences d'une époque, ont su mettre en évidence avec une grande lucidité les données permanentes de la problématique alsacienne. * Dans un article rétrospectif intitulé: "Jungelsässisches Programm" (Das Neue Magazin), René Schickele précisa le sens de l'action menée dans "Der Stürmer" par ceux qui, comme lui, avaient tenté de réveiller alors l'opinion alsacienne. Pour lui, l'Alsace n'était pas, n'était plus, ne pouvait plus être une province allemande comme les autres. Après deux siècles de contact direct avec le monde français, les Alsaciens possédaient non pas une mais deux "traditions": la "tradition allemande" certes, mais également la "tradition française". Il s'agissait là d'un patrimoine d'une inappréciable richesse. Les Alsaciens ne sauraient plus y renoncer. * "Sie (ses amis du "Stürmer") haben das Wichtigste betont" , écrit-il, "das das Elsass über alle Provinzen erhebt: die Blüte zweier Traditionen, für die unser Land und Boden die verheißungsvollste Bindung in unverbrauchter Kraftfülle birgt". Aux yeux de René Schickele, l'Alsace occupe une position particulière au sein de l'État allemand, au sein du monde allemand. Le particularisme culturel alsacien est un fait. Il est le résultat de l'histoire des Alsaciens, une histoire qu'il leur faut assumer dans sa totalité. * Rappeler aux Alsaciens et, bien entendu, aux Allemands que l'Alsace possédait également une "tradition française" - l'Alsace était alors déjà redevenue allemande depuis plus de trente ans - nous semble aujourd'hui normal. Mais, à l'époque, cela ne faisait certainement pas plaisir à tout le monde en Allemagne dès lors que René Schickele et ses amis ne se contentaient pas d'un simple constat, mais allaient à contre-courant de ce qui paraissait alors être le "sens (allemand!) de l'histoire". Faut-il s'en étonner? * Remarquons que, aujourd'hui, tout le monde (nombre d'Alsaciens font partie de ce "monde" ...) n'aime pas entendre que l'Alsace a également une "tradition allemande". On préfère parler - et de beaucoup - d'une tradition "germanique" (très lointaine...) ou d'une tradition "rhénane" (plus proche...). Il est vrai que les deux guerres mondiales de ce siècle, la dernière surtout, n'ont guère servi la cause de la tradition "allemande" en Alsace, le terme même d'allemand étant toujours évité autant que faire se peut. * Quoi qu'il en soit, René Schickele ne s'embarrasse pas de fioritures lorsqu'il veut faire comprendre à l'opinion alsacienne et allemande que la culture des Alsaciens ne se limite pas au monde allemand et que les Alsaciens sont fiers d'appartenir à deux univers culturels. Et il n'hésite pas à affirmer qu'au plus profond de "l'être" alsacien niche une part de "francité". "Wir haben trotz allem etwas spezifisch Gallisches an uns", fait-il observer, " im tiefsten Wesen der Elsässer birgt sich ein Stück "Franzosentum". Des propos subversifs? * René Schickele se place sur le terrain culturel. Il n'y a chez lui aucune arrière-pensée politique mettant en cause l'appartenance de l'Alsace à l'Allemagne de l'époque. Mais, souligne-t-il, avant d'être des Allemands, les Alsaciens sont "Elsässer". "Und wenn wir sagen, erst Elsässer, dann Deutsche, so wird das nichts anderes heißen, als erst Menschen, dann deutsche Menschen", explique-t-il. Et "l'homme", en Alsace, a une autre histoire que les autres Allemands. Héritiers d'une "double tradition", il ne peut plus être question pour lui d'en sacrifier une - la "tradition française" - sur l'autel de l' "État", l' État allemand en l'occurrence. * La démarche de René Schickele est certes culturelle, mais ses implications politiques ne lui échappent pas. Il n'ignore pas qu'on a toujours cherché à politiser le débat culturel en Alsace. Il fallait donc repenser l'Alsace et tenter de donner un sens et un contenu nouveaux à l'Elsässer-Sein. Pas une mince affaire à une époque où les antagonismes nationaux prenaient un tour de plus en plus agressif. (Le Nouvel Alsacien/ Der Elsässer, 25.11.83) | |||||
* René Schickele | |||||
* Unter diesem Titel veröffentlichte der Morstadt Verlag in Kehl ein Band mit Vorträgen, die im vergangenen Jahr, anläßlich des 100. Geburtstages von René Schickele, in Straßburg gehalten wurden. Der Band, dessen Herausgeber Adrien Finck, Professor an der hiesigen Universität und Maryse Staiber, Professeur agrégé in Reims sind, umfaßt Vorträge und Beiträge von Adrien Finck, Joachim Storck, Maurice Godé, Julie Meyer, Charles Fichter, Maryse Staiber, Jean-Jacques Schumacher, Frédéric Kniffke, Raymond Matzen, Thomas Lippelt, Geneviève Tempé, Maxime Alexandre, Louis-Edouard Schaeffer und André Weckmann. * Auch denjenigen, für die René Schickele kein Unbekannter mehr ist, vermittelt das Buch neue Erkenntnisse über das Leben und Werk dieses bedeutenden Schriftstellers. Unsere Zeitung hat das Buch ihren Lesern bereits vorgestellt (Le Nouvel Alsacien/Der Elsässer, 9/12/83). Es erübrigt sich also, zu wiederholen, was damals in kurzer, aber treffender Weise darüber berichtet wurde. Einige allgemeine Bemerkungen seien noch hinzugefügt. .................... * Hinter jedem Schriftsteller verbirgt sich ein Mensch. Das