L'ADORATION
PERPÉTUELLE

 

 

 

 

 

À James Mittelmark

 

 

 

 

 

J'ai ouvert les yeux. Je n'ai rien vu. J'étais dans le jour, j’étais dans le jour du jour, et je n’y voyais rien. J’étais dans la lumière du jour et dans sa certitude de chaleur et de lumière et de soleil rond comme un écarquillement – mais je n’y voyais rien. J’étais jeté dans l’ouverture du jour, dans sa césure et sa césarienne lumineuses, et mes yeux ne me servaient de rien.
Or je voyais un battement. Dans la cécité du jour entier, je ne voyais qu’un battement. Comme de cœur, ou comme d’ailes, un battement de chose battante. Et peut-être quelqu’un était là, qui regardait. Ou peut-être seulement un oiseau était là, qui s’affolait: un oiseau entré dans la césure de ma chambre, un oiseau né de la césarienne du soleil, noire sur la blondeur du jour, comme j’étais jeté dans l’incendie du jour, après la nuit de mon repos. Il y avait un battement. Ainsi qu’un signe ou qu’un avertissement, ainsi qu’une prémonition. Un battement. Et encore: un autre battement. Et c’est comme le jour tout entier, soudain il s’est mis à battre, et le cœur, à son tour, s’en trouve battant violemment. Comme d’une attente. Ou comme d’une promesse. Comme de l’imminence d’un accomplissement.
«Iacob!»
J’ai entendu Mariam.
«Iacob!»
J’ai entendu la voix de Mariam: soudain il y eut du vent.
«Iacob!»
Le vent soudain, il est là (et peut-être était-ce à lui, ce battement?): et il rabat le volet dans son bruit de volet (peut-être était-ce de volet, ce battement?)
«Iacob!»
Le vent soudain, il est là: or il n’y a plus qu’un volet rabattu. Et l’oiseau est parti, ou celui qui regardait est parti. Il n’y a que ce volet, dans son claquement incessant – avec sa nuit de volet, qui claque, et son jour de volet, clac-clac!, dans le vent.
J’étais dans la nuit, dans le battu de la nuit claquante. Et j’y voyais. J’ai vu le jour, rabattu sur l’avers du volet. Et j’ai vu la nuit, née d’un volet, et du vent, et d’une voix qui crie: «Iacob!». J’y ai vu mon bras, qui gratte mon ventre, et ma couche, où repose mon bras, parmi les fétus de ma couche, où repose l’odeur d’anciens printemps et d’autres anciennes siestes.
«Iacob!»
Sans me lever, sans encore quitter ma couche, j’ai vu Mariam, au bord du nom épouse, Mariam qui m’appelle, sous la glycine. J’ai vu Osias, fils d’Osias, fils de Joatham, au bord de sa fonction de père, et au bord également du «oui» de notre noce, penché au bord des jarres d’huile de son grenier, jaugeant, et calculant. J’ai vu le monde, dans son humilité de monde tel qu’il est humblement mon monde: monde de terre sur le tour et sous la main, et de toit de tuiles faites de terre, et de murs de terre issus de terre, monde d’objets façonnés de terre où recueillir l’amour de Dieu. Je me suis levé.
«Iacob!»
J’ai poussé le volet: bois de volet dans ma main maculée de terre.
Et je n’ai rien vu.
J’ai vu le jour.
J’ai vu l'entièreté du jour, dans sa cécité.
Mais je n’y voyais rien.
Puis la glycine a bougé, dans le vent – et j’ai séparé la glycine du vent.
J’ai vu Mariam.
Et j’ai souri à Mariam.
Avec, au cœur, un battement.
Peut-être était-ce d’appréhension, ce claquement – car aujourd’hui se décide le temps du jour de noce?
Et peut-être était-ce autre chose, autrement? Un battement, dans mon cœur, comme une attente. Comme une promesse. Comme une encoche, dans le cœur, pour garder souvenir d’un serment.
Ou d’une visite.
«Iacob!»

Trois brèves légendes: deuxième brève légende - 1