Le Comédien en
lettre C
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
I.
Le
monde sans imagination |
|
Nota: l'homme est l'intelligence de son sol,
Le spectre souverain — à ce titre, Socrate
De l'escargot, musicien poiré, principium
Et lex. Sed quaeritur: cette même perruque
Des choses, ce pédagogue niguedouillé,
Est-il précepteur de la mer? Crispin en mer
Apporta, en son temps, une touche de doute.
Un œil plus qu'habile en gélatines et jupes,
Baies des villages, un œil de barbier, un œil
De terroir et de simples sillons à salades,
D'honnêtes courtepointes, l'œil de Crispin, pris
Par des marsouins en lieu et place d'abricots,
Et par de silencieux marsouins, dont les museaux
Emblavaient
dans des vagues qui étaient moustaches,
Indéchiffrables poils d'un monde indéchiffrable.
Même de sel, on mange son pâté — qu'on dit.
Mais ce n'était pas tant le terrestre perdu,
Le douillet hivernal issu de mer et sel,
Ce siècle de vent en une seule bouffée.
L'important, c'était la mythologie
de l'être,
Marbrée bien au-delà d'aucune démarbrure.
Crispin, luthiste des puces, faquin, vidame,
Crosse enrubannée, braies bouffant, chape de Chine
Calotte d'Espagne, impérieux
bégaiement
Du ronflement, botaniste inquisitorial,
Lexicographe général des cornichons
Muets et virginaux, se contempla soi-même,
Maigre marin scrutant le miroir de la mer.
Quel mot clivé en syllabes clopicloquantes
Et soufflant en orage sous des tons multiples
Nommerait ce court-sur-pattes dans tout ce choc?
Crispin se fit emporter par la magnitude.
Ce qui restait en lui de vie se réduisit
À un unique son frictionnant son ouïe,
Concussion ubiquiste, soufflet et soupir,
Polyphonie dépassant son jeu de baguette.
Crispin pouvait-il endiguer tout verbiage
Dans la mer, grand âge d'un aqueux réaliste,
Triton, dissous en diaphanéités changeantes
De bleu et de vert? Un âge aqueux et verbeux
Qui chuchotait à la compassion du soleil,
Nuitamment opérant une convocation
Des étoiles de mer et au clopinement
Des chaussées de la lune s'étalant, gisant.
Triton, incompliqué par ce qui le faisait
Triton, sans rien qui demeurât de lui, hormis
Dans d'immémoriales gesticulations pâles,
Qui semblaient dans les vagues des bras, des épaules,
Ici, quelque objet dans la levée et la chute
Du vent qui paraissait trompette hallucinée,
Et ici, voix enfouie, tant de la souvenance
Que de l'oubli, selon un accord alterné.
Ainsi se trouva dissous un ancien Crispin.
Le valet dans la tempête fut annulé.
De Bordeaux au Yucatán, La Havane ensuite,
La Caroline pour finir. Simple balade.
Crispin, mince infinitésimal du gros temps,
Se défit de ses façons dans la turbulence.
Le sel se prit à son esprit ainsi qu'un gel
Et l'inerte saumure ainsi qu'une rosée
D'hiver fondit en lui, jusqu'à ce que de lui
Rien ne restât qu'un être plus cru et plus nu
Dans un monde qui était plus cru et plus nu,
Dans lequel le soleil n'était pas le soleil
Parce que jamais d'une inane complaisance
Il ne brillait sur la pâleur des parasols,
Élytre dans les
chapelles, sur les fleurs chastes.
Contre ses pépiements un céleste rictus
Avec emportement rugit d'une trompette.
Crispin devint un voyageur introspectif.
C'était enfin le véritable ding an sich,
Crispin s'y confrontant, susceptible
d'un dire
Mais sur des mots éructés par des noirs chenus
Qui ne ressemblaient aucunement aux siens propres,
Susceptible d'un voir, et hormis pour Triton
Le négligeable, sans cette inévitable ombre
Qu'il projetait partout ailleurs autour de lui.
