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Chœur:
- Je l'ai vu. Ah! Mais l'ai-je vu? J'ai vu un homme, mais en cette
heure est-ce d'homme et de femme dont il s'agit: la terre à nouveau
s'unit au ciel dans l'étreinte vorace, et les champs donnent, et
aucun compte n'est exigé d'aucune créature: en cette heure, tout
existe dans l'existence et nul n'a la tête à peser le poids de la
contribution sous l'auguste tombée, comme de la rosée, de l'ordre
universel sur le monde particulier.
- Je l'ai vu.
- J'ai vu l'homme qui foulera la femme et en tirera le vin - dans sa
stature je l'ai vu, avec le soleil sur son épaule qu'il mord et lui
donne soif.
- Et j'ai vu la femme sous son voile qui se mord l'épaule et saura de
l'homme faire le pâton de la chose entre eux nécessaire dont elle
seule sait qu'elle existe - la femme qui de l'homme extraira le sel de
la semence pour le pain de la noce.
- J'ai vu le ciel et les promesses: le ciel est d'un pur de promesse
quand un cœur accorde ce qui est avec ce qu'il dit: et le monde en
devient pur ainsi qu'un mot bien et justement dit qui s'efface dans sa
justesse.
- Et j'ai vu le monde: le monde tel qu'il est recevant l'ambassade du
ciel, avec son ensemble accordé et ses champs délimités: j'ai vu le
monde tel que le monde se pense sans le ciel qui le limite et
l'astreint: le monde entier entièrement debout (et debout encore dans
son anarchie), le monde peigné et parfumé et apprêté, le monde
sous le dais assis et prêt à recevoir l'ambassade, et agréant à la
noce, avec, dans le dos du dais, Déméter agitant ses gerbes et
Dionysos encore, un cratère à la main, faisant de l'autre main en
poing formée craquer comme sous le feu des pommes de pin tandis
qu'entre eux et d'autres moins visibles passaient des lynx à pelages
pétillant d'étincelles bleues.
- J'ai vu l'époux - qui si aisément entra dans l'état d'épousant -
et l'épouse rétive qui se refuse pour un temps, ou pour un temps
s'accorde le temps de penser à son état d'épouse (mais la fleur ne
demande-t-elle pas tout le printemps et la ruche encore industrieuse,
avec la très douce lumière et le très doux vert premier pour céder
la place au fruit?)
- Et j'ai vu: un oiseau au haut d'un pin, avec une couleuvre entre les
deux dagues de son bec.
- Et j'ai vu: des paysans boire dans le chaud de midi - j'ai vu leur
poitrine nue.
- Et j'ai vu: la noce enfin apprêtée des choses et des mots qui les
désignent.
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