Il n’y avait quand j’ai pénétré dans le palais Lochias il n’y avait personne.
Il n’y avait que le vent.
Il n’y avait que le vent dans le palais Lochias le vent dans chaque chambre le vent dans chaque salle le vent plein de sable.
Il n’y avait point de garde aucun nulle part.
J’ai erré dans le palais Lochias.
J’y ai suivi le vent.
Entre les colonnes des terrasses le vent.
Entre les colonnes des terrasses la mer.
J’ai vu la mer du haut du palais Lochias j’y ai entendu le vent et le vent sur la mer brillante.
J’ai vu les trônes désertés j’ai touché les trépieds refroidis où ne fumait pas l’encens j’ai vu les chambres vides j’ai vu les jeux du vent dans les chambres endormies sous le sable j’en eus le goût dans ma bouche.
Il n’y avait personne dans le palais Lochias.
J’ai erré longtemps en compagnie du vent et de la lumière qui vient de la mer.
Dans le palais Lochias la lumière du soleil sur la mer entre avec le sable et le vent se couche sur les tapis avec le sable avec les ombres noires des colonnes.
Aucun garde ne les arrête aucun nulle part.
J’ai vu les jardins entre les murs épais le vent y vanne le sable gris.
J’ai gravi des volées de marches j’ai traversé des allées en plein air gardées par des murs épais gardées par les Pierres écrites du nom des Dieux ma robe a touché le nom des Dieux j’ai vu Alexandrie à mes pieds.
Comme aux terrasses au haut du palais Lochias la mer Alexandrie à mes pieds.
J’ai vu d’Alexandrie le nombre et la beauté nombreuse debout malgré le vent.
Entre les colonnes Alexandrie et j’ai entendu Alexandrie malgré le désastre et le vent.
J’ai erré longtemps dans le palais Lochias.
J’ai trouvé les chemins du palais Lochias et les chemins privés gardés par les tentures et les chemins secrets qui vont aux chambres où sont les secrets parmi les fresques.
Et la mer.
Dans chaque chambre dans chaque secret entre la mer entrent le sable et le vent.
J’ai erré dans le secret du palais Lochias j’y ai trouvé le seigneur Antoine.
Dans une chambre parmi les fresques j’ai trouvé le seigneur Antoine.
Le seigneur Antoine était dans une chambre et blessé.
Il était évanoui et au bord de mourir il baignait dans son sang.
Comme le soleil dans la mer : le seigneur Antoine dans son sang.
Un esclave à ses pieds baignait dans son sang et déjà mort et déjà froid et recouvert déjà par le sable gris.
Dans la lumière qui vient de la mer le sable brille.
Le seigneur Antoine saignait.
Il saignait doucement et sa couche était gorgée de sang et le sable déjà était dans le sang.
Brillant.
Un glaive à sa main du sang sur le glaive et du sable dans le sang.
Brillant.
Par la fenêtre de la chambre j’ai vu la mer je l’ai vue pleine de sel comme les larmes pleine de périls et de douceurs sous le soleil pleine d’aventures.
Je me suis souvenu du seigneur Antoine.
Dans les montagnes de mon pays (les montagnes de mon pays sont comme la lumière sont faites de lumière) dans le dédale des montagnes où l’âme est lumineuse on parle encore du seigneur Antoine.
On parle de son courage.
On parle de sa vaillance.
Mon père a combattu le seigneur Antoine.
Les flèches de mon père et de son frère et de ceux de sa race ont tué les soldats du seigneur Antoine dans les montagnes lumineuses les montagnes de la Perse.
Mon père dit : les flèches de nos arcs étaient sur les soldats romains comme la fièvre.
Mon père dit : les soldats romains par milliers sont morts dans les montagnes de la Perse ils sont morts sous les coups de nos flèches sûres et leurs corps tombaient et leurs casques tombaient dans les ravins.
