Saint-Augustin

Extraits du roman de Grigori TOMSKI, Les amis d’Attila, Editions du JIPTO, 2005, 360 p.
ISBN : 2–35175–003–9

L’été 430. Genseric refusa de quitter l’Afrique. La faible armée de Boniface perdit une bataille. Après cette victoire les troupes du roi vandale se répandirent dans les sept provinces fertiles africaines depuis Tanger jusqu’à Tripoli appelées «le grenier de Rome». Ils ne toléraient aucune résistance: la mort de l’un des leurs était vengée par la destruction de la ville devant laquelle il avait perdu la vie. Etant particulièrement féroces et cruels, les Maures et les donatistes se vengeaient de leurs oppressions et de leurs persécutions. Après sa défaite, Boniface se retira dans la ville d’Hippone qui fut immédiatement assiégé par les Vandales.

Son vieil ami Augustin, évêque de la ville, était malade. Consideré actuellement comme le premier grand philosophe chrétien, un des saint les plus estimés de l’Eglise catholique, il avait alors soixante-seize ans. Sa vie était remplie de réflexions et n’avait pas été exempte d’erreurs. Augustin était né à Tagaste en Afrique. Sa mère Monique avait été une chrétienne fervente et Patricius, son père, restait fidèle à la religion traditionnelle païenne. Les parents discutaient souvent de l’éducation de leur enfant et Patricius faisait tout afin que son fils reçoive une bonne formation. Augustin écrit dans ses «Confessions» qu’il menait dans sa jeunesse une vie qui mettait souvent au désespoir sa mère très pieuse. Marié tôt, après être devenu professeur de rhétorique, il adhère à la secte manichéene. Il habitent Rome et Milan. Mais après sa conversion à trente-deux ans, ses moeurs furent toujours pures et austères, il consacra sa vie à la lutte contre les hérésies de toutes les dénominations : des manichéens, des pélagiens, des donatistes et d’autres.

Le comte Boniface visite son ami malade. Couché dans son lit, l’évêque dicte à son secrétaire. Son ami Possidius, évêque de Calama, est assis à ses cotés. Augustin regarde tristement le comte:

- Mon fils, l’Afrique est en flamme ! Ces hérétiques et incroyants font des atrocités inouïs. Seul la vraie foi peut sauver l’humanité. Je voudrais te conseiller ...

La voix d’Augustin faiblit. Un valet lui donne à boire. Boniface se pelotonne en attendant un conseil, impossible à refuser d’un homme saint.

- Je voudrais te conseiller de parler avec ta femme ...

Surpris, le comte tressaillit. L’évêque le regarde attentivement dans les yeux :

- Obtient de ta femme la permission de passer le reste de ta vie au service de Dieu. Elle peut partir pour l’Espagne vivre avec ses riches parents. Les Vandales ne sont plus là. Pourquoi continuer les plaisirs charnels ? Si tu le fais, Dieu écoutera tes prières et te pardonnera tes fautes et tes pêchés. Tu pourras alors sauver l’Afrique des Vandales.

Boniface se redresse :

- Non, je ne peux pas devenir moine ! Je dois commander mon armée et me battre contre les ennemis de l’Empire ! Sauver l’Afrique ... l’Espagne ... tout l’Empire.

Augustin dit lentement mais d’une voix haute :

- Tu continueras à commander ton armée mais comme un vrai guerrier du Christ ! Tu pourrais devenir le grand fondateur de l’Etat chrétien soutenu par l’Eglise militante.

En voyant l’expression désemparée du visage de son ami, l’évêque n’insiste plus :

- Tu pensais peu à ces questions bien que nous en ayons déjà discuté. Afin de bien assimiler ces idées il faut lire et réfléchir sur chaque proposition. Je te donne mes oeuvres : plus de deux cents livres et traités sur différents sujets théologiques, une explication complète des Evangiles et des psaumes et d’autres oeuvres.

Boniface s’exclame involontairement :

- Mais je n’aurai pas le temps de lire tout ça ...

Augustin fait une grimace comme s’il avait une douleur aiguë. Le comte se mord la langue et regarde son ami avec compassion. L’évêque lui tend un livre :

- Lis et laisse-le comme un souvenir de moi. C’est une version abrégée de la «Cité de Dieu» que j’ai adaptée pour toi. Il me reste peu de temps à vivre. Je te demandes de sauver avec mon ami Possidius tous mes livres et les transmettre au Pape. Viens parfois discuter avec moi. Peut-être, trouveras-tu encore la voix de Dieu.

***

Augustin est mort le 28 août de 430 au troisième mois de siège. Ce siège dura quatorze mois. La ville était approvisionnée grâce à la voie maritime. Les environs étaient ravagés par les Vandales. Mais leur armée fut forcée par la famine de lever le siège. L’empereur Théodose envoya sur la demande de Placidia le général Aspar avec une armée et une flotte. Mais les forces réunies sous les ordre de Boniface ont été de nouveau vaincues par Geneseric.

L’Afrique était perdue. Les restes des troupes s’embarquèrent avec précipitation et les habitants d’Hippone obtinrent la permission d’occuper dans les vaisseaux les places des soldats tués ou faits prisonniers par les Vandales. Dans ces moments de désespoir et de panique, Boniface n’oublia pas son ami défunt. Tous les livres et oeuvres d’Augustin furent sauvés.

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