weiß der Leser. Deshalb reizt es ihn auch, aus dem Werk und Wirken eines Schriftstellers Schlüsse zu ziehen, über dessen Einstellung zu Grundfragen der menschlichen Existenz oder zu den aufsehenerregenden, vielleicht sogar epochemachenden Ereignissen seiner Zeit. Natürlich macht René Schickele hier keine Ausnahme. Seltsamerweise wurde jedoch seine Haltung vor, während und nach dem für die Zukunft des Elsaß so entscheidenden 1. Weltkrieg zum Prüfstein für seine Glaubwürdigkeit als Mensch und Schriftsteller gemacht. * Als Elsässer konnte René Schickele der elsässischen Gretchenfrage nicht ausweichen: Franzose oder Deutscher? Ob ihm diese Frage in dieser herausfordernden Form jemals gestellt wurde? Dass sie sich für ihn tatsächlich stellte, scheint außer Zweifel. Und wenn er sagte: "Erst Mensch, dann" ... alles was ihr wollt, so wusste er, warum er das Mensch-sein über alles andere stellte. Es entsprang aus seiner tiefen Überzeugung. Sie änderte sich auch nach dem 1. Weltkrieg nicht. * René Schickele zog es vor, sich im deutschen Baden und nicht im französisch gewordenen Elsaß niederzulassen. Kurz vor Hitlers Machtübernahme verließ er Deutschland. Er kehrte auch dann nicht zu "seinen Elsässern" zurück, sondern ging an die Côte d'Azur. Immer wieder weigerte er sich, seine intellektuelle Kraft in den Dienst nationalen, geschweige denn nationalistischen Denkens zu stellen. Dass ihm deshalb sowohl die linksrheinischen als auch die rechtsrheinischen Nationalisten auf ein Abstellgleis schoben, kann niemand wundern. dass sich aber die Universität - die Universitas litterarum -lange Zeit dem Diktat der Nationalisten beugte, ist kaum faßbar. * Wenn man heutzutage, auch in hiesigen Universitätskreisen, René Schickele nicht mehr fremd gegenüber steht, so bedurfte es doch einiger mutiger Eisbrecher, um René Schickeles literarisches Werk in seiner Ganzheit zum Durchbruch zu verhelfen. Es verbleibt Prof. Adrien Fincks persönliches Verdienst, sich zu dieser zugleich dankbaren ... und undankbaren Aufgabe mit großer Hingabe gewidmet zu haben. Es ging hier um mehr als um bloße Rehabilitierung eines unbequemen elsässischen Schriftstellers. * Gewiss: wer sich ernsthaft bemüht, einem für das Elsaß so bedeutsamen Schriftsteller wie René Schickele gerecht zu werden, wird immer viel Einfühlungsvermögen benötigen. Für ein gutes Verständnis und eine richtige Bewertung seines Werkes reicht das aber nicht aus. Der Leser muß mit der Geschichte des Elsaß und mit dem besonderen Verhältnis des Elsässers zu dieser Geschichte vertraut sein. Und das ist nicht immer einfach. Aber andererseits führt der direkte Kontakt mit René Schickeles Werk den Leser gleich in die elsässische Problematik hinein und zwingt ihn so, die gewonnenen Erkenntnisse zu vertiefen. * Sicher ist René Schickeles Werk heutzutage aktueller denn je. Deshalb liegt auch die Versuchung nahe, in seinen Büchern eine allgemein gültige Antwort auf alle Fragen zu suchen, die sich dem heutigen Elsässer stellen. Es wäre vergebens. Eine solche Antwort gibt es nicht. Aber René Schickeles persönliches Schicksal als Mensch und Schriftsteller wird den Elsässer nie gleichgültig lassen. Zu sehr widerspiegelt es die ganze Tragik der elsässischen Geschichte. (Le Nouvel Alsacien/ Der Elsässer, 10.2.84 ) | |||||
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Un Alsacien défiant Hitler en Allemagne | |||||
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Une personnalité exceptionnelle | |||||
* Comme presque tous les députés de l'opposition, Leber sera arrêté, jeté en prison et envoyé dans un camp de concentration d'où il ne sortira qu'en 1937. Sa femme ayant quitté Lubeck pour s'établir à Berlin, où il était plus facile de gagner sa vie, Leber viendra la rejoindre à sa libération du camp de concentration. Il renouera immédiatement ses contacts avec des amis politiques tels Wilhelm Leuschner, Adolf Reichwein, Gustav Dahrendorf etc. qui, comme lui, avaient tous été, dès la première heure, des adversaires décidés des nationaux-socialistes. * En 1943, Leber et ses amis prennent contact avec les deux principaux groupes de résistance: le groupe dirigé par Carl Goerdeler et le Kreisauer Kreis animé par le comte von Moltke. Mais c'est sa rencontre avec le comte von Stauffenberg qui sera décisive. Les deux hommes se lièrent d'amitié bien qu'issus de milieux tous à fait différents: Stauffenberg était un descendant de Gneisenau et Leber ... le fils d'une paysanne alsacienne. Mais ce que tous les deux avaient en commun, c'était la volonté d'agir. Stauffenberg fut tellement impressionné par la personnalité de Leber qu'il voulut faire de lui le futur Chancelier d'Allemagne de l'après-Hitler. * L'arrestation inattendue de Leber le 5 Juillet 1944 poussa Stauffenberg à hâter l'exécution de son plan. L'attentat contre Hitler eut lieu le 20 juillet et échoua. Les conjurés furent arrêtés et jugés par le Volksgerichtshof. Humiliés de la plus ignoble façon, ils furent presque tous condamnés à la pendaison. Au cours de son procès, Leber eut une "attitude extraordinairement digne", comme le souligne Gérard Sandoz dans son livre: "Ces Allemands qui ont défié Hitler". Leber fut pendu à Berlin, le 5 Janvier 1945. Le 40° anniversaire de sa mort fut célébré récemment à Berlin et à Lubeck où Willy Brandt lui-même, ancien "élève" de Leber, présida la cérémonie. La Télévision allemande passa plusieurs séquences. A Lubeck une "Dr. Julius Leber Straße" honore d'ailleurs sa mémoire. * Ce qui est regrettable, c'est que jusqu'à présent le nom de Leber n'a guère retenu l'attention des "histoires de l'Alsace". Et ce n'est qu'il y a quelques jours que l'on a apposé une plaque commémorative à sa maison natale à Biesheim près de Neuf-Brisach. Et pourtant Leber est issu d'une authentique famille alsacienne. * "Elsässer", il l'est resté toute sa vie, même si l'Allemagne est devenue le champ de son engagement politique et qu'il y a joué un rôle éminent. Les lettres qu'il a adressées à sa femme et à ses proches le prouvent amplement. Le jour où l'on écrira enfin l'histoire des Alsaciens, Jules/Julius Leber y trouvera la place qu'il mérite. Mais d'abord il faudra se défaire - en Alsace surtout - du nationalisme rampant et d'une vision exclusivement nationale de notre histoire. Ce qui est plus vite dit que fait. (Le Nouvel Alsacien/ Der Elsässer, 15.2.85) | |||||
* Schicksal eines Elsässers | |||||
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* "Ich gehe in mein Gefängnis mit erhobenem Haupt, ohne seelische Depression", schrieb Leber bereits 1933 an seine Frau. Solche Worte sprechen für sich selbst. Verantwortungsbewußt und mutig stellte er sich seinem Schicksal. Die ergreifenden Briefe, die er während der schicksalhaften sechs Monate vor seiner Hinrichtung an seine Frau richtete, beweisen, daß selbst die einsame Todeszelle seinen seelischen Widerstand nicht zu brechen vermochte. Zwischen ihm und seiner Frau entwickelte sich ein Zwiegespräch, das trotz der spürbaren Zurückhaltung, die er sich wegen der strengen Briefzensur auferlegte, die ganze Tragik eines Menschen erkennen lässt, der seinen Weg bis zum bitteren Ende geht. Seine Briefe enden immer mit "Dein (alter) Jülie", sogar "Schülibus", ganz selten "Julius" ... und er nennt seine Frau, bis auf zwei Ausnahmen, immer "Paulus", weil sie sich zu seinen politischen Ansichten "bekehrt" hatte. * Wie das Leben eines jeden Menschen, so war auch Lebers Leben nicht frei von "Brechungen" und "Spannungen" gewesen, bemerkt der Historiker Hans Mommsen. Auch Lebers Überzeugungen kamen manchmal ins Wanken. Wie konnte das anders sein in einer Zeit, die alles in Frage stellte. Leber war weder ein Held noch ein Heiliger. Er bewies jedoch ungewöhnlichen Mut zur Verantwortung. Deshalb kam auch für ihn eine Flucht nie in Frage, auch dann nicht als sein Leben bedroht war. "Man muß seine Pflicht tun vor sich selber...", betonte er. "Es ist wirklich schade, dass soviele über die Grenze sind, wir stünden besser da, wenn alle auf alle Eventualitäten hin hier geblieben wären", äußerte sich in einem Brief. "Wo das besser Los liegt, bei der stolz getragenen Unfreiheit oder in der gedemütigten Freiheit, das wird die Zukunft entscheiden", sagte er kaum drei Monate nach Hitlers Machtübernahme. An menschlicher Größe fehlte es ihm gewiß nicht! Flucht ins Ausland?: "Natürlich taucht in mir die Frage immer wieder auf, ob ich nicht damals von Oberbayern aus, wo ich ja an der Grenze war und ohne jede Schwierigkeit hätte passieren können, besser ins Ausland gegangen wäre. Ich erinnere mich der damaligen Überlegungen noch ganz genau. Meine Freunde hatten mir in München dringend geraten, es zu tun. ........Wie es auch kommen mag, die politischen Flüchtlinge sind draußen, sind weiterhin belastet mit einem unangenehmen Odium, und sie werden auch draußen bleiben. Dazu kam noch, bei mir, die unerträgliche Vorstellung vom Hohn der Franzosen und ihrer Freunde bei meiner Rückkehr ins Elsaß. ......... Meine Flucht wäre auch nicht vertretbar gewesen vor jenen 30 000 Lübecker Menschen, die mir über alle Schwierigkeiten, alle Not und alle Hetze hinweg ihr Vertrauen schenkten." (Lübeck, 5.9.33. Untersuchungsgefängnis Marstall) * Als er feststellen musste, daß selbst die sozialdemokratischen Massen sich in Hitlers Bann ziehen ließen, daß somit sein politischer Einsatz scheinbar umsonst gewesen (war und) ist, begann er sich immer mehr mit seinem persönlichen Schicksal zu beschäftigen. Er erlag keiner Illusion. "Ich muß den bitteren Weg bis zum Ende gehen. Das ist jetzt mein Schicksal", stellte er fest. (31. 8.33. Untersuchungsgefängnis Marstall, Lübeck) (vergl. mit René Schickele: "Meine Geburt ist mein Schicksal") Auch in äußerster Not und Bedrängnis büßte er jedoch nichts von seinem Urteilsvermögen ein. Viele seiner Aussagen wirken heute prophetisch. Die Geschichte? "Und die Geschichte spricht unerbittliche Urteile. Darüber mögen sich auch die Machthaber von heute nicht täuschen". (4. Mai 1933) Die Diktatur? "Auf die Dauer kann eine Diktatur nur bestehen im Kampf gegen die ganze Welt". (9. Juli 1933) Das "Nationale? "... wir stehen erst am Anfang des 2O. Jahrhunderts, dessen Aufgabe nicht das Nationale, sondern das Soziale ist". (4. Juli 1933) ...........................
