|
|
- J'ai ouvert les yeux. Je n'ai rien vu. J'étais dans le
jour, j’étais
dans le jour du jour, et je n’y voyais rien. J’étais dans la
lumière du jour et dans sa certitude de chaleur et de lumière et de
soleil rond comme un écarquillement – mais je n’y voyais rien. J’étais
jeté dans l’ouverture du jour, dans sa césure et sa césarienne
lumineuses, et mes yeux ne me servaient de rien.
- Or je voyais un battement. Dans la cécité du jour entier, je ne
voyais qu’un battement. Comme de cœur, ou comme d’ailes, un
battement de chose battante. Et peut-être quelqu’un était là, qui
regardait. Ou peut-être seulement un oiseau était là, qui s’affolait:
un oiseau entré dans la césure de ma chambre, un oiseau né de la
césarienne du soleil, noire sur la blondeur du jour, comme j’étais
jeté dans l’incendie du jour, après la nuit de mon repos. Il y
avait un battement. Ainsi qu’un signe ou qu’un avertissement,
ainsi qu’une prémonition. Un battement. Et encore: un autre
battement. Et c’est comme le jour tout entier, soudain il s’est
mis à battre, et le cœur, à son tour, s’en trouve battant
violemment. Comme d’une attente. Ou comme d’une promesse. Comme de
l’imminence d’un accomplissement.
- «Iacob!»
- J’ai entendu Mariam.
- «Iacob!»
- J’ai entendu la voix de Mariam: soudain il y eut du vent.
- «Iacob!»
- Le vent soudain, il est là (et peut-être était-ce à lui, ce
battement?): et il rabat le volet dans son bruit de volet (peut-être
était-ce de volet, ce battement?)
- «Iacob!»
- Le vent soudain, il est là: or il n’y a plus qu’un volet
rabattu. Et l’oiseau est parti, ou celui qui regardait est parti. Il
n’y a que ce volet, dans son claquement incessant – avec sa nuit
de volet, qui claque, et son jour de volet, clac-clac!, dans le vent.
- J’étais dans la nuit, dans le battu de la nuit claquante. Et j’y
voyais. J’ai vu le jour, rabattu sur l’avers du volet. Et j’ai
vu la nuit, née d’un volet, et du vent, et d’une voix qui crie:
«Iacob!». J’y ai vu mon bras, qui gratte mon ventre, et ma couche,
où repose mon bras, parmi les fétus de ma couche, où repose l’odeur
d’anciens printemps et d’autres anciennes siestes.
- «Iacob!»
- Sans me lever, sans encore quitter ma couche, j’ai vu Mariam, au
bord du nom épouse, Mariam qui m’appelle, sous la glycine. J’ai
vu Osias, fils d’Osias, fils de Joatham, au bord de sa fonction de
père, et au bord également du «oui» de notre noce, penché au bord
des jarres d’huile de son grenier, jaugeant, et calculant. J’ai vu
le monde, dans son humilité de monde tel qu’il est humblement mon
monde: monde de terre sur le tour et sous la main, et de toit de
tuiles faites de terre, et de murs de terre issus de terre, monde d’objets
façonnés de terre où recueillir l’amour de Dieu. Je me suis
levé.
- «Iacob!»
- J’ai poussé le volet: bois de volet dans ma main maculée de
terre.
- Et je n’ai rien vu.
- J’ai vu le jour.
- J’ai vu l'entièreté du jour, dans sa cécité.
- Mais je n’y voyais rien.
- Puis la glycine a bougé, dans le vent – et j’ai séparé la
glycine du vent.
- J’ai vu Mariam.
- Et j’ai souri à Mariam.
- Avec, au cœur, un battement.
- Peut-être était-ce d’appréhension, ce claquement – car
aujourd’hui se décide le temps du jour de noce?
- Et peut-être était-ce autre chose, autrement? Un battement, dans
mon cœur, comme une attente. Comme une promesse. Comme une encoche,
dans le cœur, pour garder souvenir d’un serment.
- Ou d’une visite.
- «Iacob!»
|