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- J’ai façonné un plat.
- Je l’ai brisé.
- J’ai façonné une coupe.
- Je l’ai brisée.
- J’ai façonné un flacon.
- Je l’ai brisé.
- Le jour, et la nuit, et chaque jour et chaque nuit, mon pied a couru
sur le tour et ma main, elle a touché la glaise, elle a épousé la
glaise – mais rien n’a vu le jour. Je voyais la glaise devant moi,
celle sur le tour et celle dans son linge humide, chose rétive et
obtuse et fortement resserrée dans son obtusion, et je voyais mon
désir d’en obtenir reddition et coopération à mon projet de noces
– mais rien de bon n’en vit le jour: il n’y eut point noces,
entre ce qui est et ce que j’en désire.
- Je voyais ma main, et le jour sur ma main, et la poussière du jour
dansante au coin de mon œil, et je voyais encore, par la fenêtre
ouverte au coin de mon œil, la cour que met à nu l’amour de midi,
et la même cour, je la voyais également et encore dans sa pose de
cour à minuit, quand tout est calme et que la cour même semble se
rendre à plus fort qu’elle, à la science nocturne, quand il
paraît que la cour s’exhale de la cour, qu’elle est haleine de
cour, et de cour reddition et brume et subtilisation, et simple dalle
et mosaïque de lune, tremblante un peu, comme une pièce d’eau où
tremble la lune.
- Je voyais les choses dans l’abondance et la redondance de la
lumière, et les mêmes choses, elles me voyaient et m’entouraient
de leur vision dans la lueur de nuit. Je les voyais debout ou
couchées, et volumineuses et rougissantes, je les voyais nombreuses
et diverses, et redites d’ombre à leurs pieds, et prises de
matière, éprises de forme et d’affirmation sous la gifle de midi,
et encore, plates et bleues sous le lait de lune, fines, et minces,
sous l’incertitude qui vient de lune. Je les voyais choses ajustées
à leur être de chose, à leur fonction de choses – et je tâchais
d’introduire dans ma tâche cette science que je recevais d’elles,
de pair avec mon amour et mon ignorance d’elles, et mon usage d’elles
encore avec la contrebande de mon mésusage, qui se fait passer pour
désir et brûlure de désir, qui les touche, et s’en sert, qui les
prend, et s’en sert – mais qui ne les touche pas. Je les voyais
gardiennes, et muettement, vigiles, et silencieusement: dans leur
être de chose, quelque chose se tenait qui attendait que je le
touche. Mais rien de bon ne vit le jour: il n’y eut point de noces,
entre ce qui est, et ce que je prends pour mon savoir.
- Il s’agissait pour moi de mettre au monde une chose, et de la
vouloir chose dans son éclat sans compromission de chose, dans sa
stance et son instance et son insistance de chose têtue et
satisfaite. Il s’agissait de vouloir intensément, et d’être
assez intensément lové dans ma propre volonté: or comment y mieux
parvenir qu’en se soumettant à la science même des choses, dans le
savoir qui infuse des choses – qui n’est pas savoir mais art, ou
science, et peut-être ni l’un ni l’autre, mais simple pose, et
simple lieu, et simple matière. Mais rien ne vit le jour. Ma volonté
vit le jour, dans son intensité et sa brièveté. Ma courte science
et ma courte patience virent le jour. Et Iacob était dans ce
jour-là, ce maigre carré personnel d’où tombe une lueur plus
maigre que mon bras. Mais rien de bon ne vit le jour.
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