Il dit : ceux qui ne sont par morts par flèches ils sont morts par faim et par soif et par nostalgie.
Il dit : ceux qui survécurent sont morts par l’herbe-folie.
Les survivants ils ont mangé l’herbe-folie.
Devant le corps du seigneur Antoine devant la mer j’ai pensé à l’herbe-folie : ceux qui en mangent tout le jour ils creusent le sol ils y cherchent des pierres en pleurant.
Ils pleurent et ils creusent et ils pleurent encore en tenant les pierres dans leurs bras.
Tout le jour chaque jour et la nuit à la lueur des torches.
Alors ils meurent.
Ils oublient de respirer et alors ils meurent les yeux pleins de larmes à côté des pierres exhumées.
Dans les montagnes de mon pays on parle encore du seigneur Antoine on parle de son endurance de sa vaillance sous les flèches on parle de son grand amour pour Égypte.
Dans les plaines et les déserts et dans les montagnes aussi de mon pays on dit que l’amour est fait de trahisons.
On dit que l’amour.
Dans la chambre emplie de sable et de sang et emplie de vent brillant le vent gémissait comme un homme blessé.
Dans le palais Lochias il gémissait comme un homme trahi.
Un homme est entré dans la chambre un vieillard hors d’haleine un envoyé d’Égypte.
Sur lui était le signe d’Égypte comme sur la mer le soleil.
Il est entré il a gémi la tête ballante : malheur oh malheur sur toi pays d’Égypte.
Il a dit : malheur il s’est agenouillé.
Il s’est penché sur le corps du seigneur Antoine il a essuyé le sable et le sang au bord des plaies il a touché la plaie avec le doigt et son manteau essuyait le sang son manteau de laine blanche où le signe d’Égypte.
Il a montré le signe d’Égypte il a dit : je suis le médecin d’Égypte.
Il a dit : je suis l’envoyé d’Égypte je viens chercher le seigneur Antoine l’époux d’Égypte.
Il a dit : Égypte se tient aux portes de mourir elle se tient et elle appelle l’époux.
Il a dit : car tout est fini la mort est sur Alexandrie.
Il a dit : Égypte appelle l’époux et le palais Lochias est désert et sa voix vaine qui roule avec le vent dans le désert des chambres.
Il n’y a a-t-il dit que le vent dans le palais Lochias il n’y a que la mort or mes jambes sont faibles.
Il a dit : il n’y a plus d’esclaves de majordomes de dignitaires il n’y a plus de généraux ni de soldats si je claque des mains le vent ricane.
Il n’y a plus de chambellan.
Il n’y a plus de litières ni de charroi il n’y a plus de chevaux ni de porteurs.
Il n’y a que le vent et le sable et l’ombre des colonnes dans la lumière de la mer comme des flèches sur le sol.
Il n’y a que le sang et le ricanement du vent.
Il a dit : je ne survivrai pas à la mort d’Égypte je ne survivrai pas à leur sang.
Il a dit : il n’y a plus que deux tombeaux le tombeau du phare et le tombeau Lochias et ce bruit entre eux que fait Alexandrie dans le vent et le vieil homme que je suis avec l’étranger que vous êtes.
Il y avait des larmes dans sa voix et des larmes dans sa barbe et des larmes.
Il y avait le vent aussi dans son manteau de laine blanche et la fatigue dans ses jambes la vieillesse et la douleur.
Il y avait la lumière autour de nous d’Alexandrie et de la mer.
Et la lumière aussi du sang.
J’ai offert ma litière à l’envoyé d’Égypte.
J’ai offert d’accompagner l’envoyé d’Égypte et le seigneur Antoine dans ma litière et de rendre ainsi à Égypte son seigneur.
Dans les montagnes de mon pays dans le vertige des montagnes lumineuses on parle encore et longtemps du grand amour qui unit Égypte à Antoine.
On parle et on hoche la tête.

Trois brèves légendes: première brève légende - 3