Euclidoscope

Comment générer de la musique à partir du seul calcul ?

La base 12

Pour ce qui va suivre, nous nous bornerons à étudier la gamme tempéré à 12 demi-tons, celle-ci partageant l’octave en 12 parties égales.

Si, augmenter la fréquence un son d’une octave équivaut à multiplier sa fréquence par 2, les mathématiques nous apprennent que l’augmenter d’un demi-ton équivaut à multiplier cette fréquence par la racine douzième de 2.
Soit le nombre qu’il faut multiplier 12 fois par lui-même pour obtenir 2, et donc 1,059463094359295264561825…(on ne peut pas énumérer l'ensemble de ses chiffres car il est irrationnel). C'est le demi-ton.
Ainsi théoriquement, d’un bout à l’autre d’un clavier de piano, le rapport de fréquence est le même d’une note à celle qui la suit immédiatement. Et le même motif de touche noires ou blanches se répète toutes les 12 notes.

Cela incite naturellement à calculer en base 12 en posant par exemple | | | | | | | | | | | | | :)

Do
Do #
Mi b
Mi
Fa
Fa #
Sol
So l#
La
Si b
Si
Do Octave
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
0 = 12

 

Où les notes en oranges sont les dièses, bémols et autres touches noires du piano. (Elles sont en orange plutôt qu’en noir pour des raisons de présentation).
Comme il est délicat d’introduire une notation en base 12, nous allons adopter la convention suivante : Les notes seront codée en base 10 par rapport à un Do de référence, le Do3 du Piano, égal à 0. On pourra au fur et à mesure des modulations, changer de convention(s).

Par exemple, 19 sera vu comme 12+7 = Do3 (0) + une octave (12) + 7 demi-tons, et donc Sol4.
Note: Sol est 7 demi-tons au dessus du Do, en solfège on dit qu'il est une quinte au dessus et sur le degré V, en physique que le Sol4 vibre 3 fois plus vite que le Do3 de référence. En gros, cela veut dire qu'une différence de 19 demi-ton fait vibrer un son 3 fois plus vite et que cette intervalle est nommé quinte. Si vous n'appréciez pas l'aspirine, oubliez le solfège traditionnel qui vous apprendra sans rire que la tierce majeure vibre 5 fois plus vite.

La gamme majeure


La gamme majeure est alors définie par un simple tableau : 0, 2, 4, 5, 7, 9, 11 (do, ré, mi, fa, sol, la, si). Si l’on veut obtenir ces notes une octave au dessus ou en dessous, il suffira de respectivement ajouter ou retrancher à ces valeurs un multiple de 12.
On obtiendra ainsi pour l’octave supérieure : 12, 14, 16, 17, 19, 21, 23.
Et pour l’octave inférieure : -12, -10, -8, -7, -5, -3, -2, -1.
Nous avons alors toute latitude pour jouer n’importe quelle note audible. Pour connaître son nom, il suffit de calculer le reste du nombre dans sa division par 12, et le quotient obtenu fournit le décalage en octave.

Gamme d'accord à 4 notes

Nous allons voir maintenant comment générer une gamme d’accord moyennant une règle très simple.
Pour entrer directement dans un cas d’école, nommons cette règle [0, 2, 4, 6]. Et appliquont la à la gamme majeure 0, 2, 4, 5, 7, 9, 11.

Celle-ci signifie que pour chaque note de la gamme, on prend la note numéro 0 dans la gamme, puis la 2ème, puis la 4ème et enfin la 6ème. Dans le cas où la gamme est 0, 2, 4, 5, 7, 9, 11, (gamme majeure) cela nous donne les notes 0, 4, 7, 11 (do, mi, sol, si) de l’accord DoM7, si l’on part de la première note. Avec la deuxième Note Ré (2 dans la gamme) la règle [0, 2, 4, 6] nous donnera 2, 5, 9, 12 (ré, fa, la, do) et Ré min7 (Voir tableau ci-dessous, les deux premières lignes bleues).