* Leber war Elsässer und ist es immer geblieben, auch wenn, nach 1918, seine politische und kulturelle Heimat Deutschland geworden ist. Am 5. Januar 1982, vor einigen Wochen also, hat man seiner gedacht im Kreise seiner sozialdemokratischen Freunde und zwar in Berlin an seiner Hinrichtungsstätte und in Lübeck am Ort seines politischen Wirkens, wo übrigens eine "Dr. Julius Leber Straße" an ihn erinnert. An diesem Tag wurde Julius Leber nur von den Sozialdemokraten geehrt, als ob er nicht einer derjenigen gewesen wäre, die die Ehre der ganzen deutschen Welt gerettet haben. Auch für die Deutschen ist die Geschichte unteilbar. Solange man daran zweifelt, wird man in der Bundesrepublik immer Schwierigkeiten haben mit dem 8. Mai. * Und wie sieht es bei uns im Elsaß aus? Bis vor kurzer Zeit war Leber im Elsaß praktisch unbekannt. In Biesheim wurde jetzt erst eine Gedenktafel an seinem Geburtshaus angebracht. Das beweist doch, wie leicht unser Nationaldenken alle diejenigen Elsässer aus unserem Geist verbannt hat, die nicht in den gewünschten (offiziellen) Rahmen passen. Die Nationalisten haben es bei uns immer verstanden, die öffentliche Meinung und vor allem das kollektive Gedächtnis so zu prägen, wie sie es für zweckdienlich hielten. * Eine Persönlichkeit wie Jules/Julius Leber scheint weder die einen noch die andern interessiert zu haben. Die einen nicht, TROTZDEM Leber 1918 nach Deutschland ging - er kam eben 1940 nicht in der braunen Uniform zurück - und die andern nicht, WEIL Leber eben 1918 nach Deutschland ging - auch wenn er für Demokratie und Freiheit starb, wofür man doch Krieg führte, oder? Wenn Jules/ Julius Leber bisher keinen Platz in unserer Geschichte gefunden hat, so liegt das nicht an ihm, sondern an der Art und Weise wie Geschichte (bei uns) geschrieben wird. ( Auszüge aus Le Nouvel Alsacien/ Der Elsässer, 15.2.85) | |||||
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* C'est que l'Alsace, en se transformant, poursuit sa mutation à une cadence de plus en plus rapide. Sans nous, si nous n'y prenons garde. Car l'Alsace a sa propre dynamique. Sans doute, ses pulsions sont souvent mises en branle par des forces qui échappent à son contrôle. Sans doute, les événements s'avèrent presque toujours plus forts que les hommes. Mais, pour peu que nous le voulions vraiment, nous disposons toujours de ressources suffisantes pour peser sur le cours des choses. * Sachons toutefois voir la réalité en face. L'Alsace d'aujourd'hui n'est plus celle d'il y a cinquante, cent ou trois cents ans. Et les Alsaciens sont loin d'être encore une population homogène si tant il est qu'ils l'aient jamais été. L'époque est d'ailleurs révolue où la société alsacienne était encore ce creuset social, culturel et linguistique dans lequel se fondaient tous ceux qui venaient se fixer en Alsace. Il faut savoir en tirer les conséquences sur tous les plans, évidemment aussi sur le plan linguistique et culturel qui se trouve bien au coeur de la problématique alsacienne. * Nous n'ignorons pas que les problèmes d'ordre linguistique et culturel ne sont pas les seuls que les Alsaciens ont à résoudre en cette fin du XX° siècle. Mais ce n'est pas parce que, dans les débats publics, on cherche à les minimiser ou même à les éluder, avec le consentement tacite des Alsaciens eux-mêmes, qu'ils ne sont pas aussi importants pour l'avenir de l'Alsace que les problèmes qu'on ne manque jamais d'évoquer, à savoir la situation économique, l'emploi et la sécurité. Est-il besoin de souligner que tous les problèmes s'enchevêtrent et que seule une approche globale aurait quelque chance de voir se réaliser ce "grand projet alsacien", dont on parle toujours en période électorale? * Nous sommes certainement aussi sensibles que n'importe qui aux graves difficultés économiques que nous connaissons actuellement et notamment à ce fléau des temps modernes qu'est le chômage, c'est-à-dire l'incapacité de notre société avancée et si fière de la "high tech" d'assurer un emploi à tous ceux qui se pressent sur le marché de travail... Et qui n'a pas été saisi d'horreur et de dégoût devant les horribles massacres de septembre perpétrés par d'odieux criminels semant la terreur et la mort au coeur même de Paris? Sans parler de ces meurtriers se prenant pour les justiciers de Dieu - le leur évidemment - et n'hésitant pas à abattre froidement leurs victimes tout simplement parce qu'ils en ont décidé ainsi. Sans aucun doute, la "sécurité" ou plutôt l'insécurité est l'un des plus graves problèmes de l'heure. "Objectif Alsace" en est pleinement conscient. * Ce déferlement de haine et de violence a des causes. Il faudra s'y attacher, même si elles sont aussi complexes que les situations conflictuelles elles-mêmes, mais sans négliger celles qui engagent notre responsabilité. Lors de la manifestation qui a eu lieu à Paris à l'occasion de "une heure pour dire non au terrorisme", l'Abbé Pierre a eu le courage de mettre le doigt sur une plaie qui dérange beaucoup de monde: la situation des minorités - parfois des peuples entiers - exclues de tout pouvoir et très souvent privées des plus élémentaires droits de l'homme. Car le fond du problème à résoudre est celui de la paix entre les hommes dans la dignité et la justice. Comment pourrions-nous ne pas être concernés? * Dire que notre objectif est l'Alsace, ce n'est ni rappeler une évidence ni escamoter les grands problèmes de notre temps. Lorsqu'il y va de la dignité de la personne humaine, il n'y a pas de "grands" et de "petits" problèmes. Dans la défense et la mise en valeur de notre patrimoine intellectuel, linguistique, culturel et spirituel, c'est notre vie, au plein sens du terme, qui est en jeu. On ne saurait nous demander de faire une "pause" parce qu'il y aurait plus urgent à faire. La vie ne connaît pas de pause. Ni en Alsace ni ailleurs. (Objectif Alsace, n° 2/1986) | |||||
