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- Or écoute ce que j’ai vu : quand la foule fut parvenue
au pied du tombeau scellé dans l’île labourée de vent et ses
vêtements ne sont plus qu’une lessive folle déjà la litière
était parvenue au pied du tombeau et le seigneur Antoine déjà on le
hissait.
- Et déjà le vent était parvenu.
- Et partout la mer.
- Et la lumière avec le sable et le sel partout aveuglément
brillant.
- Or la litière au pied du mur de scellement déjà était
vide : elle n’était plus qu’un jouet du vent.
- Battante et oscillante et tremblante et basculante : un
jouet du vent.
- Et nos chevelures et nos vêtements nos jambes piquées de sable et
nos entrejambes : des jouets du vent.
- Et nos bouches nos rêves nos craintes nos ambitions et les voiles
de Rome là-bas avec sa victoire : des jouets du vent.
- Et cette chose hissée au long de la muraille noire scellée cette
couffe de paille grossière aussi : un jouet du vent.
- Cette litière de fortune et de joncs tressés malhabilement au bout
de cordes hâtivement tressées que j’ai vue contre la muraille
battant elle était battant et battant et battant : à
chaque saute du vent à chaque effort des bras tirant : un
jouet du vent.
- Et ces cheveux aussi de femme à l’ouvert de la muraille (et le
corps de femme penché il est d’un autre bras de femme retenu au
haut du tombeau scellé) ces cheveux dans le vent : un jouet
du vent.
- Et le seigneur Antoine dans son couffin entre le sol et le ciel dans
le vent et la lumière brillante et Égypte encore là-haut dont les
deux bras ha ! sous l’effort et ha ! ils se tendaient et
se gonflaient et ah ! son visage sous l’effort et dans la peine
se gonflait il se contractait il se plissait et ha ! sa gorge
aussi elle s’enflait dans la peine et l’effort et l’effroi et
dans nos encouragements aussi pour chacun de ses ha ! malgré la
dispersion du vent et vois : ses yeux dans l’effort
combien ils brillent (et dis-moi : s’ils brillent est-ce
de la crainte d’Octave ou de l’amour d’Antoine ou de la crainte
d’Antoine ou de la trahison ou de la mort seulement peut-être et
encore seulement peut-être : du sable seulement et du sel
et du vent seulement ou encore et seulement : du reflet sur
son visage du pectoral de Râ et de la présence d’Horus) –
Égypte l’épouse et souveraine et Isis et Antoine l’époux
blessé démembré et souverain et Osiris souverain et
étranger : des jouets du vent.
- Et Alexandrie encore dans la lumière brillante en masse au pied du
sceau du tombeau : un jouet du vent.
- Qui s’approchait de la muraille pour mieux voir malgré le sable
sur son chef pleuvait le sang et il disait : l’époux rit.
- Qui sous le couffin se plaçait et sa main en visière aussitôt il
ruisselait de sang et de sang.
- Or le rire du seigneur Antoine le long du mur fermé son rire
vomissant et ses bras aussi tendus ! pour accueillir Égypte ses
bras encore tendus ! pour bénir Alexandrie dans l’onguent de
son sang en gouttes sur le sol où courait le sable : des
jouets du vent.
- Or écoute maintenant que tout s’achève tout est achevé et
maintenant dit et consommé : le monde est un jouet du vent.
- Tes actes sont un jouet du vent.
- L’amour est un jouet du vent.
- Et le faucon là-haut dans la lumière et la liberté immenses qui
guette et cercle et est au bord du cercle : il est encore un
jouet du vent.
- Et à qui demande : quand en aurons-nous fini avec ce vent
je répondrai : nous n’en aurons jamais fini avec le vent.
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