Les connaisseurs auront reconnu dans la structure [0, 2, 4, 6] une superposition de tierces, riches en harmonies et à la base de beaucoup de musiques. En notation traditionnelle de solfège cette règle est nommée progression sur les degrés I, III, V, VII . On avouera que l’abandon des chiffres romains est plus que nécessaire.

Calculons à la suite de chaque accord en position fondamentale ( [0, 2, 4, 6] et en bleu), les renversements possibles, tout en ramenant leur première note à l’intérieur de l’intervalle (0, 11) qui représente l’octave de base, on obtient :

Note1
Note2
Note3
Note4
Somme
Do majeur 7M
0 (do)
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
22
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
12 (do)
34
7 (sol)
11 (si)
12 (do)
16 (mi)
46
11 (si)
12 (do)
16 (mi)
19 (sol)
58
Ré mineur 7
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
28
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
14 (ré)
40
9 (la)
12 (do)
14 (ré)
17 (fa)
52
0 (do)
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
16
Mi mineur 7
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
36
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
16 (mi)
48
11 (si)
14 (ré)
16 (mi)
19 (sol)
60
2 (ré)
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
24
Fa majeur 7M
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
42
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
17 (fa)
54
0 (do)
4 (mi)
5 (fa)
9 (la)
18
4 (mi)
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
30
Sol majeur 7
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
49
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
19 (sol)
61
2 (ré)
5 (fa)
7 (sol)
11 (si)
25
5 (fa)
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
37
La mineur 7
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
19 (sol)
56
0 (do)
4 (mi)
7 (sol)
9 (la)
20
4 (mi)
7 (sol)
9 (la)
12 (do)
32
7 (sol)
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
44
Si mineur 7, 5b
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
21 (la)
63
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
11 (si)
27
5 (fa)
9 (la)
11 (si)
14 (ré)
39
9 (la)
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
51

Ce tableau contient la gamme d’accord la plus serrée possible, contenant les 28 renversements des accords de 4 notes en tierces (règle [0, 2, 4, 6]) des 7 notes de la gamme majeure (0, 2, 4, 5, 7, 9, 11). En gros, les accords fondamentaux du débutant.

Note: Une fois les accord en position serrée connus, on peut les triturer en faisant "tomber" une ou plusieurs notes à l'octave inférieure. On parle de renversement "Drop2", "Drop3" ou "Drop 2,4" selon les notes descendues (V. Derek Sébastian).

La dernière colonne, la somme de toutes les notes de l’accord, doit permettre (intuitivement) de trier ces accords par fréquence ascendante.

En voici donc le résultat après un tri ascendant :

Les positions fondamentales des accords de degrés I, III, V, VII (règle [0, 2, 4, 6] si l'on transpose les chiffres romains) sont notées en bleu.

Accord
Note1
Note2
Note3
Note4
Somme
Cycle 1
Ré min 7
0 (do)
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
16
Fa M7
0 (do)
4 (mi)
5 (fa)
9 (la)
18
La min 7
0 (do)
4 (mi)
7 (sol)
9 (la)
20
Do M7
0 (do)
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
22
Mi min 7
2 (ré)
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
24
Sol 7
2 (ré)
5 (fa)
7 (sol)
11 (si)
25
Si min 7,5b
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
11 (si)
27
Cycle 2
Ré min 7
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
28
Fa M7
4 (mi)
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
30
La min 7
4 (mi)
7 (sol)
9 (la)
12 (do)
32
Do M7
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
12 (do)
34
Mi min 7
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
36
Sol 7
5 (fa)
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
37
Si min 7,5b
5 (fa)
9 (la)
11 (si)
14 (ré)
39
 Cycle 3
Ré min 7
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
14 (ré)
40
Fa M7
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
42
La min 7
7 (sol)
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
44
Do M7
7 (sol)
11 (si)
12 (do)
16 (mi)
46
Mi min 7
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
16 (mi)
48
Sol 7
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
49
Si min 7,5b
9 (la)
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
51
Cycle 4
Ré min 7
9 (la)
12 (do)
14 (ré)
17 (fa)
52
Fa M7
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
17 (fa)
54
La min 7
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
19 (sol)
56
Do M7
11 (si)
12 (do)
16 (mi)
19 (sol)
58
Mi min 7
11 (si)
14 (ré)
16 (mi)
19 (sol)
60
Sol 7
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
19 (sol)
61
Si min 7,5b
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
21 (la)
63