Il était clair qu'une scission avait pris place.
La distorsion ultime de la romance
Déserta l'égotiste insatiable. La mer
Scinde autant les
consciences que les continents.
On ne pouvait requérir nulle aide en ce lieu,
Devant la réalité. Crispin regarda
Et Crispin fut refait de neuf. En ce lieu-là,
L'imagination ne pouvait éluder,
Par poèmes
de prunes, l'austérité stricte
D'un seul air, vaste, ultime qui la subjuguait.
L'averse des vies rassises ne tombait plus.
Quelle était cette panoplie de vent et toc?
Quelles destructions vites l'avaient mise au jour?
Elle était caparaçon du vent, des nuages
Et d'un donné permettant d'établir un tout
Parmi les ruses que le large avaient rompues. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
II.
À
propos des orages du Yucatán |
|
Dans le Yucatán, les sonnettistes Maya
De l'amphithéâtre caraïbe, en dépit
De l'aigle et du faucon, du toucan vert, du geai,
Toujours au rossignol adressaient leurs prières,
Comme si les tangaras framboise des palmes
Au haut de l'air orange, étaient oiseaux barbares.
Mais Crispin était trop abattu pour trouver
Dans aucun lieu commun l'aide tant désirée.
La mer avait vivifié l'homme qu'il était,
Homme issu d'une traversée toute lumière,
Tant et tant trompeté, désespérément clair,
Frais émoulu de ce que la marée des cieux
Lui avait découvert, et pour qui nul repos
N'existait au sein des roulis
oraculaires.
Il s'enfonça dans une féroce couleur.
Combien il avait crû dans son lieu domanial,
Cet auditeur d'insectes! Lui qui pouvait voir
L'avancée de l'automne évanescent au parc
En manière de mélancolie bienséante;
Lui qui pour le printemps rédigeait chaque année
Son couplet en manière de dissertation
Aux délices profonds, s'arrêtant, en voyage,
Au milieu d'un pays à serpents, s'aperçut
Que ces vicissitudes avaient élargi
Sa manière de voir de beaucoup, l'embrouillant
Dans des froncements d'humeur, et l'avaient rendu
Difficile et étrange dans tous les désirs,
Marquant de cette sorte son abattement.
Il était en cela comme tout être libre,
Caquet au cœur d'une
écale de noix sonore.
Sa violence recherchait l'agrandissement
Non la stupeur, comme en provoque la musique
Pour les dormeurs à demi debout de réveil.
Il constata que la fraîcheur de sa chaleur
Surgissait soudain, mais seulement, dans les fables
Qu'il griffonnait à l'aide de sa propre plume
Trempée dans sa rosée indigène, suivant
Une esthétique rude, indomptée et diverse,
Inconcevable aux prudes, forgée dans la crasse,
Un barbarisme vert devenant paradigme.
Crispin entrevit une excursion curieuse,
Ou perçut, plus noble, un destin élémental,
Et des pouvoirs, et des affres, élémentaux,
Et un beau dénuement non encore aperçu,
Tirant profit de la sauvagerie des palmes,
Du clair de lune sur les floraisons épaisses,
Cadavéreuses, que produisent les yuccas,
Et du pas de la panthère. Le fabuleux
Et son vers intrinsèque survinrent, semblant
Deux esprits palabrant, atourés dans l'éclat
Issu de la corniche
atlantique, public
Pour le catéchisme de Crispin et sa plume.
Mais ils palabraient d'une telle terre, dense
De tant de bords et d'émondes verts et dentus,
Si nouée de sinuosités ophidiennes
Aux huppes pourpres et aux tiares écarlates,
Du cœur de leurs refuges embaumant la jungle,
Et si vergée de jaune, de rouge, de vert
Et de bleu par le bec et la
baie et l'écorce
Des bouchées de fruit, que la terre en devenait
Cohue d'un festival de graines engraissées
D'une opulence trop juteuse, qui s'enflait
Au sein de la tiédeur maternelle de l'or.
