Petit hommage à Sei Snagon

 

1. Choses qui rendent heureux quand elles sont près (ou même loin) de soi
  • Susan, Mark, Sam and Simon, to whom my translation of Walt Whitman is dedicated; whether together or one by one; in all the ways possible and in any way possible; here, there or wherever; for this and against that; for that and against this; always and ever and ever and ever, as a radiant glimpse of what true life might be.

  • Linda (à qui est dédiée ma traduction de Wallace Stevens) parce que nul comme elle ne sait expliquer comment nourrir des poissons à la becquée ou, d’une voix poliment curieuse et légèrement perplexe, demander (elle traduit du français en anglais) comment traduire «c’était une vaste plaine semée de montagnes»; «elle avait une manière bien à elle de croiser ses mains sur son âme»; «l’étude approfondie que fit Schiller du fondement de l’homme» et mille autres fariboles de nos auteurs hexagonaux contemporains; parce qu’elle seule sait lober expertement, de la main gauche, sans se retourner, sur une distance de plus de trois mètres, des haricots verts par la fenêtre; parce qu’elle enlève ses lunettes pour examiner, de plus près, le nez contre la vitrine, les netsuke du Metropolitan Museum of Art; parce qu’elle sait tout (et que ce qu’elle ne sait pas ne vaut pas la peine de l’apprendre); parce que, quand ça canicule à Paris, elle compulse, dans une arrière-boutique sans air où la fausse eau de rose le dispute au santal chimique, des liasses d’images de dévotion indienne à la recherche de quelque rare dieu particulièrement bigarré; parce qu’elle est Linda malgré tous les dieux.

  • Ameneh avec ou sans Tara et Cyrus, Tara avec ou sans Ameneh et Cyrus, Cyrus avec ou sans Tara et Ameneh: à famille, ces trois-là forment ma seconde, et la plus proche, et la plus tendre, et la plus évidente, de toutes. Ameneh seule, aussi, pour l'idée d'amitié qui se fond en tendresse, en silence, en aise à deux; en plaisir et certitude d'être chacun, l'un pour l'autre, quoi qu'il arrive, là. Ameneh, juste pour ses yeux et son sourire, ses moues et ses infinies politesses, son esprit d'acier sous des dehors de perle: Ameneh, aziz-é-del-é-man.

  • Michael, aka MAG, who's so nicely and so fully offered and accepted the part of friend, dear friend (along with his husband Sjaak), after so many years of our playing so fully the difficult four-hand part of uneasy but indisputable love. MAG, for the care he takes in keeping our common past as a lived, and living, moment. MAG, because I can still call him MAG.

  • Stefi, of course, with her quiet voice and her beautiful face and her oh so sweet presence among Rick and Matthew and Jesse.

  • Sateh, dit Monsieur S, dit l’En retard, dit Le tout tendre, dit L’explorateur, dit L’encourageur, dit L’ami sans faillir.

  • Gervasio, qui d’un œil de Venise et d’une stature d’Atlante regarde sans ciller mais en riant passer des pyramides sur des fleuves moins larges que son désir d’y croire. Gervasio et Ana-Clara, si!

  • Dominique G., sa beauté de Fayoum, son cynisme d’ambassadeur et sa tendresse de plus qu’ami presque jusqu’aux maints rivages d’amant.

  • Michel L., à qui je dois de savoir que la musique n'est pas qu'une affaire d'écoute distraite mais, de tout le corps attaché à soutenir et rendre réelle sa promesse de bonheur, une tentative de liquider l'invivable de ce monde invivable.

  • James M., encore et d'évidence, malgré son interminable et inexplicable et (je n'ai toujours pas trouvé le mot dont le qualifier vraiment) silence.

  • Seph, in spite of all. Poor Seph: perhaps he's already back strenuously pedaling up the steep slopes of his constitutive and insatiable discontent. (I shall always remember his voice, as it read to us both Henry James's The Bench of Desolation in the sweat soaked-up bed of our strenuous content.)

  • Passetemps_5: tiens, je l'allais oublier. Sous un parasol Orangina, nous nous nous mîmes un soir en route vers un paradis de désir, en pédalo – puis il s'évapora. Une traduction lui est dédiée («Qui n'a pas sa traduction? Demandez votre traduction!»), pour le remercier de la plus jolie nuit de noces qu'on puisse avoir vécue.

  • Celui qui manque.

 

2. Choses qui rendent vivant quand elles sont devant soi

 

  • Les films d’Andreï Tarkovsky – Sergueï Paradjanov – Robert Bresson.

  • Les mises en scène de Robert Wilson – Peter Stein – Giorgio Strehler.