Curieusement, et dans ce cas bien particulier (la gamme majeure en accord de 4 notes espacées d’une tierce), ce même tri permet par un hasard extraordinaire, de classer ces accords par tierce ascendantes, (Le cycle Ré, Fa, La, Do, Mi, Sol, Si, Ré, etc.) et donc par quarte, quinte, seconde ou septième (Attention! Cette énorme facilité ne fonctionne ni pour la gamme mineure harmonique [0, 2, 3, 5, 7, 8, 11], ni pour la gamme mineure mélodique [0, 2, 3, 5, 7, 9, 11]).

Qui plus est, le même système, la gamme majeure 0, 2, 4, 5, 7, 9, 11, avec la même règle transposée à trois notes [0, 2, 4], avec un tri par fréquence ascendantes (la colonne somme), classe les accord par tierces descendantes.

Comme l'atteste le tableau ci-dessous:

Gamme d'accord à 3 notes

Accord
Note1
Note2
Note3
Somme
Cycle 1
Do majeur
0 (do)
4 (mi)
7 (sol)
11
La mineur
0 (do)
4 (mi)
9 (la)
13
Fa majeur
0 (do)
5 (fa)
9 (la)
14
Ré mineur
2 (ré)
5 (fa)
9 (la)
16
Si min 5b
2 (ré)
5 (fa)
11 (si)
18
Sol majeur
2 (ré)
7 (sol)
11 (si)
20
Mi mineur
4 (mi)
7 (sol)
11 (si)
22
Cycle 2
Do majeur
4 (mi)
7 (sol)
12 (do)
23
La mineur
4 (mi)
9 (la)
12 (do)
25
Fa majeur
5 (fa)
9 (la)
12 (do)
26
Ré mineur
5 (fa)
9 (la)
14 (ré)
28
Si min 5b
5 (fa)
11 (si)
14 (ré)
30
Sol majeur
7 (sol)
11 (si)
14 (ré)
32
Mi mineur
7 (sol)
11 (si)
16 (mi)
34
Cycle 3
Do majeur
7 (sol)
12 (do)
16 (mi)
35
La mineur
9 (la)
12 (do)
16 (mi)
37
Fa majeur
9 (la)
12 (do)
17 (fa)
38
Ré mineur
9 (la)
14 (ré)
17 (fa)
40
Si min 5b
11 (si)
14 (ré)
17 (fa)
42
Sol majeur
11 (si)
14 (ré)
19 (sol)
44
Mi mineur
11 (si)
16 (mi)
19 (sol)
46

Ces quelques exemples témoignent de l'efficacité de la définition d'une gamme d'accord à partir d'une gamme et d'une règle de formation d'accord.

Derek Sébastian dans son ouvrage " Le son du jazz Vol.1 page 161", montre exhaustivement que les seules règles d'harmonisation d'une gamme à 7 tons par des accords de 4 notes, passe par l'une des 5 règles suivantes : [0, 1, 2, 3], [0, 1, 2, 4], [0, 1, 2, 5], [0, 1 ,3 ,4] et [0, 1, 3, 5].

Cette dernière n'étant qu'un avatar de [0, 2, 4, 6] abordé plus haut qui se retrouve par le jeu des transpositions (ajoutant 1 respectivement à [0, 2, 4, 6] et calculant le reste de la division par 7 il vient [1, 3, 5, 0]). Et les tierces superposées qui en découlent.