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- J’ai trouvé de la terre. Peut-être, avant la noce entre ce que
tu veux, ma colombe, et ce que je veux, peut-être il y a noce entre
ce que je veux et ce que je peux – la noce, peut-être, voici qu’elle
a lieu déjà en avant d’elle, et comme en avant-garde et en
avancée: ainsi, sur le rebord de la fenêtre, cette marque brillante
que pose le jour avant le jour, comme sur la tombe l’affligé il a
posé une pierre, en promesse et en souvenir et en assurance du
contrat éternel. Or ce que je veux se tient devant moi dans la
lumière de ce que je peux, et une grande lumière fraîche en
résulte, qui murmure et fait songer au frisson d’amour.
- Car j’ai rêvé, Mariam, sais-tu, j’ai rêvé du jour de nos
noces: il fait soleil, au pied d’un arbre avec soleil plus pur
encore au sommet d’arbre, comme un gros coq ergotant parmi les
poules noires du feuillage. Il fait soleil et très grand arbre de
fraîcheur nouant ses racines d’attente sous la scierie de cent
cigales: tu t’avances, mon épouse, au bord du nom épouse. Tu
avances, ma femme future, avec ton ombre qui avance et se dissipe et
se rejoint sous l’ombre fraîche, et vous vous approchez en
chuchotant du mot épouse. Tu en saisis un pan dans tes doigts (et ton
ombre agit de même dans l’ombre), tu le tâtes et le palpes, tu en
soupèses la texture et en soumets le grain à l’interrogatoire de
tes notions, tu t’assures du sens de sa trame et de celui de sa
chaîne, et de sa broderie et de sa résistance – et ce n’est
encore qu’une étoffe et un enveloppement qui n’enferme rien que
le vent et sa propre ombre, encore un mot et seulement, une poterie et
seulement qui ne contient que sa puissance de thésaurisation et d’embuement
sous les attaques du soleil, quand soudain, tu t’en empares et t’en
vêts, voici soudain qu’il est sur tes épaules, le voile, et qu’il
te convient et te contient, voici qu’il reçoit don de ta substance
et que tu conviens de sa convenance et que tu ris, payant le marchand
à tes pieds inquiet du tinter d’or de ton rire.
- Et je t’ai vue nue sous le voile, quand tu entrouvres ton voile
pour accueillir l’époux dans sa chair d’époux sur ta chair de
femme désirante, quand le monde autour n’est plus que ce voile
effaré qui bat, et bat et bat et crie à gorge d’étoffe et de
froissements le mot de noces que forme l’entrelacs, dans sa gorge,
des corps épousés! Et encore, ma fine glaise filant son fil de chose
rouge dans le torrent des jours qui passent, je t’ai vue dans la
demeure des jours qui passent: une vigne rampe au bord du toit comme
elle court sur ton visage, en ce jour-là du temps qui passe, et forme
nœuds et vrilles de fines rides, et pend ses grappes de douceur mûre,
sur tes joues de femme lasse: or, non loin, des enfants, et les
enfants de leurs enfants, jouent dans la poussière du temps qui passe
– enfants de Mariam, et Iacob, comme Mariam et Iacob, assis dans l’ombre
de leur seuil, et vides de ce plein de chair d’enfants, écoutent
dans leur creux de jarre lasse la mort filtrer le vin du temps qui
passe.
- Ma tunique, là-bas, sur les buissons du vent, elle riait comme rit
le tour, et comme une vieille femme ivre de deux doigts de vin pur au
fond de la coupe de terre, elle s’esclaffe à la fin du repas de
noces, la tête vide, vide, où bavarde et s’amasse le bonheur du
jour de noces.
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