La litière a passé les jardins royaux et les quartiers d’esclaves, passé la colline-aux-palais et les vergers bruyants, passé les volières, passé les cages où rient les singes bleus qui tendent leurs paumes fardées à travers les barreaux polis, passé les arches de pierre noire et ceux de pierre blanche, passé les gloires et les dieux tutélaires dans leurs demeures de marbre et d’ébène, passé les mangeoires pour les daims familiers et les fontaines pour les cygnes, les kiosques pour la sieste et les portiques pour la philosophie, passé les terrasses d’astronomie, et les vasques immenses où l’on recueille la pluie pour le bain des moineaux gris d’Égypte, et les bosquets pour l’amour, et les escaliers de roc frotté de sable et ceux qui conduisent à la mer jacassante où chantent les cordages des galères royales, et les dépôts de trophées, et les forêts pythonisses et les tonnelles d’ombre suave pour le soleil de midi où criaillent les perroquets sacrés – la litière a passé les murailles de cyprès amers et les murailles de citronniers en fleurs, passé le conservatoire des plantes d’outre-mer et les fabriques de confiseries, passé les cuisines et les boucheries, les étables et les basses-cours (et dans l’une un coq chantait), passé les orfèvreries et les maisons de tissage du lin royal, la litière a passé et passé, elle a passé et le vent se moquait d’elle dans son ombre agitée.
La litière a quitté le palais Lochias.
Or voici : maintenant le vent se gonfle de sel.
Maintenant le vent, de l’autre côté des tabliers de cuir qui ferment la litière, le vent hurle et bondit, le vent grince et il gonfle et il est plein de vent, il secoue le monde et le monde n’est plus qu’un coquillage empli de sable entre les mains du vent.
Le vent siffle, le vent souffle, le vent se soûle d’amertume.
Le vent enfle sa gorge à l’approche de la mer, il l’embrasse et sa bouche s’emplit de sel.
Car voici : la litière maintenant est aux abords du port.
Et un vieil homme à sa suite s’avance, ses jambes sont faibles et son manteau est en sang dont se souille le signe d’Égypte.
Mais le vent parle de l’eau qui tremble à l’horizon, il parle de la mer qui brille, le vent parle des voiles qu’il gifle, des poissons et des algues auprès des poissons, des pêcheurs et des filets ravaudés dans la lumière sur les quais et des vaisseaux de Rome, là-bas, derrière le Diabathra, d’où vient le vent.
Or sous le vent : la ville malgré le vent.
Sous le vent on entend la ville.
On entend la foule d’Alexandrie, massée sur le port, pour voir entrer le seigneur Octave, le vainqueur d’Égypte, l’expulseur de dieux, le suscitateur de vent.
On entend ceux qui se haussent sur leurs pieds mais ils ne voient rien, et ceux qui leur décrivent ce qu’ils ne voient pas et ceux qui imaginent comme s’ils voyaient et ceux qui voient mais ne voient rien du fait de la tant brillante lumière.
Et du vent.
On entend la ville, et le bruit de sa bouche, et le bruit de ses craintes, et celui de ses espoirs, malgré le vent.

Trois brèves légendes: première brève légende - 4