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* Sans doute, le dialecte dit alsacien est un témoin capital - une sorte de "Kronzeuge" - de notre passé à nous. Mais la langue ne se réduit pas au passé pas plus que le passé ne se réduit à une langue. Sans doute, les causes du recul dramatique du dialecte sont nombreuses. Mais, la plupart du temps, on tente d'expliquer, voire de justifier le rejet ou l'abandon du dialecte avec la nécessité qu'il y aurait pour les Alsaciens de rompre avec un passé qui, dit-on, hypothèque leur avenir. Ce serait même faire preuve de ... lucidité! * Laissons pour le moment de côté la question de savoir si en se contentant d'assister en spectateurs désabusés au dépérissement de leur langue, les Alsaciens font preuve ou non de lucidité. Et demandons-nous si, d'une façon générale, nous pouvons rejeter notre passé, parce que ce passé paraît jurer avec un présent qui n'a que faire de réminiscences qui, dit-on, sont autant d'entraves à notre marche en avant. * Se passer ... du passé? "Une illusion", a fait remarquer Simone Weil, la philosophe, car, rappelle-t-elle, "de tous les besoins de l'âme humaine, il n'y en a pas de plus vital que le passé." Une partie de nous-mêmes, notre passé nous suit comme notre ombre. Si exister, c'est avoir un passé, "être", c'est en avoir conscience. C'est dire qu"on ne se coupe pas impunément de son passé. C'est vrai pour l'homme en tant qu'individu tout comme pour la communauté humaine dont il est une cellule vivante. * Le passé propre à un peuple (ou à une minorité ethnique) est d'une importance vitale pour son existence et son devenir historiques. Cela apparaît à l'évidence lorsque ce qui fait la spécificité de ce peuple (ou de cette minorité), en particulier sa langue et la culture qu'elle véhicule, se trouve menacé sous les pressions de toutes sortes qu'exerce un groupe humain plus puissant. C'est en s'attaquant au passé du peuple assimilable que le puissant prépare le terrain à son absorption définitive. * Pour commencer, point n'est besoin d'attaquer de front le passé de ce peuple. Il suffit de le laisser tomber dans l'oubli et superposer progressivement son propre passé. Le peuple perd ainsi lentement sa mémoire et, partant, son "Selbstverständnis": il ne se comprend plus. Au mieux, il conservera de son passé un souvenir vague et fragmentaire. Pas assez en tout cas pour saisir pleinement la relation directe entre son présent et son passé. Le processus de déracinement est dès lors engagé. * S'attaquer, voire détruire tout ou partie du passé d'un peuple ou d'une minorité, c'est en réalité soumettre des hommes à la volonté de plus puissant qu'eux. Rien, absolument rien ne saurait justifier ce qui est l'une des formes les plus sournoises de la domination de l'homme par l'homme. C'est non seulement foncièrement antidémocratique mais en plus humainement inadmissible. Et pourtant ... * Ne pas tolérer que le passé d'un peuple soit déformé, tronqué ou même effacé, ce n'est pas marcher à reculons. C'est conserver sa liberté d'être et d'agir et préserver des valeurs humaines vitales, notamment sa langue et sa culture. S'il tient à rester lui-même, un peuple ne peut pas se passer de son passé. Ne soyons pas dupes: ceux qui brandissent l'argument du "passéisme" contre l'originalité de notre personnalité en veulent à notre âme. Or, celle-ci n'est pas, ne peut pas être négociable. (Réalités alsaciennes, n° 10/1985) | |||||
* L'incorporation de force dans la Wehrmacht
"Mir welle bliewe, wàs mr sin"... | |||||
* Le 16 mars, dans un passage où, à la suite des événements tragiques frappant de jeunes appelés alsaciens originaires de Ballersdorf (Haut-Rhin) et de Nothalten (Bas-Rhin), j'abordais plus en détail le drame de l'incorporation de force, je répétais: "... nous savons ce que nous sommes et avons toujours été...". Pourquoi la précision "ce que j'ai (ou nous avons) toujours été" et pas simplement "ce que nous sommes"? Pour éviter toute confusion à un moment où l'Alsace était allemande! * Lorsque, dans l'une des situations les plus dramatiques de l'histoire de l'Alsace, j'ai réagi ainsi, comme l'ont d'ailleurs fait des milliers d'autres Alsaciens (de Lorrains et de Luxembourgeois...), de quoi s'agissait-il? *il y a (presque) cinquante ans... * En déclarant "Nous sommes et restons ce que nous avons toujours été" ou, comme on dirait en dialecte aujourd'hui, "Mir welle bliewe, wàs me sin", nous rejetions formellement "l'incorporation forcée" de l'Alsace dans le "Großdeutsche Reich". Nous voulions rester des citoyens français et non pas devenir des sujets allemands. Nostalgie du passé? C'est vrai, nous l'avions? Et alors? * En 1943, j'avais déjà trois années d'annexion de fait à l'Allemagne hitlérienne derrière moi. Assez pour savoir ce que signifiait sur tous les plans le changement d'appartenance nationale. Sans doute, je ne raisonnais pas dans les mêmes termes qu'aujourd'hui. Mais j'avais une perception intuitive des conséquences que cette annexion, si elle devait devenir irréversible, aurait