Billancourt

 

En 1192, Notre Dame d'Auteuil est érigée en paroisse ; son territoire, immense, couvre Auteuil, Passy, le bois de Boulogne et Boulogne alors appelé Menus-lez-Saint-Cloud. Du Breuil, dans son Théâtre des antiquités de Paris, nous apprend qu'en février 1319 le roi Philippe V le Long " donna permission aux citoyens de sa bonne ville de Paris et aultres, qui avoient été en pèlerinage visiter l'église Nostre-Dame de Boulogne-sur-la-Mer, de faire bastir et construire une église au village de Menus-lez-Saint-Cloud, et en icelle instituer et ordonner une confrairie entre eux." Construite sur le modèle de celle de Boulogne-sur-Mer, cette église reçoit le nom de Notre-Dame de Boulogne-sur-Seine, et comme en 1329 le pape Jean XXII lui accorde beaucoup d'Indulgences elle devient le principal lieu de pèlerinage des Parisiens sous le contrôle des Dames de l'abbaye de Montmartre. En 1343, Foulques de Chanac, le 88° évêque de Paris, érige cette église en paroisse détachée d'Auteuil ; mais cela ne concerne pas Billancourt qui reste rattaché à la paroisse d'Auteuil. Billancourt comprend la portion de la boucle de la Seine jusqu'à approximativement les avenues actuelles du Général Leclerc et Edouard Vaillant, incluant plusieurs îles dont celle de Longueignon, qui forme un fief à elle seule, et l'île du Pont où passera le premier pont de Sèvres.

En 1150, le chevalier Arnold de Chailly donne à l'abbaye de Saint-Victor-des-Champs une petite ferme située à Billancourt. En 1173, Pierre de Saint-Cloud donne son fief de Longueignon à cette même abbaye qui, par donations et achats successifs, étend ses possessions sur Billancourt, à la grande inquiétude du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois qui perçoit les dîmes sur le sud d'Auteuil (sur le nord d'Auteuil, les dîmes sont perçues par l'abbaye de Sainte-Geneviève, seigneur d'Auteuil). Peu à peu le domaine devient important et est loué, en 1426, à Guillaume le Muet : "ung hostel et pourprins appellé l'ostel de Billencourt tout ainsi qu'il se dilate, comporte et estend de toutes pars, tant en granche, court, coulombier et jardins, comme en terres labourables, prez, ysles, seigneurie, saulsoys et aultres appartenances d'icellui hostel, assis sur et près de la rivière de Seine, lez la ville d'Autheuil."

En 1621, l'abbé de Saint-Victor loue, par bail emphytéotique, à Germain de Rebours, conseiller du roi en son conseil privé et procureur général en son grand conseil, la seigneurie de Billancourt avec haute, moyenne et basse justice, 90 arpents de terre, deux îles et une maison avec écurie, étable, bergerie et grange. (En 1624, un François de Rebours est nommé Capitaine des chasses du Bois de Boulogne, sans doute un proche parent.) Cependant la rivalité entre les chapitres de Saint-Victor et de Saint-Germain-l'Auxerrois mène à un procès et le 20 mars 1683 le Conseil du roi attribue la possession des deux îles de Billancourt à l'abbaye de Saint-Victor.

Peu à peu les occupants de la seigneurie de Billancourt négligent de verser les dîmes à l'abbaye de Saint-Victor et c'est à nouveau une succession de procès. Pour mettre fin à tous ces désordres, un arrêt du 22 octobre 1779 réunit à la Couronne les deux îles de Billancourt ; mais monseigneur Antoine de Malvin de Montazet, abbé de Saint-Victor et, depuis 1759, archevêque de Lyon, fait valoir que tous ses baux ont toujours été confirmés par lettres patentes du Parlement et obtient ainsi, le 10 avril 1781, la reconnaissance de ses propriétés à Billancourt.

A la Révolution, l'abbaye de Saint-Victor-des-Champs disparaît, Billancourt est vendu, passe de mains en mains, et est loti à partir de 1825. L'île Longueignon est occupée par les magasins de subsistances militaires et la petite reçoit les établissements de tannerie de M. Seguin, avant d'héberger les usines Renault en 1898.

Le 9 février 1859, Napoléon III décrète : "Il sera procédé à l'accomplissement de toutes les formalités énumérées dans le titre I de la loi du 18 juillet 1837, au sujet de l'extension projetée des limites de Paris jusqu'à l'enceinte fortifiée.". Lors de l'enquête, le 14 mars, Billancourt, fraction d'Auteuil située hors les fortifications, demande à être érigé en commune au lieu d'être réuni à Boulogne. Cette demande est refusée par Haussmann qui précise : "L'avis exprimé au nom d'Auteuil est donc celui d'une imperceptible mais très active minorité." (Il faut avouer que la population de Billancourt n'était pas majoritaire dans le district de Saint-Denis !). Et c'est ainsi que par la loi du 16 juin 1859 Billancourt est détaché d'Auteuil pour être annexé à Boulogne qui prend alors le nom de "Boulogne-Billancourt".

Certains rêvent encore aujourd'hui de l'indépendance refusée en 1859. Mais songent-ils que d'autres, dans la discrétion de leurs cabinets, envisagent simplement d'annexer Boulogne, Neuilly, Levallois, Clichy et Saint-Ouen afin de donner une frontière naturelle à l'ouest de Paris ?

© Hubert DEMORY

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