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- La nuit, cette nuit-là, personne ne saura jamais – ni toi, jamais
– ce qu’elle fut : comme nuit de la nuit et
encore : comme du minuit, le minuit plus profond encore, et
plus noir encore, et plus terrible, et plus sourd, et plus trouble.
Chaque bruit, cette nuit-là : un éventrement ; chaque
frisson : un égorgement ; chaque
murmure : une creusée dans la nuit. La nuit, cette
nuit-là, la nuit de la Reine, nul ne saura jamais – ni moi, jamais
– ce qu’elle fut : cette nuit-là, toute chose – et
moi – se trouva arrachée à soi. D’un seul geste, d’un seul
tenant : un arrachement et une torsion et une extorsion. Je
suis ici, je me tiens dans cet espace ici, entre les murs de ma maison
et sous le toit de ma maison et près de la dernière fenêtre de ma
maison (je me tiens, et je tremble et je cherche à
supplier : mais qui supplie-t-on quand l’idée de dieu
même est de sa propre idée arrachée et dépecée dans le
retournement ?): or un doigt me touche, ou une ombre me touche,
et je suis éviscéré de moi-même : mon âme roule au sol
comme un paquet d’entrailles entres les mains du boucher. Mais cette
chaise aussi, elle se tient dans son ombre et dans sa nuit, et elle
est chaise, et chose de pauvre bois avec de pauvres
clous : or voici qu’une main la touche, ou qu’un pied la
heurte et qu’un regard la voit, et elle meurt à soi dans l’agonie,
elle vacille en soi comme une bougie vacille, elle succombe et ne
laisse rien en arrière de soi que son regret et son absence lacérée
avec le bruit résonnant de sa chute effacée. Et la nuit encore, et
la peur encore, elles se trouvent à soi-même arrachées, elles sont
jetées dans le retournement, y sont piétinées et foulées et niées
et anéanties : il n’y a que le Royaume dans son odeur
subversive ainsi qu’un vin âcre.
- Or sache : le Royaume, il naît à chacun de tes pas sous
les pas légers de la Reine. La Reine tend le bras : et le
Royaume prend naissance. La Reine tend le bras : et le
Royaume s’étend. Et encore : la Reine tend le bras, elle
le tend et elle effleure, elle frôle, elle agite ses
doigts : et toute chose vient à la Reine par sa part la
plus rétive et la moins certaine, toute entière, par sa part la plus
secrète et la plus noire et la moins discernable. La Reine tend le
bras : et toute chose, par sa part de nuit, se tend vers la
Reine, elle se plie devant la Reine, elle s’incline à ses pieds
dans l’extorsion qui d’elle est accomplie et elle devient part du
Royaume dans l’unanimité et le retournement. Or
sache : il n’y a que le Royaume – et le Royaume crie un
nom. Il n’y a que le Royaume : le reste est dissension.
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