également sur le plan linguistique. Ce n'est pas sans raison que, pour tenter une évasion au moins intellectuelle, je me suis mis à apprendre... l'anglais! * Non seulement le français était prohibé, mais son utilisation était même sanctionnée par des amendes, voire la prison ou le camp de Schirmeck. C'était là une agression contre notre sensibilité culturelle et une atteinte à ce qui, déjà à cette époque, était l'une des composantes majeures de notre identité linguistique, de notre identité tout court. Les Alsaciens, dans leur immense majorité, le ressentaient ainsi. Leur réaction se trouve assez bien illustrée par la petite histoire - vraie ou inventée, peu importe - de ce brave paysan entrant dans un restaurant en disant, comme à son habitude, 'Bonchour!". Par malheur deux policiers allemands s'y trouvaient. "Das kostet Sie 50 Pfennig." "Do hànr e Màrik. Au rvouar!". * Et le dialecte? "Elsässer, sprecht Eure deutsche Muttersprache!", ne cessaient de répéter les nazis. "Muttersprache"? Uniquement pour signifier aux Alsaciens de parler dialecte et non pas français? Ou pour préparer le terrain à une vaste opération d'uniformisation linguistique que l'on déclencherait le moment opportun? Il semble bien que si Hitler avait gagné la guerre, les nazis se seraient attaqués aussi au dialecte en Alsace (et ailleurs), donc à la composante la plus spécifique de l'identité linguistique alsacienne. * En effet, dans une circulaire adressée par le Gauleiter au Kultusministerium de Karlsruhe en 1944, on pouvait lire: "Der Entwicklung unseres Volkes zur einheitlichen Nation stehen zweifellos auch die Mundarten (Dialekte) im Wege. Es kann deshalb nur das Ziel des Reiches sein, die Einheit auch in der Sprache anzustreben". Une nation, une langue! Rien d'autre que du jacobinisme à l'allemande! * Il y était même spécifié que les Centres de formation des instituteurs au pays de Bade et en Alsace auraient à l'avenir pour mission de favoriser l'usage exclusif du Hochdeutsch parlé, donc de la Umgangssprache (haut-)allemande au détriment des dialectes, "...denn von den Lehrern würde es in Zukunft vor allem abhängen ... ob die kommenden Generationen sich nicht mehr ihrer heutigen Dialekte, sondern der Schriftsprache bedienen". (Lothar Kettenacker) * On comptait sur le corps des instituteurs, le dernier et le plus fragile des maillons de la chaîne des enseignants... pour faire le moment venu la chasse au dialecte. Et les rendre ensuite responsables de la dégradation du dialecte, voire de sa disparition...avec les "parents", bien entendu. Comme toujours! La défaite de l'Allemagne n'a pas permis aux maîtres nazis d'aller jusqu'au bout de leur logique linguistique totalitaire. Dieu merci! Mais, à l'époque, "Nous voulons rester ce que nous sommes (et avons toujours été)" était une réaction viscérale contre toute amputation de la personnalité alsacienne. * et aujourd'hui...? * "Mir welle bliewe, wàs mr sin", n'a pas changé de signification. Sans doute, le contexte est-il totalement différent. L'appartenance nationale des Alsaciens n'est plus remise en cause par personne. Nous ne vivons pas dans une dictature. Théoriquement, chacun peut parler comme bon lui semble. Nous sommes tous libres (et, partant, responsables). Mais tout est-il pour autant le mieux dans le meilleur du monde? * Le fait est que, pour des raisons que nous avons maintes fois développées, le dialecte se trouve menacé dans son existence. Parce que les Alsaciens "l'ont voulu"? Les Alsaciens seraient-ils les seuls hommes au monde qui, de propos délibéré, ont décidé de se débarrasser de leur langue, tout en se déclarant par ailleurs "très attachés au dialecte", sachant bien qu'il est une partie d'eux-mêmes? L'éternel mythe du Hàns im Schnokeloch? Ou tout simplement l'inavouable impuissance face à une évolution que l'on a été incapable de maîtriser ni sur le plan social, ni sur le plan psychologique, ni (surtout) sur le plan politique? * Parce qu' "il ne sert plus à rien"? Il y a quarante, trente ans ou même encore vingt ans, le dialecte servait bien "à quelque chose"? Et si tant d'Alsaciens l'ont abandonné est-ce vraiment parce qu'ils savaient d'avance que bientôt "il ne servirait plus à rien"? Ou n'est-ce pas plutôt parce que la politique linguistique menée en Alsace restreignait - d'abord à l'école, puis dans la vie publique et privée - le champ d'action du dialecte au point de le priver de sa fonction essentielle, à savoir celle de communication? * Au lendemain de la guerre, seul le français avait droit de cité à l'école. A partir du moment où les parents eurent une connaissance suffisante du français, leurs enfants ne furent plus contraints à se servir du dialecte en famille. Ne se trouvant plus, comme leurs aînés, dans l'obligation de parler le dialecte quotidiennement et en toute circonstance, ils se virent ainsi coupés progressivement de la langue de leurs ancêtres. Parfois totalement et, dans la plupart des cas, à leur corps défendant. Pourquoi alors tenter de faire croire que la perte de substance linguistique qui en a été la conséquence est le résultat d'un "choix" libre et conscient fait pour être d'avant-garde? Comme si le monolinguisme - quel qu'il soit - était d'avant-garde! * A cet égard, aucune génération d'Alsaciens n'a d'ailleurs de mérites particuliers à faire valoir. Ni celle qui, comme la mienne, a connu une époque où le dialecte était encore partout la langue de communication courante et où il était