Alains

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Aetius, avant de laisser Salvien à Orléans, lui dit amicalement :

- La situation est compliquée dans ces endroits. Les Alains ne sont pas aussi disciplinés que les Huns et ont beaucoup de problèmes avec la population. Je vous demande de discuter de vos observations et conclusions avec moi avant de les envoyer à Ravenne.

Accompagné des guerriers alains et romains, Salvien arrive au siège de Sangiban, jeune roi alain, sur le bord sud de la Loire. C’est une villa confisquée à un riche propriétaire gaulois. Salvien est logé dans une petite chambre de l’aile droite de la villa. Le premier soir, il est invité à dîner avec le roi.

Sangiban l’invite à s’asseoir à côté de lui avec un sourire jovial :

- Je suis né dans un fourgon quelque part en Germanie et j’ai grandi en Gaule. J’aime ce pays. Nous essayons de garder la combativité de nos guerriers afin de respecter nos obligations sur la défense de l’Empire et la maintenance de l’ordre légal. C’est pourquoi, nous tâchons de respecter le mode de vie de nos ancêtres du Caucase. Nous ne nous sommes même pas convertis au Christianisme.

En effet, une femme en robe blanche s’est approchée de la cheminée et nourrit avec une prière l’esprit du feu. Toujours souriant, le roi dit :

- N’oublions pas que la mère de Romulus était une vestale, prêtre de Vesta, l’esprit du feu. Elle a donc prêté serment de rester vierge. Mais, d’après les Romains, c’est Mars, dieu de la guerre, lui-même, qui lui a rendu visite.

L’assistance s’anime. Salvien note :

- J’ai vu un rite similaire chez les Huns.

L’air sérieux, Sangiban confirme :

- Nos ancêtres étaient aussi des cavaliers des steppes comme eux. C’est pourquoi, il y a beaucoup de similitudes. Particulièrement, avec une tribu hune «Saka» et les autres qui portent des noms semblables. On pense que nous et ces tribus descendrions des mêmes ancêtres. Maintenant nous parlons des langues très différentes, mais il y a beaucoup de Sakas qui nous ressemblent.

Salvien pose une question directe :

- Que pensez-vous de l’amitié entre Aetius et Attila ?

Sangiban le regarde attentivement et donne une réponse évasive :

- Les Huns ont vaincu nos ancêtres grâce à leur nombre et leur discipline. Mais avant, plusieurs générations ont vécu, côte à côte, assez pacifiquement. Aujourd’hui, ils sont forts comme jamais. Mais je ne pense pas à la Grande politique car nous n’avons que vingt mille guerriers. Aetius nous a donné les pâturages au centre de la Gaule. Nous envoyons d’ici, sur la demande des autorités romaines, nos détachements de cavalerie dans tous les coins du pays afin de lutter contre les bandits et contre les territoires qui ne respectent pas les lois romaines et refusent de payer les impôts. Dans trois jours, je partirai avec un millier de guerriers vers les Alpes Mancelles. Nous serons avec les percepteurs d’impôts du Mans et essayerons de trouver un arrangement avec les paysans. Je protège la vie de mes guerriers.

***

Les Alains suivent longtemps le bord de la Loire, ensuite ils traversent le fleuve près de Tours, se dirigent vers le nord et passent en chemin par le Mans. Ce n’est pas la route la plus courte, mais Sangiban discute de la situation avec les commandants des garnisons de ces villes aux citadelles puissantes et analyse l’information sur les Bagaudes. Puis le détachement suit la route du Mans à Alençon. Les Alains s’arrêtent sur le bord de la Sarthe et installent leur camp près d’une grande villa. Riboul, le propriétaire de cette villa, invite Sangiban avec quelques officiers et les percepteurs d’impôts du Mans à dîner et raconte ses problèmes :
- Notre famille vit au voisinage des insurgés des Alpes Mancelles depuis des générations. Dieu merci, ce ne sont pas des brigands comme dans certains autres endroits. Pourtant au début, il y a deux siècles c’était violent. Notre garde familiale repoussait difficilement les attaques des insurgés. Beaucoup d’esclaves ont fui. Puis a commencé l’époque de Ceneri. C’était le nouveau druide, qui interprétait Dispatere gaulois comme le Dieu tout puissant. Ceneri a trouvé un compromis avec les autorités romaines, a distribué la terre aux paysans, encouragé les jeunes à la création de foyers familiaux. Un jour, il s’est converti chrétien avec tous ses fidèles.

Le chef des percepteurs d’impôts dit d’une voix fatiguée :

- Cette année les habitants des Alpes Mancelles refusent à nouveau catégoriquement de payer des impôts.

Riboul est plus rassurant :

- J’espère qu’ils vont vous payer après les négociations. Bien sûr, ils tentent, encore une fois, de diminuer leurs impositions et seront assez fermes.

Sangiban regarde Salvien et propose :

- Peut-être, devons-nous brûler quelques hameaux afin de les terroriser ? Nous devons percevoir les impôts par tous les moyens. Nous avons nos commissions sur les impôts perçus et sommes donc motivés.

Alarmé, Riboul réplique :

- Il ne faut pas les irriter ! Ils peuvent se venger après sur ma famille. On dit que les Alains n’utilisent pas pour l’agriculture les terres qui leur sont attribuées comme le font des lètes germaniques. Sur la rive sud de la Loire, les Alains pourraient même pratiquer la viniculture et avoir les recettes d’un travail paisible.

Sangiban s’insurge sincèrement :

- Que mon peuple de nobles cavaliers se salisse avec des engrais et que les Alains deviennent puants comme vos pauvres paysans ! Jamais ! Nous n’utilisons effectivement que les prés et avons transformé beaucoup de champs de blé en pâturages. Mais nous n’avons besoin que d’avoir de l’armement, de l’harnachement et des vêtements corrects. Ne vous inquiétez pas, il vous suffit de tenir quelques jours. Mes guerriers viendront vite vous secourir. En plus, les garnisons d’Alençon et du Mans ne sont pas loin.

Riboul soupire :

- C’est pourquoi, nous continuons à habiter ici. Notre garde peut nous protéger des bandits qui passent sur les routes mais n’est pas capable de supporter la confrontation permanente avec les détachements de paysans des Alpes Mancelles. Nos paysans et colons souffrent aussi des impôts. Beaucoup d’entre eux veulent s’installer parmi ces montagnes mais, là-bas, il n’y a plus de terres libres.

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