|
|
Chœur:
- Io, tu es belle, ô future épousée. Tu es, entre toutes, la plus
belle: car, sur toi désormais dansante, ne voit-on pas danser, dont
tu tires ton éclat et cet accroissement de ta beauté, la lumière,
à celle du jour supplémentaire, du désir? Car te voici désirée,
ô très belle et, par cette irruption et cet essaim autour de toi
d'un désir suscitateur, tu entres dorénavant dans la beauté
réelle. Io, tu es désirante, ô plus belle, et en toi encore une
torche pétille qui répond à l'éclat qui t'environne. Voici que tu
perds, certes, ou crois perdre: tu perds cette crudité-là de
l'enfance, et son astringence encore, et sa surprise (ainsi qu'à la
dent dans le pain cuit un bref gravier arrête soudain la dent qui
échappa au tamis) - et c'est aussi pourquoi en cet instant on te vêt
avec solennité: comme une morte tu es vêtue et parée et avec grand
soin apprêtée car sans doute, dans cet instant où tu deviendras
l'épouse, celle que tu fus avant la noce il faut qu'elle meure et
cède la place et rende les armes. Mais cette perte que tu sens (et il
est bon que tu la sentes: sinon, comment adviendrais-tu à celle que
tu deviens si tu perdais mémoire d'où tu vins et n'en avais
nostalgie âpre, dont bientôt construire le foyer où cuiront ta
force et ta joie et ton contentement et ton comble) et cet arrachement
même dont tu te lamentes à mi-voix et mi-colère, cet ôtement, en
ton cœur, du monde qui fut autour de toi tel que ta peau authentique
et ton authentique chair, ne sens-tu pas cependant, à la lumière du
désir autour de toi et du désir égal en toi, qu'il ne fut pas le
monde entier et réel et irréfutable, mais seulement le petit jardin
de l'enfance où accomplir les petits actes de l'enfance? Ne sens-tu
pas qu'il fut restrictif comme toi-même dans l'enfance étais
restreinte: un fruit seulement, et non la profusion illimitée et
répétitive de l'arbre écartelé de mille autres fruits, avec encore
mille oiseaux et mille soleils à ses branches écartelées unis? Ne
sens-tu pas encore que ce fruit-là dont tu t'étanchais et tirais
subsistance, ah, qu'était-il d'autre que ta propre joue ronde
délicieuse et qu'entre toi et lui n'existait la distance ou ta
vérité, mais seulement l'espace étroit et irréel de ce que tu
croyais plaisir et qui n'offrait que satisfaction? Ne sens-tu pas, ô
chétive jusque là dans ta beauté étroite, combien plus beau et
plus présent et plus attentif à l'appel que tu lui lances se tient
désormais devant toi le monde, dans la distance enivrante qui sépare
le désir de son objet et rend l'objet comme insoutenablement présent
dans la lumière de son absence et la lumière aveuglante du désir?
Je vois une pierre blanche, et dure et belle et aiguë, et je vois sur
elle l'aveuglement du soleil et la profusion des ombres où se
tortille en fuyant un lézard de vivacité: et sur elle tombe un
fruit, qui éclate! et répand grassement sa chair et son jus
parfumés...
Or vois encore, à ton tour, vois, enfin, l'heure pour toi de la
séparation: tu vas être enfin de toi-même séparée et du monde
duquel tu étais indivise séparée. Alors seulement véridiquement ce
monde profus dont te travaillent la faim et la soif, il
t'appartiendra. Tu vas être de ce cercle refermé que tu croyais
égal au cercle de vivre arrachée: alors seulement véridiquement
seras-tu la vive, et la vivace, et l'aventureuse dans la propriété
inaliénable du jardin enfin offert dans sa réalité de jardin et
d'abondance et de diversité.
Apprête, enfant debout du bout d'un pied sur l'arête qui sépare
l'enfance du jardin, ta bouche: car tu seras rassasiée...
|