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- Il n’y avait personne autour de moi. Il y avait l’insistance des
cigales autour de moi. Et le printemps.
- J’ai couru vers la soupente aux glaises, vers le four et le tour
et la table où se tient ce qui vient du four. Et j’y suis entré et
mon cœur, Dieu, Mariam, jamais je n’avais su que j’avais un cœur
autrement que pour t’aimer.
- Mais soudain, il se fit un grand bruit de par le ciel et de par le
ciel propre et proche de Jérusalem. Un bruit comme jamais et un bruit
comme je ne veux en entendre jamais. Et il fut nuit.
- Nuit.
- Il fut noir comme le noir même ne connaît pas telle noirceur: ce n’est
pas que l’œil ne voit pas, c’est que ce que voit l’œil est l’invisible,
et l’indicible même, et le refus même de l’être à se montrer
autrement que par sa terrible absence.
- Mon coude a heurté quelque chose. Quelque chose est tombé. Quelque
chose a roulé au sol et s’est brisé. Avec fracas, quelque chose a
chu et s’est brisé. Mes pieds ont piétiné quelque chose. Je ne
voyais rien. Je ne voyais pas même, ainsi que dans la sieste, le
soupçon du jour soupçonné au rebord de la fenêtre, mais je voyais
le rien. Dans son épaisseur et son obstination, dans sa rétivité et
son ressac, le rien béant dans la terreur du rien. Et mes pieds ont
piétiné ce que mes bras autour de moi faisaient tomber. A chaque pas
que je tentais, quelque chose roulait au sol, quelque chose perdait
son équilibre et s’effritait. Or peut-être quelqu’un d’autre
était là, qui regardait et se tenait dans l’éploration.
- Il faisait nuit, Mariam. Il faisait noir de nuit, et nuit de plus
profond que nuit. Tout ce qui était autour de moi, les vases, les
coupes, les bassins, les gobelets, les jarres, les cruches, les
aiguières, les flacons, les plats, les cratères, les jattes, tout s’est
brisé.
- Il faisait nuit, Mariam. Et peut-être qu’il n’y avait personne,
et que jamais il n’y eut quiconque.
- Dans le jour, dans le jour du jour, nuit. J’étais dans la nuit,
dans le noir de nuit, et je n’y voyais rien. Peut-être y eut-il,
autour de moi, un battement, et peut-être même, autour de moi, une
présence suave suivait-elle mes mouvements; et peut-être une
promesse fut-elle proférée, avec une voix comme de retrait, et d’absence.
- Mais tout ce que j’avais fait, tout ce que j’avais voulu et
attendu, tout ce que j’avais appris et combattu, tout était brisé.
- Brisé.
- Or peut-être tout n’était-il pas brisé? Peut-être mon vase
quelqu’un l’avait-il volé? Peut-être quelqu’un, passant, l’avait-il
vu et en avait-il été enchanté et ensorcelé et l’avait-il
subtilisé? Peut-être l’avait-il vendu, et c’était encore un
autre qui l’utilisait? Ou peut-être un troisième, ou un quantième
encore possédait-il jalousement sa beauté?
- Mais pour moi, et pour toi, et pour notre amour et nos noces, ce que
j’étais, et ce que je suis et serai a été brisé.
- Brisé.
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