Au réveil, il était midi.
Au réveil, le soleil déjà était là, il reposait sur mon lit, il pesait sur mes jambes comme un animal familier et, dans mes oreilles, son parler fou de mouches folles.
Le chef du village était là.
Il m’a dit: l’heure est pour toi venue de prendre tes fonctions.
Il m’a dit: l’heure du devoir est venue.
Il m’a dit: sur tes épaules le village se tient, sa paix et sa sécurité.
Il s’est approché de la fenêtre, il a regardé le bassin, il a longtemps regardé le bassin puis il s’est retiré.
Sa fille est entrée, la plus jeune de ses enfants. Elle a déposé ma chemise et mon uniforme sur le coffre, elle a baissé les yeux vers le sol.
Elle a dit: la montagne est belle, c’est la plus belle montagne entre les belles, elle est comme une incrédulité.
Elle a dit: elle est emplie de bruits, de bruits de sources et de bêtes, de bruits de ruches et de bruits d’herbes, elle est emplie de rêves et elle est un chant.
Elle a dit: elle est comme une jeune fille avant l’épousaille: elle s’apprête, elle tire et démêle du peigne ses longs cheveux et elle chante en rêvant.
Elle a dit: il faut avec elle être patient comme l’époux, comme l’amant: il faut savoir écouter son chant; ou comme encore le cultivateur dans son champ: la pluie vient à son heure et c’est à son heure qu’elle est bonne, il faut savoir attendre.
Elle a dit: elle est ouverte comme un poing refermé, s’il s’est ouvert, il demeure ouvert dans le repos de son don.
Elle m’a regardé et je l’ai regardée puis elle s’en est allée comme une ombre sur le mur s’en va: y fut-elle seulement, la fugitive? Et peut-être elle n’y fut jamais. Mais dans la cour, la fontaine chantait. Et un oiseau peut-être aussi chantait.
Quand je fus dehors, – dehors, et vêtu de mon uniforme dont les boutons dorés brillaient – au seuil des maisons les gens du village m’attendaient. Ils avaient des victuailles et des besaces et des gourdes pour moi: des pains, et des fruits secs, des fromages secs plus durs que la route, plus durs que le soleil déjà dans mon dos, et du vin.
Ils ont dit: dans la maison est une source.
Ils ont dit: la montagne maintenant t’appartient et tu y monteras bonne garde.

Trois brèves légendes: troisième brève légende - 9