Les glacières du Bois de Boulogne
L'objectif de la Ville de Paris est d'empêcher, en créant ses propres glacières, le quasi monopole de la glace d'augmenter les prix. Il faut donc trouver la possibilité d'emmagasiner, en un seul endroit et en peu de jours, 10 000 tonnes de glace et de préférence non loin des lacs du Bois de Boulogne. C'est Alphand, bien sûr, et l'ingénieur J. Darcel qui sont chargés du projet. Ce projet est approuvé pour 250 000 F. par décision ministérielle du 13 novembre 1857.
L'emplacement choisi est situé entre les fortifications et le chemin de fer de Paris à Auteuil, près de la rue du Puits Artésien, c'est à dire aujourd'hui entre le boulevard Lannes et le boulevard Flandrin, près de la rue Dufrénoy. Exactement, c'est l'emplacement, en face de l'ambassade actuelle de Russie, composé par les immeubles du 41 au 49 sur le boulevard Lannes, les 27 et 29 rue Dufrénoy et du 17 au 25 sur le boulevard Flandrin. C'est grâce au forage du puits artésien de Passy que l'emplacement est choisi. En effet ce forage a montré qu'un banc de roche de 15,50 mètres d'épaisseur reposait sur une couche absorbante de sable granuleux ; ainsi l'eau provenant de la fonte de la glace aura un écoulement facile dans les sables sous-jacents.
La Ville de Paris ne distribue pas directement la glace mais loue les glacières et se fait rembourser les coûts d'enlèvement et de transport de la glace des lacs. Le 11 mars 1859, le conseil municipal décide de mettre en adjudication les 1 500 tonnes de glace emmagasinée au prix de 2 francs les 100 kilos, le prix de vente au détail ne pouvant dépasser 10 francs les 100 kilos pour des livraisons de 25 kilos et plus, et 20 francs les 100 kilos pour des quantités inférieures. Le 25 mars la soumission de M. Louis Bernard Elie Gousset, 54 rue de Bourgogne, est acceptée pour ces prix. M. Gousset respectera le prix maximum fixé alors même que la chaleur de juillet 1859 fera monter les prix à 25 francs les 100 kilos ; ainsi dès la première année les glacières de Boulogne respecteront leur mission : par leur importance empêcher la disette et la hausse des prix. Mais la chaleur continue et le 23 août il n'y a plus de glace. M. Gousset est alors autoriser à importer de la glace de Norvège qui arrive par bateau jusqu'au Havre puis par le train jusqu'aux glacières de Boulogne. Le 16 novembre 1859, on prépare une nouvelle adjudication, avec les mêmes conditions financières, pour la vente des glaces emmagasinées pendant les hivers 1859-1860 à 1863-1864 soit 5 ans. C'est encore M. Gousset qui remporte l'adjudication le 3 février 1860.
Les années passent. Mais le 4 janvier 1868, en voulant, au moyen de torches, chauffer un tuyau complètement gelé, un manoeuvre met le feu à l'un des pavillons. Malgré l'intervention des pompiers de Passy, trois pavillons sont totalement brûlés. Il faut importer de la glace du Danemark, de Norvège et de Suisse en attendant d'achever la reconstruction des glacières. Il faudra 58 hommes pendant 2 jours pour nettoyer.
Les glacières du bois de Boulogne sont officiellement rendues à la Ville de Paris le 15 janvier 1899 et aussitôt démolies. Les matériaux sont vendus par adjudication publique le samedi 11 février 1899 à 13 heures 30 au Palais du Tribunal de Commerce. L'emplacement est divisé en 9 lots vendus pour y construire, vers 1903 - 1905, des immeubles de rapport. La Société anonyme des Glacières de Paris installera en 1899, au 45 rue de Meudon à Billancourt (quartier faisant, avant 1860, partie du village d'Auteuil), 3 machines capables de fournir 300 tonnes de glace par jour, soit 110.000 tonnes par an, qui seront livrées par 200 chevaux et 150 cochers.
© Hubert DEMORY