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- - Iacob, fils de Youssouf!
- - Maître, j’écoute, et j’obéis.
- - Iacob, fils de Youssouf! Tu es un bon à rien.
- - Maître, j’obéis et j’écoute.
- - Tu es un lézard dans le jour.
- - Il en est comme tu le dis, maître.
- - Tout le jour tu traînes ta panse à la recherche de la pierre la
plus chaude.
- - Il en est comme tu le dis, maître.
- - Tu cuis et recuis dans la jarre du jour.
- - Il en est comme tu le dis, maître.
- - Et tu crois que je ne vois rien. Tu crois mon œil clos devant
toi, comme œil de lézard accablé de béatitude devant la force du
jour.
- - Il en est comme tu le veux, maître.
- - Tu crois tes gestes devant moi comme pas même
- ça!
- de sable imperceptible dans le sac de froment.
- - Il en est comme tu le dis, maître.
- - Fils de Youssouf, être de rien, tu as levé tes yeux vers ma
glycine.
- - Qu’il en soit comme tu le penses, maître.
- - Tu l’as fait. Et je t’ai vu le faire. Et je t’ai vu le
refaire et le refaire sans cesse et encore. Car mes yeux voient. Même
dans l’ombre où tu te glisses vers ma fille ils voient. Même dans
celle complice de la glycine à la vôtre entrelacée. Ils sont comme
le clair de midi: sans cesse j’y vois clair, comme à midi. Je vois
votre ombre, dans le pêle-mêle que vous faites des fleurs et de
vous. Et vos doigts qui se nouent je les vois, sous les nœuds des
fleurs et les nœuds de l’ombre à la lumière pêle-mêle. Et je
vois tes yeux: je vois qu’ils brûlent. Du sabbat au sabbat je te
vois: tu attises ton feu. Tu souffles sur ton feu, que ma glycine
prenne feu! Du jour où ton père (que son nom soit d’un héros le
nom, et d’un meneur de troupeau) t’a confié à moi pour échapper
aux serres de l’aigle romaine et au groin du pourceau de Rome,
depuis qu’il est un nom dans les montagnes, et un secret des
montagnes et du vent des montagnes un secret, mon œil fut sur toi et
mon œil sur toi jamais il ne s’est fermé: il est comme un soleil
sur toi. Sache! Et baisse la tête! Car, Iacob, je te le dis: tu n’obtiendras
rien de moi. De moi tu ne tireras rien: l’indignité repose sur toi.
Car tu es ainsi que la sauterelle: elle a dévoré le champ, et elle
repose sur son ventre, elle repose dans son être gorgé de rapine, et
ses ailes reposent dans le repos de son chant strident. Mais qu’est-elle,
qu’avidité au repos? Car tu es ainsi que l’insecte, Iacob, et l’oisiveté
en toi trille comme une faim sans assouvissement.
- - J’écoute, maître, et j’apprends.
- - Insolent! Pet d’impudence! Mais dis-moi: que sais-tu faire de
tes mains? Mais dis-moi, parlons affaire: que fais-tu de tes mains au
bout de tes bras?
- - Maître, je ne m’occupe de rien si intéressant que ton œil s’en
occupe. Je prends la chose la plus humble, et j’en façonne la plus
utile chose. Je prends le moins-que-rien, et j’en forme le
nécessaire. Je prends cela qui ne vaut rien, et cela qui ne se voit
pas, et cela qui ne compte pas, cela que l’on foule aux pieds sans y
penser, et cela sur quoi l’on crache, et cela encore qui supporte
sans jamais être honoré, et j’en tire cela qui sert mais demeure
néanmoins dans son humilité d’être et encore se tient en retrait
et s’en tient à son service de chose utile à l’homme.
- - Tu parles, et je n’entends rien. Tu parles et parles, et c’est
comme de cigale dans l’arbre: elle n’émet que bruit de cigale, et
signale seulement le faux d’un éternel midi. Mais écoute, fils de
Youssouf, écoute bien, ô faiseur de pichets, ô grand creux de
cruche riant à gros rire de tessons. Tes mains, regarde-les. Tes
mains, vois-les donc au bout de tes bras: terreuses, et pleines de
cals, et comme paquet de choses rouies au ruisseau rouissant l’impur.
Regarde-les donc comme je les vois: mains de potier et de faiseur de
choses humbles, mains d’homme de peu courbé dans son corps déjà
par l’humilité de sa tâche, et cuites comme pain trop cuit. Or c’est
avec ces mains de boue que tu désires l’arracher à mon bord, ma
fleur d’enfant, et la planter à ton bord – dans le terraqué de
tes jours terreux? Or, entends-moi bien, impertinent: si tu veux mon
enfant, si tu désires mon enfant qu’elle devienne la mère de tes
enfants comme au marché tu désires le tas de glaise blanche, sous
son lin blanc mouillé qui en dessine la forme douce, pour qu’il
devienne la mère de tes grandes jarres blanches (mais tu désires, et
tu désires toujours plus, et tes yeux le disent assez qui brûlent du
reflet en eux constant du midi du désir!), si tu veux dormir tes
nuits dans l’ombre douce de sa douceur et qu’elle crie et grince
entre tes bras comme le noyau d’olive sous l’étreinte de la meule
– d’entre tes mains, entends-moi bien!, devra sortir vase plus
beau, et plus parfait vase que jamais main d’homme façonna.
- - Maître!
- - Le plus beau vase, sache-le! Que de la Galilée entière, et de la
Phénicie jusqu’à Rome et encore de l’Égypte et la Nubie jusqu’à
la Perse avec encore toutes les autres contrées autour agglutinées,
nul ne puisse venir à moi, nul visiteur et nul contestateur, et même
nul hâbleur comme il s’en trouve sur les marchés où tu
fréquentes dans l’agglutinement des bons-à-rien autour du
tout-à-prendre de rapine, nul! qui puisse devant moi se tenir et
devant ma face dire: ah, c’est bien beau, ce vase-là, bien beau,
joliment tourné, avec même toutes les grâces qu’on attend plus
quelques autres dont on est surpris – mais j’ai vu plus
merveilleuse chose, en mon pays, et plus merveilleuse en tel port,
plus merveilleuse en vérité. Car, potier, Mariam est belle, et des
filles de Jérusalem, nulle ne la surpasse en grâce et en beauté,
nulle! et de l’Orient à l’Occident, aucune fille ne la surpasse.
- - Maître!
- - J’ai dit, fils de Youssouf, ami des boues! J’ai dit, et cela
est dit et cela est enregistré et consigné. Et encore: cela résonne
dans ta tête et s’y trouve inscrit. Or hâte-toi! Hâte-toi, car il
est d’autres roués que toi au pied du temple de nos pères, il est
d’autres mains, et plus industrieuses, et d’autres mains encore,
plus expertes et enjôleuses, qu’attirent le lys qui se balance et
la glycine balançante.
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