parfaitement possible d'acquérir une bonne maîtrise du français et du (haut-)allemand, mais pas non plus la jeune génération qui, sur le plan linguistique, est tout simplement devenue ce que l'école et la pression sociale lui ont permis de devenir. * Faut-il donc jeter le discrédit sur ceux qui se battent - "mit bludde hand" - depuis plusieurs décennies pour que l'Alsace, sans se fermer le moins du monde à la sacro-sainte et au fond si banale "modernité", puisse conserver toutes les dimensions de son identité linguistique, donc également les dimensions dialectale et (haut-)allemande? "Nous voulons rester ce que nous sommes" ou "wir wollen bleiben, was wir sind" ou "mir welle bliewe, wàs mr sin" ... "connotation narcissique", voire "relents nostalgiques"? Avec tout ce que l'on sème ainsi sournoisement en suspicion patriotique? Et que l'on lance à l'adresse de ceux qui tiennent à rester fidèles à eux-mêmes aujourd'hui, comme il y a vingt, trente, voire cinquante ans? Oui, il y a cinquante ans! * "Mir welle bliewe, wàs mr sin"! Qu'y a-t-il d'ailleurs de patriotiquement répréhensible? "Wàs mir sin"? Refuge frileux ou, ce qui est franchement, disons, inacceptable... "nostalgie de l'Allemagne"? Dans l'Europe d'aujourd'hui? Les mots n'auraient-ils plus de sens? Ce n'est pourtant pas très compliqué: "Nous voulons rester ce que nous sommes" signifie tout simplement "Nous voulons rester ce que nous sommes"...ET NON PAS "Nous voulons redevenir ce que nous étions il y a cinquante, cent ou mille ans". Faut-il vraiment recourir à une savante exégèse pour comprendre cela? * Toute l'histoire alsacienne prouve que "Mir welle bliewe, wàs
mr sin", ce n'est pas et n'a jamais été une impossible
marche vers le passé, mais l'affirmation d'une identité
en constante évolution qui, sans transiger sur sa spécificité,
cherche à se forger un avenir non pas imposé du dehors, mais
frappé du sceau de la personnalité de l'Alsace. Une personnalité
qui, depuis trois cents ans au moins, a plusieurs dimensions. "Mir
welle bliewe, wàs mr sin", c'est la manifestation d'une volonté
de n'en sacrifier aucune! Pour les Alsaciens conscients d'eux-mêmes,
c'est aussi et surtout l'expression d'une vision de l'avenir qui leur
ouvre un espace linguistique, culturel et, partant, humain, dont nombre
de leurs censeurs ne peuvent que rêver. | |||||
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L'intégration des
Alsaciens au Troisième Reich | |||||
* Les anciens collègues qui, en 1940, ont été, comme moi, détachés - "abgeordnet" - outre-Rhin et les anciens incorporés de force dans la Wehrmacht ont en général apprécié l'authenticité de ce que j'ai rapporté dans les chapitres les concernant. Mais il y en a eu tout de même quelques-uns qui auraient aimé me voir donner de plus amples détails sur les "exceptions", c.à.d. les rares Alsaciens à qui l'annexion pure et simple de l'Alsace à l'Allemagne n'a, semble-t-il, posé aucun problème politique, idéologique ou psychologique. Peur de dire toute la vérité? C'est plus complexe que cela. * Me basant exclusivement sur mon propre vécu, forcément limité, tout ce que j'étais ou que je suis en mesure de dire restait fragmentaire et ne pouvait, en aucun cas, être pris pour LA vérité de l'époque. Mais je reconnais qu'il y a là un problème. Ce n'est d'ailleurs pas le seul. En effet, au lieu de se livrer à une réflexion de fond sur tous les aspects de l'intégration de l'Alsace (et de la Moselle) dans le Troisième Reich, on se contente le plus souvent de polémiques qui non seulement ne règlent rien, mais escamotent le véritable débat. Osons avouer que notre génération y a une part de responsabilité. * Le fait est que même aujourd'hui, à plus d'un demi-siècle de distance, le débat est loin d'être clos. Ce que j'écrivais il y a déjà cinq ans, est hélas! toujours vrai. "...Malgré d'incontestables efforts faits par les historiens, les médias et la presse en Alsace, cette pénible tranche de l'histoire de l'Alsace et, en particulier, les problèmes liés à l'incorporation de force dans la Wehrmacht des Alsaciens de ma génération restent toujours mal connus et surtout mal appréciés outre-Vosges. " Et pas seulement outre-Vosges! * C'est ainsi qu'il n'y a pas encore tellement longtemps, pas n'importe qui reprochait aux Alsaciens de ne pas avoir su, au lendemain de la guerre, "porter leur part de deuil". Contrairement aux Allemands, soulignait-il même! Pas de deuil en Alsace pour les dizaines de milliers de morts que nous a valu l'intégration politique au Troisième Reich... dans l'indifférence générale? Non, quand même! Tout se passe comme si l'intéressé a voulu ainsi laisser sous-entendre - pour le moins! -, que "les" Alsaciens avaient, eux aussi, leur part de responsabilité dans la montée du nazisme et les crimes commis par l'Allemagne nazie... Incroyable! Il n'hésita d'ailleurs pas à mettre "les" Alsaciens sur le même plan que les Autrichiens partisans de l'Anschluss à la Grande Allemagne en 1938 et... les Japonais de Pearl Harbor ! (Die Weltwoche, 27.06.95) * De victimes, les Alsaciens devenaient des coupables! Alors que,"avec 47 583 tués et disparus, l'Alsace a le taux plus élevé des victimes de guerre de toute la France", comme l'a constaté Albert Joseph Schaeffer, incorporé de force qui s'est trouvé dans le camp de Tambov, dans son livre Ces libérateurs venus de l'Est (1997). * Et encore récemment, à propos du terrible drame d'Oradour, on pouvait lire qu'à Oradour se sont