L'affaire est entendue. Aux couacs des perroquets,
C'est une neuve réalité que trouva
L'affectueux émigrant. On ne pèsera
Pourtant pas trop sur ces broutilles. Or, alors
Que ce singulier explorateur arpentait
Les rues du port, examinant le cabildo,
La façade de la cathédrale, prenant
Des notes, il entendit un grondement sourd,
À l'ouest du Mexique, semblait-il, approchant
Pareil à une gasconnade de tambours.
Le blanc cabildo s'assombrit et la façade,
Tout aussi sombre que le ciel, chagrinement
Fut avalée par succession d'ombres véloces.
Le grondement s'élargit tandis qu'il tombait.
Le vent, clairon tempétueux, d'un cri pesant
S'en vint de but en blanc fulminer, plus terrible
Que la musique se vengeant sur les bassons.
L'éclair gesticulant, mystique, produisit
Des voltiges blafardes. Crispin, à ce point,
Prit la fuite. Un annotateur
est lui aussi
Sujet à des scrupules. Dans la cathédrale
Il vint se mettre à genoux avec tous les autres,
Notre connaisseur du destin élémental,
Averti de pensées exquises. La tempête
Était l'une des nombreuses proclamations
De ce genre, proclamant un fait bien plus rude
Que ce qu'il avait appris en entendant geindre
Des enseignes dans le froid des nuits, en voyant
L'artifice de la chaleur du plein été
Sur son vitrage. Ceci, c'était l'envergure
De la force, le fait quintessenciel, la note
De Vulcain, qu'un valet s'escrime à posséder,
La chose dont le phrasé
le rend envieux.
Tandis que le torrent bourdonnait sur le toit,
Il sentit l'haleine des Andes. Son esprit
Était libre et plus que libre, allègre, tendu,
Profond, observateur de l'être
qui en lui
Le possédait et qui, dans la ville encroûtée
Où il avait embarqué, n'avait pas alors
Été qui il était. Plus loin que lui, vers l'ouest,
Les crêtes montagneuses, balustrades pourpres,
S'étendaient; la foudre, flageolant dans ses salves,
Y déversait sa voix en trilles colossales,
Pour que Crispin pût vociférer de nouveau. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
III.
En vue
de la Caroline |
|
Le livre du clair de lune n'est pas écrit
Pour le moment, ni même à demi commencé,
Mais quand il le sera, faites-y de la place
Pour Crispin, ce fagot de l'incendie lunaire,
Qui, dans le hourvari de son pèlerinage,
Au travers de changements ensués, jamais
Ne put oublier cet état de vigilance
Ou ce sommeil méditatif, au cœur desquels
La bouderie de strophes volontiers soutint,
En temps voulu, les chants somnolents et profonds.
Faites donc de la place, au livre non-écrit,
Pour le clair de lune fabuleux qui brûla
Une fois au sommet de tout un continent
Dans l'esprit de Crispin. L'Amérique pour lui
Était toujours le nord, un nord occidental
Ou occident nordique, mais toujours un nord
Et de ce fait polaire, d'un pourpre polaire,
Glaciale et efflanquée, sourdant et s'affalant
Dans une mer d'écume robuste, au jusant
De platitude, étalée en rebords sans fin,
Scintillante, immergée, et froide au boréal
Du brumeux de la lune. Là-bas le printemps
Venait en clinquantes panicules de givre
Presque à demi fondues et l'été survenait,
Si tant est qu'il le fît, d'un trait, tout détrempé,
Mais sans mûrir, avant que l'hiver ne revînt
Établir sa vacance. Les myrtes étaient,
Si tant est que le myrte pût jamais fleurir,
Comme un rose glacial appendu dans les airs.
Les palmiers verts dans la glace crépusculaire
Taillaient frigidement des méridiens bleu-noir,
Morose clair-obscur, au dessin émacié.
