La guerre le conduit à d'autres activités. Consultant depuis 1937 au laboratoire de recherche d'Aberdeen dans le Maryland, il est ensuite consultant puis membre du conseil de recherche de défense nationale. En 1943, Robert Oppenheiner l'appelle à le rejoindre à Los Alamos. Dans ses travaux sur l'implosion, sur le contrôle des réactions nucléaires, il ressent un extrême besoin de moyens de calcul puissants qui manquent cruellement.

C'est sur ces entrefaites qu'il rencontre fortuitement H.H. Goldstine sur le quai de la gare d'Aberdeen. Le lieutenant Goldstine supervisait pour le compte du BRL (Balistic Research Laboratory) de l'US Army le développement de l'ENIAC par Eckert et Mauchly, a la Moore School . Cet épisode qui fait partie du folklore de l'histoire de l'informatique a déjà été contée cent fois. Empruntons le pour la 101 éme fois à Philippe Breton. (Une histoire de l'informatique, page 85)

" Goldstine avait rapidement identifié von Neumann, qui était alors très connu. Il s’était présenté à lui, assez intimidé, mais s’était rassuré au fur et à mesure de la conversation. Von Neumann était en effet un homme avenant, qui faisait tout son possible pour mettre ses interlocuteurs à l’aise.

Von Neumann s’était montré soudain vivement intéressé par la description que Goldstine venait de lui faire de l’ENIAC, une machine qui tranchait, par sa technologie, sur tout ce qui était connu jusqu’alors. Von Neumann et Goldstine avaient des intérêts qui convergeaient trop fortement pour que leur rencontre n’eût pas de suite. Ce dernier pressentait sans doute tout l’avantage qu’il y avait à ce que von Neumann participe au projet d’amélioration de l’ENIAC d’abord pour tout ce que les ressources de son intelligence exceptionnelle pouvaient apporter, ensuite parce que la participation de von Neumann donnerait au projet une légitimité incontestable sur un plan scientifique, et aussi auprès des financeurs potentiels. Von Neumann, quant à lui, était sans doute au moins autant intéressé par la puissance de calcul qui était ainsi promise que par ce modèle du cerveau dont il souhaitera ardemment la réalisation. Von Neumann proposa donc de venir passer quelques jours à la Moore School pour examiner la machine et discuter avec ses concepteurs.

De cette rencontre naîtront les principales analyses qui convertiront l’ENIAC, un des derniers grands calculateurs, en une lignée de machines à l’organisation radicalement nouvelle, qui inaugurera l’ère des ordinateurs.

Von Neumann se rendit donc à la Moore School (septembre 1944) et identifia rapidement les insuffisances de l'ENIAC (pas de programme enregistré, mémoire insuffisante etc..) insuffisances d'ailleurs dont les concepteurs étaient parfaitement conscients dès avant son achèvement - L'ENIAC ne tournera qu'en 1946 - . John fut nommé consultant pour le projet et entreprit, avec Eckert et Mauchly la rédaction de la spécification de ce qui aurait pu être le premier ordinateur au monde. Ce travail prit la forme d'un document d'une dizaine de pages et d'une grande clarté intitulé :

"First Draft of a Report on the EDVAC" (Electronic Discrete Variable Computer). Ce célèbre document qui décrit en fait l'architecture de tous les ordinateurs (Architecture de Von Neumann) a été publié sous la seule signature de Von Neumann alors qu'il représentait la synthèse des idées de l'équipe. Vous imaginez bien que ceci ne plut guère à Eckert et Mauchly qui de plus, en bons industriels qu'ils étaient, voulaient breveter cette architecture alors que John et Goldstine voulaient bien entendu la mettre à la disposition de la communauté scientifique.Cette dissension bloqua le développement de l'EDVAC, qui fut finalement repris par une autre équipe de la Moore School mais ne tourna qu'en 1952. Un procès donna raison à Von Neumann qui put alors diffuser largement les principes d'architecture des ordinateurs.

 Il retourna à l'IAS où il emmena Goldstine . Il y développa son propre ordinateur simplement intitulé IAS. Le responsable direct du projet était Jilian Bigelow, cybernéticien recommandé à Von Neumann par Norbert Cette dissension bloqua le développement de l'EDVAC, qui fut finalement repris par une autre équipe de la Moore School mais ne tourna qu'en 1952. Un procès donna raison à Von Neumann qui put alors diffuser largement les principes d'architecture des ordinateurs.Il retourna à l'IAS où il emmena Goldstine . Il y développa son propre ordinateur simplement intitulé IAS. Le responsable direct du projet était Jilian Bigelow, cybernéticien recommandé à Von Neumann par Norbert Wiener. On voit sur la photo, devant l'IAS, de gauche à droite : Bigelow, Goldstine, Oppenheimer et Von Neumann. Cet ordinateur, à base de tubes electrostatiques (comme le Manchester Mark1), ne tournera également qu'en 1952. L'IAS sera à l'origine d'une famille de machines :  
 .L'ILLIAC (ILLInois Automatic Computer), développé à l'université de l'Illinois à Urbana,

Le JOHNIAC (du prénom de notre héros) développé à la Rand Corporation à Santa Monica,

Le MANIAC (Mathematic Analyser, Numerator And Computer) de Los Alamos.

De leur coté Eckert et Maucly développèrent le BINAC, puis la série UNIVAC.

Entre temps IBM offre un contrat de consultant à Von Neumann.

 Après la guerre de très nombreuses agences gouvernementales et privées se l'arrachèrent. Sa compétence et son audience internationale lui permettaient d'obtenir de l'argent pour ses recherches; il cumula les titres. En 1954 Eisenhower l'appela à siéger à l'AEC (Commissariat à l'Energie Atomique) où il fut très actif jusqu'à la fin de sa vie et où son anticommunisme viscéral et son patriotisme américain le firent militer pour un réarmement massif et pour le développement des missiles balistiques. Malheureusement un cancer des os le ronge, ce qui ne l'empêche pas de se rendre à l'AEC en ambulance…Ultime consécration, le président Eisenhower le décore de la médaille de la liberté le 15 février 1956, (qu'il reçoit assis à cause de sa maladie) . Il mourra à l'hôpital le 8 février 1957, à 53 ans.  
 Bibliographie :
  • Les cahiers de Science et Vie, numéro spécial dec.1996 : Qui a inventé l'Ordinateur.
  • Philippe Breton, Une histoire de l'informatique
  • La Recherche, hors série sur la science et la guerre, avril / juin 2002, en particulier 2 articles " La pensée mathématique des systèmes" et " John Von Neumann, joueur stratégique"
  • Quelques sites Web qu'on trouve facilement à Von Neumann sur les moteurs de recherche