Les omnibus d'Auteuil à Paris
Vers 1823, Stanislas Baudry crée un réseau de transport en commun à Nantes : une voiture d'une dizaine de passagers tirée par des chevaux. "Le terme omnibus semble provenir de l'endroit où stationnaient à Nantes les voitures, devant le magasin d'un marchand de chapeaux nommé Omnes, qui avait pour enseigne : Omnes Omnibus." [jeu de mots signifiant Omnes pour tous, ndlr] , explique Alfred Fierro dans son Histoire et Dictionnaire de Paris. Et c'est sous le nom de Entreprise des omnibus que Baudry s'installe à Paris. Le succès est immédiat et aussitôt de nombreuses entreprises concurrentes se créent à Paris : les Favorites, les Carolines, les Diligentes, les Béarnaises, les Hirondelles, les Parisiennes, les Joséphines,... etc. Et ce service gagne très vite la banlieue de l'époque, qui a et aura toujours des problèmes de communication avec le centre de Paris.
Par lettre du 8 août 1836, M Toulouse, directeur de l'administration des Messageries Jumelles, "s'engage à continuer le service des voitures Jumelles-Omnibus d'Auteuil à Paris en correspondance avec l'administration des omnibus à la barrière de Passy, et de faire prolonger ce service jusqu'à Paris, 9 rue du Bouloi [bureau des diligences pour Dieppe, Le Havre, Bordeaux et Pau] , sans changer de voiture à la barrière de Passy." C'est une amélioration par rapport au service créé le 4 juin 1835. Enfin une liaison directe !
Dans sa séance du 20 août 1836, le conseil municipal d'Auteuil
"autorise M Toulouse à faire stationner et arrêter ses voitures
dans les rues et places suivantes de la commune :
1 - près le corps de garde du Point du Jour
2 - au carrefour des rues Boileau, Molière et Grande Rue
3 - au bout du Boulevard vers la rue de la Fontaine
Pour le service du 1 octobre au 1 avril :
- départ d'Auteuil à 8 h 15 puis toutes les 2 heures jusque et
y compris 20 h 15.
- départ de Paris à 9 h 15 puis toutes les 2 heures jusque et
y compris 21 h 15.
Ce nombre de départs sera augmenté du 1 avril au 1 octobre.
Le prix maximum est de 50 centimes les jours ouvrables et de 75 centimes les
jours de fêtes et dimanche".
Mais d'autres voitures publiques traversent Auteuil en direction de Paris et n'hésitent pas à charger un passager supplémentaire lorsqu'il y a de la place, voire à envisager d'établir une nouvelle ligne.
En octobre 1849, Mme Virginie Prévost, veuve Sciare, entrepreneur des
voitures publiques de Saint-Cloud à Paris, desservant Auteuil, fait une
soumission pour avoir le droit, à partir du 1 janvier 1850, de faire
stationner ses voitures et d'avoir un bureau sur l'emplacement occupé
aujourd'hui par les Jumelles-Omnibus, conjointement avec elles, aux conditions
suivantes :
"- Maintien du prix de 40 centimes en semaine et 60 centimes dimanche,
fêtes et après 10 h du soir
- Départ au moins toutes les demi heures
- Trois places seront réservées à Saint-Cloud pour les
voyageurs d'Auteuil du 1 octobre au 1 mars
- Un service spécial de 10 places sera établi du 1 mars au 1 octobre.
- Et versement de 500 F par an à la commune."
Le 3 novembre, le conseil donne son accord compte tenu du revenu pour la commune
et de l'intérêt pour ses habitants.
Aussitôt le maire, Philippe Musard, informe M Duval, entrepreneur des dites Jumelles-Omnibus de Saint-Cloud à Paris, de la décision prise relative au droit de stationnement et d'emplacement d'un nouveau bureau. Mais M Duval, par lettre du 8 novembre, refuse d'accueillir son concurrent. Le 10 novembre, le conseil donne tous pouvoirs à son maire pour poursuivre, s'il y a lieu, M Duval afin de faire respecter sa décision. Après négociations, le conseil municipal d'Auteuil fixe, le 19 décembre 1849, à 150 F par an et par entreprise "le droit de stationnement pour les voitures publiques traversant la commune d'Auteuil et qui s'arrêtent pour prendre ou déposer des voyageurs".
Face à toutes ces entreprises indépendantes, Haussmann impose aux dix entreprises parisiennes de se regrouper au sein de l'Entreprise générale des omnibus, ce qui se fait le 19 juillet 1855. Renommée Compagnie générale des omnibus (C.G.O.), elle regroupera après le 1 janvier 1860 toutes les entreprises de transport en commun de la banlieue annexée. Notons au passage qu'un dépôt restera longtemps près de la porte de Saint-Cloud, avant d'être repris pour les autobus de la R.A.T.P.
L'exposition de 1867 fait apparaître l'insuffisance de ce réseau de transport en commun et permet l'implantation, dès 1873, du tramway. Puis viennent le métropolitain et les "omnibus automobiles" appelés autobus. Le dernier voyage d'un omnibus a lieu le 11 janvier 1913, sur la ligne Saint-Sulpice - La Villette.
En 2003, la Ville de Paris constate l'insuffisance du réseau de transport en commun terrestre et décide l'implantation du tramway ... Qui osera dire que l'Histoire n'est pas un perpétuel recommencement ?
© Hubert DEMORY