trouvés "des Malgré-Nous, des Alsaciens qui avaient choisi le mauvais camp." (LA VIE, l'hebdomadaire bien connu en France, n° 2755 du 18.6.98, page 9). Comme si l'Alsace avait jamais "choisi" "son camp" et comme si les Alsaciens qui ont eu le malheur de se voir verser dans l'unité de la Waffen-SS qui a commis l'horrible crime d'Oradour avaient été des volontaires... * A partir du moment où les Allemands incorporaient, au mépris du droit international, des Alsaciens et des Mosellans - des citoyens français - dans leur armée, il était inévitable que ceux-ci fussent mêlés un jour ou l'autre aux exactions, voire aux crimes, que commettraient les unités dont ils allaient faire partie. Les Luxembourgeois, eux aussi, incorporés de force dans la Wehrmacht, ont d'ailleurs connu le même drame. (cf. Der Spiegel, n° 21, 20.5.96, p.51) * Il convient ici de rappeler que lorsque, le 25 août 1942, le Gauleiter Robert Wagner, décréta le" service militaire obligatoire dans l'armée allemande" pour "les Alsaciens de souche allemande (!)", on ne nota, à part la protestation immédiate des parlementaires alsaciens-mosellans, aucune réaction notable dans le reste de la France. Pas de manifestation de rue... pas de "donneurs de leçons" à la "France" à cause de cela!... Certes, le gouvernement de Vichy éleva la voix auprès de la Commission d'Armistice de Wiesbaden, mais interdit en même temps à la presse et même aux journaux des réfugiés alsaciens-mosellans d'en parler! Quelle hypocrisie! * Oh! j'entends bien, Vichy, ce n'était pas la France. Sans doute. Mais l'Alsace était-elle l'Allemagne hitlérienne? La présence d'Alsaciens (et de Mosellans) dans la Wehrmacht et les milliers de morts en Russie et ailleurs en Europe ne semblent avoir inquiété personne jusqu'au jour où l'on parut tout étonné de trouver des Alsaciens et des Mosellans également dans des unités allemandes en France! * Longtemps les milieux politiques français ont feint d'ignorer ce problème. Et pourtant, comme je l'ai déjà dit ailleurs, les questions que soulève cette terrible tragédie ne concernent pas uniquement les Alsaciens ou... les Allemands. Il s'en faut de beaucoup. Elles interpellent la France tout entière. Les choses ont heureusement changé. Après plus de cinquante ans, ce n'est certainement pas trop tôt. * Mais il est toujours nécessaire d'expliquer à l'opinion française le drame des "Malgré-Nous". Certes, en Alsace, on s'y emploie. Mais avec quel résultat? Soulignons ici l'engagement personnel de Roland Ries, l'actuel Maire de Strasbourg qui, en se rendant en plusieurs lieux historiques significatifs pour l'histoire contemporaine de l'Alsace, dont Oradour, a fait le geste qu'il fallait et... l'hommage solennel rendu récemment aux morts du camp de Tambov lors de l'inauguration du Mémorial érigé en leur honneur à Tambov même par de nombreuses personnalités régionales, dont le Président de la Région Alsace, Adrien Zeller, le Président du Conseil général du Bas-Rhin, Philippe Richert, la Vice-présidente du Conseil général du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert, Roland Ries, le Maire de Strasbourg, et également le représentant du Gouvernement, le Secrétaire d'État aux Anciens Combattants, Jean-Pierre Masseret. * Personne n'a jamais nié qu'il y eu en Alsace, comme ailleurs en France, des collaborateurs volontaires avec le régime nazi et également des comportements répréhensibles de quelques incorporés de force. La contrainte n'excuse pas tout. Mais ces cas ont été extrêmement rares, si rares qu'on donnerait une fausse idée de l'attitude de l'Alsace et des Alsaciens face à l'impitoyable dictature nazie en leur attachant une importance exagérée. * Le fait est que plus de 18 500 Alsaciens furent poursuivis et emprisonnés sous le régime nazi, ce qui, en pourcentage, est sept fois supérieur à la moyenne nationale, comme le rappelle fort justement François Schaffner, dans Land un Sproch, n°122, printemps 1997. Les rares Alsaciens qui se sont mis consciemment au service des nazis ou qui ont été engagés volontaires dans la Wehrmacht, ne sauraient donc servir d'alibi à ceux qui, en chargeant ainsi injustement l'ensemble des Alsaciens, cherchent à faire oublier leur propre responsabilité ou, au moins, leur étonnante passivité lorsque l'Alsace fut détachée de la France en juin 1940. * Le moins qu'on puisse demander à tous ces censeurs, c'est de faire preuve d'un minimum d'humilité lorsqu'ils ne peuvent résister à l'envie de dire leur mot sur le comportement des Alsaciens ou des Mosellans ou d'autres hommes sous la dictature nazie. Sans doute, il y a eu des défaillances, parfois graves. Mais, dans leur immense majorité, les Alsaciens ont eu une attitude digne, malgré des pressions idéologiques et un quadrillage politique et, partant, policier qui ont été épargnés au reste de la France. * Pour ceux qui ont eu conscience du véritable enjeu du gigantesque combat et de la confrontation meurtrière entre "le monde libre" - même si le bolchevisme troublait quelque peu les esprits - et une idéologie totalitaire, le conflit intérieur était permanent. D'ailleurs, pas uniquement pour les Alsaciens. Aussi pour une minorité d'Allemands. * Tout n'était pas toujours noir ou blanc. La réalité a été souvent fort complexe. Sans doute, les exceptions restent des exceptions. Mais elles me paraissent avoir plus qu'une valeur symbolique. (élan, mars-avril 99) | |||||
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