And I became alone, 2

 

 

 

 

 

 

 138

 

Séraphins pygmées — aux voies égarées —
Habitantes veloutées de Vevay —
Belles de quelque jour perdu d'été —
Abeilles d'exclusive Coterie —

Paris ne pourrait ployer les plissures
Au tombé d'une Émeraude en ceinture —
Venise ne pourrait montrer de joue
D'un orient aussi lustré qu'aussi doux —
Jamais une telle Embuscade n'eut
Selon la fougère ou la feuille lieu
Pour ma damoiselle en damas de peu —

Je préfèrerais revêtir sa grâce
Que d'un Duc la distinction de sa face —
Je préfèrerais vivre au demeurant
Où elle est qu'être un des «Princes du Sang» —
Ce m'est une royauté qui suffit
Le Bourdon de se trouver ébaubi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

139

 

Âme, Iras-tu rouler les dés encore?
À rien de plus que ce hasard
Des centaines ont il est vrai perdu —
Mais raflé le lot des dizaines —

De l'ange la loterie hors d'haleine
Patiente que tu t'y inscrives —
Des diableries en Factions se démènent
Pour mettre à tombola mon Âme!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

140

 

Une altération parmi les collines —
Le village en jour tyrien s'illumine —
Un plus grand soleil lève à l'horizon —
Une brune plus profonde au gazon —
Une empreinte vermillonne de pas —
Un doigt purpurin sur la pente au bas —
Une mouche impertinente au carreau —
Une araignée à tramer de nouveau —
Un Chantecler paradant neuves roues —
Une fleur qui est attendue partout —
Un chant de hache aux halliers stridulant —
Parfum de fougère aux voies sans passants —
Ce que je ne peux dire et tout ceci —
Un coup d'œil furtif que tu sais aussi —
Ainsi de Nicodème le Mystère
Reçoit chaque année sa réponse entière!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

142

 

À qui sont ces petits lits, j'avais demandé
Qui reposent dans les vallées?
Tel a branlé du chef, quand l'autre souriait —
Mais nul n'a réponse donnée —

Peut-être, ai-je dit, ils ne m'ont pas entendue,
De nouveau je m'en enquerrai —
À qui sont ces petits lits — les lits si menus
Sur la plaine en rangs si serrés?

Voici la Marguerite, au lit très étriqué —
Puis en avançant jusqu'ici —
Tout près de la porte — pour s'éveiller 1er —
Voici le petit Pissenlit.

Voici l'Aster, Messire, et puis voici l'Iris —
La Campanule et l'Anémone, —
La Bartsie, sous la courtepointe qui rougit —
Et puis la Jonquille en trombone.

Entre-temps, elle allait entre tant de berceaux
À porter son pied affairé —
En fredonnant la plus exquise des berceuses
Dont enfant s'assoupît jamais.

Mais chut! Voilà-t-il pas que l'Épigée s'éveille!
Du Crocus tremblent les paupières —
La joue de la Rhodore vire au cramoisi,
Elle se rêve forestière!

Puis se détournant d'eux tous avec révérence —
Voici l'heure de leur sommeil —
Quand les forêts d'avril, dit—elle, rougiront
Les éveilleront les Abeilles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

146

 

Dans une nuit telle, ou telle autre nuit,
Quelqu'un serait-il en souci
Si quelque personnage si petit
Quittait sa chaise sans un bruit —

Si tranquille — Oh si tout à fait tranquille,
Que personne n'eût rien compris
Hors que plus doux berçait — d'avant, d'arrière —
Le personnage si petit —

Dans une aube telle, ou bien telle autre aube,
Quelqu'un soupirerait-il si
Dormait à poings profondément fermés
Le personnage si petit

Que Chantecler ne puisse l'éveiller —
Ou l'oiseau grisé au verger —
Ou les premiers bruits du rez-de-chaussée —
Ou quelque première corvée?

Un petit personnage dodu fut
Pour chaque petit tumulus —
Pas traînards de l'école revenus
Fil, bobine, aiguille affairée —

Compagnons de jeu, congés, et fruits secs —
Et visions vastes et menues —
Qu'étrange des pieds à faix si précieux
N'aient atteint qu'un si mince but!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

147

 

Grâces à Dieu, il partit à soldat,
Avec son mousquet sur son cœur —
Béni soit Dieu, qu'il charge les plus braves
De tous que Mars tient à honneur!

Plaise à Dieu, que je puisse de le voir
Avec de blanches épaulettes —
Je ne craindrais pas l'adversaire alors —
Ni du combat serais inquiète!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

148

 

Toute sous l'invasion fourbe des mousses,
Toute parsemée par l'ivraie,
La petite cage de «Currer Bell»
Dans la paix d'«Haworth» est placée.

Cueillie au fil de multiples errances —
Pourra dire Gethsémani
Au travers de quels transports de l'angoisse
Chez l'Asphodèle elle atteignit!