De combien de poèmes s'était-il privé
Dans son cheminement attentif, choses moindres
Que le contact intransigeant qu'il désirait;
Combien de masques de la mer il dédaigna;
À quel nombre de sons il refusa l'accès
Du tempéré de son ouïe; quelles pensées,
Pendardes affectant l'épouse retirée;
Et quels déchants il frappa de bannissement!
Peut-être que le clair de lune de l'Arctique
Établissait vraiment la liaison, le bonheur
D'une liaison entre Crispin et ses entours,
Qui, et si, il était le principal mobile,
Était le délice principal, pour Crispin,
Et non pas pour lui seul. Il semblait illusoire,
Délavé, plutôt brume que lune, pervers,
Tout aussi erroné qu'une divagation
Du côté de Pékin, pour lui qui postulait
Que son thème était le vulgaire, tant son thème
Que son hymne et que son envol, un rossignol
Au fignolage passionné. Le clair de lune
Était un faux-fuyant ou, s'il ne l'était pas,
Un rendez-vous mineur, facile, délicat.
De la sorte il conçut que son périple était
Mouvement pendulaire entre deux éléments,
Fluctuation entre le soleil et la lune,
Excursion vers les formes cramoisies et or,
Comme c'était le cas dans ce voyage-ci,
Par gobelinerie, suivi d'une retraite
Telle une volte-face et un enlisement
Dans les indulgences qui ont au clair de lune
Leurs habitudes. Mais laissons ces défaillances
Rétrogrades, s'il se peut, aiguiser sur lui
Leurs séductions, Crispin savait qu'il requérait
Pour son délassement un tropique prospère,
Une zone abondante, épineuse, opiniâtre,
Dense et harmonieuse mais d'une harmonie
Qui ne fût raréfiée non plus que clarifiée
Pour les instruments que des frettes trop civiles
Inhiberaient. Ainsi, il allait, ballotté
Entre une Caroline du temps d'autrefois,
Un rien juvénile, toquade de jadis,
Et la présentation visible, circonspecte
Tirée de ce qu'il voyait par-delà la proue.
Arrivée du héros poétique, sans palmes
De jonglerie, sans regalia. En arrivant,
Il vit que l'on était au printemps, en ce temps
En horreur au nihiliste ou bien au chercheur
Du fécond minimum. Alors fut abrogée
La fiction du clair de lune. Le printemps,
Bien que coquettement en débat dans ses voiles,
Irisé de rosée et de senteurs hâtives,
Était une marionnette gemmée pour lui
Qui recherchait une nudité musculeuse.
Un fleuve transporta le vaisseau vers les terres.
Le nez au vent, il inhala la rancissure
Des résines, senteurs bourrues d'humides grumes,
Émanations exhalées des portes des docks,
La rafale des cordes, corruption des balles,
Et toutes les autres insignes puanteurs
Qui l'épaulèrent dans le parachèvement
De son esthétique râpeuse. Il savoura
Les odeurs pénétrantes en sensualiste.
Il observa le sol spongieux près du ponton,
L'épi du tortillard, la barrière pourrie,
Plan d'études pour le potache merveilleux.
Il en fut purifié. De la sorte, il perçut
Combien il ne voyait jamais ce qu'il voyait.
Il assura plus fort sa prise sur la prose
Essentielle qui, dans un monde si faussé,
Était la seule intégrité qu'il pût avoir,
La seule découverte qu'il pût faire encore,
Pour quoi tous les poèmes étaient incidents,
À moins que cette prose se montrât à même
De revêtir enfin l'allure d'un poème. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
IV.
L'idée
d'une colonie
|
|
Nota:
son sol est l'intelligence de l'homme.
Voilà qui est mieux. Voilà qui vaut bien la peine
De traverser les mers. En un seul laconisme,
Crispin dépouilla sa dérive nuageuse
Puis il planifia une colonie. Exit
Le clair de lune mental, exit lex, exit
Rex et principium, exit tout le fourbi.
Exeunt omnes. Ici était une prose
Plus exquise qu'aucune culbute de vers:
Un continent, encore intact, où s'établir.