  • Les tableaux d’Enguerrand Quarton – Hans Memling – Van Eyck – Caravaggio – Georges de La Tour – Jean-Baptiste Chardin – Pablo Picasso – Yves Klein – Tsarouchis – Cy Twombly - Le Jeune Homme nu au bord de la mer d’Hyppolite Flandrin (même si l’on commence de l’avoir trop vu) – les fresques des villas pompéiennes – les natures mortes de Juan Gris – La Piscine de Matisse – certaines toiles de Y. Z. Kami.

  • Les grands tableaux à l’acrylique de mon père et le portrait en trompe-l’œil qu’il fit pour moi de Marcel Proust. Les petites aquarelles et les petites huiles que je soustrais de temps en temps à l’incessante industrie de ma mère.

 

3. Choses qui rendent heureux parce qu’elles ont eu lieu
  • La mise en scène par Peter Brook du Mahabaratha.

  • L’édification du Taj-Mahal, de Fatehpur-Sikri, du Golden Gate Bridge, du château de Chambord, de la Rothko Chapel.

  • La rencontre d’Hadrien et Antinoüs. Celle de Shams et Rumi. Celle d’Aurélien et Bérénice dans le roman d’Aragon.

 

4. Choses qui rendent heureux quand elles entrent en soi

 

  • La musique de Monteverdi – Haydn – Rameau – Benjamin Britten – Luciano Berio – Francis Poulenc – Bismillah Khan. Les derniers quatuors de Beethoven. Les Sonates du Rosaire de Biber – les pièces pour chitarone de Kapsberger, pour viole de Purcell.

  • La voix d’Ella Fitzgerald. La voix de Maria Casarès. La voix de Veronika Lake. La voix de Nusrat Ali Fateh Khan. Le mistral sur le plateau d’Aix-en-Provence.

 

5. Choses qui ont disparu mais qui sont toujours là

 

  • Pénélope, la première et la fidèle – Maïa, l’abandonnée aux treize enfants – Raphia, la folle couleur d’or – Togo, l’amateur des fournis et des flammes – Toubab, prince des garrigues et Don Juan des fermes – Minibus, fol amant à ras de terre – Réaumur-Sébastopol, belle princesse polonaise en exil – Cadet, blanc et fluide bodhisattva que je ne sais quel extraordinaire principe de compassion envoya à ma rescousse – Barbès, qui dort sur ma vie d'une absence aussi vaste et aussi belle que ma peine de ne plus la voir.

  • Marc Lautrou, dit «le petit Marc».

  • Marc Ledé, dit «le grand Marc».

  • Christopher Coe.

  • Reza Abdo.

 

6. Livres qui font battre le cœur

 

  • War Music,
    Kings,
    The Husbands
    All Day Permanent Red, de Christopher Logue.

  • Le Roman inachevé,
    Blanche ou l’oubli, d’Aragon.

  • Henry James, A Life, de Leon Edel.

  • What Maisie Knew,
    The Awkward Age,
    The Complete Short Stories,
    The American Scene, etc., de Henry James.

  • Tombeau pour 500 000 soldats,
    Éden, éden, éden, de Pierre Guyotat.

  • Tender Buttons,
    Stanzas in Meditation,
    Before the Flowers of Friendship Faded Frienship Faded,
    Four Saints in Three Acts,
    Docteur Faustus Lights the Lights, de Gertrude Stein.

  • L'oeuvre entière de Victor Hugo, bien sûr.

  • Monsieur Teste, La Jeune parque, etc., de Paul Valéry.
    Sa correspondance avec André Gide.

  • Rose-déclic, de Dominique Fourcade.

  • Le Dictionnaire de la langue française, d’Émile Littré.

  • Le Trésor de la langue française, aux éditions du CNRS.

  • L’œuvre entière de Joseph Conrad.

  • À la recherche du temps perdu, de Marcel Proust.

  • Tout Calvin and Hobbes, de Bill Waterson.

  • Histoire d’enfant, de Peter Handke.

  • L’œuvre entière de Francis Ponge.

  • The Collected Stories, de John Cheever.

  • Les Fables,
    Vénus et Adonis, de Jean de la Fontaine.

  • The Raj Quartet, de Paul Scott.

  • L’Espace littéraire,
    Le Livre à venir,
    L'Entretien infini, de Maurice Blanchot.

  • Le Discours de la méthode, de René Descartes.

  • Souvenirs entomologiques, de J.-H. Fabre.

  • En Islam iranien, d’Henry Corbin.

  • Minima Moralia de Theodor W. Adorno.

  • La traduction en anglais des Satires de Juvénal, par Peter Green.

 

 
 

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