Viennent doucement les sons de l'Éden
Choir en son ouïe sidérée —
Oh quelle après-midi fut pour le Ciel,
Quand «Brontë» y fit son entrée!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

149

 

Elle alla sans bruit comme une Rosée
Quitte la fleur Accoutumée.
Au rebours de la Rosée, ne revint
Pas selon l'heure Accoutumée!

Elle tomba sans heurt comme une étoile
Quitte de mon été le Soir —
Moins habile que l'astre Le Verrier
C'est plus éprouvant de le croire!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

150

 

Elle mourut — ainsi elle mourut.
Et quand son haleine cessa
Se chargeant de sa simple garde-robe
Vers le soleil s'achemina.
Sa petite figure au seuil des portes
Les Anges avaient dû épier,
Puisque jamais je ne pus la trouver
De ce côté où la mort est.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

153

 

La poudre est l'unique Secret —
La mort, Celui-là seul
Dont tu ne peux rien découvrir
Où «vécut son Aïeul».

Nul qui sût sa «ville natale» —
Jamais ne fut Gamin —
N'a pas plus eu d' «Histoire ancienne»
Qu'aux jeux, un seul copain —

Industrieux! Et laconique!
Ponctuel! Et rassis!
Ancré plus que n'est une Flotte!
Comme un Brigand hardi!

Bâtit, aussi, comme un Oiseau!
Christ le contrebandier —
Pinson à Pinson qu'ils Reposent
Vient au Nid dérober!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

154

 

Hormis pour le Ciel, elle est un néant.
Hormis des Anges — esseulée.
Hormis pour certain Bourdon au long cours
Une fleur superflue soufflée.

Hormis pour les vents — une provinciale.
Hormis à la vue des Phalènes
Inaperçue comme un peu de rosée
Qui se repose sur la Plaine.

Ménagère la plus menue dans l'herbe,
Mais si vous l'ôtez du Gazon,
Quelqu'un se trouve privé du visage
Qui fit d'Exister — la Maison!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

155

 

Le Murmure d'une Abeille
Sortilège — en moi éveille —
Si quelqu'un s'enquiert pourquoi —
Mourir m'aurait moins d'effroi —
Que le dire —

La Rougeur au haut du Mont
Me vole mes intentions —
Si d'aucun cherche à railler
Gare — car Dieu y veillait —
Tout est dit.

Le Jour quand surgit l'Aurore
S'additionne à mon Transport —
Si quelqu'un veut savoir ça —
Peintre — ainsi qui m'esquissas —
Tu le dises!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

157

 

Des musiciens joutent de toutes parts —
Tout le jour — dans l'air populeux épars
J'entends l'argentin des querelles —
Et — debout — bien avant qu'il fasse aurore —
Sur la ville détone un tel transport
Que je le crois la «Vie Nouvelle»!

Ce n'est pas d'Oiseau — ça n'a pas de nid —
Ni «Orchestre» — habit cuivre et cramoisi —
Non plus le Tambourin — que l'Homme —
Ce n'est point l'Hymne que la chaire entonne —
«Astres du matin» conduit par Soprane
Au Temps de l'Après-midi prime!

D'aucuns — disent que — c'est le jeu des «Sphères»!
D'aucuns que c'est la Majorité claire
Des Dames — et Messieurs — enfuis!
D'aucuns — le pensent l'office du lieu
Où — corps finals — célestes — plaise à Dieu —
Nous verrons la preuve Établie!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

159

 

Un rien de pain — une miette — une panne —
Un rien de confiance — une dame-jeanne —
Peuvent conserver en vie l'âme —
Dodue, que non pas! mais tiède — alerte —
Respirant — comme le vieux Bonaparte
La nuit d'avant le Diadème!

Un modeste sort — Une gloire grêle —
Une Campagne éclair de dard et miel
Est plus qu'il n'en faut! Est assez!
L'affaire du Marin c'est le rivage!
Du Soldatboulets! Qui veut davantage
Doit la vie prochaine chercher!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

160

 

Juste perdue, lorsque je fus sauvée!
Juste sentis le monde défiler!
Juste à me ceindre pour l'assaut d'Éternité,
Quand l'haleine vint se réinsuffler,
Au même temps que de l'autre côté
J'entendais la marée reculer dépitée!

Dès lors, pour être Une de retour, je me sais
À dire de la ligne en secrets curieux!
Quelque Marin, esquivant les bords étrangers —
Quelque Rapporteur pâle, des vantaux affreux
Avant qu'ils soient Scellés!