Quel était l'objectif de son pèlerinage,
Indépendamment de ce que qu'en pensait Crispin,
Sinon, tout étant dit, de déloger des cieux
Les ombres de ses pairs et faire prévaloir,
Tirée de leur intelligence défraîchie
Dès lors libérée, une neuve intelligence?
D'où les échos réverbérant au sein des mots
De ses premiers hymnes centraux, les célébrants
Des riens les plus rancis, éprouvant la vigueur
De son esthétique, de sa philosophie,
D'autant plus désirée qu'elle était plus ingrate:
Le fleuriste requérant le secours des choux,
Le crésus qui va nu, le paladin qui tremble,
L'homme aveugle fait astronome, la puissance
Conférée qui demeure imbrandie par dédain.
Son périple vers l'ouest finit et commença.
Le tourment du précis de la pensée fléchit,
Un autre, bien plus belliqueux, alors survint.
C'est pourquoi il rédigea ses prolégomènes
Et, de nature capricieuse, il inscrivit
Des souvenirs et des prophéties pêle-mêle.
Il opéra un collation singulière.
Ainsi: les natifs de la pluie sont des pluvieux.
Bien qu'ils peignent des lacs d'azur resplendissants
Et les coteaux d'avril d'un bois et rose et blanc,
Leur azur vous a quelque chose de brouillé,
Leur rose et blanc et l'eau brillante aux cornouillers.
Dans leur musique passent des plains-chants d'ondées.
De quelle étrange écume est follement épris
L'Indien rudimentaire, de quelle résine
De plançon édénique, quel caillot miellé,
Quelle lichée charnue
distillée d'innocence,
Que la zébrure d'or vienne en lui s'exprimer
Ou muser au sein de ses mots et ses images?
Si de telles instances rudes se récusent
Soi-même sous la contrainte de la rudesse,
Que le principe en soit des plus patents. Crispin
Se démenait pour en faire l'application
Abhorrant le Turc en qualité d'Esquimau,
Le luth pour marimba,
le magnolia pour rose.
Suite à l'exposition de semblables prémisses,
Il projeta une colonie, prévoyant
Qu'elle s'étendrait jusque dans le crépuscule
D'un sud de sifflement dans l'en dessous du sud,
Un hémisphère d'île à vaste embrassement.
L'homme en Géorgie qui s'éveille parmi les pins
Devrait être porte-parole des pinèdes.
L'homme sensible, qui sème dans la Floride
Ses noyaux primordiaux, devrait les repiquer,
Non pas sur le psaltérion, mais sur le banjo
Au boyau catégorique, rapataplan,
Au moment où ses baies clapotaient de flamants.
Les señors sépulcraux, lampeurs de mescal pâle,
Oublieux des almanachs aztèques, devraient
Amener la Sierra intriquée à scander.
Et les Brésiliens noirs, rêvassant au café
Des dits immaculés et pampéens devraient
Gribouiller une vigilante anthologie
Qui leur soit transparente amour la plus récente.
Ces instances sont très générales. Crispin,
Géniteur d'une étendue aussi extensive
N'était pas indifférent au détail bien vu.
Le melon devrait avoir un rite assorti,
Célébré en parement viride, et la pêche,
Quand ses branchages bruns débutent leurs bourgeons,
Belle jour, devrait avoir une incantation.
De même, lorsque empilé sur des plats d'argent,
Son arôme embaume l'été, elle devrait
Recevoir et sacrement et célébration.
Des catéchumènes à l'esprit acéré
Devraient être les clercs de notre expérience.
Ces fades excursions dans le temps à venir,
Liés dans la romance à des envols inverses,
Quand bien même prodigues, quand bien même fières,
Comprenaient dans leur effusion le reproche
Qui jeta tout d'abord Crispin dans son errance.
