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- J’ai façonné une aiguière.
- Je l’ai brisée.
- J’ai façonné un bassin.
- Je l’ai brisé.
- J’ai façonné un cratère.
- Je l’ai jeté à terre et je l’ai piétiné.
- Je me suis mordu la main. Jusqu’au sang, j’y ai enfoncé mes
dents et je m’en suis trouvé amèrement justifié. Les larmes qui
ont coulé sur mes joues m’ont amèrement justifié. Les choses,
autour n’importaient pas, gercées de lait de lune ou cuites d’outrage
par le soleil. Il n’y avait, de choses, que leur brouillard à
travers mes larmes et la certitude ressassante de ma douleur. Il n’y
avait pas de vase, il n’y aurait pas de noces: du moins mon amertume
et mon désarroi m’appartenaient-ils, et j’y durcissais comme une
graine dans sa cosse. Il n’y avait pas de chemin, vers nulle part.
Les choses demeuraient où elles étaient, compactes, verrouillées
sur leur assurance de choses, incapables de générosité et seul l’usage
qu’on en fait y livre accès. Du moins je demeurais dans la
possibilité de mon usage, je m’enracinais dans mon immobilité et
rien ne me chasserait.
- J’ai levé les bras au ciel, j’ai hurlé, j’ai blasphémé.
- Le soir est tombé. Avec la poussière, le soir est tombé. Ma
colère est tombée, elle s’est brisée.
- J’ai eu honte.
- Je suis revenu au tour. Le tour s’est remis à chanter.
- Il a remplacé les cigales et peu à peu, en même temps, il a
accepté les cigales. Il a tenu tête au printemps: le printemps, il l’a
exilé dans son idée et son lieu de renouveau. Et l’idée de noces,
l’idée d’amour, l’idée de Mariam sous le double voile, il les
a rejetées et les a digérées et les a liées à son idée de tour
et de retour. Puis il les a acceptées. Peut-être elles sont venues
vers lui et l’ont fait fléchir. Peut-être leur absence, dans le
rejet, a-t-elle été si forte qu’il a cédé. Il était tour, et
tournant. Il était vide et campé dans la nécessité de sa fonction.
Puis, brusquement, il s’est arrêté.
- À ce moment-là, un vase se tenait devant moi. Il était au sortir
du four, entre mes mains, tiède encore, et comme hésitant encore, à
l’orée de sa propre certitude, comme l’oiseau balançant au
rebord de la fenêtre, tu ne sais s’il est déjà dans la chambre ou
s’il est toujours sous l’éblouissante domination du jour – et
je me suis agenouillé et je suis demeuré dans le silence.
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