J’ai façonné une aiguière.
Je l’ai brisée.
J’ai façonné un bassin.
Je l’ai brisé.
J’ai façonné un cratère.
Je l’ai jeté à terre et je l’ai piétiné.
Je me suis mordu la main. Jusqu’au sang, j’y ai enfoncé mes dents et je m’en suis trouvé amèrement justifié. Les larmes qui ont coulé sur mes joues m’ont amèrement justifié. Les choses, autour n’importaient pas, gercées de lait de lune ou cuites d’outrage par le soleil. Il n’y avait, de choses, que leur brouillard à travers mes larmes et la certitude ressassante de ma douleur. Il n’y avait pas de vase, il n’y aurait pas de noces: du moins mon amertume et mon désarroi m’appartenaient-ils, et j’y durcissais comme une graine dans sa cosse. Il n’y avait pas de chemin, vers nulle part. Les choses demeuraient où elles étaient, compactes, verrouillées sur leur assurance de choses, incapables de générosité et seul l’usage qu’on en fait y livre accès. Du moins je demeurais dans la possibilité de mon usage, je m’enracinais dans mon immobilité et rien ne me chasserait.
J’ai levé les bras au ciel, j’ai hurlé, j’ai blasphémé.
Le soir est tombé. Avec la poussière, le soir est tombé. Ma colère est tombée, elle s’est brisée.
J’ai eu honte.
Je suis revenu au tour. Le tour s’est remis à chanter.
Il a remplacé les cigales et peu à peu, en même temps, il a accepté les cigales. Il a tenu tête au printemps: le printemps, il l’a exilé dans son idée et son lieu de renouveau. Et l’idée de noces, l’idée d’amour, l’idée de Mariam sous le double voile, il les a rejetées et les a digérées et les a liées à son idée de tour et de retour. Puis il les a acceptées. Peut-être elles sont venues vers lui et l’ont fait fléchir. Peut-être leur absence, dans le rejet, a-t-elle été si forte qu’il a cédé. Il était tour, et tournant. Il était vide et campé dans la nécessité de sa fonction. Puis, brusquement, il s’est arrêté.
À ce moment-là, un vase se tenait devant moi. Il était au sortir du four, entre mes mains, tiède encore, et comme hésitant encore, à l’orée de sa propre certitude, comme l’oiseau balançant au rebord de la fenêtre, tu ne sais s’il est déjà dans la chambre ou s’il est toujours sous l’éblouissante domination du jour – et je me suis agenouillé et je suis demeuré dans le silence.

Trois brèves légendes: deuxième brève légende - 16