Chaque nuit, les crabes envahissaient mon ventre. Chaque jour, mon ventre se faisait plage de sable froid où bataillaient les crabes. Chaque nuit, je me recroquevillais et je grelottais dans le regret de ma seule fenêtre ouverte. Toutes les nuits, les crabes crissaient autour de la maison, leurs pinces crissaient sur le toit, le long des murs, contre les pierres. Elles s’ouvraient et grinçaient et elles se refermaient dans le frémir des antennes et le criaillement des carapaces articulées. Puis voici que les crabes venaient à moi. Ils étaient sur moi, ils progressaient sur moi, patte après patte, la pointue après la plus pointue encore, et celle qui semble velue avec celle qui est brisée, et ils entraient en moi: par la bouche, et par les yeux, et par l’anus ainsi que par les narines, et par les oreilles encore, et par les plaies de mes engelures, et celles de mes lèvres gercées, ils entraient par leur bruit et leur odeur, par leur répulsion et leur faim, ils pénétraient par leur rage et leur terreur et leur horreur, par leur cliquetis d’animaux-presque-choses et leur obstination de vivants à vivre – et ils se battaient dans mon ventre froid. Chaque nuit. Et toutes.
Il n’y a qu’ici que la nuit est la nuit. Il n’y a qu’ici qu’elle honore chacun de ses serments.

Trois brèves légendes: troisième brève légende - 13