La contrefaçon ne pouvait le contenter,
La mascarade de la pensée, l'infortune
De mots qui doivent démentir la mascarade
Torturante, les fioritures fictives
Qui prédéterminaient son permis
de passion,
Ajustement de manteau, degré de boutons,
Mesure de son sel. Ce genre de sornettes
Était sans doute bon pour assister l'aveugle,
Mais non pas lui, madré avec sérénité.
L'irritation fut plus forte que sa patience.
Il s'ensuivit alors que, préférant le texte
À la glose, il entra humblement au service,
Sous les espèces d'un grotesque apprentissage,
De l'événement dans son hasard, clown, peut-être,
Mais alors aspirant clown. Il est, dans nos rêves,
Un babil monotone, par quoi ils deviennent
Des héritiers à notre charge, et héritiers
Des rêveurs enfouis dans notre sommeil, et non
Les imminentes fantaisies d'une naissance
De meilleur aloi. Ces rêveurs étaient connus
De l'apprenti. S'il rêvait leurs rêves, c'était
Précautionneusement. Tout rêve
est contrariant.
Biffons-les donc tous, laissant le lapin courir
Et le coq proclamer. Babiole de pastiche,
Arborant des feuilles de bleuités avec
Crispin pour estampeur sur la pointe des pieds?
Non, non: page sur page véridique, exacte. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
V.
Un
doux foyer ombreux |
|
Crispin en qualité d'ermite, pur, capable,
S'établit dans ce pays. Peut-être que si
Le mécontentement avait gardé en lui
Le réaliste lancinant, qui fait le choix
De son élément dans la confection bouffonne
D'était et est et va être ou bien devrait être,
Par-delà Bordeaux et par-delà La Havane,
Plus loin encore que le Yucatán taquin,
Son objectif eût été de coloniser
Son statut de planteur polaire et au nuage
De son genou de faire giguer ses loupiottes
Mais sa noble entreprise selon cette idée
Bientôt se fut éclipsée. Crispin s'établit
Dans ce pays et s'y établissant glissa
De son continent, par lente suspension,
Vers les choses au sein de sa vision présente,
Aiguëment conscient de la difficulté
D'une pensée rebelle quand le ciel est bleu.
Le bleu gâta le vœu. Peut-être l'achillée
Dans ses champs scellait-elle le pourpre pensif
Sous son exploitation. Jour après jour, pourtant,
Tantôt ceci, tantôt cela le confina,
Tout en le cajolant et en le conciliant,
Peu à peu, comme si le décontenançait
Le sol suzerain par carrousse
à s'abaisser
Tout en s'attachant — ce qui paraissait
Un dénouement à l'aveuglette. Le premier,
En qualité de réaliste, il concéda
Que celui qui courre un continent matinal
Peut bien, après tout, s'arrêter soudainement
Devant une prune et s'en trouver contenté
Et demeurer réaliste. Les mots des choses
Empêtrent et confondent. La prune
survit
À son poème. Elle peut bien être appendue
Dans l'éclat du soleil placidement, teintée
Par les obliquités émoulues des passants
Qu'elle surplombe, arlequinée et par dédales
Emperlée de rosée et mauve d'éclosion.
Elle survit cependant dans sa propre forme,
Par-delà ces changements, fruit goûteux, dodu
Et de franche lippée. Aussi Crispin mit-il
Le loquet sur la forme, pour lui, survivante
De va être ou bien de devrait être dans est.
Lui fallait-il le corner au plus profond cuivre,
Par reni de son rêve en requiems fugués?
Commercer avec de plus vastes choses feues
Par larmoiements de tam-tams lacérant les cieux?
Gribouiller un testament de tragédien?
Prolonger en glas inactif sa force active,
Qui, pour les appels et rappels des musiciens,
Ne pourrait jamais l'appeler autre que mort?
Prononcer amen par des chœurs dans le repli
Des nuées les plus extrêmes? Parce qu'il a
Bâti une hutte, qui planifiait un jour
Loquaces colonnes près la mer surrective?
Parce qu'il en revint aux sillons à salades?
Crispin le jovial, en crêpe calamiteux?
