Le village est menu, c’est un enfant dans le giron des montagnes, il tète encore sa mère. Un fil d’eau – c’est «la rivière», et pour la rivière, les gens d’ici usent du mot que, dans la capitale, on réserve aux fleuves et aux masses liquides, entre deux berges, immenses, effrayantes presque dans leur immensité et leur roulement et leur ressassement de choses effrayantes – le traverse de part en part, venant de la montagne grise, fuyant derrière les plaines jaunes: sur ses berges, sous des auvents de bois: des jacinthes, mais le soleil les cueille pourtant, avant qu’elles ne fleurissent et les gens pourtant à nouveau patiemment en replantent. Les maisons du village, on dirait des vieilles femmes accroupies dans leurs souvenirs, de vieilles rêveuses fragiles et qui trient des pois ou des fèves à même le sol ou encore qui se parlent, à mi-voix et peut-être encore, sourdes, qui croient se parler à mi-voix, et qui crient de tous leurs murs blancs. Elles n’ont pas de fenêtres. Tous les ans, pour le Nouvel An, elles sont repeintes et tous les ans, toujours en blanc.
Les maisons d’ici, on dirait des pierres dans les champs: indifférentes peut-être, et peut-être aussi méchantes et pourtant si légitimement assises dans le champ que tu t’inquiètes, toi qui te sais si mal assis dans la loi de ton âme, de la légitimité de ton âme.
Mais les maisons d’ici, quand tu entres, à la différence des maisons de la capitale et les pierres aussi, dans les champs, elles rient: leur bouche est édentée, mais elles rient.

Trois brèves légendes: troisième brève légende - 4