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- - Iacob! Iacob!
- - Laisse-moi, Mattiah, ne vois-tu pas que je repose?
- - Iacob! Iacob!
- - Mattiah, va-t-en! Le tour s’est arrêté. La glaise, je n’en
ai plus besoin, l’eau peut tarir. Le four s’est éteint et mes
yeux suivent d’autres cuissons. Je cueille le fruit.
- - Iacob! Iacob!
- - Mattiah, poule bavarde, suis ton chemin, va pondre ailleurs tes
couvées de ragots.
- - Iacob, Iacob!
- - Mon temps est précieux, et le monde encore est précieux, et le
jour est un encens plus rare que la myrrhe pour le temple. Je suis un
chemin sans poussière.
- - Ils ont supplicié trois des nôtres, Iacob!
- - Que m’importe! Des zélotes et, pour faire bon poids, un voleur
de route ou un détrousseur de cadavres.
- - Ils les ont traînés jusqu’à la colline du Crâne et ils les
ont suppliciés. Tu aurais dû voir, la foule. Il y avait des femmes,
tout un tas. L’un d’eux, il a appelé son père. Il soufflait dur,
le pauvre, les mots venaient de très loin dans sa gorge, on aurait
cru qu’il les cherchait. Les femmes se tordaient les mains autour de
lui. Mais qu’aurait-il pu faire, le vieillard? Puis ils lui ont
plongé une lance dans le flanc, et le sang en a coulé. Il en a
jailli, je t’assure: une source. Or un homme est apparu, il a
recueilli la source rouge avec précaution.
- - Mattiah, Mattiah, ta bouche est une outre pleine qui doit
déféquer sans cesse son mauvais vent de mots, laisse-moi.
- - Iacob! Iacob!
- - Passe ta route, meule stérile, tu mouds la poussière de tes pas
et tu l’appelles blé et tu veux en vendre les pains au prix d’un
boisseau de froment.
- - Iacob! Iacob!
- - Par mon père et le tien, Mattiah! Je te tordrai le cou que ta
langue sèche! comme une vieille vigne inutile.
- - Iacob, Iacob! Écoute-moi: l’homme qui recueillait le sang, je
ne sais où il l’acquit, mais il l’a cueilli dans un vase, comme
il gouttait, violent d’abord, et puis comme une fin de pluie sans
force, goutte à goutte, l’une très lente avant la suivante encore
plus lente jusqu’à l’exaspération, – dans un vase, ah, je ne
saurais te dire, de Galilée jusqu’en Perse, et des Îles jusqu’aux
plus lointaines contrées, on n’en vit jamais et de semblable, nulle
part jamais on n’en verra.
- - Mattiah, Mattiah, attends, répète, répète! Attends, Mattiah!
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