Attale

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

Siège de Rome

En avançant avec son armée vers Rome le long de la voie Flaminienne, Alaric envoie successivement les évêques des différentes villes pour réitérer ses offres de paix. Il conjure l'empereur Honorius de sauver Rome et ses habitants des flammes et du fer de ses guerriers outragés. Mais le serment solennel empêche la cour de Ravenne de reprendre les négociations avec le roi des Goths. L'empereur se contente d'envoyer des messagers qui risquent leur vie pour transmettre au préfet de Rome des ordres, écrits dans des termes fermes et superbes, avec des rappels de l'héroïsme des ancêtres et des devoirs des citoyens, mais impossibles à exécuter.
Pourtant Alaric continue de montrer des signes de sagesse et d'humanité, étonnants pour un Barbare. Il utilise pour s'emparer de Rome un moyen doux, mais très efficace. Au lieu d'assaillir longtemps la Ville éternelle, il s'empare rapidement de la porte d'Ostie. C'est l'un des plus étonnants ouvrages des ingénieurs romains. Les môles artificiels s'avancent dans la mer et repoussent la violence des vagues, tandis que les plus gros vaisseaux sont en sûreté à l'ancre dans trois grands bassins, qui reçoivent la branche septentrionale du Tibre. On dépose les grains de l'Afrique dans de vastes greniers pour l'usage de la capitale.
Dès qu'Alaric se rend maître de cette porte stratégique, au mois de novembre 409, il exige des Romains une capitulation immédiate, en leur déclarant que sur leur refus, il ferait détruire les magasins d'où dépendent la subsistance de leur ville. Attale, le préfet de Rome, rencontre Alaric et discute avec lui longuement des conditions de la capitulation :
- Je ne cache pas que ma situation personnelle est très délicate. Comme préfet de la Ville éternelle, je dois, d'après les ordres de l'empereur, vous résister malgré toutes les circonstances. Si la ville capitule, je serai condamné par l'empereur à mort comme traître.
- Comment pouvez-vous nous résister ?
- Honorius m'ordonne de mobiliser la population, de lutter héroïquement et de passer à l'offensive.
Alaric rit :
- Les Romains ont perdu leurs vertus guerrières et vous n'avez pas ici de détachements de cavalerie dignes de ce nom. Votre empereur est d'une imbécillité exceptionnelle !
- Je sais bien que la résistance est inutile. Je demande après la capitulation votre protection car l'empereur ne me pardonnera jamais. D'ailleurs, je ne suis pas vraiment de la religion catholique, je ne suis pas encore baptisé. Je peux ainsi devenir un arien comme vous.
Alaric s'étonne :
- C'est un cas vraiment rare pour un haut fonctionnaire romain.
- Je suis né en Ionie et ai été élevé dans la religion païenne. J'aimerais bien recevoir le baptême des mains d'un évêque arien.
Le roi des Goths réfléchit :
- Votre situation ne vous dicte qu'une solution : après la capitulation de Rome, vous allier à moi contre Honorius.
Alaric s'arrête, puis il continue avec un sourire :
- Je vous propose, Attale, de devenir, vous-même, empereur.
Attale n'en croit pas ses oreilles :
- Moi, devenir empereur ! Mais comment ?

***

L'orgueil du Sénat est contraint de céder aux clameurs du peuple et à la terreur de la famine. Les sénateurs acceptent de placer un nouvel empereur sur le trône d'Honorius, méprisé par eux pour son incapacité à les défendre. Sur la proposition d'Alaric, après de brèves discussions, les sénateurs donnent le diadème impérial à Attale. Ce monarque reconnaissant nomme son protecteur maître général des armées de l'Occident. Ataulphe, avec rang de comte des domestiques, obtient la garde de la personne du nouvel empereur.

***

Ravenne. Onégèse parle à Attila :
- Incroyable ! La situation d'Honorius devient vraiment critique.
- C'est vrai. Je commence à admirer Alaric qui a réussi avec assez peu de moyens à imposer sa volonté à Rome.
- Je ne pouvais pas m'imaginer qu'un roi barbare puisse nommer un empereur romain quand nous avons discuté de l'éventualité de la conquête de Rome par les Huns. Maintenant c'est la réalité !
Le prince hun sourit :
- Oui, j'ai parlé alors de la candidature d'Aetius. Certainement, il conviendra mieux au rôle d'un empereur romain que cet Attale qui ne semble pas avoir beaucoup des vertus.
Il marque une pause volontaire, dévisage attentivement le savant esclave grec, avant d'articuler lentement :
- Mais il n'est pas exclu que tu seras, toi-même, mon ministre ou général même avant la conquête de Rome. Tu me conviens parfaitement car tu connais bien les civilisations romaine et grecque, en plus tu n'es pas corrompu étant un esclave. Aetius pour survivre sera bientôt inévitablement impliqué dans les intrigues de ce palais.
Onégèse rougit de cette supposition incroyable, mais pas tout à fait impossible :
- Excellence, je vous remercie de tout mon cœur de votre confiance.
Puis il se calme et parle hun :
- Nous allons travailler encore plus. Mais, moi-aussi je voudrais m'initier plus vite à la vie et à la culture hune. Quand envisagez-vous de visiter le camp des Huns ?
Un peu étonné, Attila regarde son jeune professeur, puis il sourit :
- C'est vrai, Ayta connaît beaucoup de chansons populaires et elle brode des choses remarquables. En plus, elle commence à parler grec et latin. Elle est vraiment très douée.

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