LES NUITS
DE J
.-N.-A.
R
IMBAUD

 

Pour Simine Landier

 

 

UN

 

 

Ils m'ont dit: pars.
Ils m’ont dit: va-t-en.
Ils m’ont dit: va dans ce village, suis la route qui s’en éloigne, qui fuit vers les montagnes.
Ils m’ont dit: où s’achève la route est une maison, une demeure abandonnée.
Ils m’ont dit: dans les montagnes sera ta garnison; elle sera cette maison.
Ils m’ont dit: tu y accompliras ton devoir envers ta nation, ta patrie, car cette maison, sache, elle garde une voie importante, la voie peut-être des barbares pour envahir notre nation.
Ils m’ont dit: tu feras bonne garde, et, s’ils viennent, grâce à toi, les barbares ne passeront pas – ou, s’ils passent, nous serons alertés.
Ils m’ont donné un uniforme, ils m’ont coupé les cheveux, ils m’ont mis dans le train avec un billet militaire et du tabac de troupe.
Le village, sur la carte où courait leur doigt, à peine s’il était visible: il n’y avait que des montagnes – des montagnes roses, sur une carte jaune.

Trois brèves légendes: troisième brève légende - 1