Aurait-il dû se déprendre du personnel
Et de sa destinée façonner une instance
De toute destinée? Qu'est-ce que c'est qu'un homme
Au milieu de tant d'autres? Que sont tous ces hommes
Dans un monde ainsi fait? Est-ce qu'un homme peut
Penser à une chose et la penser longtemps?
Est-ce qu'un homme peut
être une seule chose
Et l'être pour longtemps? Ce même contempteur
D'honnêtes courtepointes gît capitonné
Jusqu'au chef dans son dépit. Pour le réaliste
Ce qui est est ce qui devrait être. Ainsi donc,
Une fois sa hutte bâtie de bric et broc,
Et ses arbres plantés, sa duègne apporta
Sa blonde prismatique et la lui mit aux mains.
Les rideaux palpitaient, la porte fut fermée.
Crispin, ce magister d'une unique chambrée,
Mit la nuit sous loquet. Le son qui s'abattit
Fut si profond qu'on eût dit que la solitude
Les celait, les recouvrait, lui et la concorde
De son sommeil. Le son qui s'abattit était
Si profond qu'il devint un silence sans fin
Et comme prophétique et tout d'abattement.
Les criquets dans le vent battaient de leurs tambours,
Marchant sur une marche immobile, gardiens.
Au presto du matin, Crispin allait bon pas
Chaque jour, toujours curieux, quoique sa tournée
Fût moins épineuse et beaucoup plus exemplaire
Qu'il ne l'avait autrefois jugé nécessaire.
Tel Candide, franc-tenancier, gratte-papier
Mais avec une figue en vue, et de la crème
Pour cette figue et de l'argent pour cette crème,
Une blonde pour coiffer l'argent et goûter
Les marcs de ces caillots. Bonne étoile, combien
Cela qui devra être leur fut un recuit
Dans leurs paillardises de hutte! Cependant,
Le quotidien sape aussi bien les philosophes
Que les hommes à la semblance de Crispin
Qui leur ressemblent quant à leur but, si ce n'est
Quant à leur volonté, de traquer les faquins
De la pensée. Mais un quotidien composé
Tel le sien, de galons pour petit-déjeuner,
De fruits servis dans leur feuillage, la mésange
Et la casse et la rose, même si la rose
N'était pas noble épine à ample crinoline,
Mais d'une langueur douce, composé de soirs
Pareils à des volets fendillés grands ouverts
Sur la chiffonnade de derrière, de nuits
Dans lesquelles ces frêles gardiens regardaient,
Indifférents au froid de la tiédeur d'été,
Tandis qu'il ouvrait son cœur aux lèvres de celle
Qui près de lui reposait, le quotidien
De cette espèce sape ainsi que le soleil,
Fortuneur véritable. Pour tout ce qu'il prend,
Il verse un lucre gibbeux par décaissement
Extrait du descellement de fiscs
mouchetés. |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
VI.
Et des
filles à frisettes |
|
Énonciation de poids, syllabe avec syllabe
Sanctifiée s'unissant, et son tout bouillonnant
De félicité par cantilène, tendresse
Prolifique et tourmentante de la musique
Tandis qu'elle survient à l'unisson, s'assemblent
Et clochent hardiment l'ultime déduction
De Crispin. Violonons d'une fière douceur
Son prononcement et son divis grandioses.
Les loupiottes vinrent pour sa gigue, œil bleuet,
Mains dépourvues de toucher quoique fort poignantes,
Sans laisser de place au nuage du genou,
Joint prophétique, pour son jeune plus divin.
Cette rentrée dans la nature sociale,
Une fois commencée, anabase
ou culbute,
Ascension ou chute, le plaça aux prises
Avec une telle densité d'obstétrique
Que sa hutte fut comptée comme phylactère,
Puis lieu de palanquins vexatoires, puis nid
De bambins grignotant la vacuité sucrée,
Enfants quoique d'un grand âge éminent, puis dôme
Et dogme pour les femmes dépourvues de tresse,
Vertes gaveuses des fruits verts de l'univers,
Dans l'enchère et dans l'escompte de ses extases,
Vraies filles de Crispin autant que de sa glaise.
