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- Cette nuit-là, j’ai connu, du Royaume, l’essence et les
secrets : il n’y a rien, et pas même l’espérance du
rien, pas même du rien la certitude et la paix comme de maison
désertée, assise dans sa certitude de pierres nues entre deux ombres
de fenouils desséchés, ou comme lit par l’amie abandonné qui sous
le poids de l’abandonné s’affaisse ainsi que dune ou très petite
trémie de graviers entre le poing pressée. Il n’y a
rien : il n’y a que la cruauté. Telle une source, et
claire : la cruauté, telle une horde de loups blancs. Telle
un essaim de bêtes blondes : la cruauté, telle un ressac
et un ressassement. Il n’y a rien – et pas même les secrets.
- Et encore : il n’y a que la gratuité. Assise dans son
insignifiance et sa contingence comme matrone blafarde présidant au
repas de noces, assise, avec ses doubles mentons et les mains
croisées dans son giron où brillent d’étroites bagues sans
raison, assise, sous ses yeux clairs, dans sa peau blanche et le
souvenir d’une peau jadis plus blanche encore, et dans sa certitude
et son bavardage, dans son commérage et sa pompe, il n’y a que la
gratuité : nous sommes sous sa coupe, nous sommes les
coussins qu’elle pétrit pour le confort de son séant – il n’y
a que la gratuité, son incertitude et son flottement : l’être
lui est mouche, vrombir d’ailes, irritation vague, qu’elle chasse
d’un éventail de vieilles plumes.
- Et, également : il n’y a que la bonté. Non la bonté
de nos capitales, de nos boulevards et de nos mendiants, non celle de
ces femmes atourées de trop d’étoffes et de trop d’étoffes
coiffées qui entre leurs mains font aller et venir les billes et les
glaires de leurs prières et de leur miséricorde au-dessus des lits
des mourants et des jeunes-nés (je me souviens, te souviens-tu, de
leurs mains sèches où l’os court comme un parfum de chose rance
au-dessus des fièvres, comme un reflet de chose sans existence
au-dessus des eaux moirées d’être malade ou mourant) – non la
bonté que tu acquiers ou tu renonces, celle que tu marchandes ou
offres, et celle encore que tu trafiques ou dans la bauge de quoi tu
te vautres et repais la faiblesse de ton âme, la bonté de ce qui est
bon, mais la bonté de ce qui refuse, ce qui se cabre et rue et se
rompt plutôt que d’être assigné et réduit, la bonté de ce qui
se tient dans l’opiniâtre et le rétif, et la bonté de ce qui se
garde et se perd ensemble dans la défaite, celle de ce qui s’oppose
et salue et se rend et ploie et abdique en suscitant un geste de
bénédiction au bout des doigts de son détracteur et de son
oppresseur et de son messie.
- Or je te le dis : il n’y a que le Royaume.
- Or je te l’enjoins : redresse-toi dans la bienvenue.
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