La fois prochaine, d'y rester!
La fois prochaine, y voir les choses
D'Ouïe qui ne sont écoutées,
Que l'Œil n'a pas considérées —

La fois prochaine, d'y flâner,
Comme furtifs les Âges vont —
Les Siècles lents à piétiner
Et les Cycles sur leurs rayons!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

161

 

Une rémige de l'Engoulevent
Perpétuellement — chantant!
Dont la cimaise — est le Soleil levant —
Dont sont l'Opéra — les Printemps!
Dont les Âges nouent le Nid d'Émeraude
D'un fil moelleux — et susurré —
Dont l'Œuf de Béryl l'Écolier maraude
En haut — aux secrets des «Récrés»!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

162

 

Mon Fleuve se presse vers toi —
Ton accueil voudra-t-il de moi?
Mer Bleue, mon Fleuve attend réponse —
Ô Mer — fais preuve de clémence —
Je t'apporterai des Rus
De coins ocellés issus —
Dis-le — Mer — Emporte-Moi!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

163

 

Quoique ma destinée soit de Futaine —
Quand elle l'a de fin damas —
Quoiqu'elle porte un tablier d'argent —
Moi, rien aussi divin que ça —

Pourtant, mon petit être de Gitane
De beaucoup je préfèrerais,
Pourtant, ma petite gorge bronzée,
À ce que produit son Rosier,

Car, de leurs doigts ponctuels, quand les Givres
Viennent se poser sur son front,
Vous comme moi, et le Dr. Holland,
Dans l'Éternité fleurissons!

Roses d'une contrée inébranlable
Dans un inébranlable été,
Où n'use de son fusain nul Automne —
Et nulle Faucheuse n'a pied!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

165

 

D'être Blessé le Cerf — plus haut bondit —
J'entendis le Chasseur qu'il dit —
Ce n'est rien que l'extase de la mort
Puis la paix revient au Taillis!

À Rocher Frappé de l'eau en jaillit!
Le Fer martelé point ne plie!
Une Joue est toujours plus cramoisie
Juste où l'Hectique la mordit!

La Gaîté est jaseran pour l'Angoisse —
Avec quoi Prudente elle s'Arme
De crainte qu'à y déceler du sang
«Vous êtes blessé» l'on s'exclame!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

166

 

J'ai l'après-midi rencontré un Roi!
Bien que ne le ceignît nulle Couronne,
Un couvre-chef de Palmes rien de plus,
Et qu'il allât nu-pied, ce qui étonne!

Mais sûre je suis qu'il portait Hermine
Sous le bleu élimé de son Habit —
Et sûre je suis, que s'ornait la poche
Du même Habit, de son blason aussi!

Or c'était par trop princier pour un Comte —
Un train si superbe le Marquis n'ose!
C'était peut-être bien un Tsar de poche —
Un Pape, ou quelque autre semblable chose !

S'il faut te le dire, d'un Destrier
Mon Monarque hâlé tenait les rênes —
Estimable Monture sans conteste,
Mais rétive qu'au galop on l'amène!

Et quel équipage! Autant que je vive
Osé-je présumer que soit
Selon tel véhicule un tel transpot
Autre celui qui m'enleva!

Deux autres Princes gueux voilà-t-il pas
De son état royal à jouir!
Sans doute la première excursion
Que ces têtes couronnées firent!

Je questionne si le Coche Royal
Environné de ses Coursiers,
A la signification, aux sommets,
De cet État de Va-nu-pieds!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

165

 

Apprendre les Transports par la Douleur —
Comme l'Aveugle la clarté!
Mourir de soif — alors que l'on soupçonne
La course des Rus dans les prés!

Sur un rivage étranger — arrêter —
En mal — en mal de leur pays —
Les pas dont ils sont hantés, tout le temps —
Et l'air natal bleu — tant chéri!

Telle est la plus insigne des Angoisses!
Tel — le souverain désarroi!
Ils constituent les patients «Lauréats»
Dont les voix — formées — ici-bas —

Sans cesse s'élèvent par Chorals pieux —
Inaudibles, en vérité,
Pour nous — étudiants aux sens émoussés
Du Ménestrel Mystérieux!

 

 

 

 

 

 

 

 

 

167

 

Si pour le sot, ça a nom «fleurs» —
L'avisé, doit-il dire?
Si les Savants les «Classifient»
Ce n'est pas mieux ni pire!

Les lecteurs des «Révélations»
N'ont pas à critiquer
Qui a lu la même Édition —
D'un Oeil couvert de taie!

Debout avec le Vieux Moïse —
«Canaan» dénié —
Scutons-nous tous l'altier pays
Sis de l'autre côté —

Pour sûr, il nous faut superflues
Dire nombre des Sciences,
Qu'aucun Ange érudit n'apprend
Dans les cieux de sapience!

Accordez qu'humbles nous restions
Dans ces gaies Belles-lettres,
Astres, aux Galaxies profondes —
Près la grandiose «Dextre» !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

170

 

Aux visages journaliers les portraits
Sont comme est un Soir d'Occident,
À un bel éclat de soleil pédant —
Vêtu du satin d'un Gilet!

 
  Suite
 
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