Tout ceci en sus de moult mulctages de l'homme,
Colonisateur effectif en arrêt brusque
Dans l'avant-cour près de sa vaste effloraison.
Mais que cette effloraison dans sa plénitude,
Montrant des fèves de sa future rondeur,
Nuances puériles de rouges muables
Et épicés, en vînt à complexifier
L'arrêté en fataliste plein d'indulgence
Était inattendu. En premier lieu, Crispin
Vit avec faveur sa demoiselle toute or,
Qui paraissait habitante d'une contrée
De capucins, si délicate dans sa fleur
Et si humble dans l'œil, absorbée au souci
D'un coronal de choses secrètes, étranges.
Secundo, vit une seconde, similaire
Contrepartie, une pucelle sororale
De la première, qui ne s'éveillait encore
Hormis au pas maternel, mais s'émerveillant
Par moments devant l'agitation du sommeil.
Tertio, une chose d'un blond presque blanc
Dans la lumière, vigne sous de prestes feuilles.
Quarto, frimas simple ébaubi de brimborions,
Tout chambard et glouglou, rose comme un blasphème.
Quelques années passant, le capucin vermeil
Fournit à la hutte, plus altière qu'avant,
Le dulcifiant augure séant à ce toit.
La deuxième sœur batifolante hésitait
À faire sortir le tout empenné lui-même
De ses rapiècements, étreigneuse brûlante.
La troisième, bouche bée devant les loriots,
Se lettra par elle-même avec bienséance
Comme il sied à une poétesse nacreuse,
Toute en langueur de rhapsodie. La quatrième,
Contenue désormais, curieuse d'un doigt.
Quatre filles dans un monde trop intriqué
En son commencement, quatre instruments folâtres
Aux pavanes divergeant, quatre voix plurielles
En une couche, quatre personnae de plus,
Intimes autant que bouffes, quoique plusieurs,
Quatre bleus miroirs qui devraient être d'argent,
Quatre lumières exactement identiques
Diffusant une chromatique au noir hilare,
Quatre poseuses de questions et puis quatre
Donneuses de
réponses emplies d'assurance.
Crispin tira de la débâcle une doctrine.
Le monde, jadis navet de prompte cueillette,
Ensaché et envoyé par-delà les mers,
Débarbouillé de son ancien mauve, épluché
Jusqu'au fertile principe, puis replanté
De la main du plus inflexible réaliste,
Surgit reproduit en mauve, fonts familial,
Le même insoluble grumeau. Le fataliste
Fit son entrée et laissa dans son jabot choir
Le gloussement, sans grâce ni grommellement.
Marquez cette anecdote, inventée pour son suc,
Doctrinale dans son dessein et non sa forme,
Comme en a décidé Crispin, prononcement
Déguisé, et sommaire, compendium d'automne,
Stridente en soi mais muée, musée, revenue
Parfaitement dans ces accents de poids, syllabes,
Ces sons d'une musique atteignant un accord
Dans son giron ainsi qu'en leur sphère inhérente,
Ces proclamations séraphiques du pur
Proférées avec un débordement d'élan.
Ou si la musique poisse, si l'anecdote
Est erronée, si Crispin n'est qu'un philosophe
Sans profit, débutant par vantardise verte
Pour se conclure de façon fanée, si, homme
Enclin aux fâcheries, il faiblit dans son goût,
Versatile et ganache, variable, obscur,
Glosant sa vie par secousses d'après brillance,
Illuminant, en partant d'une fantaisie
Gorgée d'apparition, le commun, l'ordinaire,
Confisquant à l'année son émoi, fabriquant
Des goulées de potions par gouttes tapageuses,
Et, par la distorsion, prouvant que ce qu'il prouve
N'est rien, en quoi cela peut-il importer puisque
La relation atteint, bénignement, sa fin?
Que de tout homme ainsi tranche la relation. |